- Qu’est-ce que vous regardez ? demanda Till intrigué.
Blair et Naëlle se retournèrent, ils ne les avaient pas entendus arriver.
- On observe le bonhomme en bas sur la plage, répondit Naëlle en le désignant du doigt.
- Mais je le reconnais ! s’exclama Châny.
- Tu le reconnais d’où ? s’étonna Naëlle. Tu ne nous en as jamais parlé.
- Vous ne l’avez jamais croisé ? C’est curieux parce que moi je l’ai déjà rencontré, et toujours sur un bout de plage, répondit Châny. C’est Grïmuld, je l’ai appris une fois où j’insistais pour discuter avec lui, mais c’est la seule chose que j’ai retenue. D’après mon père, c’est un farfelu.
- Un autre don bizarre peut-être ? Voilà qui devient intéressant ! lança Till, les yeux pétillants.
- Mais qu’est-ce qu’il fabrique ? questionna Blair en voyant l’homme ramasser un objet et l’étudier avec attention.
- Le mieux, c’est peut-être encore d’aller lui poser la question, suggéra Till.
- Elhyane ou Thiya n’auraient rien contre, rétorqua Blair. Vu d’ici, il a l’air plutôt inoffensif.
- C’est une bonne idée, approuva Châny, il m’intrigue. Peut-être sera-t-il plus bavard aujourd’hui.
Pour rejoindre la plage, ils empruntèrent un étroit sentier qui sinuait entre rochers et touffes de plantain. L’homme, tout occupé à sa tâche, ne les avait pas remarqués. Il portait sur le dos une curieuse hotte rectangulaire d’osier tressé ressemblant à une nasse de pêcheur. Châny toussota pour signaler leur présence :
- Bonjour Grïmuld, la pêche est bonne ? demanda-t-il.
L’homme se retourna lentement. Sa face burinée exprimait la contrariété mais ses yeux protégés par un épais buisson de sourcils les détaillaient sans animosité. Il tenait à la main un morceau de bois.
- La pêche ? bougonna-t-il en se grattant le crâne, perplexe.
Grïmuld envoya le morceau de bois au fond de sa hotte, il hésitait visiblement sur l’attitude à adopter. Passer pour un original grincheux ne le dérangeait pas, il aimait la tranquillité. Mais il avait déjà croisé ce garçon au regard étrange qui semblait voir au-delà de la limite de l’œil, jusqu’à l’intérieur. « Tu as de drôles d’idées, Grïmuld, pensa-t-il, c’est qu’un gosse ». Ce regard l’avait harponné, il n’avait pu alors résister à la curiosité d’échanger quelques mots. Des banalités. Il détacha le regard de Châny pour considérer ses compagnons.
La fille semblait avoir du répondant. On ne s’ennuyait jamais avec du répondant. Le grand costaud n’avait pas l’air commode, certainement un crouton à l’ail (1) qui devait s’enflammer plus vite qu’une allumette. Grïmuld sourit imperceptiblement à l’évocation.
Un sourire qui n’échappa pas à Châny. Et puis, il y avait l’autre. Celui dont tout le monde parlait sans jamais le nommer. Le fils de la guérisseuse. Il espérait depuis longtemps le rencontrer et le hasard le plaçait enfin sur sa route. C’était inespéré.
Grïmuld fronça ses énormes sourcils et reprit sans lâcher le garçon du regard :
- La tempête se rapproche, les signes ne trompent pas.
Blair, Naëlle, Châny et Till tournèrent d’un même élan leurs regards vers la mer. La tempête venait toujours de la mer. Mais le ciel était dégagé, ils ne distinguèrent que les habituels nuages qui ceinturaient l’île à quelques lieues du rivage. La frontière, ainsi appelait-on cette particularité. Nul ne connaissait ce qu’il y avait au-delà de la frontière car nul ne s’y aventurait jamais. On savait le continent à l’est, bien sûr, c’était une donnée inscrite dans les livres, et si certains pêcheurs s’étaient égarés quelquefois dans les brumes, personne de mémoire ne les avait jamais traversées.
