5. ( première partie )

Je pensais que sa mise en garde était une blague, mais quand il poussa les portes, je fus aveuglée. Je ne vis du blanc éclatant ce qui me déstabilisa au point de paniquer, mais il me rassura en murmurant que ça allait revenir. Il eut raison. La vue me revint lentement et j’eus du mal à croire que c’était la réalité. J’étais entourée de millions, de milliards de pierres précieuses bleues et blanches. Elles étaient si nombreuses qu’ils avaient été obligés de les stocker dans des cubes en verre de la même grandeur que ceux des serpents. Les dunes qu’elles formaient derrière le verre, avaient ma taille. J’aurais pu y nager comme s’il s’agissait d’une piscine. Je fis un tour sur moi-même en fermant les yeux plusieurs fois comme si je cherchais à me réveiller d’un magnifique rêve.

— Seigneur, expirai-je, émerveillée.

Les diamants m’attirèrent immédiatement. J’en avais déjà vu sur ma mère, car mon père l’avait gâtée. Il lui avait offert un énorme solitaire en forme de cœur pour le mariage, une parure aussi aveuglante qu’un rayon de soleil ainsi qu’un bracelet. Je me souvins que Skye lui avait dit qu’il ne s’était pas moqué d’elle et j’avais pensé qu’elle avait voulu lui faire plaisir parce que pour moi, il était impossible qu’elle s’y connaisse en gemmologie à son âge. Les pierres réfléchissaient la lumière et j’eus l’impression qu’ils avaient réussi à enfermer un arc-en-ciel dans le cube en verre. C’était à couper le souffle.

— Les diamants sont les meilleurs amis de la femme, murmura Zacharie à côté de moi.

Je souris au coin puis m’approchai du cube des saphirs. Leurs bleus étaient si profonds qu’on aurait cru qu’ils avaient réussi à miniaturiser un océan.

— Pourquoi ? Soufflai-je. Pourquoi toutes ces pierres ?

— Nous avons pensé à les détruire, mais elles sont trop belles.

— Les détruire ? M’étranglai-je. Vous les volez pour les détruire ? Vous êtes fous ou quoi ?

— Non, elles ont des pouvoirs alors nous les volons pour éviter qu’elles ne tombent entre de mauvaises mains.

J’attendis qu’il me dise que c’est une blague, mais durant ces deux jours, j’avais entendu plus loufoque. Un vampire se tenait à côté de moi alors pourquoi hésitais-je à croire que les pierres précieuses avaient des pouvoirs ? Zacharie avait récupéré un saphir sans que je ne le voie et le posa dans le creux de ma main droite. Elle avait la taille de ma paume et était bleue avec des reflets verts.

— Skye t’a parlé de Lilith ?

— Ne me dis pas qu’elle leur a aussi donné des pouvoirs ? Elle a vraiment tout fait cette femme, soupirai-je.

— Non, éclata-t-il de rire. Je sais que tu n’es pas croyante, mais tu as déjà entendu parler du Déluge ?

— Oui, Dieu a soi-disant… Non, Dieu a inondé la Terre, rectifiai-je avec un petit sourire.

— Les chrétiens ne sont pas les seuls à parler du Déluge. Il y a aussi les Mésopotamiens, les Grecs, les Romains, les musulmans, les Indiens, les Mayas, les Scandinaves, les Amérindiens.

Je souris, car cette liste confirmait que cela était bien arrivé.

— Nous pensons, enfin, nous le savons. Dieu a voulu se débarrasser de la première sorcière et du premier vampire, et de tous ceux qu’ils avaient créés alors il a inondé la Terre, mais Lucifer les a protégés en les cachant dans une grotte. Et d’après la légende, Dieu aurait pleuré en le faisant et ses larmes se seraient cristallisées.

Zacharie tapota le saphir dans ma main. Les yeux écarquillés, je la fixai et ma main se mit à trembler.

— Tu… Tu veux dire que je tiens une larme… de Dieu ? Demandai-je, tremblante.

— Une molécule, précisa-t-il, rieur. Les saphirs ont le pouvoir de régénération de la peau et de l’immortalité.

— T’es sérieux ? M’exclamai-je, terrifiée.

