« La vie, c'est comme une boîte de chocolats : on ne sait jamais sur quoi on va tomber ».
Telle était la devise d’Elijah Lockwood, 25 ans, résident de Londres depuis sa naissance. Si un jour, on lui avait dit que ça collerait parfaitement à sa vie, il aurait ri aux éclats.
En effet, le jeune homme était quelqu’un d’on ne peut plus banal. Cheveux bruns et bouclés, yeux bleus, teint pâlichon, petit ventre à bière naissant, un mètre soixante-quinze. Une taille moyenne pour un type moyen.
Pas de passion particulière, ni de talent d’ailleurs. Il faisait de son mieux dans la vie, exerçait son job de serveur correctement, ne cherchait jamais les ennuis. Il était même plutôt du genre à les fuir comme la peste. Pourtant, sans qu’il ne sache pourquoi, il y avait toujours une tuile qui lui tombait sur le coin de la figure. Monsieur Poisse.
Ses amis, qui le surnommaient « papy », le trouvaient parfois un peu ennuyant. Elijah sortait très peu, les soirées avec ses amis se faisaient rares, c’était donc d’autant plus apprécié lorsqu’il les honorait de sa présence. Il ne buvait jamais à outrance ; il n’était pas du genre à se saouler quasiment tous les soirs. Il vivait sa petite vie tranquille et ne relevait pas lorsqu’il se faisait appeler « papy » bien que ça l’agaçait la plupart du temps. Cependant, il savait très bien qu’il n’y avait rien de méchant et que ses amis le taquinaient.
Elijah ne partageait sa vie avec personne et cela lui convenait parfaitement, bien que Shiloh, son meilleur ami et collègue, s’entêtait à vouloir le caser avec une des filles qui travaillait avec eux. Elijah refusait en prétendant qu’il trouverait la bonne personne en temps voulu. En réalité, il était juste mort de trouille à l’idée de parler à une fille qui le trouverait probablement sans intérêt. Parce que c’était ce qu’il était.
Il se laissait porter par les événements et subissait sa propre vie mais, au fond, il espérait secrètement que quelque chose vienne ébranler son train-train quotidien.
La journée du jeune homme débutait au son du radio-réveil, à sept heures tapantes. Il l’avait programmé sur la BBC Radio 1 et se levait avec l’émission de Nick Grimshaw, The Radio 1 Breakfast Show . Il en était ainsi pour tous les jours où Elijah était de service le midi. Les autres jours, il se levait un peu plus tard, vers dix heures.
Il n’avait pas très bien dormi, cette nuit-là. Il s’était réveillé plusieurs fois à cause de bruits diverses. Il trouva cela étrange, lui qui était doté d’un sommeil relativement lourd. Il pourrait y avoir une tempête à côté de lui qu’il ne l’entendrait pas.
Il fut très fortement tenté par quelques minutes de sommeil supplémentaires mais se ravisa aussitôt. S’il n’ouvrait pas les yeux de suite, il le regretterait. Il aurait préféré dormir un peu plus mais c’était une mauvaise idée. Ce n’est jamais très agréable de travailler mais il faut bien gagner sa vie, n’est-ce pas ?
Elijah s’assit au bord de lit, la tête dans le brouillard. Les coudes appuyés sur les genoux et la tête entre ses mains, il réfléchit à la journée qui l’attendait : flâner jusqu’à onze heures, service de onze heures trente jusqu’à quatorze heures, il irait sûrement se promener du côté de Hyde Park avant de rentrer et se reposer avant les extras du soir. Cela ne l’enchantait guère mais ça lui donnait une bonne excuse au cas où ses amis voudraient sortir boire un coup.
Il traîna des pieds jusqu’à la fenêtre tout en secouant sa tignasse bouclée d’une main molle. La journée s’annonçait longue avec un mal de crâne dans les pattes. Il tira les rideaux, la chambre se retrouva inondée par la lumière et lui, ébloui par un soleil qui se faisait rare ces temps-ci. Il se fit de l’ombre avec une main placée en casquette pour regarder dehors. Les gens semblaient bien agités pour une heure aussi matinale. Plus que d’habitude, d’ailleurs. C’était peut-être l’arrivée imminente des beaux jours qui leur donnait cet entrain. Elijah, lui, n’était pas pressé d’aller travailler en tout cas.
Il se fit couler un café le temps d’aller chercher son journal quotidien. Comme tous les jours, il ne tint pas compte des titres, le jeta nonchalamment sur la table de la cuisine et récupéra sa tasse de café fumant.
