Chapitre 17 🧹

Notes de l’auteur : Épisode dans le passé
Matthew, 11 ans, juin 1977.

Vers cinq heures du soir, je rentrais chez moi. Le jour était encore bien présent. Dans les rues, une brume légère et fine apparaissait avant de s'épaissir brièvement. Le temps était défavorable aujourd'hui. Ce n'était pas très rassurant, mais je n'étais qu'à dix pâtés de maisons de chez moi. Ça ira, me dis-je.

Malgré le poids de mon sac à dos, je continuais de marcher. Je n'en ai pas pour très longtemps. Bientôt, je serai à la maison pour prendre le goûter. J'avais faim et je commençais doucement à m'impatienter. Maman n'était pas venue me chercher à l'école, j'espérais la trouver chez nous, dans la cuisine en train de préparer le dîner ou tout simplement pour m'accueillir à bras ouvert. 

C'est beau de rêver. Je me permets d'être dans un monde inexistant le temps d'une pensée, d'un sourire afin d'illuminer ma journée.

La journée a été longue et j'aime m'empêcher d'être présent durant un instant. Je m'imagine des choses et j'oublie où je suis. Une fois, je me suis retrouvée trois maisons plus loin car j'étais au fin fond de mes pensées à chercher un réconfort. Ce réconfort, je n'ai jamais eu dans les bras de mes parents. 

Être loin dans mes pensées m'avait fait le plus grand bien mais je me suis retrouvé très vite face à quelque chose de souvent horrible quand on a passé trop de temps dans la lune : la réalité. Elle faisait mal, elle était blessante. Depuis ma naissance, elle me serrait dans ses bras, de douleur, au fin fond de la poitrine, comme un couteau me transperçant mon cœur dés que je passais le pas de la porte.

Cette fois, je n'avais pas l'intention de rêver autant que je le souhaiterais. J'étais trop inquiet de savoir où se trouvait ma mère pour me permettre de divaguer. Qui est l'adulte entre nous deux, dîtes-le-moi... Qui a le plus de responsabilité, selon toi ?

- Maman ? Je... je suis rentré. Tu es là ?

Pas de réponse. J'avais l'habitude de toute façon. Il arrivait que ma mère s'enferme des heures dans la salle de bain pour une raison qui m'a toujours échappé.
Mais après enquête de ma part, j'ai découvert qu'elle se fumait plusieurs joints, l'amenant dans des excès de colère sans précédent durant des heures entières. Cela empirait et me faisait de plus en plus peur.

Malheureusement pour moi, on était fin juin. C'était la fin de l'école. En école primaire, je rentrais pratiquement tout seul. Tous mes copains ne vivaient pas dans le même quartier que le mien, enfin, copains, c'est une façon de dire camarade de classe, les amis de huit heures à dix-sept heures autrement dit, et je n'en avais pas des masses, juste deux sans plus. Le reste passait leur temps à se moquer de moi ou de ma mère. Je ne savais pas quoi faire pour arrêter ça.

Enfin, bref. La fin de l'école signifiait que j'allais rester à la maison tout le temps. Je priais pour que mes copains m'invitent à jouer avec eux, de ce fait, je ne serais pas à la maison aussi souvent pour supporter ses crises.

- Chéri, c'est toi ? Fit-elle en sortant de la salle de bain.

L'envie de partir et de courir le plus loin possible était plus forte que tout. Mais je me devais de lui répondre. Elle a horreur que je ne le fasse pas. Parfois, j'ai peur qu'elle s'en prenne à moi parce que je ne lui ai pas apporté de réponse.

- Oui, c'est moi.

- Tu as vu l'heure ? Qu'est-ce qui t'a pris autant de temps pour rentrer ?

Je n'osais pas lui répondre, je ne pouvais pas. Pourtant, elle sait ce qui m'a pris autant de temps pour rentrer. J'ai marché un bon quarante minutes entre l'école et la maison. Elle n'était pas venue me chercher.

J'ai aussi croisé les doigts pour qu'il ne m'arrive rien sur le trajet. Malheureusement, je n'arrivais pas à mettre des mots sur cette situation.