Il attrapa le saphir avant que je ne laisse tomber et je ne savais pas où regarder, lui ou les pierres.

— Attends, c’est comme ça que vous restez immortels ?

— Non, seuls les Almas peuvent les utiliser.

Je fronçai les sourcils. Pourquoi les volaient-ils ? Pourquoi empêchaient-ils les humains d’être immortels ? Par égoïsme ?

— Plus particulièrement, les Vatis.

— C’est quoi encore ça ? Soupirai-je.

Zacharie rigola, car il vit à l’expression de mon visage que j’en avais un peu marre d’en apprendre sur leur monde. Étant humaine, je me sentais de plus en plus petite, presque insignifiante face à eux.

— Les Vatis sont des humains formés par le Vatican pour nous tuer et ils utilisent le pouvoir des pierres pour réussir à le faire.

Je voulus lui demander s’il me faisait une blague, mais je ne perdis pas mon temps. Bien sûr qu’il disait la vérité. Si les humains avaient des ennemis qui étaient eux-mêmes alors forcément eux aussi et surtout venant du Vatican. J’aurais dû le deviner toute seule. Si Dieu avait envoyé le Déluge pour éradiquer le premier vampire et la première sorcière sans succès alors il avait dû trouver un autre moyen. Je hochai la tête, car je compris pourquoi ils les volaient. Ils empêchaient les Vatis d’avoir les pierres, donc de les tuer. C’était très malin.

— Et les diamants ? Demandai-je en regardant la vitrine. Quels sont leurs pouvoirs ?

— Ce sont des amplificateurs. Ils décuplent le pouvoir des autres pierres. On raconte que ça serait des gouttes de sueur de Dieu datant du temps où il a créé le monde, mais j’ai un doute.

— Ben, dimanche alors ? Il s’est bien reposé ce jour-là, non ? Alors c’est peut-être possible, dis-je en haussant les épaules.

Ma taquinerie lui fit sourire.

— C’est pour ça que Skye me disait qu’elle volait pour le bien, murmurai-je à moi-même.

— Après ma transformation, je suis allé voir mon prêtre pour lui demander si à ma mort, j’irais toujours au paradis, car je voulais revoir ma femme et ma fille, murmura-t-il, gêné. Il m’a alors appris que je n’étais plus un enfant de Dieu, mais celui du Diable et cela même si je ne l’avais pas désiré. Il m’avait convaincu qu’il y aurait peut-être une chance si je me laissais tuer par les Vatis et Ankhti m’a empêché de le faire. Elle m’a fait comprendre que c’était du suicide et donc, que c’était l’enfer qui m’attendait, mais que si elle m’avait transformé, c’était pour une raison qui nous dépassait tous les deux.

— Comment ça ? Fronçai-je les sourcils.

— Oui, elle ne m’a pas transformé parce qu’elle était dingue de moi et qu’elle me voulait comme esclave sexuel, mais parce qu’on le lui a demandé.

— Qui ?

— D’après elle, la même personne qui l’a transformé.

— Le premier vampire ? M’exclamai-je. Pourquoi ?

— Elle ne l’a jamais su, murmura-t-il en fuyant mon regard.

Je vis qu’il regrettait de m’avoir avoué son secret. Sur son visage, on pouvait voir qu’il avait fait une erreur et qu’il ne savait pas s’il devait continuer ou mentir.

— Tu veux dire que ça serait comme un genre de destin ? Tous les deux, vous devez faire quelque chose ?

— Elle le pense, dit-il en haussant les épaules.

— C’est pour cela que tu ne l’as pas tué ?

— Non, parce que je veux retrouver ma famille. Je n’ai tué personne et ne tuerait personne.

Je regardai autour de nous et même si je n’étais pas croyante, je savais que le vol était puni parmi Dieu.

— À la seconde où j’ai su comment fonctionnaient les Vatis, j’y ai vu un moyen de maintenir l’équilibre. Je vole, c’est mal, mais j’empêche qu’il y ait des morts alors ça pèse sur la balance.

Je souris avec lui tout en hochant la tête. Je me demandai si Zacharie n’était pas un peu dérangé. Pourquoi quelqu’un avait tenu à le transformer ? Pour qu’il puisse voler les pierres ? Il était croyant alors peut-être avait-il besoin de ça pour accepter le fait qu’il était devenu un SinAlma.

