Chapitre 13 - Le Seigneur Ombre

Notes de l’auteur : Hello les plumes, voici enfin la suite tant attendue du Sildaros. Désolé pour cette longue année d'absence. Si vous faites partie de ceux qui avaient déjà lu les 12 chapitres précédents avant ma pause, je vous conseille vivement de relire le chap 12 pour vous remettre dans le bain, en particulier la fin de celui-ci que j'ai modifié depuis et qui apporte des précisions importantes sur Maeve.
Bonne lecture,
Ori'

Liam eut un hoquet d'effroi. 

Il cria de toutes ses forces pour la prévenir, mais la belle enchanteresse ne fut pas assez rapide. Mæve transperça Rani de son épée et un tourbillon de feu noir les avala toutes les deux. La protection argentée qui enveloppait Liam se déchira avec un bruit de verre brisé et la terreur s'empara de lui. 

Il allait mourir ici. 

Son instinct lui hurlait de prendre ses jambes à son cou, de s'enfuir en direction de la plage. S'il parvenait à mettre une embarcation à la mer, il serait à l'abri des mortifères. Il n'aurait qu'à longer la côte jusqu'à la prochaine ville pour demander de l'aide. Pourtant, il réalisa bien vite la stupidité de son raisonnement. 

Enfant de Shâat

Liam ignorait ce que signifiaient ces mots, mais il avait compris au moins une chose. Les cavaliers étaient venus pour lui. Le père Gatien, Albun le panetier, Beor le forestier et la mystérieuse Rani... ils étaient tous morts à cause de lui. Même s'il parvenait à s'enfuir, si par miracle il trouvait refuge derrière les palissades de Vitarive, l'ar'lycha n'hésiterait pas à massacrer tout le monde pour s'emparer de lui. 

Il fallait que ça s'arrête. 

Tremblant de tous ses membres, le garçon se redressa et fit un pas en avant. Puis un deuxième. Face à lui, le tourbillon de feu sombre commençait à s'estomper. Une peur indicible lui tordait les entrailles, un millier de questions sans réponse fusaient dans son esprit. À quoi ça ressemblait, la mort ? Est-ce que ce serait douloureux ? Les goules de Mæve allaient-elles le dévorer vivant ? Il se figea, son corps refusant de lui obéir. Tous ses muscles étaient tétanisés par la peur. Mais il s'imagina les horribles créatures se jetant sur sa mère et sa petite soeur, déchiquetant le cadavre de Day et de tous ceux qu'il connaissait. Il n'avait pas le choix. Il devait se sacrifier pour les sauver. 

Il respira profondément et fit un troisième pas en direction de Mæve. Puis un quatrième. 

Devant lui, l'ar'lycha retira sa lame du ventre d'Elraza avec un sourire triomphal. L'enchanteresse s'écroula dans la glaise et ne bougea plus. C'était fini. Rani avait donné sa vie pour le protéger. Liam posa les yeux sur son cadavre et ne put réprimer un mouvement de recul. Le Sombrefeu avait brûlé ses cheveux et défiguré son visage. Sa peau flétrie avait pris une couleur de cendre, comme si on avait aspiré toute l'énergie vitale de son corps. Il ne restait d'elle qu'une coquille vide, figée dans une grimace d'effroi pour l'éternité. 

Au même instant, un éclair zébra le ciel. 

Un hibou au plumage scintillant apparut et se posa sur le corps de la magicienne. Il poussa un hululement strident, lui pinça les doigts avec son bec, frotta ses aigrettes contre sa joue avec tendresse. Puis, constatant que Rani ne réagissait pas, l'animal se métamorphosa en loup blanc et hurla son désespoir sous les dernières étoiles de la nuit mourante. Il se tourna vers la renégate et montra les crocs d'un air menaçant. 

« Mæve ! Par les Sept Enfers de Xyron, qu’est-ce que tu as fait ?! » 

Liam pivota en direction des halles. Un homme grand au teint basané traversait le marché couvert d'un pas vif. Il le reconnut à sa carrure imposante, à ses longs cheveux gris et au timbre de sa voix. Il était déjà venu plusieurs fois chez lui pour poser des questions à son sujet. C'était Oriendo, le propriétaire de l'auberge de Vitarive. 

