ALOÏS
Arkanta, capitale humaine
Quartier du Consulat
Autour de moi, la pénombre.
Je m’avance dans cette pièce immense où seul l’écho de mes pas résonne. Des piliers en pierre transpercent le sol pour s’élever si haut que je ne peux en distinguer la voûte. À chacun de mes gestes, des volutes brumeuses dansent dans le halo de ma lampe et une brise glaciale glisse désagréablement sur ma nuque.
De quoi bien mettre dans l’ambiance !
L’appréhension est à son paroxysme. L’excitation également. Je sais qu’à tout moment, il peut jaillir pour refermer son piège sur moi. À ce niveau, la moindre erreur devient fatale.
— Allez… marmonné-je entre mes dents serrées. Montre-toi. Je sais que tu es là…
Mon cœur pulse à ma poitrine. Mes muscles se crispent pour flirter avec la rupture.
Rien à faire ! Malgré les années d’entraînement, ce passage me rend toujours aussi nerveux.
Un pas, encore un autre... puis un bruit retenti. D’un reflex maitrisé, je me retourne, l’œil dans le viseur, la joue contre la crosse. J’observe le vide qui m’entoure. Rien ! Du moins, rien que mes simples yeux ne peuvent percevoir.
De ma main libre, j’enclenche la vision à infrarouge. Ma visière holographique change de couleur et c’est tout le décor qui se métamorphose : il se teinte de vert pour prendre une aura spectrale dérangeante.
Inspire, expire… Je dois garder mon calme ! Si je laisse l’angoisse m’envahir, alors je n’aurais plus la moindre…
Une tache rouge traverse mon champ de vision.
Sa découverte m’arrache un sursaut et je pivote sur moi-même, mais déjà, elle a disparu. C’est alors qu’un long beuglement résonne tout autour de moi. Il transperce l’air en un écho caverneux, le genre à vous flanquer la chair de poule. Figée dans l’horreur, je tressaille.
Allez, réagis ! Ne reste pas planté là comme un idiot !
La tache rouge refait son apparition sur la gauche. Je me décide enfin à appuyer sur la gâchette. Les balles de plasma jaillissent en une suite de flashs lumineux, mais trop tard : la cible a déjà déserté les lieux. Je me retrouve à nouveau seul dans l’immensité nocturne…
Le souffle court, le cœur battant à tout rompre, je retiens un grognement :
— Bon sang !
Changement de tactique !
J’abaisse mon arme et pianote à toute vitesse sur le clavier numérique de mon bracelet de commande. Je valide, et mon fusil se transforme aussitôt en une matraque plasmique. Ses rayons d’énergie bleues irradient de petits faisceaux lumineux qui chassent les ténèbres alentour.
Un nouveau mugissement retentit. Plus près celui-là… beaucoup trop près.
À peine ai-je le temps de me retourner qu’il m’apparait enfin : un buste humain surpuissant, des jambes arquées se finissant sur des sabots et une tête terrible de buffle. Le cuir rouge de son museau ruisselle de sueur, ses muscles tressaillent et ses yeux… Ah ! Ses yeux… Voilà la dernière chose que je perçois avant le choc : deux petites billes lumineuses, profondément enfoncées dans son horrible crâne, et qui me dardent d’une haine farouche.
La collision est violente. Le souffle m’en est coupé. Une douleur me traverse le thorax de part en part et l’injure que je veux lâcher se transforme en un gargouillis ridicule. Je quitte le sol pour le retrouver, quelques mètres plus loin, en un plat monumental. La respiration difficile, je me redresse avec peine.
Déjà, la créature charge à nouveau.
— Bordel de…
Tant pis pour la douleur ! J’enclenche mon bouclier sonique afin de me protéger et…
Attendez… Ah, non ! Je me rate… Un bouton trop à droite : j’enclenche les propulseurs de mes bottes. Dommage. Mon cerveau met quelques secondes à saisir ce que je viens de faire. Lorsqu’enfin, mes neurones se connectent, un étrange cocktail de honte et de lassitude me traverse.