— Et Skye, alors ? Tu crois qu’elle était genre destinée à être ta partenaire ?

L’expression sur son visage me fit comprendre que j’avais tapé dans le mille.

— J’avais toujours travaillé seul. Quand on est un voleur, c’est préférable, sourit-il. Je n’étais pas censé être à Londres ce jour-là parce que c’était l’anniversaire de ma fille et je voulais éviter les souvenirs au maximum, mais j’ai eu vent d’une livraison de pierres pour la reine Victoria alors j’y suis allé. Bien sûr, l’info était bidon et je suis tombé sur Skye. Je n’ai pas pu la laisser.

Zacharie secoua la tête pour me montrer que c’était plus fort que lui.

— Elle était dévastée, affamée, terrifiée et j’avais peur qu’elle cherche à se suicider alors je l’ai prise sous mon aile.

— Tu lui as sauvé la vie, précisai-je en touchant sa main.

— Oh non, c’est plutôt l’inverse, rit-il. J’avais complètement arrêté de vivre. Je n’avais pas vu le monde évolué et les combats auxquels j’aurais dû prendre part. Avec Skye, j’ai eu la vie que j’aurais dû avoir avec ma fille.

Je sentis des larmes naître dans le creux de mes paupières. Skye le considérait comme un père, elle l’avait sûrement inconsciemment. Le vrai avait tué son premier amour et l’avait vendu comme prostituée. Leur relation était plus profonde que je le pensais et je compris pourquoi elle n’avait pas réussi à trouver les mots pour le décrire. Zacharie fit quelques pas et des spots éclairèrent une nouvelle pièce. Sans surprise, elle était bleue, mais cette fois-ci, les étagères n’étaient pas remplis d’objets d’arts, mais de bijoux. Il y avait des bagues, des couronnes, des sceptres, des broches de cheveux, tous sertis de saphirs et de diamants. Tous ses objets avaient visiblement appartenus à des rois et reines.

— Quand les Vatis ont compris qu’on volait les pierres directement aux gisements, ils se sont dit qu’ils n’avaient qu’à s’en prendre à celles qui avaient déjà été distribuées.

— Mais, combien sont-ils ?

— À peu près une cinquantaine.

— C’est une guerre perdue d’avance, non ? Rigolai-je. Vous êtes combien sur terre ? Un million ?

Zacharie secoua la tête de droite à gauche me faisant comprendre qu’il ne pouvait pas me donner un nombre exact et un écrin vide m’interpella. Il était enfermé dans une cloche en verre comme s’il s’agissait d’un objet important.

— On vous a volé ? Blaguai-je.

— Non, rit-il. C’est une bague que je n’ai pas réussi à voler. Le plus gros échec de ma vie.

— Je ne crois pas, me fit sursauter Skye.

Elle colla mon dos contre sa poitrine, passa ses mains autour de mon ventre et m’embrassa dans le creux de la nuque. Je savais qu’elle débarquerait, car elle a horreur d’être seule.

— Tu as raison, murmura-t-il.

Ils se regardèrent comme s’ils avaient une conversation secrète, mais je n’eus pas le temps de réagir à leurs paroles, car Skye me ramena à l’étage au-dessus. Ses doigts s’agrippèrent aux miens et elle me tira vers le couloir.

— Je vais te montrer la vraie caverne d’Ali Baba, me dit-elle, excitée.

Je fis un signe de main à Zacharie qui venait de remonter à la surface pour m’excuser et Skye m’entraîna vers la porte à côté de celle de sa chambre. Elle lâcha ma main pour l’ouvrir puis m’attrapa par les hanches pour me pousser à l’intérieur, mais j’étais réticente.

— Il n’y a pas de serpents ?

— Non, rigola-t-elle.

La lumière s’alluma et le bas de ma mâchoire tomba de plusieurs centimètres. J’ouvris les yeux et les refermai plusieurs fois pour être sûre que je ne rêvais pas. J’avais en face de moi près de cent-quatre-vingt-quatre ans de vêtements et de sacs. Skye me dépassa et se mit devant moi en tendant les bras.

— Alors par quoi tu veux commencer ?

