25. Je suis celle que j'ai toujours voulu être

Par Arod29

Lodith et Alzebal étaient assises près du grand feu central du camp de bataille.

Des voiles de brouillard glissait dans le campement. Les cris et les rires des soldats, insouciants et excités par l'odeur de la guerre qui planait dans l'air, retentissaient avec force. Des grognements se firent entendre à quelques pas des deux femmes.

Alzebal râla.

— Je déteste ces trolls.

— Tu les détesteras moins sur le champ de bataille quand ils écraseront tout sur leur passage.

Les yeux brûlant d'une intensité féroce, Alzebal s'écria:

— Nous y sommes Lodith. Tout va s'achever ici! Je vais détruire à tout jamais la famille de Loup. Nos destins ont été trop longtemps liés.

D'un sourire narquois, la géante titilla sa compagne.

— Dommage que Yulni  ne soient pas là pour voir tout ça.

Alzebal se braqua.

— Ce sont des reproches?

Les yeux rieurs, Lodith leva les mains

— Je les aimais bien tes amies et Yulni était ma préférée.

— Chaque mort peut être justifiée. 

— Je n'en doute pas et je ne te le demande pas. Je t'aime, il n'y a rien de plus à a ajouter.

Alzebal enlaça Lodith.

—  Tu n'approuves pas toutes mes dernières décisions ma chérie. Yulni pensais que j'étais devenu folle, que j'avais renié mes valeurs. Qu'en penses tu?

La géante avala une gorgée de bière.

— Tu sais, tuer a toujours été aussi facile que vider une chopine pour moi pourtant et pour être honnête avec toi depuis quelques temps, le plaisir que j'éprouvais quand je tuais, a disparu. Une certaine lassitude est apparue. Pour la première de ma vie, je voudrais me reposer. M'asseoir à une table et boire jusqu'à rouler sous la table sans me soucier d'avoir à gagner des guerres. Tes dernières décisions m'ont perturbé parce que je ne les comprenais pas alors bien sûr quand il faut réfléchir, je ne suis pas l'épée la plus affutée de l'armurerie mais tu as décapité ton fils Tyssy.

Alzebal croisa les bras et répondit à sa compagne calmement.

—Kiuren m'a trahi et je voulais faire souffrir son père. Les enfants que j'ai eu avec Grys ont été une erreur. Je n'ai aucune affection pour eux et ils n'en ont aucune pour moi. Est ce une obligation d'aimer ses enfants? Mes parents m'ont vendu quand j'avais huit ans, alors à mes yeux l'amour filial est une belle arnaque. Je choisis d'aimer qui je veux. Quiconque m'offense subira des représailles et ceci même si je les ai en affection. Je n'en éprouve aucune culpabilité car mon esprit les justifie. Avant de mourir ma Yulni m'a dit "Bafouer tes valeurs n'est pas grandir c'est mourir à petit feu". C'est une belle phrase mais ce qu'elle n'a pas compris, c'est que pour arriver où je suis. Il faut faire des sacrifices. Pour survivre, il faut savoir bafouer ses valeurs sans les renier. Résultat elle est morte avec ses valeurs et moi je suis toujours en vie parce qu'aux bons moments je les ai mis de côté. Malgré tout, Yulni me manque vraiment mais je n'ai aucun remord.

Lodith s'esclaffa.

— Que j'aimais quand on ne se posait pas toutes ces questions! 

Alzebal sourit.

— Je suis celle que j'ai toujours voulu être. J'ai le pouvoir. Les gens s'agenouillent en tremblant devant moi sans que je le leur demande alors que naguère c'était moi qui m'agenouillait. C'est grisant!

Le regard de Lodith devint plus sérieux. Elle fronça les sourcils.

— Je ne te trahirai jamais ma douce.

— Je le sais.

Les deux femmes s'embrassèrent longuement puis Alzebal se leva d'un bond.

— Arrêtons de ruminer sur les sens de nos actes. Demain nous les broieront. Nous ne leur laisseront aucune chance et nous régnerons sur Milsden!

Sadiane et Duwhal Yrus s'approchèrent à pas feutrés, comme toujours. 

— Ha! mes Orombres préférés! Soeur et frère! 

— Prenez une chopine.

Alzebal mit un bras sur l'épaule de Sadiane.

— Ma Sadiane. Sans elle, je ne serais sans doute pas ici devant vous. C'est elle qui a tué le précédent Alzebal!

— Je ne l'aimais pas.

— Sadiane! Toujours avare de paroles et toujours diablement efficace. Viens là Duwhal!

— Et mon Duwhal qui a été mon premier contact avec le précédent Alzebal. Je ne l'aimais pas au début maintenant je ne pourrais plus m'en passer. Mes fidèles lieutenants. A la fin je ne vous oublierai pas. 

Alzebal scruta le campement.

— Au fait il est où Jarvis?! Allez sort de ta tanière, bourreau des chairs!

La tête du nain apparut par l'entrée de sa tente.

— Viens trinquer à notre future victoire!

Jarvis sourit. 

— Et raconte nous comment tu arrachés tous les ongles de Loup. Je ne me lasse pas de tes histoires.

Jarvis resta debout, adossé à l'armature de sa tente.

— J'ai passé du temps avec Loup et j'avoue avoir un certain respect pour cet homme. Je me suis très bien occupé de lui et voir qu'il peut encore marcher et se battre avec vigueur me surprend. Au fait Izen s'excuse, elle est occupée avec Selenn.

 Le nain sortit une petite bourse de cuir de sa ceinture et la lança vers Alzebal.

— Qu'est ce que c'est?

— Un cadeau.

Elle ouvrit le sac et versa son contenu sur une serviette. Une vingtaine d'ongles de mains et de pieds s'étalèrent sur le tissu. 

Alzebal pencha la tête en arrière en riant.

- Jarvis je t'adore. Attendez! Regardez! 

Alzebal mis ses mains au dessus des ongles de Loup. Elle prit une voix d'oracle mystérieuse.

— Je vois une défaite , je vois la mort. Je vois ta tête qui roule, roule.

Les rires fusèrent couvrant les grognements des trolls. 

— J'ai gardé, pour vous, les clous qui ont été plantés dans la peau de Loup dans divers endroits très sensibles.

— Tu es un sentimental Jarvis. 

— Ma mère me le disait aussi jusqu'à ce que je lui arrache les yeux. 

Lodith applaudit.

— Les nains, vous me fascinez, ce sens de la famille! 

— Je suis à part chez mes semblables.

Alzebal retrouve un instant son rude regard. 

- Sadiane, j'ai une question. Depuis quelques temps nous n'avons plus de nouvelles de la Sombrelle de Sinfen. Crois tu qu'il a pu réussir à l'enlever seul.

Le mage de l'ombre secoua la tête.

— C'est impossible. Seule une sorcière pourrait la lui ôter.

— C'est bien ce qui m'inquiète.

— Pas d'inquiétude à avoir. Même s'ils ont trouvé une sorcière, ce qui déjà serait un coup de chance incroyable. Seule, une sorcière ne peut pas nous faire grand mal.

— Quand penses tu Duwhal?

— Je suis du même avis que ma petite soeur. Ne nous inquiétons pas pour si peu.

— Alors oublions ça! Nous n'avons plus besoin d'espion! Nous sommes proches de la victoire totale. Milsden sera bientôt à nous! Et nous avons notre arme!

— Levons nos verres mes fidèles compagnons.

Toutes et tous brandirent leurs chopines vers le ciel.

— A la victoire! crièrent-ils à l'unisson.

Alzebal laissa son bras levé.

— Et à celles et ceux qui ne sont plus là!

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez