Chapitre 1 : Le cauchemar vivant

Par OEL
Notes de l’auteur : j'aimerais beaucoup avoir des avis sur mes écris. et merci beaucoup d'avance

Le 20 décembre 2000, une nuit glaciale recouvrait la ville d’un silence pesant. Dans son bureau, le lieutenant Gabriel Strauss, 30 ans, s’affalait sur sa chaise, les yeux perdus dans le vide. Il était 21 heures, et la journée avait été longue, très longue. La pièce baignait dans une lumière ambrée vacillante, émise par une vieille lampe posée sur son bureau en chêne. Ce dernier, lourd et usé, était recouvert de piles de dossiers en désordre, d’une carte couverte de fils rouges et d’une tasse de café abandonnée, dont le contenu était froid depuis des heures. Les murs, tapissés de livres et dominés par une immense carte épinglée, semblaient presque murmurer les énigmes qu’ils contenaient. Les stores étaient à moitié tirés, laissant passer juste assez de lumière pour apercevoir un lampadaire vacillant de l’autre côté de la rue. Un fauteuil en cuir, râpé au fil des années, trônait dans un coin comme le témoin silencieux de longues nuits passées à ruminer des enquêtes.
Strauss était absorbé dans ses pensées. Une affaire étrange, rencontrée plus tôt dans la journée, tournait en boucle dans sa tête. Mais ce qui le ramena brusquement à la réalité fut un détail banal… enfin, au début. Le lampadaire en face de son bureau se mit à clignoter. Une fois, deux fois, trois fois. Il s’éteignait et se rallumait, puis s’éteignait encore, dans un rythme qui devenait presque hypnotique.
Agacé, Strauss fronça les sourcils. Il se leva avec l’intention ferme de tirer complètement les stores et d’éliminer cette distraction. Mais en s’approchant de la fenêtre, il vit une silhouette. Petite, immobile, sous la lumière vacillante.
— Encore un gamin, marmonna-t-il. Ils ne peuvent pas traîner ailleurs ?
Avec un soupir, il ouvrit la fenêtre. L’air glacé de décembre s’engouffra dans la pièce, mais Strauss était trop irrité pour y prêter attention.
— Hé, toi, là ! Rentre chez toi, il fait froid ! lança-t-il d’un ton bourru.
La silhouette ne bougea pas. Pas un geste, pas un son. Étrange.
Strauss plissa les yeux pour mieux voir, mais la lumière instable ne l’aidait pas. Quelque chose clochait. L’individu, la tête baissée, semblait… étrange. Pas un gamin, non. Pas même un homme ordinaire.
En un battement de cils, la silhouette changea. Devant les yeux écarquillés de Strauss, elle grandit, s’étirant comme une ombre déformée. Elle devint énorme, presque grotesque. L’homme, ou ce qui semblait être un homme, mesurait maintenant près de trois mètres. Ses bras, longs et musclés, semblaient disproportionnés, et il était enveloppé d’un épais manteau de fourrure.
Strauss recula instinctivement. Sa voix vacilla légèrement lorsqu’il tenta de parler :
— Avez… avez-vous besoin d’aide, monsieur ?
Aucune réponse. La chose resta là, immobile, comme si elle n’avait même pas entendu.
— Vous m’entendez ? insista Strauss, la gorge un peu sèche. Si vous avez besoin d’un abri, je peux vous indiquer un refuge !
Mais l’être, ou ce qu’il était, ne réagit toujours pas. Il demeurait là, sous la lumière clignotante, une statue étrange et inquiétante.
Ne m’entend-il pas ? Est-il sourd ? Gabriel enrageait presque. Ses pensées étaient si fortes qu’on aurait pu les lire sur son front, qui virait au rouge sous l’effet de l’agacement.
— Voulez-vous quelque chose ? Quelqu’un ? Vous avez besoin d’aide ? lança-t-il, sans grande conviction. Puis, dans un soupir, il ajouta     :
— Vous voulez entrer ? On peut vous donner quelque chose à manger.
À ces mots, l’homme en manteau réagit enfin. Gabriel remarqua un frémissement. Une sorte de tressaillement étrange, comme si l’homme venait de recevoir exactement ce qu’il attendait. Mais cela n’avait aucun sens ! Gabriel n’avait rien fait, rien donné… n’est-ce pas ?
Lentement, la tête de l’homme se redressa. Le lampadaire éclairait à peine ses traits ; le manteau épais couvrait la majeure partie de son visage. Pourtant, Gabriel sentit un frisson glacé lui parcourir l’échine. Là où il aurait dû voir des yeux, il y avait deux points rouges, lumineux, qui brillaient comme des braises ardentes.
C’est la fatigue, pensa-t-il aussitôt. Les yeux des gens ne brillent pas, voyons ! C’est ridicule.
Il cligna des yeux, espérant chasser cette illusion, mais quand il rouvrit les paupières, l’homme avait disparu. Plus rien sous le lampadaire. Plus rien dans la rue.
Était-ce une hallucination ? Un effet des quarante heures qu’il avait enchaînées sans dormir ? C’était absurde, bien sûr. Les gens ne s’évaporent pas comme ça. Et même si, par miracle, quelqu’un avait des yeux rouges luisants, il ne disparaîtrait pas dans un battement de cils.
Gabriel se passa une main sur le visage et soupira.    
— Je deviens fou, marmonna-t-il, un sourire fatigué sur les lèvres. Un café. Voilà ce qu’il me faut.
Il referma la fenêtre et se retourna vers son bureau, l’air presque amusé. Une hallucination. Cela finirait bien par arriver un jour.
Mais il n’eut pas le temps de savourer ce moment de dérision. Là, dans son bureau, se tenait l’homme… ou plutôt la créature.
Elle était gigantesque, tellement que sa tête frôlait le plafond. Ses yeux rouges brillaient comme deux phares dans l’obscurité de la pièce. Mais ce n’était pas tout. Là où un être humain aurait eu de la peau, cette chose arborait une épaisse fourrure noire. Et ses dents… oh, ses dents ! Longues, acérées, prêtes à déchirer. Pas de simples dents pour mâcher un repas, non. Ces crocs étaient faits pour tuer.
Gabriel sentit son souffle se bloquer lorsqu’il remarqua les mains de la créature. Grandes comme les tiroirs de son bureau, elles se terminaient par des griffes longues et brillantes, aussi affûtées que des couteaux fraîchement aiguisés.
— Ce n’est pas réel, ce n’est pas réel, ce n’est pas réel… se répétait Gabriel en boucle, sa voix tremblante dans sa tête.
Et puis, tout se précipita. Sans prévenir, la créature bondit, sa gueule béante révélant un chaos de dents scintillantes. Elle se lança droit sur lui, rapide comme l’éclair, prête à le dévorer.