« Je l’ai tuée, Ori ! jubila Mæve en l’apercevant à son tour. J’ai vaincu la toute-puissante Elraza Til’Duin ! » 

L'aubergiste blêmit et se précipita vers le cadavre de Rani. Il chercha une trace de son pouls, examina l'affreuse blessure qui lui déchirait le ventre. Une immense tristesse se peignit sur son visage. Avec une douceur qu'on ne lui soupçonnait pas, il passa une main sous la nuque d'Elraza et souleva ses épaules pour la bercer contre son cœur. Un chant s'éleva dans l'air, porté par sa voix grave entrecoupée de sanglots. Mæve l'observa avec une moue dégoûtée. Une pâle lueur bleutée enveloppa le corps de l'enchanteresse. Lorsqu'Oriendo effleura le pelage du loup, elle se changea en une aura éblouissante. Alors, sous le regard médusé du jeune garçon, les cheveux de Rani repoussèrent, sa peau retrouva tout son éclat et l'herbe en-dessous d'elle se mit à croître. Quand le vieil homme cessa de chanter, Elraza reposait paisiblement sur un parterre de fleurs blanches. Toute trace de brûlure avait disparu de ses vêtements et la plaie qui barrait son abdomen n'était plus qu'un souvenir. Pendant une fraction de seconde, Liam s'attendit presque à la voir se relever et lui sourire. Mais le sortilège d'Oriendo, aussi puissant soit-il, ne pouvait réaliser l'impossible. 

D'un geste plein de tendresse, l'aubergiste se pencha sur le corps de son amie pour lui fermer les yeux et déposa un baiser sur son front. Puis il se redressa de toute sa taille et se tourna vers la renégate. Une colère noire déforma les traits de son visage. À côté de lui, son loup gronda avec un regard féroce. 

« Nous avions un accord, Mæve ! lança Oriendo d’un ton glacial. Si je m’emparais de Cœur-de-Nuit, Elraza devait avoir la vie sauve !  

- Tu as conclu cet arrangement avec mon maître, imbécile ! Il ne me concerne pas ! » 

Un éclair déchira l'obscurité et frappa le sol près de l'ar'lycha. Mæve eut un mouvement de recul. Dans la paume d'Oriendo dansaient des étincelles crépitantes. Il s'avança d'un pas et prononça un mot de pouvoir : la foudre tomba à trois reprises, décimant un groupe de mortifères. Les créatures touchées s'embrasèrent avant de disparaître dans un déluge de boue noire et fumante. La renégate hurla de douleur. 

« Tu savais ce que Rani représentait pour moi ! tonna Oriendo d'une voix si froide que Liam en eut des frissons. Tu n'avais pas le droit de la tuer ! » 

Le vieil homme posa sa main entre les omoplates du loup et la violence de l'orage se décupla. Une pluie diluvienne s'abattit sur le village et des arcs électriques frappèrent de partout à la fois. L'un d'eux frôla la nuque de Liam qui sentit une brûlure cuisante. Le garçon courut se cacher derrière un pilier des halles. Autour d’Oriendo, une sphère de magie étincelante tourbillonnait avec fureur. La foudre frappa une branche du vieux chêne et l'embrasa avant de ricocher contre la façade d'une maison qui s'effondra. Liam poussa un cri apeuré. La puissance déployée par Cirin'Del était sans commune mesure avec celle de l'enchanteresse. S'il continuait de déchaîner ainsi son pouvoir, il allait raser Tord-la-Falaise. 

Face à lui, Mæve n’en menait pas large. La haine féroce qui brûlait au fond des yeux d’Oriendo ne laissait aucun doute sur ses intentions meurtrières. L’ar’lycha esquiva plusieurs impacts de foudre mais elle se déplaçait lentement, d’une démarche pataude. Elle tenta de faire appel à sa magie pour invoquer ses mortifères : trois créatures se formèrent dans la glaise, mais leur corps se liquéfia et elles s’effondrèrent. Mæve fit un second essai et poussa un hurlement de rage. Elle contempla alors son annulaire d’un air horrifié, et chercha son familier autour d’elle avec frénésie.