— Oh, non…
Le déclic de l’allumeur retentit, le mécanisme s’enclenche et je suis propulsé en arrière. Je me sens un peu comme une fusée qui aurait foiré son décollage. Balloté, rebondissant contre les pylônes ou les pierres mal encastrées, je deviens une véritable boule de flipper.
Dans un effort surhumain – et surtout avec beaucoup de chance – je réussis quand même à atteindre mon bracelet de commande et coupe l’alimentation.
— Si j’étais toi, je ne ferais pas ça, retentit une voix.
Désincarnée, elle résonne tout autour de moi sans source précise.
J’ouvre de grands yeux emplis d’appréhension.
— Qu… quoi ?
Je ne cerne que trop tard sa mise en garde : les propulseurs de mes bottes se coupent. Ma folle course s’achève… et c’est alors que je comprends ce qui cloche : en dessous de moi, le sol a disparu. Un regard en bas et là, prise de conscience : je viens de finir ma course dans une crevasse s’ouvrant sur les entrailles de la terre. Une grimace s’étire sur mon visage, mon estomac me remonte dans la gorge et je plonge dans le vide.
Durant un bref instant, juste avant de perdre la vie, je prends conscience du ridicule de la situation.
Bordel ! Mais quel looser je fais…
***
La vision se coupe en un flash lumineux, tandis qu’une légère décharge transperce mon corps tout entier. Voilà la désagréable sensation du retour à la réalité ! Un long râle m’échappe tandis qu’autour de moi, le décor de la fosse laisse place à un plafond trop blanc, à des murs insipides et à un mobilier design des plus impersonnel. Lentement, ma chambre se dessine sous mes yeux.
— Je dois avouer que là, tu as fait fort ! raille une voix, la même m’ayant mis ne garde quelques secondes plus tôt.
Je ne sais pas ce qui m’agace le plus chez elle : son léger grésillement mécanique, témoin de ses origines robotiques, ou bien le cynisme à peine voilé qui en transpire.
Je soupire. Allongé sur le dos, les bras en croix, je mets quelques instants avant de réussir à m’asseoir et à ôter mon casque de réalité virtuelle.
— Je n’arriverai jamais à passer ce niveau… m’apitoyé-je.
Tandis que je décroche les électrodes de ma combinaison, un léger souffle d’air balaye mon visage et A.I. se pavane juste sous mes yeux.
— Si ça peut te consoler, ce niveau est réputé pour être le plus difficile de Conslider. Près de quatre-vingt-sept pour cent des joueurs meurent durant la charge du minotaure. Quoique, dans ton cas, cela s’apparente plus à un suicide… Ce qui te fait entrer dans un pourcentage bien moindre. Selon mes statistiques, seulement un virgule quarante-sept pour cent des joueurs décide de se jeter délibérément dans la fausse. Félicitation, Aloïs ! Tu fais partie d’une minorité !
Pour toute réponse, je lui adresse un regard, mélange de lassitude et dédain. Sentant mon agacement, A.I. garde le silence et prend de la hauteur.
Pas le moindre bruit lors de ses déplacements aériens. Son corps sphérique en titane, aussi léger qu’une plume, ne nécessite qu’une impulsion minimale qui ne provoque pas plus de décibels que le battement d’aile d’un papillon. Ajoutez à cela les deux grandes oreilles photovoltaïques en feuille dorée que je lui ai bricolée, et A.I. se retrouve doté de six degrés de liberté. Silencieux et aussi mobile qu’un drone : cela fait de lui le robot-espion parfait ! Quel dommage qu’il ne sache pas se taire plus de deux secondes...
— Je devrais retirer le sarcasme de ta carte psychique, grogné-je avec rancœur.
— C’est de ta faute, réplique-t-il. C’est toi qui m’as ajouté le libre arbitre et la capacité d’évoluer.
— Oui, et bien, quand je vois le résultat, je commence à regretter…
Bon, OK ! Je suis de mauvaise foi. A.I. est irritant, hautain et sans filtre, mais je ne le changerais pour rien au monde. Non. Ce qui m’agace réellement à cet instant, c’est de m’être complètement ridiculisé. Deux semaines que j’essaye de passer ce niveau et rien à faire ! À chaque fois, je me laisse submerger par l’appréhension et je me retrouve démuni.