— Euh…

Mes yeux se posèrent sur un portant où il y avait des robes à corsets avec le bas en forme de cloche. J’avais toujours rêvé d’en porter une avec un chapeau à plume, des gants en dentelle et un petit sac. J’aimais les vieux films comme les livres qui se déroulaient dans les années mille neuf cents.

— L’époque Victorienne, dit-elle avant d’apparaître devant le portant. Bon choix !

Comme d’habitude, Skye prit plusieurs tenues pour les poser sur moi afin de voir si la couleur m’allait, mais elle était plus rapide cette fois-ci et en posa une dans le coin essayage qui était un fauteuil mauve avec un miroir.

— Je n’ai pas encore pris ma douche.

— Ben, moi aussi, dit-elle en haussant les épaules.

— Non, mais je suis sérieuse, Skye.

Déçue, elle soupira et revint vers moi avec la moue d’un enfant qu’on venait d’interdire de faire quelque chose.

— Après, j’essaie tout, lui promis-je.

Son visage s’illumina et elle m’embrassa tendrement. Je voulus que le baiser dure plus longtemps, mais elle me prit la main et nous sortîmes de la pièce. Elle se posta devant la porte de ma chambre et je vis à nouveau la Skye timide.

— On prend un bain ensemble ? Me demanda-t-elle, les joues rouge sang et le regard fuyant. En toute innocence, hein !

Ma première réaction fut de rire intérieurement, car j’avais du mal à croire qu’elle puisse être intimidée par moi à ce point et la deuxième fut de paniquer. Plusieurs fois Skye avait été dans la salle de bains avec moi, mais pas dans la baignoire. On discutait. Elle était soit assise entre les lavabos, soit elle me peignait les cheveux. Je vis sur son visage qu’elle voulait s’enfuir et même si une trouille me dévorait l’estomac, j’acceptai en prenant sa main.

— En toute innocence, murmurai-je en entrant dans ma chambre.

Mon cœur battait la chamade et rien qu’à l’idée qu’elle puisse l’entendre avec ses oreilles de Fata, il tripla ses battements. Elle fila préparer le bain, je la vis ouvrir l’eau et y verser du gel et des sels de bains. Je restai au milieu de la pièce me demandant ce que je devais faire. Mes mains se mirent à trembler. Quelle était la prochaine étape ? Je n’avais jamais été aussi loin avec un homme et encore moins avec une femme. Devais-je attendre qu’elle se déshabille ? Ou le faire pour lui donner le feu vert ?

— Je reviens.

Avant de disparaître, elle m’embrassa sur la joue. J’expirai violemment en me touchant la poitrine, car mon cœur allait avoir un peu de répit. J’imaginai que Skye avait compris que j’étais angoissée par la situation et me laissai me déshabiller seule. Elle savait à quoi mon corps ressemblait sans vêtement, mais cette fois-ci, ses yeux refléteraient autre chose. Tout avait changé depuis que je connaissais le goût exquis de ses lèvres. Je me dépêchai d’enlever mes vêtements et de m’installer dans la baignoire. Je ramenai de la mousse sur mes seins tout en me disant que c’était inutile, car elle les avait déjà vu et je devais assumer le fait d’avoir accepté sa proposition. Je regrettai un peu, car Skye avait des années d’expérience contrairement à moi et j’avais peur d’être ridicule. Je sursautai quand une table basse apparut à côté de moi. Elle y posa un jus de fruit et une assiette de tomate et mozzarella.

— C’est de la mandarine, sourit-elle.

J’essayai de me contrôler pour ne pas la regarder se déshabiller, mais c’était plus fort que moi et si elle le faisait à vitesse humaine, c’était parce qu’elle voulait que je le fasse. Mes yeux commencèrent par admirer ses cuisses musclées puis le triangle entre ses jambes. Je fus soulagée en voyant des poils, car je pensais que je n’étais pas à la mode en gardant les miens. Elle marcha vers la baignoire faisant bouger ses seins, ils semblaient faire une parade m’invitant à les toucher. Cette femme était désirable des orteils au cuir chevelu. Elle s’assit en face de moi et je sursautai quand elle attrapa mes pieds pour les masser. Nous nous sourîmes en silence. Mon cœur s’était calmée. Je ne pensais pas qu’un simple massage des pieds pouvait déclencher autant d’excitation.