— BAM !
Un bruit assourdissant retentit, ébranlant tout l’étage. Gabriel tomba au sol, les yeux fermés, le souffle court, son cœur battant si fort qu’il semblait vouloir s’échapper de sa poitrine.
Il resta là, étendu, la joue pressée contre le carrelage froid. Ses pensées s’embrouillaient, mais une seule chose comptait : il était vivant. Lentement, il ouvrit les yeux.
Gabriel réalisa qu’il était simplement tombé de sa chaise. Allongé sur le sol, il resta immobile, incapable de dire combien de temps s’écoulait. Quelques secondes ? Quelques minutes ? Le temps semblait figé.
Pourquoi était-il encore en vie ? La créature… Elle l’avait attaqué, non ? Ces crocs terrifiants, ces griffes acérées qui semblaient faites pour déchirer sa chair, cette bouche béante prête à le dévorer… Pourtant, il n’avait rien. Pas une égratignure. Était-ce un rêve ?
Non. Ça ne pouvait pas être un rêve. Les yeux rouges, ces lumières brûlantes dans l’obscurité, semblaient encore gravés dans son esprit. Mais tout autour de lui, il n’y avait que des papiers éparpillés et sa chaise renversée. Gabriel inspira profondément. Peut-être qu’il avait halluciné. Cela devait être ça.
— Tu comptes dormir par terre toute la nuit ou quoi ? lança une voix moqueuse depuis l’encadrement de la porte.
Gabriel releva la tête et reconnut immédiatement le lieutenant Alexandre Cole, son coéquipier et ami d’enfance. Alexandre s’appuyait nonchalamment contre la porte, un sourire amusé sur les lèvres. Ces deux-là avaient grandi ensemble, presque comme des frères, sauf pendant trois ans, lorsque Alexandre était parti dans un lycée à l’étranger.
— Tu devrais rentrer chez toi, vieux. À moins que tu trouves le sol et les papiers plus confortables qu’un bon lit.
Gabriel grimaça, se redressant avec peine.    
— Je vais bien, Alex. Pas besoin de jouer au baby-sitter.
— Ah oui ? répliqua Alexandre, en haussant un sourcil. Tu as enchaîné des affaires qui feraient craquer n’importe qui en deux jours à peine. Si tu ne veux pas perdre la tête, dégage de ce bureau. Je te donne 15 minutes pour descendre. Et si tu n’es pas là, je monte te bâillonner moi-même pour te ramener chez toi.
Gabriel esquissa un sourire, mais il savait qu’Alexandre était sérieux.    
— D’accord, d’accord. Tu as gagné cette fois. Mais en échange, tu m’expliques ce que j’ai raté ce matin sur l’affaire du garçon disparu. Tu semblais avoir compris quelque chose.
Alexandre inclina légèrement la tête, un éclat mystérieux brillant dans ses yeux, avant de disparaître dans le couloir.
Gabriel se mit à ramasser les dossiers éparpillés. L’un d’eux attira son attention. Le nom « Arthur Moore » était inscrit en lettres noires sur la couverture. Il se rappela soudain pourquoi il était encore là, à cette heure tardive. Avant de s’assoupir, il avait ruminé les événements de la journée.
Ce matin-là, Gabriel et Alexandre avaient découvert le corps d’un enfant disparu depuis 72 heures. Une découverte qui les avait tous deux bouleversés. Pas le temps de souffler : une autre affaire avait suivi presque immédiatement.
Un jeune homme de 17 ans, Victor Moore, disparu depuis deux ans, venait d’être retrouvé vivant. On l’avait découvert évanoui près d’une falaise, à quelques kilomètres de la ville. Un vieux chasseur, passant par-là, avait alerté les secours. Victor avait été transporté à l’hôpital, et sa famille son oncle et sa tante avait été prévenue.
Gabriel serra les dents en repensant à eux. Monsieur et Madame Moore… Ces deux-là n’étaient pas connus pour leur gentillesse. À l’époque de la disparition de Victor, beaucoup avaient cru qu’il s’était enfui pour échapper à leur tyrannie. D’autres avaient suspecté qu’ils le retenaient contre son gré. Gabriel lui-même, en voyant les premières informations sur l’affaire, avait envisagé cette hypothèse. Victor. Alex, lui, pensait que, malgré les abominations évidentes des Moore, quelque chose de bien plus sombre se cachait derrière cette disparition.
Le jeune homme, retrouvé amaigri, couvert de blessures et manifestement traumatisé, parlait à peine. Quand il s’exprimait, ses mots étaient chaotiques, presque brisés, comme s’il luttait pour rassembler des fragments épars de souvenirs. Ses récits, bien que fragmentaires, décrivaient des lieux sombres, des chaînes et des murmures étranges dans l’obscurité. Ces images, si terrifiantes et précises, donnèrent à Gabriel un frisson glacé. Il avait déjà vu des jeunes marqués par des événements traumatisants, mais cette fois-ci, cela ressemblait davantage à un cauchemar devenu réalité.
Les choses devinrent encore plus étranges à mesure que l’enquête avançait. Gabriel, fouillant dans les témoignages de Monsieur et Madame Moore, tomba sur des incohérences troublantes. Le couple évitait soigneusement certains sujets, leur malaise évident renforçant le soupçon qu’ils cachaient quelque chose. Pendant ce temps, Alexandre s’intéressait au vieux chasseur qui avait trouvé Victor. Ce dernier, malgré son allure modeste et sa vie recluse, n’était pas exempt de mystères. Pourquoi, parmi tant d’endroits possibles, se trouvait-il précisément là, au bord de cette falaise, au moment exact où Victor aurait pu périr ?
Gabriel s’efforça de retracer les deux années perdues de Victor. Mais chaque réponse qu’il obtenait semblait ouvrir un nouveau gouffre de questions. Comment avait-il survécu ? Qui l’avait retenu ? Était-ce son oncle et sa tante ? Ou quelqu’un d’autre, quelqu’un de bien pire ? Et pourquoi avait-il été libéré – ou plutôt, laissé pour mort – dans un endroit aussi isolé, si proche du vide ?
Alex, de son côté, explorait une piste plus étrange encore. Et si Victor n’avait pas été simplement captif, mais utilisé dans une expérience sinistre, ou pire, un rituel macabre ? Une idée folle, pensait Gabriel. Pourtant, avec cette affaire, chaque hypothèse, même la plus absurde, méritait d’être examinée.