« Ne bouge surtout pas, Liam. Quand je te ferai signe, prends ma main et pense très fort à la forge de maître Hobb. » 

Le garçon sursauta en entendant cette voix résonner à l’intérieur de sa tête. Une faible bourrasque lui caressa la joue et un papillon aux ailes magnifiques se posa au creux de sa main. Le sphinx de Mæve. 

« Rani ?! s'étonna Liam à voix haute. 

- Silence, ils ne doivent pas comprendre que je suis en vie

- Mais comment est-ce possible ? J'ai vu Mæve vous tuer ! 

- Un simple sortilège d’illusion. Maintenant, reste en sécurité et attends mon signal. Ne fais pas confiance à Oriendo, il n’est pas dans notre camp. » 

Sous ses yeux ébahis, le visage de la magicienne se dessina dans le vent. Elraza lui sourit et une brise légère l’emporta. Le papillon slaloma à vive allure entre les éclairs et se posa sur le corps inanimé de Grenn. Le cœur de Liam se serra. Fasciné par l’affrontement contre Mæve, il en avait oublié que son père était gravement blessé. Sa tunique était déchiquetée, des lacérations profondes striaient sa poitrine et un filet de sang poisseux coulait le long de ses cheveux et de son cou. Lorsque la magie du sphinx l’effleura, le corps du pêcheur devint flou et il disparut dans un brouillard argenté. Liam pria Ran et tout le panthéon divin pour qu’Elraza parvienne à le soigner. 

Le fracas du tonnerre ramena son attention vers le duel des renégats. 

Mæve venait d’être touchée par un éclair. Hagarde et chancelante, elle s’écroula dans la fange et son cadavre se dilua dans l’argile noire et visqueuse. Elle réapparut quelques instants plus tard, mais sa silhouette était devenue grotesque et de la boue s’échappait par les failles de son armure. Sans la magie de son familier, elle ne parvenait plus à solidifier son propre corps. Elle avait l’air pitoyable. Sa détresse n’arrêta pas Oriendo, qui concentra la puissance de l’orage dans son poing pour façonner une lance de Shâat crépitante. Mæve comprit le danger mais elle réagit trop tard. Elle s’accroupit dans la boue et y déversa ce qu’il lui restait de pouvoir afin d’ériger un mur protecteur. L’argile l’enveloppa comme un cocon mais ne durcit pas assez vite. Oriendo projeta sa lance droit sur elle et transperça sa carapace. Au même moment, un craquement sonore retentit dans le ciel et un éclair la foudroya à travers l’arme fichée dans son cœur. 

La renégate hurla à s’en arracher les cordes vocales.

Son cocon se fendit et elle s'effondra dans la glaise. Une odeur pestilentielle de chair brûlée agressa les narines de Liam et lui retourna l’estomac. L’armure noire de Mæve avait fondu sous la puissance de l’impact. Des lambeaux de peau se détachaient de ses os et s’effritaient avant d’atteindre le sol. On eût dit un cadavre en décomposition qui tombait en morceaux. Pourtant, l’ar’lycha respirait encore. Elle poussait de faibles râles d’agonie, puisant dans sa volonté pour tenter de régénérer son corps. Liam l’observa gesticuler par terre avec effroi. Cette créature était de loin la pire abomination qu’il lui eut été donné de voir. Elle râclait la terre de ses ongles décharnés, essayant de ramper malgré ses muscles et ses tendons qui tombaient en poussière. 

« Quelle horreur ! s'exclama-t-il. 

- La nécromancie a rendu Mæve immortelle, mais elle découvre le prix à payer. Son nouveau pouvoir lui a offert une éternité de souffrance et de tourments. » 

Le papillon était de retour sur l’épaule de Liam. Cette fois, il n’avait pas besoin de voir l’enchanteresse pour sentir sa présence dans le vent. Rani se tenait là, juste derrière lui, dissimulée par sa magie. Prête à intervenir pour le protéger.

« Cette sorcière a massacré tout le monde, dit-il d’une voix blanche. Elle n’a que ce qu’elle mérite. 

- Hélas, ce n’est pas encore terminé. L’esprit d’une liche est asservi à la volonté de son maître. Si l’on ne parvient pas à le vaincre, Mæve finira par retrouver ses forces. » 

Soudain, un bruit de sabots se fit entendre. La température chuta et un frisson glacé remonta la colonne vertébrale de Liam. L'air devint plus dense, comme si une pression invisible s'exerçait sur sa gorge et l'empêchait de respirer. Le tonnerre gronda une dernière fois, puis la tempête s'atténua et disparut. Un silence de mort enveloppa les lieux. 

