Cornelius Cornwell
Cornelius n’était pas mécontent de son stratagème : au passage piéton donnant sur la maison du Miséricordieux, un temple à l’architecture monumentale, il avait remarqué que l’encapuchonné ne suivait plus. D’abord ravi, il ne tarda pas à s’inquiéter pour Elin et redouta qu’elle fût prise pour cible.
Il retournait sur ses pas lorsqu’un fiacre tracté par deux chevaux moreaux s’arrêta près de lui ; la portière côté trottoir s’ouvrit sur un quadragénaire à la mine patibulaire et au crâne rasé, vêtu d’un long manteau noir d’officier reconnaissable par sa coupe droite jusqu’aux mollets ; une femme à la peau ébène se pencha à la portière :
— Montez. (Elle révéla un pistolet silex à trois canons.) Ne résistez pas.
Cornelius consulta l’homme chauve, peut-être un vétéran à en juger par sa mâchoire déformée, puis la femme qui le menaçait et obtempéra ; il ôta son haut-de-forme, s’installa sur la banquette qu’elle lui présentait et posa la besace sur ses genoux.
— Que puis-je pour madame ? demanda-t-il, l’expression courtoise.
Elle fit signe au vétéran resté dehors de fermer la portière, riva sur lui un regard dur, glaçant et demeura un instant silencieuse comme désireuse qu’il l’étudiât ; trentenaire à la figure ronde, elle avait d’augustes yeux marron emplis d’une sorte de mépris et de longs cheveux jais frisés disciplinés en de nombreuses tresses unies en un chignon qui renforçait son allure stricte et sévère. Sa vêture propre, soignée, parfaitement ajustée à sa silhouette renvoyait un caractère officiel avec son pantalon noir tombant sur ses souliers de cuir, sa chemise grise, son gilet cintré et sa redingote sur mesure.
— Vous ne me reconnaissez pas, constata-t-elle enfin.
Cornelius haussa les épaules ; au cours de sa vie, il avait contrarié tant de personnalités qu’il lui était impossible d’en établir une liste.
— Le devrais-je ?
Une micro-expression sublima son dédain.
— Neuf années, terré dans le quartier des déshérités, dit-elle avec un curieux mélange de dégoût et de satisfaction. Vous auriez pu abandonner Karninghám, tenter votre chance dans l’un de ces territoires reculés et isolés ou faire preuve de courage en vous aventurant dans les Terres Gelées. Il n’en fut rien. À nouveau, imaginez mon étonnement lorsque je découvris celui que vous étiez devenu. Un petit voleur des rues, sans la moindre envergure.
— Il n’y a pas de sot métier, répartit-il pour reprendre la main. Seulement de sottes gens. Et puis… (Il considéra le confort du fiacre, le cuir de bonne facture, le laiton, les moulures.) Chacun vole à sa manière. Vous vivez sur le temps et la force de travail d’honnêtes contemporains asservis à de maigres rétributions mensuellement versées tandis que chaque jour mes mains glissent dans les poches de vos semblables qui exploitent et bafouent la dignité de ces pauvres âmes. Chacun sa méthode, vous en conviendrez. Ceci constituerait un débat certes passionnant, mais je doute à la vue de vos canons qu’un tel échange entre dans vos intentions.
— Ainsi vous prétendez prendre aux riches pour donner aux pauvres. La chose paraît honorable.
— Vous surestimez mes ambitions. Je ne donne qu’à moi-même et cela me convient bien. Que voulez-vous ? Qui êtes-vous ?