L’hôpital où Victor avait été admis devint rapidement le cœur de leur enquête. Gabriel et Alex passaient des heures à interroger les médecins et à chercher des indices sur l’état de santé du garçon. Et c’est là qu’ils firent une découverte à glacer le sang. Sur le poignet gauche de Victor, gravée dans sa chair comme une marque au fer rouge, se trouvait une série de symboles étranges. Ces signes, semblables à un tatouage infligé dans la douleur, étaient à la fois fascinants et effrayants, un indice qui les plongeait encore plus profondément dans l’abîme d’un mystère insondable.
Ce matin-là, l’air glacial s’infiltrait dans la vieille voiture banalisée que Gabriel conduisait. À travers le pare-brise, une épaisse brume enveloppait la route, brouillant les contours du paysage comme un rideau spectral. Alex, assis à côté de lui, restait silencieux, les sourcils froncés, perdu dans ses pensées.
Gabriel jeta un coup d’œil à son partenaire, devinant qu’il ressassait encore les événements récents. Trois jours plus tôt, ils avaient découvert le corps d’un autre enfant disparu, et ce souvenir continuait de peser lourdement sur leurs esprits.
Le poids de la situation pesait lourd sur leurs épaules, mais il n'y avait pas de place pour s'attarder sur leur propre tourment. Une nouvelle affaire venait d'être confiée à Gabriel et Alex, et celle-ci, à en juger par les indices, promettait d'être tout aussi sombre que la précédente.
« Tu crois qu'il dira quelque chose ? » demanda Gabriel, brisant le silence lourd qui les enveloppait depuis leur départ.
Alex tourna lentement la tête vers lui. Les ombres sous ses yeux et son expression fatiguée donnaient à son visage une gravité qui semblait presque pesante.
« Victor ? Peut-être. Mais il faudra du temps. Avec ce qu'il a vécu, il n'est pas prêt à tout déballer comme ça, » répondit-il, d'une voix calme mais marquée par une réalité dure et cruelle.
Gabriel acquiesça sans ajouter un mot. Les paroles de Victor, les chaînes, les voix dans l’obscurité, résonnaient encore dans son esprit. Comment un adolescent pouvait-il survivre à une telle épreuve ? L’idée même d'une telle souffrance était insupportable.
Arrivés à l'hôpital, un vent glacial les accueillit, soufflant dans les interstices de leurs vêtements. Le docteur Harmon les attendait dans le hall, un homme au regard acéré, les cheveux grisonnants tirés en arrière avec une précision de maître. Il leur adressa un bref salut avant de les mener dans un couloir faiblement éclairé.
« Inspecteurs, merci d’être venus, » dit-il d’une voix grave, qui résonnait faiblement dans le silence de l'hôpital. « Victor est encore très faible, mais il est conscient. Je vous demanderais de faire vite, s’il vous plaît. »
Dans la chambre, Victor était assis sur son lit, ses jambes repliées contre lui dans une posture fragile, presque enfantine. Ses yeux étaient fixés sur un point invisible au-delà des murs, comme s’il se trouvait dans un autre monde, hors de portée de ce qui l’entourait. Gabriel sentit une douleur sourde en le voyant ainsi, tellement amaigri qu'il en paraissait presque irréel. Il était l'ombre de lui-même. Et sur son poignet gauche, cette marque étrange, gravée profondément dans sa peau, comme un souvenir que rien ne pourrait effacer.
Alex s'agenouilla lentement près de lui, sa voix douce et rassurante.
« Salut, Victor. Je m'appelle Alex, et voici Gabriel. On est là pour t'aider. »
Victor tourna la tête lentement, ses yeux grands ouverts comme s’il tentait de discerner qui se trouvait devant lui. Un frisson d'incertitude traversa son regard.
« Ils… ils regardent toujours. L'œuf… l'œuf, il ne doivent pas le prendre, » murmura-t-il d’une voix tremblante, comme un écho de peur dans le silence de la pièce.
Gabriel, surpris, échangea un regard avec Alex, qui, lui aussi, semblait intrigué par cette réponse énigmatique. « Qui regarde, Victor ? Tu peux nous en dire plus ? » demanda Gabriel, son ton plus pressant mais toujours empreint de douceur.
Le silence de la pièce sembla se prolonger, lourd, comme si le temps s'était suspendu, attendant la réponse du jeune garçon.
Mais Victor secoua la tête frénétiquement, son souffle s'accélérant. Ses yeux s'agrandirent d'une peur presque palpable.
« Non. Non, ils écouteront. Si je parle… ils reviendront. »
Alex, calme et rassurant, posa une main sur l'épaule du garçon. « Personne ne va te faire de mal ici. Tu es en sécurité maintenant. »
Mais Victor, comme un animal traqué, enfouit son visage dans ses bras, rejetant toute tentative de communication. Gabriel sentit une frustration sourde monter en lui. Il savait qu’ils n’obtiendraient pas plus pour l’instant. Il n’y avait qu’une chose à faire : patienter. Mais un malaise profond persistait, un sentiment d’imminence, de quelque chose d’encore plus sombre qui se profilait.
De retour au commissariat, Gabriel se plongea dans le dossier des Moore, l’oncle et la tante de Victor. En feuilletant les pages, il se retrouva face à des visages antipathiques, des regards fuyants qui semblaient presque échapper à la page elle-même. Il y avait quelque chose d’étrange dans ces photos, comme une énergie malveillante qui s’émanait d’eux, même figés dans le temps.
« Ils ont toujours eu une sacrée chance, » commenta Alex d’un ton acerbe, en feuilletant les rapports à son tour. « Rien n’a jamais pu être prouvé contre eux. Mais leur alibi pour la nuit de la disparition… C’est comme un parchemin rongé par les mites. Ça ne tient plus. »
Gabriel esquissa un sourire mais son regard ne quittait pas la note manuscrite en bas de page. Un détail qu’il n’avait pas vu plus tôt. « Et ce chasseur ? Son histoire tient debout ? »
Alex posa une tasse de café sur la table, avant de répondre d’un ton légèrement plus grave. « Pas vraiment. Je suis allé faire un tour chez lui hier soir. Il dit avoir trouvé Victor par hasard en chassant, mais il n’avait même pas son fusil. Et tu sais quoi ? J’ai trouvé des empreintes près de la falaise. Pas les siennes, ni celles de Victor. Quelqu’un d’autre était là. »
Gabriel haussa un sourcil, intrigué. « Peut-être celui qui l’a relâché. Si on peut appeler ça "relâcher". »
Alex acquiesça lentement, un frisson traversant son regard. « La vraie question, c’est : pourquoi le garder vivant tout ce temps pour ensuite le laisser près d’une falaise ? » Il murmura presque pour lui-même, comme s’il avait une révélation. « Cette falaise... Non, ce n'est pas possible... »
Le temps s'étira dans une lente agonie de réflexion et d’observation. Chaque nouvelle information semblait s’empiler sans jamais fournir de réponses claires. Les Moore avaient été convoqués pour un interrogatoire. Dès leur entrée dans la pièce, leur nervosité était presque palpable, comme si un nuage de mensonge et de dissimulation les entourait.
