Le Duc Owen et moi-même avons passé une partie de la soirée à discuter autant qu’il possible pour deux individus de discuter de divers sujets. Étrangement, le Ruler Game ne fut nullement mentionné durant notre échange. Bien au contraire. Nous avons passé notre temps à l’éviter parce qu’au plus profond de nous-mêmes nous savions que sa seule évocation suffirait à ruiner ce qui était progressivement en train de s’installer : une relation. Cette dernière n’avait alors aucune dénomination car il était bien trop tôt pour parler d’amitié naissante, mais bien trop tard pour se contenter du simple partenariat cordial.
De mon côté, j’ai pu plus ou moins réfléchir à ce que je voulais dès à présent et la victoire seule ne m’apporterait aucune satisfaction. J’en étais convaincue. Je voulais plus. Je voulais les écraser, et ce, jusqu’au dernier. Ainsi, dans le but de réussir, je ferais tout ce qui est nécessaire de faire.
- Son Altesse en a peut-être conscience, mais je me permet tout de même lui rafraîchir la mémoire concernant un tout petit point de détail, me souffle le duc dans l’oreille tandis que nous nous tenions tous deux dans un couloir interminable, seuls ou presque si ce n’est que nous étions entourés de gardes royaux.
- Je suis toute ouïe, fis-je
- Après cette journée, nous serons probablement le sujet de conversation de tout le royaume.
- N’est-ce pas ce que vous escomptiez Duc ? Ne me dites pas que vous comptez vous défiler au dernier moment.
- Nullement.
Il est vrai. Aujourd’hui est le jour où chaque binôme se présente officiellement devant le couple royal afin d’enregistrer sa participation au jeu. A chacun sera remis une tablette concernant les détails et le déroulement du jeu et commencera alors un entretien avec le Prince ou la Princesse participant(e) concernant sa motivation à participer.
- N’êtes-vous pas nerveuse ? me relance-t-il pour me faire la conversation alors qu’un soupir m’échappe.
- Suis-je supposée l’être ? Après tout, je m’apprête à affronter mes aînés dans un jeu qui s’annonce sans merci, dans le seul et unique but d’être potentiellement couronnée Reine et pendant que je me débattrais, toute la nation ne verra mes déboires que comme un grand divertissement. Honnêtement, cela s’annonce grandiose !
Je ne suis pas nerveuse, je n’ai aucune raison de l’être, mais je ne suis pas tout à fait sereine non plus. A dire vrai, je pense ressentir une certaine appréhension parce que pour la première fois en quinze ans, j’allais m’adresser seule à seule avec le Roi. Pour la première fois de ma vie, j’allais m’entretenir avec mon père en privé et j’ai rêvé de ce moment pratiquement toute ma vie. Alors naturellement, un flot de pensées me traversent et me tiraillent. Qu’est-ce que je vais lui dire ? Comment vais-je m’adresser à lui ? Y’a-t-il une façon particulière de s’adresser au Roi ? Probablement en respectant l’étiquette, mais je n’ai jamais sû quoi faire des manières que l’on nous imposait entre ces murs. J’ai un millier de choses à dire à cet homme et aucune ne correspond à quelque chose de cordial ni même de respectueux, mais je sais qu’au moindre faux pas en sa présence, je pourrais alors compromettre certaines de mes chances.
Alors plongée dans mon monde, je me rends subitement compte que le regard du Duc, plein d’inquiétudes, ne s’est pas détaché de moi. S’inquiète-t-il que l’enfant de quinze ans dérape à un moment ou un autre et se mette subitement à insulter Son Altesse Royale ? C’est une possibilité que j’envisage et je l’aurai probablement fait...si je participais sans sa personne.
- Je tiens à rassurer Son Excellence en disant qu’elle n’a nul souci à se faire. Je maîtrise la situation.
Pas du tout.
Entrant alors dans la grande salle dans laquelle sont réunis mes aînés et leurs partenaires, je croise brièvement le regard d’Ambrose tandis que nous avançons, progressivement vers le couple royal assis sur le trône situé juste en face de nous.
- Tête haute Princesse. Tête haute, murmure le Duc
Sans même m’en rendre compte et certainement par habitude, j’avais commencé à baisser les yeux. Après tout, j’entrais dans une pièce où la totalité des personne en présence avaient une dent contre moi ou au moins un grief quelconque à me porter et la première d’entre elles fut certainement... Ivory. Ma sœur cache à peine sa colère tandis qu’elle me voit avancer bras dessus, bras dessous avec celui supposé être son promis.