- Vous êtes certain ? demanda Naëlle, étonnée. Le vent est un peu fort mais à part ça...
L’homme grogna :
- Vous verrez bien.
- Pourquoi pensez-vous qu’une tempête arrive ? demanda Till, intrigué.
- La mer, répondit Grïmuld en fixant Till droit dans les yeux, sans ciller. La mer ramène toujours plus de déchets sur nos rivages. Des déchets encombrants. Des déchets qui s’amoncellent. Les déchets annoncent la tempête.
Till eut le sentiment de prendre une claque en pleine face, les attaques étaient d’ordinaire beaucoup plus subtiles. Il rougit, déstabilisé. Blair qui n’aimait pas la tournure que prenait la conversation, intervint rudement :
- Attention à ce que vous dîtes ! menaça-t-il en serrant les poings.
- Je dis ce que j’ai à dire, si ça vous convient pas, je vous retiens pas ! Pfft, du vent ! répondit Grïmuld sèchement.
Il accompagna ses paroles d’un geste large de la main avant d’ajouter :
- Faîtes comme tous les autres, bouchez-vous les oreilles et fermez les yeux si ça peut vous rassurer !
- D’abord, les autres et nous, ça fait deux ! s’exclama Naëlle furibonde. Et on laissera pas insulter notre ami par une espèce de vielle barrique mal dégrossie et qui sent la marée !
- Oui, gronda Blair, faut pas mélanger… heu… Mélanger la soupe et le ragout ! Et nous, on est le ragout ! C’est clair ?
Grïmuld n’avait pas bronché d’un pouce, visiblement peu impressionné par les menaces. Bras croisés, il semblait au contraire essuyer l’orage avec une certaine jubilation, il se tourna vers Till :
- Et toi, l’ébouriffé ? Tu n’as rien à ajouter ?
Till s’était ressaisi. Il planta à son tour ses yeux dans les yeux de l’homme. Grïmuld les provoquait. La raison lui en échappait mais il n’avait pas l’intention d’entrer dans son jeu. Il répondit d’une voix ferme et très calme :
- Je serais curieux, Grïmuld, de savoir d’où vous vient cette certitude ?
- Ah ! enfin ! quelqu’un qui pose « La » bonne question ! répondit Grïmuld.
Le visage de l’homme s’illumina, ses traits l’instant d’avant contractés se détendirent, sa bouche amorça même un sourire qui découvrit une rangée de dents aléatoires.
- Je crois que vous nous avez suffisamment évalués, Grïmuld, et il semble que vous n’ayez pas été déçu, commenta Châny.
- Ah ! s’écria-t-il cette fois en éclatant de rire, je ne m’étais pas trompé, je savais que tu n’étais pas ordinaire. J’ai l’œil. Rappelle-moi ton nom ?
- Mon nom est Châny, voici Blair, Naëlle et Till, répondit le garçon en les désignant tour à tour.
- Je vous ai un peu secoués mais je voulais voir ce que vous aviez dans les tripes. Vous savez, je ne plaisante pas lorsque je dis que la tempête arrive. Bien sûr, je ne sais pas quand ça se produira mais ça se produira. Êtes-vous toujours prêts à découvrir la vérité ? Quelle qu’elle soit ?
Après une hésitation les amis approuvèrent.
- Bien sûr que nous le voulons, répondit Naëlle, mais à condition que vous cessiez vos attaques contre Till.
- Till, le fils adoptif d’Elhyane, la guérisseuse.
Ce n’était pas une question, mais Till acquiesça tout de même.
- Je n’ai rien contre toi, Till, expliqua Grïmuld. Tu n’es qu’un enfant. Mais je mentirais en affirmant que ta présence me laisse indifférent. Tu es un corps étranger, l’île ne t’a pas adopté.
