Martial avait enfin passé une matinée de travail harassante, réalisant propositions sur propositions auprès de ses derniers contacts. Même si les dossiers n’étaient pas exaltants, cela lui permettait d’avoir la tête au travail et de ne pas penser à son prochain voyage.
Son idée était démentielle mais lui permettrait enfin d’avoir le cœur net sur ses capacités à changer le présent. Mais il avait besoin de Mr Pingh pour aller plus en avant.
Cela commençait à le gêner car il ne voulait pas mentir au professeur, il ne pouvait pas non plus lui faire part de ses intentions.
Les relations entre les deux hommes auraient pu être qualifiées de neutres ; il n’y avait pas d’amitié, pas de sentiments de supériorité de l’un envers l’autre mais simplement du respect.
Martial se demandait quelles étaient les véritables intentions du professeur qui se satisfaisait de ses brefs comptes rendus lorsqu’il lui relatait ses faits et gestes du passé. Aucune inquiétude n’était jamais apparue dans le discours ou sur le visage de Pingh. Rien ne semblait l’étonner ou l’émouvoir.
A aucun moment il ne tentait d’orienter Martial vers un point de chute particuliers de son passé. Il semblait lui laisser carte blanche. Ce dernier ne posait pas de question puisque cela lui convenait ainsi.
Il se demanda depuis quand il n’avait pas fréquenté la salle de sport et décida fermement de rattraper le temps perdu en quelques séances actives dont celle du jour.
Son activité pour les jours qui suivirent fût très professionnelle et très fructueuse sur ses dossiers récents. Damien le contactait au moins une fois par jour pour faire le point. Les deux hommes n’avaient pas reparlé des expériences depuis leur dernière conversation sur le sujet.
Aucun des deux ne se hasardait à émettre une idée ou un point de vue, de peur de relancer leur discorde. On aurait presque dit que cela s’arrêterait là, sans conséquences et sans dommages collatéraux.
Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Ce vendredi, dernier jour de la semaine de travail, Martial avait décidé de mettre les bouchées doubles à la salle de sport. Il s’était concocté un programme digne des meilleurs body builder.
Il avait décidé de travailler tous les muscles de son corps et il passait d’un appareil de torture à un autre sans relâche.
Comme les fois précédentes, il croisa son regard et resta figé quelques secondes, juste trop longtemps pour ne plus pouvoir faire marche arrière. Et comme les fois précédentes, il ne lui retourna pas son sourire, gêné, presque angoissé se dit-il.
Il est des fois ou le hasard fait bien les choses et des fois ou on préfèrerait qu’il ne s’en mêle pas. A croire que leur rencontre était écrite ou programmée, il se retrouva au sortir de l’espace de sport en même temps qu’elle et ne pu faire autrement que d’engager une timide conversation.
Quelque chose le gênait avec cette femme.
Certes elle était probablement plus jeune que lui, elle était séduisante et plus à l’aise pour l’aborder que lui ne l’était en général avec les femmes. Il n’aurait su dire pourquoi il se sentait à la fois en confiance près d’elle et tellement intimidé. Comme la fois précédente, il l’invita à prendre un verre, décidé à ne pas s’attarder dans la discussion. Il savait que ce n’était pas le moment pour lui de commencer une nouvelle relation, pris entre une activité professionnelle difficile, un récent divorce et surtout ses expériences dont il ne savait pas jusqu’où il allait maîtriser les effets.
« Alors Martial, dites moi tout, vous êtes célibataire » lui asséna t elle de but en blanc
« Je viens de divorcer, c’est très récent »
« Donc vous êtes un homme libre »
« Oui mais je travaille beaucoup et je voyage aussi »
« Ne vous angoissez pas Martial, on discute, tout simplement, je sens que vous être stressé »
« Ecoutez Mathilde… »
« Bien, vous vous souvenez de mon prénom, vous marquez un point »
« Ecoutez Mathilde, lors de mes récents voyages, j’ai rencontré quelqu’un et je devrais me marier avec ! »
« Vous ne perdez pas de temps, à ce que je vois. Je vous félicite pour votre mariage à venir. Vous m’enverrai un faire part….j’espère ! »
Martial nota que la dernière phrase avait était prononcée sur un ton presque humoristique mais que ce dernier cachait une réelle déception.
Il se sentait idiot d’avoir parlé de cela en ces termes et aussi vite. Mais il avait dit ce qui lui semblait une évidence. Il n’avait pas l’impression d’inventer une histoire mais de dire ce qu’il ressentait au fond de lui. Cela étant, il ne pouvait se démentir au risque d’être pris pour un cinglé.
Il était peut être en train de renoncer à une relation bien réelle pour se réfugier dans un rêve, dans un passé qui n’existait certainement pas. En deux phrases prononcées sans réfléchir, il était déjà allé trop loin.
« Nous pouvons devenir amis si vous voulez ! »
Elle le fixait droit dans les yeux. Il émanait de son regard à la fois de la bienveillance, de l’empathie et bien d’autres choses qu’il n’arrivait pas à définir.
« Oui, non , je ne sais pas , pourquoi pas » balbutia-t-il.
Il la quitta dans la confusion la plus totale, bousculant presque au passage sans s’excuser la jeune femme qui arrivait à leur table.
« Alors Mathilde, tu as encore fait peur à ton compagnon de sport»
Les deux amies gloussèrent comme des collégiennes.
« Ecoute Fanny, je ne sais pas pourquoi mais j’ai l’impression de connaître ce gars… comment te dire , je l’ai peux être connu dans une vie antérieure, qui sait !»
Et les deux jeunes femmes de repartir dans un rire communicatif.