— Ça va ? Brisa-t-elle le silence. Tu te remets un peu de toutes ses informations ?

— Bizarrement, oui, ris-je.

— Tu es fascinée, c’est normal, m’expliqua-t-elle.

J’approuvai d’un hochement de tête et me décidai à l’imiter. J’attrapai son pied gauche et le massai doucement.

— Zacharie…

Curieuse, elle leva les yeux vers moi.

— Il ne s’est jamais remis de la mort de sa femme et de sa fille ?

— Non, pour lui, c’est comme si c’était hier. Il faut savoir que notre mémoire est spéciale.

Je fronçai les sourcils tout en sentant que ses doigts s’étaient rapprochés de mes chevilles.

— Nous nous rappelons de tout même de notre ancienne vie. Chez les humains, ce sont les émotions qui forgent les souvenirs. Si tu as été triste, heureuse ou eut un orgasme divin, le souvenir sera plus ancré en toi, mais chez nous, tout est enregistré, et infiniment. Tu n’as jamais remarqué que j’avais comme des pauses ?

J’écarquillai des yeux en me souvenant qu’effectivement, Skye marquait souvent des pauses quand elle me parlait.

— Ben, je revis le truc pour de vrai comme un film qui passe dans ma tête. Quand je pense à toi par exemple, je revois notre première rencontre, la première fois que je suis venue chez toi, qu’on a dormi ensemble et maintenant, il y a nos baisers, sourit-elle.

— C’est un défaut alors ?

— Pour Zacharie, oui, soupira-t-elle. Il n’a jamais réussi à tourner la page et en plus, c’est un chrétien alors pour lui, ça serait trahir son vœu de mariage d’être avec une autre femme.

— Mais, on ne dit pas quand la mort nous sépare ?

— Cherche pas, dit-elle en levant les yeux au ciel. Il t’a parlé de Faith ?

— Ben, avec le bleu partout, c’est difficile de ne pas le faire, ris-je.

— T’as raison, rigola-t-elle avec moi.

— Je suis soulagée que tu me dises ça. J’ai eu peur en voyant qu’il était encore affecté après toutes ses années.

— Pourquoi ? S’étonna-t-elle.

— À cause de maman, je me suis dit que si lui, qui a vécu plus d’une centaine d’années avait du mal à oublier sa femme alors je devrais cesser d’attendre qu’elle se remette en selle.

— Oui, parce que ça n’arrivera jamais, éclata-t-elle de rire, sûre d’elle.

Surprise, je reculai la tête et je vis à l’expression sur son visage qu’elle avait fait une bêtise.

— Quoi ?

— Non, mais je veux dire que ta mère ne sort même pas de l’immeuble, comment tu veux qu’elle trouve quelqu’un ?

— Oui, soupirai-je. Je devrais déjà m’occuper de son agoraphobie.

— Ça va être compliqué, murmura-t-elle.

— Tu penses ?

— Il faut dire que grâce à mes deux diplômes de psychologie, j’ai réussi à t’emmener hors de Paris.

— Pourquoi deux ?

— Avant et après Sigmund Freud, sourit-elle. Si tu veux être un parfait voleur, la psychologie est importante. J’étais obligée de me déguiser en homme pour assister aux cours avec Zacharie.

Elle grimaça.

— T’es sérieuse ?

— Ouais, et c’est d’ailleurs à cette époque que j’ai commencé à coucher avec des femmes. Tu n’as pas idée d’à quel point, ça les excitait de coucher avec une femme déguisée en homme, rit-elle.

Je lâchai son pied pour boire une gorgée de jus de fruit et attrapai l’assiette pour manger la salade qu’elle m’avait préparé.

— Tu voulais devenir une voleuse ?

— Non, ce n’était pas vraiment mon but dans la vie. Je voulais être Reine d’Angleterre…

— T’es sérieuse ? Me moquai-je d’elle.

— Oui, je voulais arrêter l’esclavage, me dit-elle, sérieusement. Mais Zacharie m’a dit que c’était impossible, car les gouvernements n’auraient pas acceptés qu’une SinAlma se mêle aux humains de cette façon et aussi parce que je ne peux pas avoir d’enfants.