- Les habitants ne l’ont pas encore adopté, nuança Châny, exceptés quelques-uns comme nous et Elhyane. Mais pour l’île, c’est différent. Wilma affirme que le processus est déjà en marche. Ce n’est qu’une question de temps.
- La vieille Wilma… Je la connais bien… murmura l’homme pensif. Et Wilma est certaine de ce qu’elle affirme ?
- Oui, répondit Châny, elle n’a aucun doute.
Ce n’était pas tout à fait la vérité mais Grïmuld n’était pas obligé de le savoir. Châny ne doutait pas de cette vérité. Il la sentait. Un échange de regards avec Blair et Naëlle, lui confirma qu’ils pensaient de même. Mais Till ne put s’empêcher d’intervenir :
- Wilma n’est pas aussi affirmative que Châny le laisse penser. Il existe des signes mais pas de certitude. Mes amis cherchent à me protéger, ils ne doutent pas et ça les rend encore plus précieux à mes yeux. Mais je ne veux pas mentir. Je suis ce que je suis, et pour l’instant il faut s’en accommoder.
- Tu es un garçon honnête. La franchise, cela demande du courage, répondit Grïmuld. Je respecte le courage. Elhyane a fait du bon travail.
Il les invita à le suivre jusque dans son repaire, une grotte nichée au cœur de la falaise. Ils marchèrent attentifs aux explications de l’homme devenu soudain extrêmement bavard :
- Un courant marin parcourt l’Océan Primaire. Vous avez dû l’apprendre au Foyer ?
- Oui, répondit Châny, il va du sud vers le nord en longeant les côtes du continent avant de bifurquer à l’ouest pour passer entre les Îles de Feu et nous.
- Exactement c’est pourquoi nous bénéficions d’un climat extrêmement favorable pour une terre située très au nord. Les îles de Glace n’ont pas cette chance. Vous m’avez observé, vous devez vous demander ce que je ramasse ?
Ainsi l’homme avait repéré leur présence. Il semblait plus affûté que Naëlle le soupçonnait :
- Oui, répondit-elle, c’est ça qui nous a intrigués au départ.
- Et bien je ramasse tout ce que le courant dépose.
- Et il ramène beaucoup de choses, le courant ? demanda Blair étonné.
- Oh que oui ! Il est très généreux. Beaucoup trop même et c’est ça qui m’inquiète. Mais nous arrivons, vous allez pouvoir constater par vous-même.
Le petit groupe avait gagné le pied de la falaise. La grotte se situait à environ six pieds au-dessus de leurs têtes. L’entrée était légèrement de biais, invisible depuis le sentier côtier. On y accédait par de courtes marches taillées dans le rocher.
- Faîtes attention, ça glisse, prévint Grïmuld.
L’escalade exigeait la concentration. Les marches raides et étroites s’élevaient jusqu’à une plateforme. Des cordes accrochées à la poulie d’une potence, intriguèrent Blair.
- C’est pour remonter les grosses pièces, expliqua Grïmuld. Suivez-moi.
Ils pénétrèrent dans la grotte par un large boyau. L’homme alluma rapidement une torche et les guida jusqu’à une salle suffisamment vaste pour contenir la maison de Till toute entière. Une goulotte taillée dans le rocher courait sur le pourtour. Lorsqu’il y plongea sa torche, la flamme libérée courut comme un follet le long de la paroi. La grotte s’illumina révélant le trésor de Grïmuld :
- Voilà tout ce que la mer a déposé sur nos rivages.
Rien dans la simplicité rustique de Grïmuld n’avait préparé les amis à une vision aussi déconcertante. Ils s’imaginaient un amoncellement d’objets hétéroclites, un capharnaüm indescriptible, un bric-à-brac de bric et de broc. Or, tout ici répondait à un agencement savant où chaque élément, chaque objet constituaient un ensemble parfait. La mémoire de la mer, patiemment recueillie, classifiée, répertoriée depuis des lunes. Grïmuld sourit de contentement devant leurs mines ébahies.