— Si tu y tiens tant que ça à passer ce niveau, tu n’as qu’à me laisser faire, suggère le petit robot. Avec moi, ce minotaure n’aurait pas la moindre chance. L’intelligence artificielle placée dans ce jeu est d’une stupidité sans nom ! Je lui règle son compte en moins de dix secondes….
Passée ma frustration, je prends une grande inspiration et me relève enfin. Un maigre sourire s’étire sur mes lèvres.
— Non, non… Laisse. Je veux y arriver tout seul. Je finirai bien par y parvenir.
— Si tu aimes souffrir, alors là, je ne peux plus rien pour toi.
Pas de réponse. Pourquoi je m’obstine ? Sans doute parce que ce qui me plaît dans Conslider, ce n’est pas seulement de passer les niveaux, mais bien les sensations procurées par le jeu. L’aventure, l’inconnu, l’impression de voyager et de découvrir des choses, l’illusion d’un semblant de vie sociale en parlant aux PNJ… Tout cela estompe un peu ma réalité : celle d’un jeune homme qui n’a jamais quitté la demeure familiale et que l’on autorise à peine à sortir de ses appartements. L’extérieur, la vraie vie… tout cela, je ne peux que la vivre par procuration, à travers mes écrans. A.I. est encore ce qui se rapproche le plus pour moi d’un ami.
Je me laisse tomber dans l’immense canapé de cuir blanc. Il est si profond que l’on y tient plus allongé qu’assis. En face de moi s’étend un écran plat de la taille d’une toile de cinéma. Les films y sont projetés grandeur nature et la qualité HD est à vous flanquer le vertige. Certains éléments sont même projetés en 3D pour assurer une meilleure immersion.
— Tu n’es pas censé réviser pour ton examen de lundi ? suggère A.I. en me cachant la vue.
Je le chasse d’un geste de la main.
— On verra plus tard. Je peux bien prendre la journée pour moi, non ? Ce serait la moindre des choses…
La légère note amère de ma dernière phrase est tout à fait justifiée, puisqu’aujourd’hui est le jour de mon dix-septième anniversaire. Un évènement que je passerai comme chaque année, seul. Avec un peu de chance, on me fera un menu spécial ce soir, avec de la pizza et un gâteau en dessert. Quoique mon alimentation ultra-maitrisée m’interdise le lactose, le sucre additionnel et tout additif industriel. Arf ! Adieu pizza et cheesecake !
Les minutes s’écoulent dans la procrastination la plus totale. J’écoute à peine les commentaires que A.I. balancent au sujet des pubs défilant à l’écran – une suite de critiques désobligeantes – quand un spot m’extirpe enfin de l’inertie dans laquelle je suis tombé.
« Ce soir, TBM, la chaîne connectée, diffusera en exclusivité la final du TDC ! »
Tout un tas d’images s’enchaine à grande vitesse, montrant quelques combats épiques de Conslider, suivis du portrait des meilleurs joueurs. Un arrêt un peu plus long est fait sur l’un d’entre eux, et je reconnais aussitôt son visage :
— Herman Stevson !
Je suis toutes les retransmissions de sa chaîne depuis bientôt un an. Son gameplay est incroyable et il est considéré comme le plus habile des joueurs de haut niveau.
Dans un dernier flash lumineux, les mots « Tournois des Champions » s’affichent et je me redresse du fond de mon sofa, comme hypnotisé par le contour miroitant des lettres projetées en 3D.
— Eh bien voilà ! déclame A.I.. Tu sais ce que tu vas faire de ta soirée, maintenant. Quoi de mieux que de regarder un bon tournoi en savourant un rôti de viande maigre, accompagné d’une sauce sans matière grasse et de ses petits légumes vapeur ?
— On va y aller.
Le robot émet une sorte de son strident, un grésillement que l’on peut comparer à un ricanement dans son cas.
— Allons… tu n’y penses pas ? Le fils du Grand Consul, au milieu d’une horde de supporters en folie, sentant la transpiration et le fast-food ? Allons, Aloïs… Il est temps de revenir à la réalité. Personne ne t’autorisera jamais à te rendre là-bas, même avec une armée de garde du corps.