Gabriel croisa les bras, son regard perçant scrutant Monsieur Moore. « Vos voisins vous accusaient de maltraiter Victor avant sa disparition, » lança-t-il froidement, comme pour les pousser à réagir.
Monsieur Moore serra les poings sur la table, son visage se contractant sous la colère. « Des mensonges ! Ce gamin a toujours été ingrat. On l’a élevé après la mort de ses parents, des abominations qu’étaient ses parents ! » Le ton de sa voix se fit plus amer. « On l’a nourri, logé, vêtu. Et vous savez quoi ? Jamais un mot de reconnaissance. Jamais un merci. Pourquoi ? Parce qu’il était comme eux ! Un bon à rien ! Nous ne sommes pas responsables de son départ, il est parti tout seul ! »
La colère de l’homme était palpable, mais la nervosité dans ses yeux ne passait pas inaperçue. Gabriel savait qu’il fallait faire attention à chaque mot. Il décida de rester calme, de ne pas se laisser emporter par l’émotion.
« Vous êtes sûr de ça ? Vous êtes sûr qu’il n’est pas parti à cause de ce que vous lui avez fait ? » insista Gabriel, son ton glacé, presque inaudible, mais pénétrant.
Le silence qui suivit était lourd, menaçant. Et dans ce silence, Gabriel sentit que la vérité n’était pas encore prête à se révéler. Mais un jour, elle le ferait. Il en était certain.
« Sans doute allée retrouver des gens comme lui, des gens comme ses parents… Et voilà, il revient presque mort et c’est nous qui devons tout supporter ? Voilà comment on nous remercie ! » Monsieur Moore, rouge de colère, crachait ses mots comme des épines. Gabriel le regarda, son esprit agité par ces paroles pleines de haine, mais il savait que s’emporter ne les ferait avancer en rien.
D’une voix calme, presque douce, il répondit : « De quel genre de gens parlez-vous, exactement ? »
Madame Moore, toute tremblante, se frotta les mains, comme si elle espérait y chasser l’angoisse qui l’envahissait. « Victor était fragile, bien trop fragile pour ce monde. Mais nous, nous n'avons rien à voir avec ça. »
Gabriel insista, sans se laisser déconcerter : « Et ces gens dont vous parlez, vous pouvez nous en dire un peu plus ? »
Monsieur Moore, qui semblait s’énerver à chaque mot, s’écria : « Nous ne connaissons personne ! Et on n’a aucune envie de savoir qui ils sont, d’accord ? »
Gabriel, toujours aussi calme, enchaîna : « Alors où puis-je les trouver ? Parce que, pour être honnête, je doute que vous soyez aussi innocents que vous voulez le faire croire. »
Madame Moore, les yeux fuyants, balbutia : « Nous ne savons rien ! On n'a rien à voir avec tout ça, je vous le dis ! »
L’atmosphère se tendait, comme une corde prête à céder. Gabriel, qui sentait la frustration lui monter au visage, allait répliquer lorsque la porte s’ouvrit brusquement, coupant court à la conversation.
Le capitaine Bolton entra dans la pièce, d’un pas lourd, son regard perçant comme celui d’un faucon. « Assez ! » ordonna-t-il d’une voix rauque. « Laissez-les partir. »
Gabriel, encore sous le coup de l’agacement, se tourna vers lui, mais la détermination du capitaine ne laissait pas de place au doute. « Mais capitaine… » protesta-t-il, le poing serré. « Il faut qu’on les pousse à parler ! »
Bolton ne le laissa pas continuer. « C’est terminé, Gabriel. J’ai dit assez. »
Monsieur Moore, d’un air hautain, se leva lentement. « Il était temps. » Ses lèvres s’étirèrent en un sourire narquois. « Mais attendez-vous à une plainte. Ça vous fera une belle récompense. »
Gabriel, la colère bouillonnant dans ses veines, répondit d’un ton glacé : « Faites donc. »
Les Moore sortirent alors, leurs murmures d'insultes s’éteignant peu à peu dans le couloir. Gabriel les regarda partir, un soupir d’agacement échappant de ses lèvres.
Le capitaine Bolton, maintenant seul avec Gabriel, le fixa longuement. « Vous devez apprendre à vous maîtriser, Gabriel. Je comprends votre colère, mais il y a des règles à suivre. Je ne permets à aucun de mes hommes d’agir comme ça. » Il secoua la tête, l’air sévère. « Reprenez-vous. »
Gabriel se redressa, essayant de faire taire la tempête qui grondait en lui. « Mais capitaine, ils viennent de me donner une piste, et maintenant vous les laissez partir ? » Sa voix était pleine de frustration.
Bolton haussait les épaules, l’air impassible. « Désolé, mais parfois, il faut faire un choix. » Il sourit légèrement. « Allez plutôt voire où en est votre collègue. » Il désigna la sortie d’un geste.
Gabriel se tourna, jetant un dernier regard à Bolton avant de sortir de la pièce. Ses pensées étaient en tourbillon, et il savait que, malgré tout, il devait avancer. Alex l’attendait quelque part, et ensemble, ils pourraient peut-être faire avancer l’enquête. Parce que pour Gabriel, cette affaire n’était pas encore terminée. Pas du tout.
Le Lieutenant Strauss s’approcha du bureau d’Alex, un peu surpris par le calme inhabituel de son collègue. Alex, d’habitude toujours en train de marmonner des hypothèses, des théories farfelues, ou de résoudre des énigmes à toute vitesse, était là, complètement absorbé par un livre étrange. Gabriel fronça les sourcils. Dans les mains d’Alex, un ouvrage à la couverture vert émeraude brillait faiblement. L'Antre de Merlin : Les Secrets Sombres de la Magie. Gabriel cligna des yeux, croyant avoir mal vu. Il venait de sortir d’un interrogatoire épuisant, où chaque question avait mené à encore plus de mystères, et voilà qu’Alex, tranquillement installé, s’intéressait à un livre de magie. Le monde semblait définitivement avoir perdu la tête.
« Alors, tu penses devenir magicien avant qu’on termine l’enquête ? » lança Gabriel, sa voix marquée par un mélange de frustration et d’étonnement. « On a un gamin à moitié mort sur les bras, et toi, tu t’intéresses à Merlin ?! »
Alex leva lentement les yeux, comme si la question était des plus naturelles. « C’est juste une intuition », répondit-il d’un ton calme, presque comme si Gabriel ne venait de rien dire de particulièrement étrange.
