Chapitre 14 (bis) Le train

Notes de l’auteur : Je rajoute ou mets des chapitres en deux, mais j'avoue avoir la flemme de réécrire tous les titres qui suivent alors je préfères écrire BIS pour ces chapitres qui viennent entre deux chapitres déjà écrits

En terre kalokas,

 

Le nouvel Élu comprit l’importance de son rôle en menant une rébellion loin de ses terres. Galvanisé par les mots d’Hestia, il n’avait pas mis longtemps à regrouper des contestataires pour se défendre des lois du ministre Asage. Quand les troupes de la milice arrivèrent à la gare d’Erden, elles ne s’attendaient pas à un tel accueil. Le train à peine arrêté, une foule haletante s’était emparée des quais pour protester avec véhémence.

 

__ Personne ne nous séparera ! affirmèrent les premières lignes amassées au tour du train.

 

Surpris par la cohue, les miliciens ne s’étaient pas préparés à un tel affrontement. Abasourdis, les hauts gradés tentèrent de descendre du train pour calmer la foule. En tête de file, le sergent Mandrin sortit sa tête pour prendre la température. Refusant de s’armer, il se présenta à la porte du wagon pour écouter les revendications.

 

__ L’amour n’est pas un choix qu’on peut régir par des lois ! gronda Vikthor sans lui permettre d’en placer une.

Inquiet du tournant que pouvait prendre cet assaut, le militaire leva les mains en signe de paix.

__ Nous ne sommes pas là pour vous faire la guerre, juste pour appliquer… tenta le sergent sans succès.

__ Dans l’amour la famille s’accomplira, contre ces lois le peuple avancera ! lui répondit Gaultier d’un ton si froid qu’il fît même frissonner ses acolytes. 

 

Habitué aux situations de crise, le milicien fit taire ses officiers qui réclamaient une montée de violence pour seule réponse.  Il sentait qu’il ne faudrait pas grand-chose pour que tout dégénère, or il ne s’était pas engagé pour ça. Louis Mandrin faisait partie de ces hommes qui avaient besoin d’une cause juste. Il n’y avait jamais eu de lois pour régir le peuple sirélien, leur permettant ainsi de vivre comme il le souhaitait, loin des humains. Or pour lui ce n’était pas ce qu’avait voulu la Déesse Namon en donnant des pouvoirs aux frères Sirel. Elle voulait un rassemblement, qu’ils travaillent ensemble main dans la main. Pas chacun de leurs côtés, comme aujourd’hui.

 

__ Calmez-vous miliciens ! Nous ne sommes pas là pour faire couleur du sang, mais pour faire appliquer des lois. Nous avancerons dans le calme et non dans la colère, annonça le haut gradé pour calmer ses troupes.

 

S’il réussit à contenir la haine des deux wagons qui l’entouraient, il ne fut pas de même pour les extrémités du train. Vite lassés par un tel accueil, les autres soldats se hasardèrent à sortir de force. Vikthor eut beau sommer les Kalokas, situés en fin de quai, de contenir leur force, ils ne l’écoutèrent pas. Aveuglé par la haine, l’un d’eux se précipita sur les miliciens fraîchement débarqués. En quelques mouvements de jambe, le dénommé Colas se trouva à leur portée et avec de l’élan, il fit reculer les trois hommes rapidement. Tenté de répondre avec plus de violence, l’un d’eux s’empara alors de son arme pour la pointer vers son assaillant. Téméraire, il ne cilla pas face au canon. Le milicien somma alors un avertissement en tirant en l’air juste au-dessus du jeune Sirélien. En cet instant, Vikthor et le sergent Mandrin pria pour que cela n’aille pas plus loin. Aucun d’eux ne le souhaitait.

 

__ Nous ne bougerons pas, répondit simplement Colas en ancrant ses pieds dans le sol comme s’il n’avait peur de rien.

__ Par la Déesse ! Ils ne vont pas nous laisser sortir ! grommela le milicien penaud face à tant de courage.

 

Enivré par cette belle idée émise par le camp adverse, Gaultier se plaqua alors contre le wagon en transformant son corps en métal. Dans un clin d’œil amical, il invita Arthur, Sophya, Vikthor et Bénédit à faire de même sans violence.

 

__ S’ils ne descendent pas de ce train, ils n’appliqueront pas ces lois barbares, s’exclama Vikthor pour que le reste de la foule les suive.