Je vrille sur lui un regard à la fois déçu et attristé. Bien sûr… je sais bien que cela est impossible. C’est déjà la croix et la bannière pour obtenir le droit de me rendre aux jardins, alors dans un tournoi de gamers…
Malgré son manque d’empathie lié à sa condition de machine, A.I. perçoit clairement ma peine, aussi sa voix se fait-elle moins grinçante :
— As-tu pensé au moins aux microbes et à la saleté ? Tu pourrais attraper une saloperie, là-bas. Et puis, regarder le tournoi ici revient au même, à la différence près que tu auras une meilleure visibilité des combats, et un canapé moelleux contre lequel te blottir. Je sais que tu veux sortir d’ici, mais c’est pour ta sécurité. Ton père fait de son mieux pour te protéger, tu le sais.
Je détourne le regard. Mes poigs se resserrent malgré moi et une grimace traverse mon visage de part en part. Me protéger ? Cela fait trois ans qu’il me tient enfermé ici, comme prisonnier d’une tour d’ivoire. Depuis le jour du drame… ce jour où Mère a perdu la vie. Un attentat lors d’une visite politique. Personne n’aurait pu le prévoir, mais depuis, Père semble avoir peur de tout. Je me retrouve bloqué dans un écrin de velours, privé de ma liberté de vivre ma vie. Si au début, accablé par la mort de ma mère, je me suis laissé porter par ma peine et un sentiment d’insécurité constant, cela fait maintenant un moment que je ne supporte plus cette séquestration.
Mes yeux se posent sur le cadre photo posé sur la table basse. Un portrait de famille qui se veut chaleureux, sur fond de pique-nique au parc. Mon père avait quitté son uniforme ce jour-là pour se parer d’une tenue plus décontractée, mais on apercevait encore la broche du consulat à sa poitrine. Ma mère, elle, portait une longue robe en mousseline qui lui tombait jusqu’aux chevilles, ainsi qu’un chapeau haute-couture par-dessus sa longue chevelure auburn. Moi, quatorze ans à peine, je semblais plus absorbée par l’idée de manger une tartine de confiture plutôt que de regarder l’objectif.
Je me saisis de la photo, un pincement au cœur.
C’était bien entendu une mise en scène. On nous demandait à l’époque de reconstituer certaines banalités de la vie quotidienne afin de permettre au peuple de s’identifier à nous. Malgré tout, je me souviens de cette journée comme d’un excellent souvenir. Une fois les caméras parties, nous avions profité quelques heures d’un moment de détente à trois, sans nous soucier des convenances ni des retombées médiatiques.
Mon attention s’attarde un instant sur le visage de mon père. Les mêmes traits, la même tignasse blonde, les mêmes yeux bleus… Selon Mère, j’étais son portrait craché, en plus jeune. Un soupire m’échappe et je repose le cadre à sa place : une ressemblance purement physique, alors.
Depuis sa mort, Père se montre distant, voire inexistant. Depuis combien de temps ne l’ai-je pas vu, d’ailleurs ? Il est tout le temps en déplacement et obtenir une audience avec lui me semble plus complexe que ce fichu niveau de Conslider.
Un soupire m’échappe.
— Aloïs ?
Je ne réponds pas. Ma vision se perd un instant dans le flou tandis que des idées, des sentiments défilent à toute vitesse dans mon esprit. Ma peine, le souvenir d’une balade en bateau, ma solitude, le jour où la porte de ma chambre s’est refermée sur la silhouette de mon père, ma frustration…
Une sonnerie me tire de mes mauvaises pensées et je relève mon bras pour observer l’écran de mon bracelet de commande. Une vignette ronde pulse au rythme de la musique et à l’intérieur, le visage de mon père m’observe avec sévérité.
Mon cœur manque un battement et j’adresse un regard ahurit à A.I..
— C’est…
— Décroche, m’encourage-t-il. Allez.
Je ne peux cacher mon excitation. Il m’appelle ! Il s’en est souvenu.