Gabriel, le regard fixé sur lui, sentit la colère lui monter au nez. « Une intuition ? Tu deviens complètement fou ou quoi ? » demanda-t-il d’une voix presque rauque.
« Eh bien, je pense que je suis aussi sain d’esprit que toi, » répliqua Alex, l’air nonchalant. « Donc, si tu te crois fou, tu n’es sûrement pas le seul. »
Gabriel avait l’impression que son esprit allait exploser. Mais avant qu’il ne réponde, Alex, toujours implacable, tourna le livre vers lui et montra des symboles dessinés sur les pages. Il les pointa du doigt avec un air de connaisseur.
« Tu as vu les symboles sur le poignet de Victor ? Voilà ce que j’ai trouvé. » Alex montra un premier symbole, une sorte de barre verticale. ça représente la dualité et le pouvoir. Celui-là, il montra une sorte de X, et ça symbolise la paix et l’harmonie. Et ce dernier, il désigna un symbole qui ressemblait à un B le renouveau. Je les connais, ceux-là. Ils viennent de l’alphabet runique. 
Gabriel n’était toujours pas convaincu. Il se pinça les lèvres, tentant de cacher son agacement.  Fascinant. Vraiment fascinant. Et alors, ça nous avance en quoi, tout ça ?  demanda-t-il avec un sourire ironique.
Alex leva les yeux vers lui, toujours aussi serein.  Patience, patience. Son ton était aussi calme que si Gabriel lui avait demandé quel temps il faisait.
Gabriel, les bras croisés, laissa échapper un soupir.  Il y a un gamin qui est en train de mourir et toi, tu me parles d’un alphabet runique. 
Alex n’eut qu’un léger sourire avant de poursuivre comme si de rien n’était. Pour ma part, je penses que ce gamin n’est pas si innocent que tu le penses. Il fricotait avec  les force du mal
« les force du mal » répétât Gabriel d’un ton las. Il n’arrivait toujours pas à croire ce qu’il écoutait. Il leva les yeux au ciel et murmura :  Ton fils ne doit vraiment pas s’ennuyer avec toi…, tu as une imagination incroyable mais ce n’est vraiment pas le moment de joué Alexander 
Alex ne fit même pas attention à la remarque. Je ne dis pas qu’il était entièrement d’accord avec ses camarade si je peux dire vu qu’il a fini par s’échapper et aussi que  ce symbole (il montrât à nouveau celui en forme de B) représente le contrôle, la manipulation mental je ne sais donc pas quoi penser. Selon Merlin…Gabriel cligna des yeux, surpris.  Merlin, vraiment ? s’écrit-il  Il avait du mal à cacher sa colère. Tu me parles de Merlin maintenant ? et le roi Arthur il est où ?
Alex, imperturbable, acquiesça. Oui, Merlin explique que la personne marquée par ce symbole commence à être guidée par d’autre voix que la sienne c’est la spécialité des buveur de sang
Gabriel, les bras toujours croisés et l’air franchement perplexe, laissa échapper un long soupir.  Donc, selon toi, ce gamin serait manipulé par un vampire
Alex hocha la tête et se replongea dans son livre avec un air satisfait, comme si la réponse venait de tout éclaircir. Gabriel, lui, n’était pas sûr d’être plus avancé, mais une chose était sûre pour lui c’est qu’Alex était fou à cet instant.
C’est très probable en effet dit Alex pour répondre avec décalage à la question de Gabriel. Et en plus, le gamin  semblait venir de l’autre côté, vu l’endroit où il a été retrouvé.
De l’autre côté ?  demanda Gabriel, un sourcil levé. De l’autre côté de quoi, exactement ? 
Alex tourna lentement la page de son livre, comme si ce qu'il disait n'avait rien d’extraordinaire. De l’autre côté du voile répondit-il, sans lever les yeux de son ouvrage.
Du voile ? répéta Gabriel, son ton d’abord calme, puis soudainement plus fort, presque exaspéré. Du voile ?!  Il se leva d’un bond.  Tu veux me parler des histoires que ta mère nous racontait quand on était gamins ?! Comment peux-tu être aussi irresponsable ? Je te parle de la réalité, et toi, tu me parles de contes ! Mais qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez toi ? 
Alex leva enfin les yeux de son livre. Laisse-moi t'expliquer dit -il. 
M'expliquer ?  Gabriel secoua la tête, furieux.  Imagine une seconde que ce soit ton fils qu'on ait retrouvé. Tu continuerais à parler de cette manière ? Tu agis comme si tu t’en foutais complètement, comme si tu étais… fou.
Alex prit une grande inspiration et se redressa légèrement, ses yeux toujours aussi sereins. Si je parle comme ça, c’est justement parce que je pense à mon fils tu n’es as sensé savoir tout ça et c’est toi qui ne comprends pas, Gabriel. Tu te souviens de ce que le gamin a dit ? L’œuf. 
Gabriel cligna des yeux, incrédule.  L’œuf ?! Tu me parles maintenant d’un œuf ?! Il laissa échapper un rire nerveux, secouant la tête. Non mais sérieusement, Alex, tu perds complètement la tête. 
À ce moment-là, la porte s’ouvrit brusquement, interrompant leur échange houleux. Alicia, une des nouvelles recrues, se tenait dans l'embrasure de la porte, le regard inquiet.
 Lieutenant, s’écria-t-elle d'une voix tremblante.  Ce n’est pas le moment, Alicia, répondit Gabriel d’un ton sec, les poings serrés. Il ne voulait rien entendre d’autre pour l’instant.
Mais Alicia s’avança malgré tout, une lueur d’appréhension dans les yeux. Il…il  est mort. 
Gabriel se figea, une onde de choc traversant son visage. Le garçon... Victor ?  demanda-t-il, sa voix soudainement plus faible.
Oui, répondit Alicia d'une voix calme mais chargée de tristesse.  L’hôpital vient d’appeler. Il est décédé à 18h30. 
Un silence lourd s’installa dans la pièce. Gabriel sentit comme si le temps s’était arrêté, ses pensées tourbillonnant dans sa tête. Finalement, Alex brisa ce silence d’une voix  ferme :  C’est ce que je voulais dire, Gabriel. Certaines choses ne peuvent pas être expliquées, pas comme ça, du moins. Mais crois-moi. 
À peine avait-il terminé sa phrase que Gabriel, pris d’un élan de colère irrépressible, frappa Alex en pleine face. Le coup le propulsa au sol avec une telle force que l’air sembla vibrer autour d’eux. Alex, toujours calme, se redressa lentement, levant les mains pour écarter Alicia qui s’était précipitée pour l’aider.