« Ils arrivent », chuchota Rani dans son esprit. 

Le jeune garçon se crispa. Cinq cavaliers traversaient la place du village sur leurs chevaux pâles. Sur leur passage, une fine pellicule de givre recouvrait le sol trempé et les fenêtres des maisons encore intactes. Liam sentit la terreur ressurgir dans ses entrailles. 

« Ils sont venus pour moi, hoqueta-t-il. 

- Oui. Mais je promets de ne pas les laisser te faire du mal. » 

Les cinq renégats s’approchèrent d’Oriendo et se déployèrent en arc-de-cercle face à lui. L’aubergiste mit un genou à terre et s’inclina.  

Maintenant qu’ils étaient proches, Liam put observer les cavaliers en détail. Malgré leurs armures qui les couvraient entièrement, il remarqua des signes distinctifs. Le premier était grand et large d’épaules, avec dans son dos un marteau de guerre de la taille d’un homme. Sa silhouette massive et ses bras musculeux renforçaient l’impression de force écrasante qui se dégageait de lui. Il chevauchait un étalon robuste aux naseaux écumants qui piaffait d’impatience. Son voisin ne portait pas de heaume mais son visage était flou, masqué par une sorte de brouillard. On devinait des sourcils épais, des traits taillés au couteau, un menton pointu et un nez crochu comme le bec d’un oiseau de proie. Son sourire cruel fit frémir le garçon des pieds à la tête. 

La troisième était une cavalière. Son armure s'ajustait à ses courbes féminines comme une seconde peau. Sa monture, dotée d’un corps recouvert d’écailles et d’une impressionnante crête osseuse au niveau de l'encolure, évoquait à Liam le croisement impossible entre un dragon sans ailes et une jument. Lorsqu’elle s'arrêta devant Cœur-de-Nuit, elle fit vibrer ses écailles d’un air menaçant et claqua des mâchoires pour l’intimider. Enfin, le quatrième renégat était certainement le plus étrange avec son corps élancé de prédateur, sa silhouette bestiale et ses yeux jaunes qui brillaient à travers la visière de son casque orné de crocs. Son harnois était pourvu de gantelets imitant des griffes acérées et une longue queue fouettait l’air à côté de sa selle. 

Pourtant, aucun d’eux ne dégageait une aura aussi sinistre que celle de leur sombre maître. Car celui qui allait au centre, en dépit de sa morphologie de vieillard fragile, était incontestablement le chef de la bande. Un voile de ténèbres le recouvrait en permanence et des langues de Sombrefeu dansaient autour de ses mains décharnées. Une crinière de cheveux rouge sang cascadait sur ses épaules et des effluves putrescentes s’échappaient de son manteau d'obscurité. Pour Liam, il ne faisait aucun doute que c’était lui, le véritable maître des mortifères. Le nécromancien qui ramenait sans cesse Mæve à la vie. Le responsable du massacre de Tord-la-Falaise. 

Le jeune garçon frissonna. Il y avait chez cette silhouette voûtée quelque-chose de profondément effroyable et inhumain. Une puissance maléfique et ancestrale se dissimulait dans le corps de ce vieillard, Liam en était certain. 

« Cette chose, au centre... murmura-t-il. 

- C’est un Seigneur Ombre, répondit Rani dans son esprit. Ou plutôt ce qu’il reste de lui. Je l’ai déjà vaincu par le passé. Je ne m’attendais pas à le voir ressurgir ici. » 

Elle se tut, laissant sa phrase en suspens. Liam serra les poings et lutta contre une furieuse envie de se sauver en courant. L’Ombre fit avancer son cheval et toisa Oriendo comme s’il n’était qu’un insecte sous la semelle de sa botte. Lorsqu’il claqua des doigts, son heaume noir se désagrégea en volutes de fumée, laissant apparaître un visage blême aux joues creuses avec de nombreuses rides. Sa chevelure sanguine s’évapora en même temps que son casque. Liam retint une exclamation horrifiée : sur son crâne chauve couraient les mêmes sillons rougeoyants qui décoraient les jointures de son armure. On eût dit que du feu liquide s'écoulait dans ses veines juste sous la surface de la peau.