De ça également, nous n’en avons pas parlé. Je présume qu’il n’est pas venu le temps où le Duc me confiera tous ses secrets.
- La Princesse Magdalena Lucia Boùrbon et le Duc Owen Hector de Norlia.
C’est maintenant où jamais de briller.
- Vos Majestés, fis-je en me courbant devant eux tout en contenant un rire probablement amusée par le ridicule de la situation.
- Vous voici donc tous les deux. Je dois dire que je suis étonné de voir que vous vous présentez devant moi en compagnie de ma huitième fille, Duc de Norlia.
- Sa Majesté sait que je suis un homme aimant surprendre.
- J’espérais votre présence, mais en compagnie d’Ivory.
La Reine elle, ne dit rien, elle s’est muée dans le plus grand des silences, mais son regard en dit long. Elle me méprise probablement pour ainsi voler la vedette à sa fille. D’ailleurs, le simple fait que le Roi ne s’adresse qu’au Duc sans même échanger avec moi en dit long sur ses positions. Après tout, qu’espérais-je d’un homme n’ayant jamais cherché à savoir quoique ce soit sur sa fille bâtarde ? Il est probablement de mon seul fait d’être déçue par cette rencontre. Peut-être ai-je trop espéré alors que je suis certainement la mieux placée pour savoir ce que l’espoir peut faire comme dégât.
- Que l’on présente les registres afin qu’ils s’inscrivent.
Le Duc et moi échangeons un regard tandis que nous prenons chacun un stylet, signant rapidement les deux tablettes qui nous étaient présentées.
- Princesse Magdalena, suivez-moi.
Je peux presque sentir la main du duc sur la mienne comme s’il essayait de me retenir en espérant me dire quelques mots avant que je ne m’éloigne, mais quoi qu’il puisse avoir à me dire, je pense connaître ses pensées et elles sont inutiles. Son inquiétude est inutile. Je sais ce que je dois dire.
Je sais ce que je dois faire également.
Nous nous retrouvâmes alors tous deux dans une pièce juxtaposée à la salle du trône, réorganisée en salon tandis que le Roi me fait signe de m’installer dans un fauteuil en face du sien. Chose que je m’exécute à faire, croisant mes jambes et m’adossant confortablement sans même détourner les yeux de sa personne.
- Maintenant que nous sommes seuls, je présume que tu dois avoir des choses à me dire mon enfant.
- Je prie que Sa Majesté ne soit pas naïf au point de croire qu’il est nécessaire de jouer le «père» en privé et loin des regards indiscrets. Soyez le Roi auquel je suis venue m’adresser. Inutile de m’appeler «mon enfant».
- Tu as de la colère en toi, je comprends.
- Nullement. Sachez que je ne suis ni en colère, ni envieuse. Je ne peux guère être déçue d’un homme duquel je n’ai jamais rien attendue.
- Tu as les traits de ta mère et son caractère également.
- Il fallait bien que j’hérite au moins de quelqu’un.
J’ai mille et une choses à lui dire. J’ai envie de les lui hurler. Je veux lui demander «pourquoi» : Pourquoi n’a-t-il jamais daigné me donner ne serait-ce qu’un minimum d’attention ? Pourquoi n’a-t-il jamais cherché à me voir comme sa fille ? Pourquoi suis-je cachée dans un coin alors que tous les autres sont traités comme étant la prunelle de ses yeux ?
- Tu es exactement comme je l’espérais. Forte. Tu n’as que quinze ans et pourtant, regarde-toi. Ta posture, ton intonation, ta façon de soutenir mon regard sans t’en détacher et sans me craindre.
- Que Sa Majesté ne se flatte pas. Mon éducation, je me la suis forgée moi-même. Je ne vous dois rien, si ce n’est quinze ans de malheurs.
- En était-ce réellement ? As-tu réellement été malheureuse en vivant à mes côtés ? Tu n’as jamais manqué de rien, tu n’as jamais passé une nuit dehors, tu as grandis dans l’esprit de la famille Boùrbon.
- Vous n’avez pas la moindre idée de la façon dont j’ai grandis et les supposés «soins» que j’ai reçu, je m’en serais bien passée. Mais ne tergiversons pas, le jeu approche et je sais que cet entretien ne sert que de camouflage pour demander au Roi une faveur.
- Dans la limite de mes capacités. Tes frères et sœurs en ont fait de même.
- Rien d’étonnant à cela. Vous n’êtes pas là pour nous donner à tous un discours d’encouragement. Vous êtes uniquement là pour regarder droit dans les yeux la future personne qui prendra votre place. Dites-moi, Votre Majesté, avez-vous déjà trouvé votre digne héritier ?