- Mon royaume, dit-il satisfait. Vous vous attendiez pas à ça, hein ?
Naëlle fut la première à retrouver la parole :
- Grïmuld, je n’ai jamais rien vu d’aussi… d’aussi…
- Surprenant ! dit-il en clignant d’un œil.
Blair, Châny et Till, à court de mots, n’auraient pu écarquiller davantage les yeux.
- Entrez ! Ne restez pas plantés comme des souches ! Vous pouvez regarder pendant que j’allume le feu. L’humidité, c’est ici le seul problème. Après, nous parlerons.
Le sol de la caverne était entièrement recouvert d’un plancher aux lames disjointes de tailles, de formes et de couleurs disparates. Néanmoins, l’ensemble formait un camaïeu suffisamment harmonieux pour susciter l’approbation de Naëlle. Au centre, dissimulée sous des tentures aux reflets mordorés, une table supportait une série de cinq chandeliers alignés en rang d’oignons ; une potiche au décor raffiné mais au bord ébréché et un plateau rempli de tasses dépareillées. Plus à droite, Grïmuld avait disposé des bancs autour d’un foyer circulaire creusé à même le sol. Tout au fond, posés en équilibre sur des malles, un éventail de miroirs craquelés fragmentait la lumière en milliers d’éclats irisés.
L’ordonnancement des étagères qui couraient le long de la paroi répondait à une logique rigoureuse de classement : objets ordinaires, outils et instruments, machines mécaniques, sujets non identifiés. Des étiquettes à l’écriture maladroite indiquaient la date et le lieu des découvertes classées par ordre chronologique. Une grande carte de l’île permettait de visualiser avec précision les différents lieux de collecte. Grïmuld avait consacré de toute évidence un temps infini à répertorier chaque élément de ce curieux musée.
L’homme qui les observait d’un œil, devança la question de Blair :
- Des outils de navigation, enfin c’est ce que je crois, expliqua-t-il, mais ne me demandez pas à quoi ils servent, ni comment ils fonctionnent. Pour la plupart, je n’ai même pas pu identifier dans quel matériau ils étaient fabriqués.
Blair se saisit de l’un d’eux, attiré par les cadrans à aiguilles et les nombreux boutons :
- Vous n’avez jamais cherché à en démonter un pour voir ce qu’il avait dans le ventre ?
- Non ! La technique, c’est pas mon domaine. Je me contente de les ramasser et je les mets à l’abri pour le cas où un jour ça intéresserait quelqu’un.
- Moi, ça m’intéresse.
- Tu t’y connais ?
- Blair démonte tout ce qui passe entre ses mains, expliqua Naëlle.
- La curiosité, c’est une bonne chose, répondit Grïmuld.
- Vous avez beaucoup de malles, remarqua Till.
- Les malles, c’est ce qui a le plus de chance d’arriver. Le bois ça flotte. D’ailleurs, toi tu es bien arrivé dans une malle !
- C’est vrai ça ! s’exclama Blair. T’es un naufragé toi aussi ! Imagine si c’était Grïmuld qui t’avait trouvé à la place d’Elhyane…
Till préféra ne pas imaginer cette situation. Grïmuld versait à présent de l’eau dans une gamelle et la posait sur le feu.
- Je surveille toujours les plages les jours de tempête, c’est là que la pêche est la meilleure. J’allais vers le nord quand j’ai aperçu la barque échouée, enfin ce qu’il en restait. C’est moi qui ai prévenu Elhyane, avoua Grïmuld. Je ne savais pas trop quoi faire d’autre.
- Elle ne m’en a jamais parlé.