- J'ai discuté avec mon professeur, lui répondis-je simplement.

- Si tu me mens, on va mal à s'entendre, jeune homme.

Elle s'avança vers moi et me pointa sa baguette sur moi;

- C'est la vérité, fis-je les paumes en l'air. Tu lui demanderas.

- M'ouais. Tu as de la chance, tu es comme ton père : tu ne sais pas mentir.

Ses mots restaient coincés au creux de ma gorge. Pourtant, elle faisait référence à un inconnu, à personne.

- Tu éviteras à l'avenir de rentrer à pied, tu prendras le bus.

- Mais j'ai pas d'argent, tu le sais...

- Je vais t'en donner.

La dernière fois qu'elle m'a dit ça, j'ai fait le trajet du retour à pied parce que je n'avais pas cet argent. Elle m'avait encore oublié pour cette histoire de joint dans la salle de bain. Je goberais l'excuse de « je n'ai pas vu le temps passer chéri » si elle était un minimum honnête, or, ce n'est pas le cas. Je ne sais peut-être pas mentir, en revanche, l'honnêteté n'est pas son point fort, mais sa franchise l'est bien.

- On mange quoi ce soir ?

- Il y a la pizza d'hier soir dans le frigo. Moi, je vais bosser ce soir, alors débrouille-toi pour te faire cuire quelque chose.

À onze ans,  je devais apprendre à me faire à manger tout seul comme un grand garçon. À ce moment-là, je ne savais même pas encore fait cuir des pâtes, enfin, si mais elles étaient trop al dente pour que cela soit savourant.

- Il est où mon argent ? articula-t-elle d'un ton grave.

Elle va le faire, je le sens, elle va le faire, et il n'y aura aucun retour en arrière. Rien ne va l'arrêter ensuite.

- Quel argent ? bafouillais-je sans savoir de quoi elle parle.

- Je sais que tu m'as pris mon argent ! J'en ai besoin !

Je paniquais. Pitié, pas ça, pas encore...
Cette panique était la seule émotion que je ressentais au fond de moi. Elle me déchirait à mesure que la conversation continuait. Pourtant, je ne savais pas encore de quel argent elle parlait. Je n'avais pas pu prendre celui dont elle venait de me parler.

- Mais je ne l'ai pas, je te promets, réussissais-je à dire malgré la panique.

- Menteur ! cria ma mère.

Le bruit de sa main sur ma joue m'électrocutait. Ça allait recommencer...

Ding, Dong.

Elle me fusillait du regard, mais finit par partir voir à la porte. Je la suivis après avoir récupéré mon souffle.

- Dumbledore, que faites-vous ici ?

Un homme barbu aux cheveux gris de plus de quatre-vingt-dix ans, je dirais, largement dépassés, rentra.

Pourquoi ce nom ne me disait rien ? Aussi loin que je me souvienne, je ne me rappelle pas du tout avoir entendu parler de ce monsieur. 

- Nora, il m'a semblé que la dernière fois que nous nous sommes vus vous aviez tout presque trente ans.

Si je fais le calcul, c'est l'âge qu'elle avait quand je suis né.
Ma mère le laissa rentrer lui, puis une femme d'environ... soixante-cinq ans, rentra à son tour suivie de deux hommes tous aussi impressionnants.
Qui étaient-ils ? Que voulaient-ils ?

- Dumbledore, ne m'obligez pas à répéter ma question.

- Maman, c'est qui ces gens ? demandai-je en me mettant derrière elle.

Pourtant, cet homme ne semblait pas vouloir répondre à cette question. Il me regarda à mon tour et me scruta de ses yeux perdants.

- Matthew, c'est ça ? Ravi de te rencontrer. J'ai beaucoup entendu parler de toi.

V'là qu'il a entendu parler de moi le vieillard ! Je ne me savais pas si populaire ! Ai-je fait quelque chose pour mériter une telle gentillesse de la part de cet inconnu ?

- Bonjour, fis-je en unique réponse avant de me tourner vers ma mère. 'man, qu'est-ce qu'il se passe ? C'est qui ?