- J’ai toujours su qui serait digne de gouverner Magdalena. Maintenant, je dois seulement attendre que cela se confirme.
- Parfait. Parce que je serais celle qui portera la couronne. Soyez-en assuré.
- Est-ce pour cela que tu as fait un pied de nez à Ivory en t’associant avec le Duc de Norlia ?
- Le Duc n’est qu’un moyen comme un autre de parvenir à mes fins. Qu’il soit ou non le fiancer de ma sœur m’importe peu. Néanmoins, j’éprouve une certaine satisfaction à la voir taper du pied.
- Tu sais que ses colères sont terribles.
- Je ne la crains pas. En outre, ses colères auraient être dû matées dès la petite enfance, mais je constate avec regret que son éducation est faite de faille. A son âge ne pas savoir se contenir est un si grand manque de raffinement.
Cette conversation tourne en rond et j’ai honnêtement d’autres projets pour occuper ma journée plutôt que de rester ici assise.
- Comme Sa Majesté doit certainement être occupée, je vais de ce pas lui faire part de ma requête. Il nous est, je pense, inutile de perdre davantage de temps.
- Que souhaites-tu donc ? Un domaine en particulier ? Une avance ?
- Non. Je souhaite, réquisitionner le Baron Valerian Decloff travaillant au Service de l’Information du Royaume.
- Un baron ? Est-ce là une requête dès plus sérieuse.
- Je le crains. Je ne souhaite rien d’autres.
- Soit. Je te l’accorde. Le baron Decloff te seras mit à disposition le temps du jeu.
- Bien. Je remercie Sa Majesté pour sa grande bonté.
Et sa grande incapacité à connaître ses sujets, mais je pourrais en dire tout autant de mes aînés si personne ne s’est intéressé à sa personne pour le moment. Je présume que c’est un avantage non négligeable pour moi.
Quittant la pièce, je finis par rejoindre le Duc que j’avais laissé dans la salle du trône tandis qu’Ambrose ne me quitte pas des yeux. Une part de moi peine encore à le regarder droit dans les yeux tandis qu’assis sur un banc à ses côtés se tient Byron qui dévisage plus que sévèrement le Duc.
Nous allant tous deux comme nous sommes venus, ce dernier contient à peine sa curiosité tandis qu’il me questionne en premier lieu sur la requête que j’ai alors formulée.
- Que Son Altesse me pardonne, mais je ne suis pas certain de comprendre. Vous pouviez demandé tout ce que vous vouliez et vous avez eu pour seule pensée de requérir la présence d’un Baron ? s’étonne-t-il tandis que je peux m’amuser de voir la façon dont il arque un sourcil
- Effectivement, c’est ce que j’ai demandé.
- Son Altesse ne suffit-elle pas avec moi ?
- Ne vous flattez pas Duc. Je ne doute en rien que vous soyez un homme plein de ressource et ayant une grande intelligence, mais pour une entrée en matière, vous n’avez pas ce que je requiers.
- Et qu’est-ce donc ? Si je puis me permettre.
- Le cerveau d’un criminel.
- Je vous demande pardon ? dit-il en levant la voix
L’attrapant par le bras afin de l’attirer dans une pièce loin des yeux et des oreilles pouvant se trouver dans le couloir, je nous enferme tous deux dans un petit salon prenant grand soin de refermer à double tour la porte derrière notre passage.
- Le Baron Decloff est un pirate informatique, Duc. Si nous voulons gagner ce jeu, nous allons devoir nous salir les mains et bien que les miennes soient celles d’une petite fripouille, j’ai besoin d’allié plus malin. Vous êtes une bonne personne, vous ne pensez pas à mal.
- Je suis une bonne personne Princesse, pas un saint. Croyez-moi, la victoire m’importe autant qu’à vous, mais je dois dire que votre choix me surprends.
- Ne suis-je pas là pour constamment vous surprendre justement ? Si vous saviez la moitié de ce que je pensais, vous ne voudriez certainement plus faire équipe avec moi.
- Alors nous allons réellement jouer de cette façon vous et moi ? Chacun de son côté ?
- Je vous l’ai dit : Nous allons devoir être de concert. Néanmoins, je ne suis pas née de la dernière pluie. Vous avez vos secrets et je le respecte alors si vous n’êtes pas prêt à partager avec moi, n’attendez pas à ce que je le fasse également. Cela ne serait pas équitable.
- Vous savez que ce que je ne vous dit pas sers à vous protéger, n’est-ce pas ?