- C’était plus simple. Nous avons décidé d’en raconter le moins possible pour te protéger et j’ai récupéré tout ce qui traînait sur la plage afin d’effacer les traces. T’étais un drôle d’enfant, un peu bizarre mais mignon et surtout silencieux. Tu ne pleurais pas, je crois que c’est ça qui m’a le plus perturbé. Après toutes les épreuves que tu venais de traverser, tu ne pleurais pas. Tu étais là, au fond de ta malle, cerné par le fracas de la tempête et tu semblais attendre. Et Elhyane ! Comme elle était heureuse, tu ne peux même pas l’imaginer ! « Un joli cadeau » qu’elle arrêtait pas de dire. À croire qu’elle t’avait toujours attendu.
Till détourna la tête pour dissimuler son émotion. Il n’avait jamais réfléchi au comment de son arrivée sur l’île. À présent, les images se bousculaient. La barque, chaque protagoniste, la tempête, tout devenait terriblement concret. Il connaissait la fureur des vagues écumantes précipitées sur les rochers, le rugissement assourdissant du vent, l’obscurité d’un ciel d’encre, pour les avoir observés depuis la fenêtre de sa chambre. C’était un miracle qu’il soit parvenu indemne jusqu’à cette côte.
Une information capitale dans le récit de Grïmuld n’avait cependant pas échappé à Blair :
- Parce qu’il y avait d’autres choses sur cette plage ?
Grïmuld hocha la tête affirmativement, avant de reprendre à l’intention de Till :
- J’ai recueilli tout ce que j’ai pu en me disant qu’un jour, peut-être, tu aimerais en savoir plus sur tes origines. Elhyane était d’accord mais elle préférait que je garde ça avec moi en attendant que tu sois en âge de te poser des questions. J’attendais l’occasion mais avant je voulais m’assurer de tes intentions. Tu comprends, c’est une question légitime quand on sait d’où tu viens. Je voulais découvrir si je pouvais avoir confiance. De toute évidence, je le crois et tes amis m’écharperaient si je soutenais le contraire.
Till eut soudain la sensation d’étouffer, le cœur prit dans un étau.
- Ne te fais pas d’illusions, il n’y avait pas grand-chose de récupérable, précisa-t-il. Voyons, où est-elle ?
Grïmuld se gratta la tête, perplexe :
- Elles se ressemblent toutes ces malles ! Voilà, c’est celle-là !
Il souleva le couvercle qui grinça. La malle était vide :
- Nom d’une pétoire à cabochon ! Mais que je suis bête ! Je me rappelle ! Elle est chez toi la malle, t’es bien placé pour le savoir. Par contre, mais où est-ce que je l’ai mis…
Grïmuld se frotta le menton, tournant son regard dans tous les sens. Till était au supplice.
- Ah, le voilà ! Y’avait ça à quelques pas de la barque, ce coffret, dit-il en le désignant du doigt.
Le coffret trônait sur une malle devant l’un des nombreux miroirs. Les amis s’approchèrent, un peu impressionnés, tandis que Grïmuld poursuivait ses explications :
- Il était juste sous mon nez et je ne le voyais même pas. Mais c’est parce qu’il est là depuis si longtemps que je me suis habitué. Il est beau, non ! Comme il est tout ouvragé, ça aurait été dommage de le cacher. Il était tout emmailloté dans les tentures qui me servent de nappe. Il ne restait que ça et des tas de bouts de bois comme à chaque fois, tout le reste a été emporté par la mer. Tu m’en veux pas si je te les ai empruntées, les tentures ?
Till secoua la tête, ému, plus qu’il ne voulait se l’avouer. Du bout des doigts, il caressa les volutes sculptées dans l’espoir d’apaiser le tremblement de ses mains, puis il tâtonna à la recherche d’un système d’ouverture.
- Je n’ai jamais trouvé comment l’ouvrir. C’est un mystère. Le coffret est parfait, on ne distingue même pas une fente par où insérer un couteau. Mais il y a des choses dedans. Si tu secoues, tu les entends. Donc si elles y sont rentrées, elles doivent pouvoir en ressortir. Enfin voilà, tu sais tout, maintenant c’est à toi. Peut-être que tu seras plus malin que le vieux Grïmuld.