Mon doigt tremble presque lorsque j’appuie sur le bouton.
— Oui ? entamé-je.
— Bonsoir Aloïs.
Douche froide. La voix qui résonne n’est pas celle de mon père, mais celle de son adjoint. Son larbin, si vous préférez. Non pas qu’il soit méchant, au contraire même, mais le voir prendre la place que devrait occuper mon père commence sérieusement à me taper sur le système.
Ma réponse se fait froide. Tout mon enthousiasme s’est envolé.
— Bonsoir monsieur Arnould…
— Je tenais à vous appeler de la part de votre père. Il ne peut communiquer avec vous aujourd’hui. Vous comprenez, il est très occupé. Malgré tout, il tient à vous souhaiter un excellent anniversaire.
— Ah. Super. Merci de m’en tenir informé.
— Il m’a demandé de vous faire parvenir un petit quelque chose pour l’occasion et il espère que cela vous plaira. Vous devriez l’avoir ce soir, au dîner.
— Chouette… Hâte de découvrir ça.
S’il n’a pas senti le sarcasme dans ma voix, c’est vraiment que cet homme est stupide.
— Bien. Il ne me reste qu’à vous souhaiter une agréable journée, Aloïs. Je vous ferai savoir lorsque le Grand Consul pourra passer vous rendre visite.
— Merci, c’est gentil.
Il raccroche.
Si mon bracelet n’était pas accroché à mon bras, je l’aurais sans doute balancé contre le mur. Dégouté, je me jette en arrière et me camoufle le visage entre les mains. Ma respiration s’emballe, la gorge me serre et quelque chose, au fond de mes entrailles, se presse. Les signes annonciateurs d’un début de crise. Bon sang, je dois me calmer.
— Même pas foutu de m’appeler lui-même une fois dans l’année…
Silence autour de moi. Même A.I. ne sait pas quoi répondre à cela. En même temps, y a-t-il quelque chose à dire ?
Combien de temps je reste ainsi, à observer le plafond, pris entre l’envie de hurler et de pleurer ? Lentement, ma colère et ma peine se mélangent pour se transformer en une boule de révolte.
Non ! C’était injuste ! Personne n’a le droit de m’imposer cette vie-là. Personne, et surtout pas mon père, cet homme qui brille si bien par son absence que j’en oublie presque le son de sa voix. C’est décidé ! Je ne me laisserai plus traiter de la sorte.
— Aloïs… que fais-tu ? demande A.I. alors que je me lève et récupère mes affaires pour les mettre dans un sac aux parois renforcées.
De l’argent, ma carte diplomatique, deux barres de céréales hyperprotéinées, du matériel mécanique et informatique…
— On va y aller à ce tournois, A.I. !
Ce dernier émet un son discordant, caractéristique de ses moments de paniques, puis ses yeux ne forment plus que deux gros ronds sur l’écran lui servant de visage.
— Quoi ? Mais… Mais tu as pensée à…
— Ne t’inquiète pas. Personne ne me reconnaîtra.
J’enfile mon casque de réalité virtuelle. Lorsque je l’allume, la visière holographique descend pour recouvrir tout le haut de mon visage. Les seules choses visibles sont ma bouche, mon menton et ma tignasse blonde à l’arrière de mon crâne.
— Mais… mais… mais… Comment veux-tu sortir d’ici, enfin ? C’est impossible !
Après avoir couplé le sac à mon jet pack, je le place sur mon dos, puis adresse un clin d’œil futé au robot, pour finalement me diriger vers le dressing. Enfin… dressing… disons plutôt l’immense pièce de cinquante mètres carrés servant à entreposer mes habits et mon linge. Au fond se trouve une trappe. Assez large, elle sert habituellement à évacuer les affaires sales, mais avec un peu de volonté, elle laissera passer un adolescent pas trop enrobé. Finalement, l’alimentation ultra-surveillée à ses avantages.
J’ouvre la trappe. A.I. et moi nous penchons pour observer le conduit qui descend à pique, direction les sous-sols de l’immeuble.
— Tu rigoles, j’espère ? tente une dernière fois de m’en dissuader le robot.
— Oh, que non !