Je crois qu'elle-même ne savait pas ou n'était pas sûre de ce qu'il se passait. La femme qui se trouvait avec ce Dumbledore, quel drôle de nom d'ailleurs, s'adressa à ma mère.

- Je vois que vous n'avez pas parlé de Poudlard ni de la magie à votre enfant, Nora. C'est fort déplaisant, mais pas surprenant.

- Professeur McGonagall, s'il vous plaît, gémit ma mère.

- Vous avez omis d'apprendre à votre fils l'existence de notre monde ! Il a onze ans, vous avez cru qu'il serait assez bête pour ne pas comprendre un jour ?

Je levais la main pour parler comme à l'école, mais personne ne semblait faire attention à moi.

- Madame, de quoi parlez-vous ? C'est quoi encore ce Pouvlard ?

Poudlard, me corrigea Dumbledore d'un ton calme et relaxant. C'est la plus grande école de la magie.

- La quoi ? demandai-je, interloqué.

Pendant ce temps, la voix de ma mère s'éleva dans toute la pièce.

- Ça suffit Professeur ! Sortez de chez moi ou j'appelle la police !

Elle prit le combiné qui se trouvait dans la cuisine et composa le numéro.
La dame au chapeau s'approcha de ma mère et lui murmura à l'oreille :

- Dans ce cas-là, pensez bien à leur expliquer que quatre sorciers, dont deux travaillant pour le Ministère de la Justice du monde des sorciers, sont venus chez vous pour vous mettre en état d'arrestation et emmenez votre fils à Poudlard.

- Fermez-la McGonagall et sortez de chez moi tout de suite !

- Très bien, vous allez m'accompagner dans ce cas.

Le Professeur McGonajesaispasquoi fit un signe aux deux personnes qui attendent sur le porche de la maison.

- Nora Gower, vous êtes en état d'arrestation, vous savez sans doute pourquoi. Oh, et je ne parlais pas par rapport à votre fils que vous étiez sur le point de battre à nouveau.

À partir de ce moment-là, les choses commençaient à déraper, comme un effet domino dont on ne pouvait pas arrêter le mouvement une fois commencé.

- État d'arrestation ? Qu'est-ce que vous faites ? Attendez !

Dumbledore me rattrapa par le sweat-shirt et me traîna en arrière. Je me sentais impuissant face à la scène qui se produisait. Je voyais ma mère se fait arrêter par les deux hommes sous mes yeux. Cependant, je comprends pourquoi, mais au fond de moi, il m'était impossible d'aller plus loin dans la réflexion. J'étais comme paralysé, choqué, aucune réaction ne venait en moi, étrangement aucune émotion non plus.

Mais je devais faire face à la réalité des choses, ce qui m'a été une évidence dès que je les ai vues lui passer les menottes : je ne la reverrais pas, je ne reverrais pas ma mère.

- Bien évidemment, il ne fallait pas qu'il soit au courant de Poudlard. Je ne voyais pas l'intérêt de l'inscrire dans une école qui, au contraire, le confronterait aux plus grands sorciers de la magie et même des criminels.

- Et vous croyez que c'est en le privant de toutes défenses que vous réussirez à le protéger ? demanda McGonagall.

- De toute façon, je n'en voulais pas... et son père non plus.

Pour la première fois de ma vie, mon cœur se déchira en mille morceaux et le puzzle que je m'étais créé pour comprendre l'attitude de ma mère ces dernières années se résout sous mes yeux.

Ma mère n'était pas toujours tendre, c'est vrai, et je le savais, mais je ne pensais pas qu'elle me détesterait à ce point-là, au point de remettre en question mon existence elle-même.
Après tout, qu'ai-je fait pour mériter ça ?
Pour mériter un tel dégoût chez ma propre mère ? Rien, comme depuis ma naissance, je n'ai rien fait. N'essaye pas de te rassurer, ça ne servira à rien.
Mais l'ampleur de la haine et du mal que je ressens m'oblige à me calmer et à me rassurer. À onze ans seulement, trop de charges étaient impossibles à gérer pour moi.
Et j'allais devoir vivre avec.

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