 

Dans un mouvement fluide, les autres Kalokas les imitèrent sans se poser de question. Ainsi, ils maintenaient bloquer toutes les sorties du train. Les Kalokas semblaient parler d’une seule et même voix. Guidés par deux Élus qui n’étaient pas des leurs, ils retrouvaient leur courage légendaire.

 

Mon père aurait dû être des nôtres, au lieu de ça, il écrit des courriers au conseil ministériel. Comme si cela pouvait servir à quelque chose, songea Arthur en remarquant pour la première fois la cohésion qui animait le peuple sirélien.

 

Peu enclins à se laisser faire, les miliciens tentèrent alors de descendre du côté des voies ferrées, mais dans une cohue revancharde, les Siréliens se mirent à bousculer les wagons pour les en empêcher. Sans volonté de blesser, ils secouèrent le train de façon à pousser les militaires à se rassoir bien sagement. Les cliquetis métalliques qui accompagnaient chaque mouvement soulignaient les râles des soldats. Mandrin devait prendre une décision au plus vite, avant que cela dégénère.

 

__ Sergent, nous nous arrêterons que quand nous aurons obtenu le départ du train ! expliqua Bénédit calmement.

 

Dix minutes se passèrent ainsi, mêlant revendications politiques et secousses du train. Pourtant, le sergent Mandrin, en charge des troupes, ne donna jamais l’ordre de riposter. Il savait qu’il avait trop à perdre. Si ses hommes étaient peut-être là par haine des Siréliens, il n’en était pas de même pour lui. De plus, le ministre Asage avait été clair.

La Zorrèce est la clef pour faire changer les mentalités. Sans le peuple kalokas, nous n’y arriverons pas, avait-il expliqué en donnant ses ordres la veille au soir.

 

__ Nous allons nous replier ! se décida-t-il enfin après avoir consulté ses hommes. Nous ne sommes pas là pour déclarer la guerre aux Kalokas.

__ Nous lâcherons le train que quand nous saurons la locomotive prête à partir, lui répondit Vikthor avec assurance.

 

Dans un hochement tête franc, le sergent accepta les termes de leur reddition. Sa décision ne fit pourtant pas unanimité dans ses troupes. Eux, ils étaient là pour se battre. Aucun n’appréciait les airs supérieurs des Élus rouges et oranges.

 

__ Ils ne méritent pas votre pitié sergent, encore moins notre clémence ! avait entendu Mandrin en arpentant le train jusqu’à la locomotive.

Pourtant, il ne les écouta pas. Il savait que le ministre Asage ne prendrait pas la Zorrèce par la force. Il y avait d’autres terres Siréliennes pour ça, l’affrontement avec Gaultier et Vikthor n’était que partie remise. Le sergent en était certain, ils se reverraient. Quand un coup de sifflet retentit enfin dans la gare, annonçant le départ du train, l’anxiété était à son comble. Vikthor n’avait aucune certitude que le sergent tenait parole.

 

__ Tu penses qu’ils vont vraiment repartir ? s’enquit Arthur en se frottant le crâne nerveusement.

__ Je l’espère, lui répondit fébrilement le Physé.

__ Notre problème à présent n’est plus qu’ils partent, mais qu’ils ne reviennent pas, les coupa Gaultier en sentant trembler la locomotive à l’avant du quai.

 

Dans un silence collégial, les Siréliens lâchèrent alors le train presque en même temps. Laissant peu à peu de l’espace entre eux et les wagons. Inquiets, tous regardaient vers la locomotive pour savoir si ce n’était qu’une diversion ou une réelle fuite de la milice. La fumée noire qui s’échappa à l’avant du train confirma pourtant son départ.  Encore collés aux vitres, les miliciens posèrent un dernier regard de haine sur Erden. Ils n’oublieraient pas de sitôt ceux qui les avaient malmenés.

__ Bon débarras ! tonna Gaultier sous les applaudissements timides de la foule.

 

Chacun se regardait sans y croire vraiment. Ils avaient vaincu l’oppresseur avec quelques menaces et une détermination sans faille. Pourtant, une lueur de crainte s’était installée dans le regard des Siréliens présents. Ils avaient lu la détermination chez ces soldats. Tous étaient conscients qu’il en avait fallu de peu pour que ça dégénère. Ils savaient qu’ils étaient loin d’avoir gagné une bataille. Sans le sergent Mandrin, il y aurait eu des morts à Erden. Ça, Vikthor en était convaincu en regardant le train partir vers le nord.

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