Après cette première réussite, Jack était plutôt fier de lui. Il était à présent certain que ses choix étaient les bons, mais ce n’était pas son genre de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Il gardait donc la tête froide et rédigeait consciencieusement son rapport. Enfin, il rangeait autre chose que des études de cas, des projections virtuelles et autres calculs théoriques.
Depuis quelques minutes, je vous parle de Jack. Une question vous brûle les lèvres, j’en suis certain. Mais qui est-il ?
Jack a un Q.I. de cent quatre-vingt-sept. Comme vous le savez, on considère une personne surdouée à partir de cent trente. Il a obtenu son bac scientifique, mention très bien, à 13 ans. Ensuite, il a décroché son doctorat en neuro-biotechnologie à dix-neuf ans. Son sujet de thèse portait sur les neurotransmetteurs numériques lui a valu d’être rapidement remarqué par le S.G.S.W. Il y est entré juste après, et aujourd’hui, à 26 ans, il est le meilleur analyste de l’organisation.
À la suite de ses travaux à l’Académie des sciences numériques, il a également obtenu un poste de professeur de chaire supérieure dans la discipline qui le passionne. Il y enseigne dix heures par semaine. C’est un professeur apprécié de ses élèves, qui lui vouent même une certaine admiration.
Ses deux activités professionnelles occupent tout son temps il n'a pas vraiment de vie personnelle. Pourtant Jack n’a pas un physique ingrat, il est même charmant. C’est un grand brun aux yeux bleus. Il plaît beaucoup aux femmes. Du haut de ses un mètre quatre-vingt-dix-huit, il domine la situation. Il est hors norme à tous points de vue et a parfois du mal à l’assumer. D'autant qu'il a le sentiment d'être souvent observé.
Cette impression d’être épié l’envahit souvent. Cette sensation peut parfois le paralyser, le plongeant dans une crise d’angoisse difficile à contrôler. Il y a pourtant un endroit où il ne ressent jamais cette oppression : le train.
Jack aime le confort douillet de la foule comprimée à l’intérieur des wagons. Dans l’anonymat, noyé dans le bruit du train qui se fracasse sur les rails, près de la vitre, il observe. Dans le reflet de la glace, il regarde les passagers, dilués dans le décor qui défile derrière eux. Les silhouettes qu’il épie semblent sublimées, comme une brume colorée qui se déplace à quatre-vingt kilomètres à l’heure sur des paysages familiers.
C’est le seul endroit où il n’a pas ce sentiment oppressant, ce poids des regards, ce devoir de plaire. Ce moyen de transport, qu’il considère comme préhistorique et bien loin des technologies avec lesquelles il travaille chaque jour, est pourtant le seul où il peut réellement se retrouver.
Certains font du yoga, du taï-chi ou je ne sais quelle autre discipline de relaxation et de méditation. Lui, il prend le train.