Laisse, ce n’est pas la peine, dit-il d’un ton tranquille, essuyant du revers de la main le sang qui perlait sur sa lèvre.
Gabriel, sans dire un mot de plus, se dirigea vers la porte et la claqua violemment derrière lui. Il marcha d’un pas lourd jusqu’à son bureau, où il se laissa tomber dans son fauteuil, complètement abattu. Il resta là un moment, les mains croisées sur la table, avant de se lever pour aller se tenir devant la fenêtre. Le vent glacé de la soirée s’engouffra dans la pièce, comme une brise qui semblait vouloir balayer ses pensées sombres. Il aperçut Alex quitter le bâtiment, la silhouette de son collègue perdue dans l’obscurité.
De retour au présent, Gabriel tenait toujours le dossier de l’affaire Victor dans les mains. Il retourna s’asseoir à son bureau, posant le dossier sur la surface, son esprit redevenais en ébullition. Il repensa à la scène avec Alex, à cette colère qui bouillonnait en lui, et se demanda s’il devait descendre, lui demander des explications immédiatement ou attendre être rentré et reposé. Mais alors, quelque chose de bien plus étrange s’infiltra dans son esprit.
« Où est l’œuf ? »
Gabriel tressaillit, surpris par les mots qui résonnaient dans sa tête. Il se figea, cherchant à comprendre d’où venait cette pensée. Puis, plus fort, la voix revint : « Où l’avez-vous mis ? Où est l’œuf ? »
La voix tremblait, mais elle devenait de plus en plus pressante, plus insistante, comme un murmure obsédant qui ne cessait de se répéter dans son esprit.
« Où l’avez-vous caché ? Où est l’œuf ? »
Gabriel posa une main sur sa tête, comme s’il pouvait écarter cette étrange voix, mais elle continuait de résonner dans ses oreilles. Il n’arrivait pas à comprendre. Ces mots… ce n’étaient pas les siens.
Gabriel se tenait la tête, sa peau brûlante de douleur. Il n’arrivait pas à comprendre pourquoi ces pensées étaient là, pourquoi elles tourbillonnaient dans sa tête. Et surtout, qu’est-ce que cette voix voulait dire par "l’œuf" ? Il se répétait sans cesse : Je n’ai pas de poulailler, comme si cela pouvait effacer la voix qui résonnait dans son esprit. Mais plus il tentait de se convaincre que tout cela n’était que le fruit de son imagination, plus la voix devenait forte, insistante, dévorante.
Où… EST… L’OEUF… DONNE-LE MOI !
Les murmures, froids et dénués de toute humanité, envahissaient chaque recoin de son esprit. Ses mains se crispèrent autour de ses tempes, comme s'il pouvait empêcher la douleur de s'emparer de lui. Mais la douleur montait, chaque pulsation de sa tête lui rappelant à quel point il était proche de perdre le contrôle. Il ferma les yeux, espérant que cela l’aiderait à se concentrer, à chasser cette voix, mais elle ne cessait de grandir. Plus proche, de plus en plus proche.
Il tenait fermement sa tête, mais la douleur ne cessait de s'intensifier, comme si son crâne allait se fendre sous l'énorme pression. Il ouvrit la bouche pour hurler, pour crier toute cette souffrance, mais aucun son ne sortit. Ce n’était pas possible. Sa gorge était comme étranglée par une force invisible. Rien. Pas un bruit.
Il rouvrit les yeux, et là, il la vit à nouveau. Là où elle avait disparu, là, dans l’ombre de son esprit, la créature se tenait. Elle mesurait trois mètres de haut, les yeux rouge brillant comme des braises, une faim insatiable dans le regard. Sa fourrure épaisse, ses dents acérées et ses griffes démesurées… Elle semblait vouloir déchirer tout sur son passage.
Non, non, non… ce n’est pas réel, se répétait Gabriel intérieurement, les mots se bousculant dans son esprit comme un écho. Il n’est pas réel, pensait-il. C’est impossible, il ne peut pas être réel. Mais plus il tentait de le nier, plus l’image de la créature devenait vivante, tangible. Il se battait contre la panique, essayant de se convaincre qu'il était encore en contrôle, qu’il allait se réveiller de ce mauvais rêve. Mais rien ne changeait.
Où est l’œuf ? Les murmures dans sa tête devenaient de plus en plus forts, chaque mot frappant son esprit comme un marteau.
Gabriel serra les dents, se battant contre la douleur et la terreur qui montaient en lui. Je… je ne sais pas de quoi vous parlez…, réussit-il à articuler, le souffle court, luttant contre l’effort nécessaire pour faire sortir ces mots de sa bouche.
L’œuf… que le garçon nous a dérobé… l’œuf… que le garçon a caché… le garçon avec qui tu parlais tout à l’heure à l’hôpital…, le garçon que j’ai tué…
La voix désincarnée résonnait en lui, glaciale et menaçante. Gabriel écarquilla les yeux. Vous… vous avez tué ce garçon ? Sa voix était tremblante, chaque mot semblant un combat pour sortir. La créature hocha la tête lentement, un ricanement sourd s’échappant de ses lèvres.
OUI, répondit-elle, sa voix grave et pleine de malice. Où… est… l’œuf ?
Gabriel recula d’un pas, les mains crispées autour de son arme. Il regarda la créature, les yeux fixés sur les crocs pointus qui semblaient prêts à se refermer sur lui. Qui êtes-vous ? demanda-t-il, la peur lui serrant la gorge. Mais la créature ne répondit pas. Elle répéta la question, plus forte cette fois, avec un grondement menaçant.
Gabriel sentit une vague de froid le traverser. Il n’avait pas le choix. Il tourna son regard vers son arme et, en un éclair, tira. Les balles s’enfoncèrent dans la créature, mais elle hurla, un cri déchirant et si puissant que Gabriel crut que sa tête allait exploser. C’était comme si le cri perçait les murs du bâtiment, prêt à réveiller toute la ville.
La créature hurla de nouveau. Où… est… l’œuf ? Le bâtiment tremblait, chaque cri faisant vibrer les murs.
L’œuf… l’œuf… l’œuf… je ne sais rien à propos de ton œuf ! Gabriel cria à son tour, sa voix frémissant d’impuissance. Mais dans un éclair de lucidité, il se souvint des mots d’Alex. Avant qu’il ne lui mette son poing dans la figure, Alex avait parlé d’un œuf.
Alex ? pensa-t-il, comme frappé par une révélation soudaine.
La créature, qui semblait avoir capté cette pensée, s’arrêta un instant, ses yeux se fixant sur Gabriel. Alex ? Qui est Alex ?