— Ah ouais ?

— Oui, la création de la vie appartient à Dieu, et même si le Diable et Lilith sont des êtres puissants, ils ne l’égalent pas.

Je hochai la tête en me rappelant que Lilith avait créé le premier vampire et la première sorcière justement parce qu’elle n’était pas comme Eve.

— Donc, tu as volé avec Zacharie ?

— Oui, parce que quelque part, je me bats aussi pour une cause. De quel droit le Vatican décide qu’on doit mourir ? Ce n’est pas parce que Lilith et Lucifer sont mes grands-parents que je suis comme eux, hein !

— Oui, bien sûr, confirmai-je.

— Et puis, ils devraient commencer par eux. Combien d’enfants ont-été violés ? Combien de personnes ont-ils tués au nom de Dieu ? C’est vraiment l’hôpital qui se moque de la charité !

J’étais d’accord avec elle. Comment un pécheur pouvait-il juger un autre pécheur ?

— Tu crois à ce qu’il dit ?

— Il faut que tu sois plus précise, chérie, rit-elle.

— Zacharie m’a parlé de destinée. Il m’a dit qu’Ankhti ne l’avait pas transformé par plaisir, mais par obligation.

— Ah ça, soupira-t-elle. Ben, la question qu’il faut se poser, c’est pourquoi quelqu’un voudrait que Ankhti soit immortelle ? Elle n’apporte rien dans ce monde à part transformer des jeunes et coucher avec la population mondiale. Pour Zacharie, d’accord. Il a réussi à stopper les Vatis et nous avons pas mal aidé dans certaines guerres, mais elle ?

Skye avait la même impression sur le visage que quand elle me parlait d’elle dans ma chambre après notre rencontre. Elle la haïssait et ça avait empiré quand elle m’avait volé mon premier baiser.

— Il m’a aussi fait comprendre que votre rencontre n’était pas fortuite.

— Ben, je me suis longtemps dit qu’il était fou, mais grâce à lui, je t’ai rencontré, sourit-elle. L’amour de ma vie.

Elle plongea son regard dans le mien et mon cœur s’accéléra si violemment que j’eus une vive douleur entre les seins. Le temps que je cligne des yeux, Skye était allongée sur moi et sa bouche dévorait la mienne. Elle me fit tourner la tête comme quelqu’un sur un carrousel qui ne tenait plus la barre et je sentis sa peau à nouveau se durcir sous mes doigts.

— Non, mais franchement quelle vie as-tu si on a tous une destinée ? Me demanda-t-elle en retournant à sa place. Ça voudrait dire qu’à chaque fois que tu fais un choix, quelqu’un l’a déjà fait pour toi. Il n’y a aucun libre arbitre. Tu n’as aucune personnalité, rien.

— Oui, tu as raison, murmurai-je.

— Si Zacharie dit ça, c’est parce qu’il a besoin d’une raison pour accepter qu’il soit un vampire. C’était ma chance de tomber sur lui le jour de la mort de Faith, c’est tout, dit-elle en haussant les épaules.

— Tu as changé sa vie aussi, Skye.

— Oui, c’est vrai, sourit-elle, fièrement.

Je baladai mes doigts à la surface de l’eau puis bus une gorgée de jus de fruit.

— Mais, tu es heureuse ?

— Euh… Oui, pourquoi ? S’étonna-t-elle.

— Parce que c’est le plus important. Ça devrait être vraiment horrible de vivre éternellement et de ne pas être comblé, non ?

Avant que Skye n’entre dans ma vie, je me demandais comment j’allais vivre les années qu’il me restait sans but et bonheur, et je n’osais pas imaginer ce que ça serait si la mort était réellement un point d’interrogation.

— Et toi ? Tu es heureuse ?

Mon cœur s’emballa, car elle me regardait intensément, mais aussi parce qu’une fois encore, je n’allais rien lui cacher. Je ne voyais aucune raison de le faire. J’avais enfin découvert qui était réellement Skye et une petite voix me disait que je pouvais lui dire ce que je voulais sans craindre qu’elle se moque.

