Lorsqu’Alexandre ferma la porte de chez lui en cette fin d’après midi, il n’avait qu’une seule idée : larver. La trahison inattendue de Cannelle l’avait mis hors de lui et l’avait fait douter.
Le stress m’a t-il fait prendre des vessies pour des lanternes ?
Le jeune homme sourit quand il réalisa l’expression désuète à laquelle il venait de penser. Jamais avant d’être à Droche il ne l’avait employé…Ce sourire disparu aussitôt lorsqu’il réalisa, qu’effectivement, jamais il n’aurait utilisé ce genre d’expression avant.
Putain de campagne ! Te laisse pas avoir.
Après un bon bain délaçant, il posa ses pieds sur sa table basse et alluma son ordinateur pour consulter ses mails en toute tranquillité. A sa grande surprise, sa boite était saturée de messages d’inconnus le félicitant pour le comique de son récit: son ami avait publié son histoire sur une page Reddit avec un lien vers son e-mail. Visiblement, son écriture avait plu.
Soudain, on frappa à sa porte, ce qui était étrange. À part ses parents, personne ne savait qu’il était ici.
— C’est ouvert ! hurla t-il encore en peignoir.
À la deuxième salve de frappe, Alexandre s’avança jusqu’à la porte. Il réajusta la ceinture à sa taille par réflexe et ouvrit. Alors qu’il s’attendait à trouver un membre de sa famille devant sa porte, il vit les visages rougissants de Cannelle et Fdj.
— Deux minutes, lança t-il avant de leur claquer la porte au nez, sans les laisser répondre. « Putain, fait chier ! » purent-ils entendre enfin, puis Alexandre grimpa à la mezzanine qui lui servait de chambre pour enfiler les premiers vêtements qu’il trouva.
Je vais te l’aromatiser la Laura Ingalls du journalisme moi! pensa-t-il tout en leur ouvrant à nouveau la porte.
Sans un mot, il leur fit signe d’entrer, mais sans oublier de fusiller la jeune fille du regard.
— Je sais ce que tu vas me dire Alexandre, commença la jeune femme.
— Alors ça, honnêtement je doute que tu ais le vocabulaire adéquate…À moins que toi, tu sois télépathe ?
— Très drôle, non je n’ai pas de pouvoir de la sorte, mais je connais peut être quelqu’un qui peut.
— Pourquoi tu n’as rien dis cette après midi ? Et qu’est-ce qu’il fout là ? finit Alex en montrant Fdj.
— Ah ! J’ai failli penser que j’étais devenu invisible ! s’amusa l’intéressé. Que les choses soient claires, je n’avais aucune envie de venir, mais Cannelle sait être convaincante! dit-il en s’asseyant. En passant, j’adore votre déco, ajouta t-il, taquin.
— Bref. Si nous sommes ici c’est parce que Fdj et moi nous enquêtons sur des phénomènes étranges depuis le black out dans la ville.
— Black out dans la ville, répéta Fdj, amusé.
— Des phénomènes étranges ?
— Oui. Depuis…Le black out…Les gens ont changé, des choses incongrues se passent. C’est pour cela que je ne peux rien dire, sans preuves, les gens nous riraient au nez ou nous prendraient pour des fous.
— Comme moi ce midi par exemple, renchérit Alex.
— Maintenant que vous avez fais votre baptême du bizarre…Voulez-vous nous aider et rejoindre la Droche team ? demanda le vétérinaire.
— La quoi ? Non mais vous délirez les deux là ! Vous me dites à demi-mots, tranquillement, que ce que j’ai vu était réel et que je ne dois rien dire ? Je suis docteur, je me dois d’en savoir plus. Imaginez qu’on puisse trouver des remèdes grâce à ces phénomènes? De toute façon, je crois que je vais créer une page pour raconter mes péripéties dans cette ville de fous.
— Pas bête. Des enquêteurs 2.0, peut être que sous couvert d’une page on aurait des témoignages ? Bonne idée, j’en suis ! s’exclama le vétérinaire.
— Non, mais je ne vous…
— Je te suis également! acquiesça Cannelle.
— non mais, je ne vous ai jamais…
— Sur quel réseau? Instagram? Non, Facebook plutôt vu la moyenne d'âge de la ville...ou carrement un site internet....Comment pourrait-on l' appeler ? poursuivit la journaliste en ignorant le jeune homme.
— Sans déconner…Je vous haïs mais d’une force…termina Alexandre, vaincu.
Un homme s’avançait d’un pas décidé vers des bâtiments plongés dans le noir. Il sortit de la poche de son costume, une carte magnétique qui ouvrit la porte d’entrée, la même carte qui lui donna accès à l’ascenseur de service qui l’emporta cinq étages plus bas.
— Bonsoir, Monsieur Cédric, fit une jeune femme au comptoir d’accueil du couloir sur éclairé qu’il empruntait.
— Cédric, pour vous, Mathilde, rétorqua l’homme d’un ton charmeur.
— Bien…Cédric, gloussa la jeune femme, votre colis est arrivé, salle 206.
Il lui fit un clin d’œil, avant de s’engouffrer dans un second ascenseur, transparent cette fois, l’amenant encore deux étages plus bas. L’endroit était moins clinquant, l’un des néons du couloir qu’il longeait, clignotait même. Des plaintes et des coups semblaient émaner de chaque porte que comprenait ce lieu. L’une d’elles étaient ouvertes, la 206 justement. À l’intérieur, deux personnes en blouses blanches étaient penchées sur une troisième qui elle, était attaché solidement, alors qu’elle semblait pourtant inconsciente. L’homme en entrant se saisi d’une blouse qu’il enfila lui aussi.
— Nous vous attendions docteur. Nous avons dû l’anesthésier, il a de la force !
— Bien bien bien ! Qu’avons-nous cette fois ?
— Il semblerait qu’il commande aux machines mais, nous n’avons pas commencé les tests encore, répondit l’une des blouses blanches.
— À ce rythme là, vous n’aurez plus de place dans vos locaux Cédric, intervint une voix restée dans la pénombre.
— Vous êtes encore là! Ne vous inquiétez pas, nous allons vite trouver une solution grâce à nos tests et tout redeviendra normal.
— J’ai déjà entendu ça il y a quinze ans, rétorqua son interlocuteur en sortant de la pièce, visiblement sur la défensive.
— N'ayez crainte et surtout, merci de votre aide Capitaine Enyzan, lui lança l’homme.