« Nous avons fini de préparer le rituel, annonça-t-il d'une voix impérieuse. Où est Mæve ? A-t-elle capturé l’Enfant ? »  

Sans répondre, Oriendo pointa du doigt la créature abjecte qui rampait dans la fange au pied de leurs sabots. L'Ombre posa les yeux sur elle et ses traits se durcirent. Le Sombrefeu autour de ses mains émit un sifflement menaçant.

« Qu'est-ce que ça signifie, Cirin'Del ? As-tu décidé de me défier ? 

- Votre ar’lycha a tué mon amie. Vous m'aviez donné votre parole. » 

Le vieillard jeta un regard dédaigneux sur le cadavre d’Elraza et éclata d’un rire sinistre. 

« Ne sois pas ridicule. Avec ou sans son Oro'luin, Til’Duin était trop dangereuse pour que nous la laissions en vie. » 

Soudain, Cœur-de-Nuit grogna et Oriendo bondit, façonnant entre ses doigts une lance de foudre. Vif comme l'éclair, le renégat au nez crochu prononça un mot de pouvoir. Des dizaines de lianes noires s'échappèrent de son Œil-de-Var et ligotèrent l'aubergiste qui s'effondra au sol. L’Ombre reprit la parole d’une voix terrifiante. 

« Je te déconseille de me mettre en colère, Sildaros. Je me suis déjà montré bien trop généreux avec toi. J'ai ramené ton épouse du royaume des morts, mais n’oublie pas que sa vie reste entre mes mains. Si je cesse de lui fournir ma Shâat, la fièvre putrescane l’emportera de nouveau. »

Le Seigneur Ombre lança un coup d’œil explicite vers la cavalière et Liam sentit Rani frémir dans un coin de sa tête. Le nom d’Anthéa s’insinua dans ses pensées, suivi d’un dégoût immense à l’égard d’Oriendo et d’une colère froide. Le garçon chancela. C’était très déstabilisant de partager les émotions d’Elraza. Il avait l’impression qu’une force extérieure prenait le contrôle de son esprit. 

« Alors c’est pour ça qu’il nous a trahis... ? » murmura-t-elle d’une voix étranglée. 

Liam ne comprenait pas tout mais il était clair que ce vieillard avait une emprise sur Oriendo. La haine que ressentait Rani à l’égard du propriétaire des Trois Couronnes montait en lui comme un volcan sur le point d’entrer en éruption. La présence du papillon sur son épaule s’intensifiait elle aussi ; c’était comme si l’air devenait plus dense autour de l’animal et un fourmillement désagréable se répandait entre ses omoplates. Liam serra les poings et vit apparaître des volutes bleutées autour de ses mains. À travers leur connexion, la magie de l’enchanteresse transpirait dans son propre corps. Hélas, le cavalier au marteau de guerre le remarqua aussi. 

« L’Enfant est caché sous les halles, maître, dit-il d’une voix caverneuse. Il s'est emparé de l’Oro’luin de Mæve. » 

L'Ombre transperça aussitôt le garçon de son regard. Une présence avide et maléfique pénétra les barrières de son esprit, disséqua ses pensées et fouilla chaque recoin de sa mémoire. Liam hurla et tomba à genoux. La douleur explosa dans son crâne et le monde se mit à tanguer autour de lui. Le Seigneur Ombre s’enfonça encore plus loin dans sa tête et, lorsqu’il trouva la racine du lien avec le papillon de Mæve, il laissa échapper un rire grinçant.

« Oh, voilà qui est intéressant ! s'exclama-t-il. Tu nous as plongés dans un Rêve illusoire pour simuler ta mort et tu t’es réfugiée dans l’esprit de ce garçon ! » 

Il prononça un mot de pouvoir et Liam sentit une brûlure atroce à l’intérieur de son crâne. Il entendit un bruit de tissu qui se déchire et tout le paysage devint flou. Rani fut brutalement éjectée de sa conscience par la puissance de l’Ombre. Lorsque Liam retrouva ses esprits, le cadavre de l’enchanteresse avait disparu du tapis de fleurs blanches. À côté de lui, le visage de Rani se dessinait dans le vent et elle réapparut soudain aux yeux de tous, le papillon de Mæve posé sur son épaule. L’Ombre esquissa un sourire cruel. 

