La salle d’entraînement des Sorel est un lieu austère. Le sol est lisse, fait de béton brut, à peine éclairé par des néons suspendus qui laissent des ombres sur les murs. Des barres métalliques sont rangées dans un coin, et plusieurs sacs de frappe, usés par des années de violence, pendent du plafond. Il n'y a rien d’orné, rien de superflu, seulement des équipements pour perfectionner un corps qu’on désire plus puissant, plus rapide.
Aelis se trouve au centre de la salle, les cheveux éparpillés autour de son visage en un enchevêtrement de mèches noires et blanches. Elle enchaîne les séries avec une agilité fulgurante, ses muscles tendus sous sa peau, son corps qui semble s’adapter et se réinventer à chaque mouvement. Ses pieds effleurent à peine le sol, ses poings frappent les sacs de frappe avec une telle puissance qu’ils vibrent à chaque contact. La sueur brille sur son front, mais son souffle reste calme, presque serein. Ce n’est pas de la fatigue, mais plutôt un état de concentration intense qui guide ses mouvements. Elle ne se repose pas, elle ne ralentit pas. Elle ne faiblit jamais.
Katarzina, de l’autre côté de la salle, se tient immobile, les bras croisés. Elle observe en silence. Cela fait des années qu’elle l’entraîne, qu’elle la pousse au-delà de ses limites, mais aujourd’hui, elle voit quelque chose de nouveau. Quelque chose qui ne correspond plus à l’idée qu’elle s’était faite d’Aelis. Elle l’a vue grandir, se transformer sous ses yeux. De jeune fille incertaine, Aelis est devenue une machine parfaitement huilée, chaque geste calculé, chaque mouvement exécuté avec une précision millimétrée. Elle est sans doute l’élève la plus prometteuse qu’elle ait jamais eue. Sa perfection était presque irréelle. Parfois, l’envie de mettre au défi la fille Sorel la démangeait. Que donnerait toute cette puissance dans un vrai combat ? En dehors de cette salle, quels ravages pourrait faire une petite guerrière comme elle.
Il y a de la fierté dans le regard de Kat, mais aussi une étrange forme d’admiration silencieuse. Aelis est prête. Elle est allée au-delà des limites qu’elle-même croyait possibles. Elle a surpassé ce qui était prévu. Kat savait qu'Aelis avait un potentiel brut, mais là, elle le voit pleinement, dans sa forme la plus pure. Cette fille a surpassé son propre cadre, elle a travaillé dur, peut-être plus que quiconque. Elle a perfectionné son corps, son esprit, son endurance. Elle est… incroyable.
Elle s’approche doucement d’Aelis, mais n’interrompt pas son entraînement. Elle la regarde exécuter un saut périlleux avec une fluidité qui défie la logique. C'est comme si elle avait été sculptée dans un autre moule, comme si la gravité n’était qu’une suggestion. Katarzina ne peut s’empêcher de sourire, admirative.
— Tu n’as pas l’intention de t’arrêter, hein ? dit-elle enfin, une pointe d'ironie dans sa voix, mais surtout un respect palpable.
Aelis s'arrête, essoufflée mais alerte. Ses yeux sont brillants, un éclat d'acier dans son regard.
— Non. Pourquoi ?
Kat hoche lentement la tête.
— Pour rien, pour rien.
Un petit rire échappe à la maîtresse d’armes, mais elle sait que derrière cette humeur se cache une volonté sans faille, un désir de toujours aller plus loin. Aelis veut être la fierté de ses parents. Elle attend leur approbation, leur intérêt, leur amour.
— Tu es l’élève qui a écrasé le maître depuis bien longtemps, tu sais. Mais le repos, c’est toujours nécessaire.
Elle ajoute cette dernière phrase d’un ton un peu plus doux, un rappel de son rôle. Aelis est impressionnante, mais Kat ne peut s’empêcher de la voir comme un diamant brut qu’il faut aussi savoir préserver.
Aelis esquisse un sourire furtif, une lueur de défi dans les yeux.
— Tu ne m’as jamais laissé le loisir de te battre à la régulière, Zina.
Elle se met en position de combat, provocant Katarzina.
— Tu sais ce que je pense ? Ce n’est pas la puissance d’un coup qui compte, mais la constance. Tu n’as pas à me combattre pour prouver ta supériorité.