- Vous me l’avez en effet maintes fois répétée, mais je ne suis pas une petite rose fragile que l’on mets sous un couvercle en verre. Je suis un champ de ronces et mes épines sont multiples.
Se frottant la nuque tout en faisant quelques pas devant moi, je peux remarquer que cela le dérange, mais je n’ai que faire de l’accommoder. Je ne joue pas pour plaire. Je joue dans le seul et unique but de gagner et si pour cela, je venais à me mettre à dos les quelques personnes que j’arrive alors à ranger de mon côté alors soit. Je les sacrifierais un par un telles les marches que j’écraserais une à une lorsque je montrais sur le trône du royaume de Nettivia.
Sinon, petite question qui n'a rien à voir. A quelle époque se déroule l l'histoire ? Car il y a des rois, un royaume, des Ducs...mais d'un autre côté tout est filmé, il y a des écrans... Bref c'est compliqué de se situer 🤷♀️
Il fallait que je hurle, j'ai tant à dire !
Déjà, la Reine, elle m'horripile ! J'ai envie de lui frapper le visage contre le mur pour lui casser le nez ! (tiens, ça me rappelle quelque chose...)
Ensuite, son père qui fait le malin là, il parle comme un sage alors qu'il devrait juste se cacher dans un trou de souris !
Magy a bien réagi ! Je suis fière d'elle !
Owen, je l'aime toujours autant. Plein de mystères... Tu fais bien de nous rappeler qu'il en a, des secrets !
Et...
VALERIAN !
On m'a parlé de lui, enfin il est mentionné ! Je l'attends, et j'attends de voir ce qu'il vaut. Je ne serais pas gentille avec lui car mes espérances sont hautes !
Ivory, va chier.
Quant aux secrets d'Owen, tu n'es pas au bout de tes peines ;)
Je suis d'accord pour Ivory, mon dieu que je déteste ce personnage T.T
Tout d'abord, j'ai adoré ce chapitre ! L'ambiance et le ton que tu as réussi à installer pour la confronté père/fille était incroyable ! Je suis directement entrée dans la scène et cela m'a fait plaisir de voir une Madga assurée en apparence et surtout stratégique !
Cependant, je reste perplexe quant aux paroles du Roi qui déclare qu'il sait pertinemment qui mérite d'accéder au trône et qu'il attend juste de voir si ses impressions sont bonnes *__* Il semble en savoir plus que ce qu'il montre en tout cas...
Hâte que le Ruler Game commence enfin !
D'habitude je n'aime pas lire sur des écrans mais là ça ne me gêne même plus tellement je suis captivée par le récit!
Quant à l'écriture... C'est à la fois une passion et un loisir. J'ai déjà tenté ma chance en édition, mais "The Ruler Game", je n'y ai pas pensé, je me dis que c'est juste un récit écrit sur le tas comme ça souvent entre deux pauses donc je suis vraiment contente si ça plaît ! Et tant mieux !
J'adore les chapitres de confrontation comme celui-ci ! Voir Magdalena face à son père, c'était très jouissif à lire, surtout avec son caractère ! Elle se laisse pas faire, elle est déterminée. Bref, c'est super entraînant, j'adore. :3
J'ai aussi hâte de voir ce qu'elle va faire avec son nouvel allié aussi. c:
Pour les corrections :
- "autant qu’il possible pour deux individus de discuter de divers sujets." > manque un est*
- "mais je me permet tout de même lui rafraîchir la mémoire concernant un tout petit point de détail" > permets*
Ça va très bien dans l'idée qu'elle n'a pas grand-chose à perdre, au contraire. Mais elle garde un peu de retenu pour le Duc. Ça donne vraiment un bon mélange :3
La princesse est bien plus jeune que ce que je pensais,
mais elle est vraiment forte pour son âge.
Je me demande si le roi fait juste exprès de complimenter Magdalena ou si il le pense vraiment.
Le duc risque beaucoup en s'alliant à la princesse.
Il risque gros avec Ivory et son caractère orageux.
Je ne pensais pas que Magdalena serait aussi décidé à gagner, surtout pour entrer dans un tel jeu en appelant un pirate informatique.
Vivement le début du game !
Oui elle est jeune étant la plus petite de la fraterie des huit, mais elle a déjà un caractère bien trempé et déterminée comme elle est, elle ira probablement loin. Quant au Duc, il a fait son choix je pense, mais il est vrai que pour lui, l'enjeu est différent et Ivory ne restera pas sans rien dire non plus.
On approche du début du game justement encore deux ou trois chapitres pour poser certaines choses et on entre dans le grand bain !