« Voilà qui est mieux », se réjouit-il. 

Il talonna sa monture pour s’approcher d’eux et, s’arrêtant à quelques pas d'Elraza, il s’inclina sur sa selle dans un simulacre de révérence.

« Morgulath en Salaadem, Til’Duin. Je suis ravi que nos chemins se recroisent. »

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Peridotite
Posté le 03/03/2025
Trop bien, la suite du Sildarios ! Je vais relire le chapitre 12, avant de commenter celui-ci. Je me rappelle bien la scène un peu dark que j'avais laissée il y a un an. Hâte de savoir la suite ! Je reviens très vite.
MrOriendo
Posté le 03/03/2025
Hello Péri !
Ca fait plaisir de te retrouver ici ! Pas mal de choses ont changé récemment sur le Sildaros, mais si tu relis le chapitre 12 tu devrais pouvoir suivre celui-ci sans trop de problème ;)
Hâte d'avoir ton retour, tes pavés sont toujours précieux pour m'aider dans mes corrections :)
Ori'
Raza
Posté le 28/02/2025
Ah non! Ah oui! Ah non! Ah!
XD
Je dois dire que malgré toute l'impossibilité que Elraza meure, tu m'as bien fait marché. Ça fonctionne, parce que jebme demandais : mais comment ? Comment ? Elle n'est pas morte, c'est LE perso principal, on voit oresque tout par ses yeux... mais le garçon? Ah, non! C'est un nouveau point de vue, ah elle peut mourir alors ?! Mais osera-t-il ? Et ainsi de suite, juqu'à la révélation.
J'ai trouvé que tu rendais bien le côté "regardons de côté", mais attention, ça peut donner une certaine distance.
Sinon, en vrac :
- je nenme rappelais pas que Liam connaissait tout le monde aussi bien,
J'avais oublié que Elraza est Rani
Je suis étonné de voir les autres débarquer juste après la bataille. Que faisaient ils donc en attendant ?
Pourquoi Liam ne s'enfuit pas ? (Je pourrais relire mais je te donne mon impression brute)
Pourquoi leurs ennemis ne les voient pas tout de suite ?
Et enfin, lantoute toute fin, Elraza vient d'échapper à la mort dans un combat épique, mmmh, tu remets le couvert ? Je suis dubitatif sur cette proposition, mais ça dépend de la suite !
Toutes ces remarques n'enlècenr rien à la qualité du texte, j'ai ressenti de puissantes émotions alors que les personnages étaient en semisommeil dans ma mémoire!
Ça fait super plaisir de lire ta plume ici, je suis trop content! Merci pour le partage, courage pour la suite ! Et à bientôt!
MrOriendo
Posté le 01/03/2025
Hello Raza !
Hahaha, le début de ton commentaire m'a donné le sourire 😅
- En soi Liam ne connait pas grand monde. Concernant Elraza et Maeve, il a suivi leurs échanges lors de l'affrontement dans le chapitre précédent, donc c'est logique qu'il connaisse leurs noms. Pour Oriendo, c'est l'aubergiste du bourg juste à côté et il n'y a pas tant de personne avec son physique dans la région, donc c'est totalement logique qu'il le reconnaisse.
- Oui, c'est son diminutif. Rani pour Elraza et Ori pour Oriendo.
- Liam ne s'enfuit pas parce qu'il est paralysé par la peur, et parce qu'il a compris que c'est inutile et que les cavaliers le poursuivront. Il s'en remet à Elraza pour le protéger.
Les ennemis ne le voient pas tout de suite car il s'est caché derrière un pilier des halles pour se protéger des arcs électriques quand Oriendo déchaînait son pouvoir.
Cela dit, c'est intéressant que tu soulignes ces points, c'est sans doute que je pourrais trouver un moyen de mieux l'éclaircir dans le récit. Je vais me relire demain, voir si y'a moyen d'améliorer les choses :)

"Elraza vient d'échapper à la mort et tu remets le couvert"
Héhé, attends de voir le chapitre suivant avant de te prononcer ^^

Merci beaucoup pour ton commentaire et à très vite !
Ori'
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