Le ton de Kat est calme, mais il y a dans ses mots cette sagesse que seule l'expérience peut apporter. Elle a vu trop de jeunes talents se brûler avant d'avoir atteint leur plein potentiel, mais Aelis a déjà atteint un seuil qu’elle n’avait jamais perçu chez quiconque.
— Repos. C’est un ordre.
Il y a un instant de silence. Aelis regarde Kat, qui ne bouge pas. Elle sent la chaleur de l’effort dans ses muscles, mais elle n’éprouve pas la douleur. Pourtant, un soupir s’échappe de ses lèvres, comme si, finalement, elle se résignait à écouter son entraîneuse.
— Un jour, je les rendrais fiers ! dit-elle finalement avec enthousiasme.
Kat sourit, une petite lueur de satisfaction dans les yeux. Elle aurait adoré lui dire qu’elle était déjà une fierté pour eux. Mais les Sorel étaient si peu expressifs qu’il n’était pas aisé de deviner ce qu’il pensait. Aelis se laisse tomber au sol, s’étendant sur le sol froid, les yeux fermés, respirant profondément. Même dans cet instant de repos, elle reste un modèle de concentration, son corps détendu, mais ses sens toujours en éveil. Kat s’assoit en tailleur, gardant un œil vigilant sur elle.
— Aelis, dit Kat après un moment, sa voix plus douce, tu es la meilleure que j’aie jamais vue. Mais si tu ne prends pas soin de toi, tu finiras par brûler trop vite. Et ils ne verront jamais tout ce que tu as fait, à quel point tu es géniale.
Aelis tourne légèrement la tête vers elle, un sourire énigmatique sur les lèvres.
— Je suis encore loin de mon maximum. Je le sais. Je le sens.
Kat la regarde un instant, pensant à tout ce qu’Aelis pourrait accomplir si elle parvenait à se contenir. Elle a l’impression que, parfois, Aelis n'a pas conscience de ses propres capacités. Elle ne cherche pas à se limiter, et peut-être que c’est là son plus grand atout.
— Soit. Va jusqu’au bout alors. murmura Kat, sans un regard.
Elle se relève et fait quelques pas en arrière, jetant un dernier coup d’œil à Aelis, qui se remet déjà en mouvement, prête à se lancer dans une nouvelle série d'exercices. Aucune trace de fatigue sur son visage, mais une détermination terrifiante.
Katarzina reste là, observant en silence. Aelis deviendra encore plus grande, encore plus forte, mais elle doit le faire à son rythme. Parce que Kat le sait : la grandeur de cette jeune femme ne se mesure pas seulement en muscles, en puissance ou en agilité. Elle est aussi dans sa volonté de toujours aller plus loin. Elle est aussi précieuse que dangereuse.
Par contre, ce chapitre est écrit au présent, contrairement au prologue et au chapitre suivant (j'ai déjà zieuté un peu par là bas).
Pour le prologue pas de souci, il peut être assez différent sur la forme, le ton, l'ambiance que le reste de l'histoire, mais vis à vis du chapitre suivant je ne vois pas de raison particulière pour que ce soit le cas. Si tu en as une je prends ceci dit!
Si ce n'est pas voulu, je suggère de choisir le passé. C'est un avis perso mais je trouve moins casse gueule de raconter au passé qu'au présent.
En tout cas ça me fait plaisir de savoir que c'est plaisant à lire, c'est le plus important je trouve ! Après, il est vrai que l'intrigue sera un peu longue étant donné que le roman entier fait un peu plus de 90 000 mots... exception faite de certains chapitres, dans la globalité, j'ai essayé de garder cette dynamique.
Et tu as raison, tant que c'est plaisant à lire c'est le plus important
Un petit oubli de ta part je pense....Aelis se laisse tomber au sol, s’étendant sur le sol froid... mais sinon ça se lit bien, c'est propre, très propre pour un premier jet, félicitation.
Ah oui effectivement ! Je n'ai pas encore relu, ce genre de coquille, malheureusement, il risque d'y en avoir plusieurs - même si je fais attention les répétitions c'est un piège fréquent.
Merci d'avoir le pris le temps de commenter ! Et merci pour les compliments !!
Non t'inquiète, on en laisse tous, des coquilles des erreurs surtout sur un premier jet, non non c'est propre.
Bon ben alors je vais prendre mon mal en patience, continue, tu maitrises ;)