Il but la première gorgée salvatrice tout en fixant le plan de travail, perdu dans ses pensées. Pour sûr, il s’agissait de son moment préféré dans la journée.
Il fut soudainement extirpé de ses pensées par la sonnerie de son téléphone portable. L’écran s’alluma. Il fit quelques pas en direction de son téléphone pour regarder ce qu’on lui voulait. Shiloh lui avait envoyé un SMS. Pourquoi lui avait-il écrit aussi tôt ? Ce n’était pas son genre de se lever avant neuf heures.
Elijah regarda l’écran en fronçant les sourcils ; toute cette lumière lui faisait vraiment mal aux yeux.
Nouveau bar en ville ! À essayer !
Il souffla un poids si fort qu’il fut certain qu’on l’ait entendu jusque dans les Highlands. Il vit le coup venir : Shiloh allait insister lourdement jusqu’à ce qu’il dise oui. Et il était également certain que son meilleur ami voulait y aller ce soir même.
Il décida de ne pas lui répondre car, de toutes façons, il le verrait plus tard dans la journée au travail. Cela lui laissa le temps de préparer mentalement la conversation.
Elijah n’aimait pas lorsque ses habitudes étaient chamboulées. Mais il n’avait pas à s’en faire, il travaillait le soir donc ça lui faisait une bonne excuse pour ne pas sortir. Il l’aimait bien, son meilleur ami, là n’était pas le problème. Il ne voulait juste pas voir de monde, il en voyait assez comme ça au restaurant.
Le temps passa à une vitesse incroyable. Il eut à peine le temps de faire ce qu’il avait prévu qu’il fut déjà l’heure de partir au boulot. Puisqu’il habitait à quelques rues du restaurant qui se trouvait au Duke of York Square, il s’y rendait à pieds, même par mauvais temps.
Shiloh lui tomba dessus à peine avait-il franchi la porte.
— Ah ben je commençais à m’inquiéter, t’as pas répondu à mon message ! cria-t-il depuis l’autre bout de la salle.
— J’allais pas te répondre sachant qu’on se voyait à midi, répondit Elijah, je vais te donner ma réponse maintenant.
Il regretta aussitôt cette dernière petite précision.
— Alors ? renchérit Shiloh. Daniel est partant, c’est lui qui m’en a parlé.
— Évidemment qu’il est partant, il est aussi fêtard que toi.
Daniel était un de leurs amis qu’ils avaient rencontrés au collège. Ils formaient une bande de quatre avec Julius, un autre gars arrivé à l’époque du lycée.
— J’ai pas pris la peine de demander à Julius, ajouta Shiloh en haussant des épaules, je sais très bien qu’il aurait dit non.
Elijah fut mitigé par cette réponse. Lui non plus, ne souhaitait pas sortir. Et Shiloh le savait très bien, mais il avait fait l’effort de proposer alors il fit lui aussi un effort.
Il soupira, sachant pertinemment qu’il regretterait d’avoir accepter.
— Bon OK, mais j’ai des extras ce soir alors je ne viendrai qu’en fin de soirée.
— T’inquiète, demain on est du soir du coup on aura le…
Les deux jeunes hommes furent interrompus par un bruit de porte. Elijah, dos à la porte d’entrée, se retourna. Quelqu’un entrait.
L’homme, affublé de lunettes de soleil, lui était inconnu. Il retira sa paire de solaires une fois entré dans le restaurant.
— Désolé, on est fermé, déclara Shiloh. Revenez dans une demie-heure.
L’homme écarta un pan de sa veste de costume et en sortit une espèce de porte-feuilles en cuir. Il l’ouvrit et les deux serveurs purent découvrir l’insigne de la police londonienne.
— Je suis le lieutenant Everett et voici mon coéquipier, le lieutenant Williams.
Ce dernier s’écarta pour se montrer. Elijah et Shiloh échangèrent un regard, curieux que deux policiers soient venus sur leur lieu de travail.
— Nous enquêtons sur les multiples meurtres qui se sont déroulés ces dernières semaines.
Elijah lâcha un « ah bon ? » tandis que Shiloh hochait la tête, visiblement pas surpris, comme s’il avait comprit de quoi les policiers parlaient.
— Mais comment ça, « multiples » ? demanda Elijah. Il y en a eu combien ?
— Quoi ? Tu lis pas ton journal ? répliqua Shiloh, étonné.
— Pas en ce moment, non.
— Bien la peine de payer un abonnement, murmura Shiloh.
Everett s’avança vers eux, suivi de Williams.