S’il avait parfois tenté d’imaginer l’avant, Till s’était toujours heurté à un mur de questions insolubles. En dépit de l’hostilité récurrente de certains et sans la récente rencontre avec ses amis, il aurait probablement renoncé à chercher des réponses, préférant la réalité du présent à de vaines spéculations. Cependant, les révélations de Wilma et Grïmuld, sa rencontre avec Piblô, son rêve énigmatique, tous ces évènements l’obligeaient à prendre en compte un nouveau paramètre : quel qu’il ait été, le passé n’était pas décidé à lui accorder une trêve ; la principale inconnue demeurant le pourquoi.
Au-delà de cette intime conviction, la patience de Till était une nouvelle fois soumise à rude épreuve. Son esprit dépité, était partagé entre curiosité et lassitude. Chaque découverte lui donnait l’impression de progresser dans la connaissance et, paradoxalement, de gravir un escalier sans fin. Monter l’éloignait de l’obscurité mais chaque marche franchie, plutôt que de le rapprocher de la lumière, engendrait d’autres marches qui l’obligeaient sans cesse à accélérer pour maintenir l’illusion d’avancer. Échapper à la nuit était une course épuisante entre espoir et désillusion.
Tentant de dissimuler sa déception, Till demanda :
- Vous n’avez trouvé que moi sur la plage ?
- Tu as été le seul cadeau déposé par la mer ce jour-là, mon garçon. Rien que toi dans ce bout de barque. Toi et cet énigmatique coffret. D’ailleurs la mer n’a jamais rien rejeté qui ressemble à un humain à part toi. C’est vrai ça, je n’y avais pas pensé ! Tu es une exception !
Du bout de barque, il ne restait que la poupe dans laquelle Grïmuld avait bricolé un drôle de fauteuil aux allures de trône tarabiscoté. Till passa la main sur le bois poli, tout ce qui restait de sa vie d’avant : ce morceau de bois et un coffret énigmatique. Ils s’assirent autour du feu tandis que Grïmuld versait dans des bols à double anse un liquide à l’odeur capiteuse et pas franchement ragoutante. Il les invita à boire, amusé par leurs mines réservées.
- Ça vous réchauffera, dit-il plein de conviction.
- Grïmuld ? Pourquoi dites-vous que le courant est trop généreux ? demanda Châny.
- Parce qu’il nous ramène de plus en plus de choses. Des choses sans intérêt que je brûle la plupart du temps. Mais ces choses montrent que sur l’océan et au-delà de l’océan, le monde s’agite. Depuis que nous avons accosté sur l’île, le temps s’est arrêté pour nous. Mais là-bas, l’horloge continue de tourner. Un jour le temps nous rattrapera, c’est une certitude.
- (1) *Crouton à l’ail : expression propre à l’île qui désigne une personne « soupe-au-lait ».
"C’est Grïmuld, je l’ai appris une fois où j’insistais pour discuter avec lui"
Haha, ça va tellement bien avec la personnalité de Châny.
La description de la grotte est enchanteresque. On dirait un décor sorti d'un Miyazaki !
L'arrivée de Till sur la plage est pleine d'émotions, c'est très beau.
J'ai relevé des passages qui m'ont touchée :
-un éventail de miroirs craquelés fragmentait la lumière en milliers d’éclats irisés. => c'est très beau
- Till détourna la tête pour dissimuler son émotion. => alors, je relève ce passage, parce qu'il se trouve qu'à ce moment-là, j'étais aussi émue par le discours de Grimuld !
- Nom d'une pétoire à cabochon => je n'ai aucune idée de ce que c'est, mais c'est très drôle !
A très vite !
J'aime beaucoup ce chapitre, beaucoup.