Ce n’était pas possible. Le monstre venait de lire dans son esprit. Gabriel se sentit transi, comme si une part de lui venait de s’échapper. Il se força à fermer son esprit, à repousser la créature, mais son regard rougeoyant se tourna vers la porte, et Gabriel sut, sans l’ombre d’un doute, que le monstre venait de lire tout ce qu’il pensait.
Gabriel sentit une étrange chaleur envahir son corps. D’un geste rapide, il attrapa le fusil à pompe posé dans un coin de son bureau et le braqua sur la créature. À peine avait-il pointé son arme que la bête bondit sur lui, ses crocs s’enfonçant profondément dans son bras droit. Un cri de douleur s’échappa de ses lèvres, mais avec un dernier effort, il appuya sur la détente, envoyant un tir direct à la tête du monstre. Le bruit assourdissant de l'explosion de la balle fit sortir la créature de son bras, et elle poussa un cri strident qui fit frissonner l’air autour de lui, un cri qui semblait vouloir déchirer la nuit elle-même.
Gabriel, à bout de souffle, regarda la créature s’effondrer lentement au fond du bureau. Il resta un moment-là, immobile, les yeux fixés sur la créature morte, avant de murmurer, presque dans un état de choc :
— Je l’ai tué… Il laissa échapper un petit rire nerveux. Je viens de tuer un loup-garou... j’ai gagné, j’ai gagné... Il reprit son souffle, la douleur dans son bras droit se mêlant à la fatigue de la journée. Le sang s’écoulait lentement, mais il n’arrivait pas à s’en soucier vraiment. La tête lui tournait, mais l’excitation de sa victoire sur la créature l’emportait.
Tout à coup, un bruit sourd résonna dans la pièce. Gabriel sursauta et tourna la tête vers la porte, qui venait de s’ouvrir brusquement. Il aperçut ses collègues qui se précipitaient dans le bureau, armes à la main, le souffle court et visiblement paniqués. L’un d’eux s’écria :
— Pourquoi avez-vous ouvert le feu dans votre bureau, Lieutenant Strauss ? Le capitaine Bolton, visiblement perdu et confus, avait une expression de surprise mêlée de mécontentement. Que se passe-t-il ? Je sais que la journée a été difficile, mais de là à tirer sans réfléchir… Allons, posez votre arme, Gabriel.
Gabriel cligna des yeux, abasourdi. Les paroles du capitaine lui semblaient si dénuées de sens qu’il ne savait même pas par où commencer pour y répondre. Étaient-ils aveugles ? Se demanda-t-il. Ne voient-ils pas ce monstre allongé là, mort au fond du bureau ? Ne voient-ils pas mon bras en sang à cause des crocs ?
Le capitaine, visiblement de plus en plus agité, ordonna d'une voix forte :
— Posez votre arme !
Mais Gabriel ne pouvait pas comprendre. Il tourna son regard fiévreux vers le capitaine, une lueur d’incompréhension dans les yeux. Puis il se tourna à nouveau vers la créature morte.
— Mais… capitaine, dit-il, la voix tremblante de frustration et de panique. Ne voyez-vous pas le monstre ? Ne voyez-vous pas le loup-garou allongé dans mon bureau ? Ne voyez-vous pas mon bras en sang ?
Le capitaine se tourna lentement, observant le fond du bureau où reposait la créature, puis ses yeux se posèrent sur le bras de Gabriel. Il semblait plus confus que jamais.
— Je vois le sang sur votre bras, Lieutenant, dit-il d’une voix calme mais pleine de préoccupation. Nous allons vous aider. Vous avez vécu une journée traumatisante et fatigante. Laissez votre arme, s’il vous plaît.
Gabriel, le souffle court, se sentait de plus en plus perdu dans cette situation absurde. Il tourna son regard vers le capitaine, les yeux remplis de colère et de confusion.
— Où est Alex ? demanda-t-il, son ton désespéré. Trouver Alex… il comprendra… il saura ce qui se passe.
Le capitaine répondit d’une voix ferme :
— Je vous demande de poser votre fusil, Lieutenant. Posez-le, maintenant.
Alors qu'il répétait son ordre, une étrange vibration parcourut le bureau. Un bruit sec, presque comme un craquement, fit trembler les murs du bureau. Gabriel sentit une secousse violente sous ses pieds, une vibration qui semblait provenir de sous le sol. Le bureau tremblait, les meubles se déplaçaient légèrement sur le sol, comme si le lieu lui-même essayait de se soustraire à cette situation.
Les policiers autour de lui s’étaient figés, les armes pointées, regardant autour d’eux, les yeux écarquillés de confusion. Mais étrangement, ce n’était pas le reste du bâtiment qui tremblait. C’était uniquement le bureau de Gabriel. Comme si ce dernier était en proie à une sorte de secousse invisible, cherchant à se libérer de l’espace qu’il occupait.
Les tremblements s'intensifièrent, les murs vibrèrent de plus en plus, et l’air dans la pièce semblait devenir lourd, presque oppressant. Gabriel se sentit englouti dans cette atmosphère étrange, comme si tout ce qu’il connaissait voulait s’effondrer autour de lui.
Le temps semblait se figer alors qu'il se battait pour comprendre ce qui se passait. Mais, dans un coin de son esprit, une pensée insistante le frôla. Quelque chose n’allait pas… Quelque chose n’était pas normal.
"Que se passe-t-il donc ?" s’écria le capitaine Bolton, l'air complètement paniqué. Gabriel ne répondit pas, trop absorbé par ce qu'il venait de voir. Son regard était fixé sur la pièce, et c’est là qu’il le vit. Le loup-garou, apparemment indemne, venait de se redresser, sa blessure avait disparu comme par magie. Il était toujours là, aussi imposant, ses yeux rouges flamboyants fixés sur la pièce.
Au moment où la pièce cessa de trembler, l'un des policiers s’avança prudemment, comme s’il essayait de comprendre ce qui se passait. Mais dès qu’il aperçut la créature, il poussa un cri de terreur et, dans un geste désespéré, vida son chargeur sur le monstre.
"Non, ça ne sert à rien !" s’écria Gabriel, son ton plein d'angoisse et de désespoir. Mais, trop tard. L'instant d'après, la créature, d'un coup de griffes rapide, attrapa le policier, l’enserrant dans ses énormes griffes.
"Vous, les délaisser qui habités ce monde vous vous croyez tellement puissants, invincibles, intelligents…" La voix du loup-garou résonna dans la pièce, menaçante. "Comme vous venez de le voir, vos armes ne m'atteignent pas. Alors… où est l’œuf ? Une mauvaise réponse et il y aura des conséquences. Où est l’œuf ?"