— Nous avons retrouvé le premier corps au début du mois, à Whitechapel. Le second a été retrouvé près de la tour de Londres il y a une quinzaine de jours. Il y avait une sorte de signature donc nous avons étendu nos recherches et nous avons découvert un meurtre identique à Carfax et un autre à Whitby. Le troisième corps de Londres a été découvert cette nuit à Hyde Park. Pour des raisons évidentes, je vous passerai les détails.
Elijah sentit une boule au ventre se former. Hyde Park était à côté de chez lui, à vol d’oiseau. Un tueur rôdait en ville et il n’en était pas très loin.
Shiloh brisa le silence qui s’était installé depuis peu.
— Personnellement, je n’en sais pas plus que ce que je lis dans le journal.
Elijah sentit tous les regards se braquer sur lui.
— Pareil, répondit-il, expéditif.
— Est-ce que tout va bien ? s’inquièta Everett. Je vous trouve bien pâle.
— Je… oui, je vais bien. C’est juste que je n’habite pas loin du parc et je dois avouer que j’ai peur que ce tueur me tombe dessus.
— Nous comprenons, intervint Williams. Mais le tueur semble avoir un type précis de victime. Les autopsies n’ont rien donné, curieusement, mais nous avons pu établir un lien entre toutes ces personnes : on pourrait dire qu’elles font partie des classes sociales les plus basses de la société et pas forcément les plus respectées. La victime à Whitechapel était une prostituée, par exemple. Celle de Carfax était patient à l’hôpital psychiatrique John Seward.
Elijah sut très bien qu’il s’apprêtait à faire une intervention inutile mais à l’instant T, il ressentit le besoin d’étaler sa science, pour penser à autre chose.
— John Seward… comme le personnage dans Dracula.
— Oh, vous êtes un féru de littérature à ce que je vois, remarqua Everett.
— Non, pas spécialement, c’est juste que ce livre m’a marqué. Comme pour beaucoup de monde, j’imagine.
— Excusez-moi mais je ne vois pas le rapport entre ce Dracula et l’affaire, répliqua Williams.
— Je ne sais pas s’il y a vraiment un lien, répondit Elijah, mais dans l’histoire, le docteur John Seward est directeur d’un hôpital psychiatrique. Je trouve ça drôle qu’on donne son nom à un vrai bâtiment alors qu’il n’est qu’un personnage de fiction.
Les deux inspecteurs de police haussèrent les sourcils. Everett fit un léger signe de tête vers Williams qui griffonna cette information dans un petit carnet.
Shiloh, voulant aider son ami qui s’enfonçait de seconde en seconde, écourta la conversation.
— On a aucune info sur ces meurtres, vous perdez votre temps. Les premiers clients vont pas tarder à arriver, le patron ne va pas apprécier votre présence.
Il ne s’en sortit pas mieux.
Le lieutenant Everett lui tendit une petite carte blanche.
— Oui, bien sûr. On ne vous retient pas plus longtemps, dit-il. Si jamais vous entendez ou voyez quoi que ce soit, appelez-nous.
Les deux serveurs hochèrent la tête et les policiers prirent congés.
Je te donnes mes remarques et impressions : Tu as un style bien à toi, c'est une bonne chose. Je suis pas fan à 100% je l'admets mais il passe très bien quand même. Il pourrait par contre être à peine plus travaillé sur certaines phrases.
Je sens que Shiloh va me plaire !!
Est-ce que tu es sûr qu'une intervention de la police se passe vraiment comme ça ? Est-ce qu'ils ne donnent pas un peu trop d'info ?
Ah et par curiosité, pourquoi avoir choisi Londres pour situer ton histoire ?
Ah et aussi, c'est cool d'avoir un personnage comme le tiens, qui change de ce qu'on lit d'habitude.
Bon je continue ma lecture :)
Pour la police, j'ai essayé de faire en fonction de ce que j'ai vu à la télé mais j'admets que ce n'est peut-être forcément réaliste ^^'
Et pour Londres, c'est une bonne question, je pense que c'est venu naturellement.
En tout cas, ton retour me fait plaisir, merci beaucoup !
J'ai bien ressenti l'effet films/séries XD mais je peux pas te dire si c'est vraiment réaliste. C'est compliqué quand on peut pas se renseigner de près de la savoir.
J'aime bien Londres ça fait mystérieux !
Je suis contente si il te fait plaisir :)
Ah Whitechapel ! Je perçois ici une référence évidente à Jack l'éventreur. La légende du boucher de Londres que j'affectionne tout particulièrement.
Des meurtres horribles qui nourrissent aussi mon imagination, moi qui suis friand de récits sombres.
Je pense que ton histoire aura tout pour me plaire. :)