Tout y est, le mystère qui s'épaissit avec le coffret, les révélations de Grimuld (qui est très bien décrit, j'espère qu'on le reverra lui aussi), la grotte.
On s'attache de plus en plus à Till.
Pour le petit moins, j'ai toujours ce petit souci avec le groupe où tout se passe trop bien selon moi. Mais c'est un parti pris parfaitement respectable
A très bientôt
Vraiment heureuse que cette histoire te plaise.
A très bientôt
Grimuld paraît aux premiers abords assez associable mais finalement il a l'air heureux de pouvoir faire la conversation ^^ Je trouve que tu l'exposes vraiment bien, on arrive à se faire une bonne idée du personnage.
La description de la grotte fait vraiment penser à la caverne d'ali-baba, je sais pas si tu y pensais pendant l'écriture ^^
Quand aux informations sur le passé de Thill, elles permettent d'approfondir le personnage et de le rendre plus intéressant. Ca rejoint pas mal mon denier commentaire à ce niveau là ^^
Enfin, le coffret inouvrable apporte une bonne dose de suspense et donne envie de continuer l'histoire. J'ai l'impression que le point de bascule de l'histoire vers des enjeux plus "durs" ne va pas tarder. Mais je me trompe peut-être complètement ^^
Bien à toi !
Oui, forcément, j'ai un peu pensé à la caverne d'Ali Baba, en plus humide ! Et avec un trésor plus particulier.
Merci pour ton commentaire encourageant.
A très bientôt
- "C’est Grïmuld, je l’ai appris une fois où j’insistais pour discuter avec lui" J'ai trouvé la tournure de cette phrase un peu lourde. Peut-être "C'est Grimuld, j'ai appris son nom une fois..."
A bientôt !
Je prends bien évidemment toutes tes remarques.
Un grand merci à toi et à très bientôt.
Hortense
Ce petit coffret semble bien étrange... Est-il important?
Tu termines le chapitre en parlant du monde qui est en action tandis que l'île semble un peu comme figée dans le temps.
De mon point de vue, j'aurais placé cette information avant de dire qu'en plus de Till dans sa malle, il y avait un coffret qu'on ne parvient pas à ouvrir... Ca rend le coffret important, mystérieux etc. lol... Maintenant, s'il n'y a rien de spécial dedans, je comprends qu'il n'ait pas fait l'objet d'une emphase ;-)
Mes remarques:
- "Il planta à son tour ses yeux dans les yeux de l’homme", la redite est peut-être voulue...
- "Ce n’était pas une question, mais Till acquiesça tout de même :
Je n’ai rien contre toi, Till. Tu n’es qu’un enfant. Mais je mentirais en affirmant que ta présence me laisse indifférent. Tu es un corps étranger, l’île ne t’a pas adopté", même chose que dans l'autre chapitre, il me semble que les ":" signifient que la personne en question va parler. Or, ce n'est pas Till qui parle.
A tout bientôt
Effectivement les enfants, une fois la mise au point effectuée, font confiance à GrÎmuld qui ne cherchait en réalité qu'à les tester. Les rapports humain sur l'île sont assez spontanés et dénués de défiance. Excepté pour Till, évidemment.
Terminer sur "un jour le temps nous rattrapera" introduit l'idée d'un changement imminent, peut-être d'un bouleversement et rappelle qu'il est dangereux de l'ignorer.
Le coffret est important mais pour l'instant il n'est qu'une nouvelle pièce du puzzle. Ce n'est que lorsque les pièces s'assembleront qu'on comprendra. Donc je ne veux pas trop insister.
Ses yeux dans les yeux de l'homme est volontaire et fait référence à l'expression : regarder les yeux dans les yeux.
Pour le rester, je prends.
Un grand merci toi, tes commentaires m'aident à voir à travers l'œil du lecteur. C'est important.
A bientôt.
Alors, c'est très bien comme ça 😊