— Si je ne t’avais pas rencontré, franchement, soupirai-je. Je ne sais pas…

Skye vint s’allonger sur moi. Bizarrement, elle n’était pas au-dessus de moi pour qu’on puisse s’embrasser facilement, mais elle me serrait contre elle, la tête appuyée sur mon sein droit.

— Je le sais, murmura-t-elle.

— Comment ?

— Lena. Tu crois vraiment qu’elle n’a pas remarqué que tu n’allais pas bien ? C’est ta mère, je te signale, se moqua-t-elle.

Elle disait la vérité, car avant Skye, maman m’avait inscrite à une dizaine d’activités extrascolaire pour que je me fasse des amies, mais ça n’avait pas fonctionné.

— Tu sais quoi ? Oh non, je ne devrais pas te le dire, murmura-t-elle en secouant la tête.

— Non ! M’exclamai-je si fort qu’elle sursauta. Tu me le dis tout de suite !

— Mais Lena va me tuer, rétorqua-t-elle.

— Moi aussi, je te signale et n’oublie pas que maintenant je sais comment m’y prendre.

Amusée, elle se redressa pour me regarder et je durcis mon regard pour qu’elle comprenne que je ne blaguais pas.

— Ok, soupira-t-elle en s’appuyant sur les bords de la baignoire derrière moi. Lena a proposé de me payer pour que je reste ton amie.

— Quoi ? Hurlai-je, choquée.

Pourquoi étais-je si surprise ? Depuis toute petite, ma mère essayait tout pour que j’aie des amis alors je ne devrais pas étonner qu’elle ait essayé de retenir Skye.

— Oui, mais ne lui en veut pas, me supplia-t-elle. Elle était désespérée. Lena voulait que tu sois heureuse et elle a vu que c’était le cas avec moi.

Je ne sus pas si je devais rire ou pleurer. Le tendre baiser de Skye entre mes seins me fit sortir de mes pensées. Elle leva les yeux vers moi et ses iris semblèrent transpercer les miens. Je sursautai quand elle posa ses mains sur mes hanches pour me maintenir dans cette position. Ses lèvres se promenèrent au niveau de mon sternum, baisant chacune des naissances de mes seins pour qu’il n’y ait pas de jaloux. Mon cœur battait si vite qu’elle pouvait sentir les battements contre sa bouche. Elle me regarda à nouveau pour vérifier que cela ne me dérangeait pas et je ne sus pas quoi faire. Il y avait bien une peur qui rongeait mon estomac comme de l’acide, mais aussi une sensation entre mes cuisses que si elle avait la parole, la supplierait de continuer. N’ayant rien fait ou rien dit, sa langue glissa sur mon sein gauche jusqu’à mon téton qui avait durci avant son arrivée. Le tour de mon téton fut caressé par la pointe de sa langue puis aspiré et j’eus comme des spasmes. Elle coinça le bout de mon téton entre ses dents pendant que sa main pétrissait mon autre sein pour éviter qu’il se sente seul, et le bas de mon corps se figea de plaisir. Avec sa langue, elle fit rebondir mon sein, me provoquant des sursauts et sa main glissa sur son mon sexe sous l’eau. Skye y était allée sans détour. Elle cala mon clitoris entre ses doigts et se déchaîna sur ma bouche. J’essayai de lui rendre son plaisir, mais elle était dure comme de la pierre. Elle quitta ma bouche pour mon nombril et ce fut trop pour moi. La peur prit le dessus. Je fis bouger mes hanches et elle le comprit, car elle remonta vers mon visage sans m’embrasser. Je me raclai la gorge pour m’excuser, mais l’expression sur son visage me fit comprendre que c’était inutile. Il n’y avait aucun doute sur ce que je ressentais pour elle, mais les choses allaient trop vite à mon goût.

— Tu veux manger quoi ce soir ? Me demanda-t-elle avant de mettre une tranche de tomate dans sa bouche.

— Euh… Je ne sais pas. Fais ce que tu as chez toi, je ne suis pas difficile.

— Non, sourit-elle. On sort ce soir. En amoureux.

— Mais, dis-je en fronçant les sourcils. Ankhti ?

Skye me fit un furtif baiser puis sortit de la baignoire.

— Pour attraper un loup, il faut bien un agneau, me dit-elle avant d’attraper son peignoir.

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