Gabriel observa ses collègues. Leurs visages étaient figés par la terreur, et leurs yeux, pleins de confusion, se tournaient vers le policier pris par la créature, mais ils ne voyaient toujours pas ce que lui voyait. Gabriel comprit alors que ce qu'il percevait, cette créature, cette voix désincarnée, n'était pas partagé par tout le monde. Le capitaine Bolton, toujours stupéfait, tourna son regard vers la créature qu’il ne voyait pas, comme guidé par le policier suspendu entre les griffes de l’animal. Dans un geste impulsif, il ouvrit le feu.
Les yeux rouges du loup-garou se tournèrent vers la porte, juste au moment où Alex, tel un mirage, surgit de nulle part. D'un geste rapide, il lança une poudre en direction du monstre. La créature hurla, se tordit, et sembla perdre son apparence monstrueuse pour retrouver presque une forme humaine. Cette odeur, le sang des elfes grogna la créature, toi que fait tu ici encore toi, toujours toi.
Dans un mouvement précipité, Alex poussa Gabriel au sol, marmonnant des paroles incompréhensibles, comme si elles étaient écrites sur une feuille invisible. Gabriel n'eut même pas le temps de réagir avant que, en un éclair de lumière blanche, le loup-garou avait disparu complètement. Alex, quant à lui, s'effondra sur le sol, son corps couvert de bleus et de blessures comme s’il sortait d’une longue bataille, ses yeux ouverts fixant le plafond d’un regard vide. Il était… mort.
Le monstre avait disparu. Comment ? Quand ? Personne, pas même le capitaine Bolton avec ses sourcils toujours froncés comme s'il avait une réponse cachée dans sa tête, n’aurait su le dire. Ce qui était certain, c’est qu’il n’était plus là. La pièce était étrangement calme. Trop calme, pensa Gabriel en essayant de bouger, mais son corps refusait de coopérer. Il était allongé sur le sol froid, le sang s’échappant de lui comme de l’encre d’un parchemin déchiré. Sa vision se brouillait, les formes autour de lui devenant floues et irréelles. Puis, comme pour leur rappeler qu’ils n’étaient pas encore tirés d’affaire, il eut un crac assourdissant qui déchira le silence de mort. Le bâtiment entier sembla frémir d’indignation, tremblant si violemment que les murs, le sol, le plafond  se mirent à craquer et à gémir.
— Il faut qu’on sorte d’ici ! Il faut qu’on sorte ! hurla le capitaine Bolton, la panique perçant dans sa voix.
Mais Gabriel n’entendait plus rien. Sa tête tournait. Et soudain, tout autour de lui éclata. Le plafond, les murs, même le sol sous lui semblaient se désintégrer comme une pièce de théâtre dont les décors étaient emportés en coulisses.
Il tombait, tombait sans s’arrêter. C’était une chute interminable, une sensation de vide qui s’étirait comme les heures passées dans une salle de retenue. La lumière s’effaçait peu à peu, avalée par l’obscurité. Il n’y avait plus rien : ni sol, ni murs, ni bruit. Juste Gabriel, flottant dans ce néant glacé.
Le temps s’étira, perdant toute signification. Était-ce une minute ? Une heure ? Une année ? Gabriel n’aurait pas su le dire. Par moments, il crut apercevoir une petite lueur, là-bas, au loin. Une flamme vacillante, comme celle d’une bougie qui refuserait de s’éteindre.
Il tenta de l’attraper, tendant une main tremblante dans sa direction. Mais la lueur, espiègle comme en train de jouer un mauvais tour, zigzagua hors de portée. Elle allait et venait, disparaissant parfois pendant ce qui semblait une éternité avant de réapparaître, toujours hors de portée.
— Tu veux jouer, hein ? murmura Gabriel, ses lèvres s’étirant en un sourire faiblard.
Il attendit. Il savait qu’elle reviendrait. Et quand elle le ferait, il serait prêt. Il avait tout son temps, il ne pouvait aller nulle part. 
Enfin, la lueur s’approcha, dansant presque sous son nez. Avec un mouvement rapide, Gabriel referma sa main autour d’elle.
— Victoire ! s’exclama-t-il, une joie triomphante emplissant sa poitrine.
Mais la lueur ne se laissa pas faire. Elle se débattit furieusement, et d’un coup, elle l’entraîna avec elle, remontant à une vitesse hallucinante. Gabriel sentit le vent rugir autour de lui, bien qu’il n’y ait rien à voir, rien à toucher, rien à entendre. D’autres petites lueurs apparurent soudain, virevoltant autour de lui comme des étoiles filantes prises dans une tornade. La vitesse augmentait encore. Tout devint flou, puis blanc, d’une intensité presque aveuglante. Mais Gabriel ne lâcha pas. Il ne voulait pas retourner dans le néant. Ses doigts se crispèrent, son poing se serrant fermement autour de la lumière Et puis, tout s’arrêta. La lumière s’échappa de sa main, mais Gabriel, réactif, la rattrapa aussitôt. Et soudain, ses yeux se rouvrit. Il avait le souffle coupé et le cœur qui battait comme des tambours, le point levé en direction du plafond comme pour capturer l’ampoule accroché au plafond au-dessus de lui. Il haletait encore et encore Pendant un instant, il ne sut ni où il était, ni pourquoi chaque partie de son corps semblait peser une tonne
Tout autour de lui était silencieux. Sa respiration résonnait dans la pièce. Lentement, ses yeux descendirent, les contours d’une pièce se dessinèrent : des rideaux, des machines qui tintillaient, une odeur de désinfectant. Une chambre d’hôpital.

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DarkInkDreams
Posté le 23/02/2025
Je te mets dans ma pile de lecture ! Le début est incroyable, tu nous tiens en haleine du début à la fin, et j’ai vraiment hâte de lire la suite. Ton style est fluide et captivant, on plonge tout de suite dans l’histoire. Bravo pour ce travail, je suis sûre que ça va plaire à plein de lecteurs !
OEL
Posté le 23/02/2025
merci beaucoup DarkInkDreams
Alyonasys
Posté le 01/02/2025
L'histoire et incroyablement bien écrire j'adore un mystère qui nous tiens en haleine tout du long donnant une forte envie de percé à jour tout ces mystère c'est vraiment bien ficelé j'aime beaucoup hâte de voir la suite!
Sem T.
Posté le 30/01/2025
L'univers est cool de ouf ! Hâte de découvrir la suite !!
Il y'a un véritable potentiel et on sens qu'il y'a beaucoup de travail derrière ce premier chapitre qui en montre beaucoup mais pas assez non plus !
OEL
Posté le 30/01/2025
Merci beaucoup pour le retour. ça fait plaisir à lire
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