— Mildrǣd Mīšaru. (Cornelius se décomposa.) Il est vrai que la dernière fois où nous nous sommes rencontrés, c’était… il y a dix-neuf ans. J’avais quinze ans à l’époque. Mon père vous avait invité à dîner et j’avais passé l’après-midi entier à assister ma mère. Très sincèrement, je crois n’avoir jamais vu plus grande ferveur autour d’un collègue de mon père. Rien de surprenant. À ce moment encore, tous deux étiez promis à un glorieux destin. Vos découvertes allaient, au dire de mon père, à jamais changer le monde. D’ailleurs, j’ignore si vous en avez gardé souvenance, mais après m’avoir assuré que plus aucune guerre n’affecterait l’Empire, vous m’avez questionné sur la femme que je rêvais devenir. Un peu naïvement, j’avais répondu… inspectrice de l’Ordre. Pour traquer et arrêter les criminels. (Elle arma les deux autres chiens ; Cornelius se redressa sur la banquette.) J’ai maintes fois demandé l’accès à votre dossier. Ma hiérarchie n’y était pas favorable. Il faut dire que votre disparition a laissé un goût amer à mes prédécesseurs. Hélas pour vous, jamais je n’ai cru à votre mort. Ni au cadavre que vous aviez laissé. Comme vous pouvez l’imaginer, certains de mes supérieurs se sont montrés, disons, intrigués par mes arguments. J’ai passé six années à vous chercher. Un peu partout dans l’Empire, il me faut bien l’avouer. Mais alors que je commençais à désespérer, une rumeur m’est parvenue. Selon elle, l’assassin de mon père se trouvait en Ealdrima. Plus précisément, à Karninghám. Dans le quartier des déshérités. (Son regard froid se para d’une autorité irréfragable.) Son Excellence le ministre de l’Ordre et des Armées m’a tout expressément mandaté pour vous soumettre un arrangement. Trois jours. C’est le temps qui vous est accordé pour nous remettre vos documents, le code d’ouverture de la ruine et, éventuellement, accepter de reprendre vos travaux.
Les mains rendues moites par ce passé qui le rattrapait, Cornelius surveillait les trois silex fermement serrés entre les mâchoires des trois chiens dressés du pistolet et s’efforça de rester digne et droit :
— Ainsi, notre dévoué ministre a ordonné la reprise des recherches sur les mécanismes des Anciens.
— Jamais ces recherches n’auraient cessé si vous n’aviez pas verrouillé les portes de la ruine. Une chance pour vous, vous êtes resté l’un des plus grands érudits dans ce domaine. Mais plus que tout, votre valeur tient à ce code que vous seul détenez.
— Ne comprenez-vous donc pas ? l’interpella-t-il pour tenter de la raisonner. L’arme qu’ils souhaitent utiliser a anéanti le monde des Anciens ! Aujourd’hui encore, près d’un millénaire après ce cataclysme, nous continuons à en subir les conséquences ! Jamais la Lune Noire ne doit être restaurée ! C’est pour cela que j’ai…
Elle l’interrompit en relevant les canons vers lui.
— Pour qui me prenez-vous ? Une marchande de votre quartier malfamé ? N’essayez pas de négocier, j’ai horreur de cela. (Elle baissa son pistolet vers son genou gauche.) Je pourrais vous loger une balle dans cette jambe. Ici et maintenant. Cette blessure ne me causerait aucune difficulté. Mais je ne le ferai pas. Voyez-vous, en dépit des apparences, il se trouve que je réprouve la violence inutile. C’est pourquoi ma hiérarchie m’a permis de me montrer plus perfide et sournoise que vous ne le fûtes envers mon père. Ne cherchez pas à nous défier. Vous auriez beaucoup à perdre.
— Évidemment. J’avais omis que bielles et pistons des puissants accablent paix et peuples de tourments.
— Qu’espériez-vous ? Une distinction pour haute trahison ? Mon père et vous auriez pu devenir des héros, marquer l’Histoire de notre civilisation. Les usurpateurs auraient été défaits, les provinces insurgées vaincues, l’Empire réunifié. Nous aurions connu un nouvel âge d’or et de progrès. Mais vous avez préféré trahir.
— Mon unique préoccupation fut de protéger le monde de la folie des hommes.
— Vous avez trahi, soutint-elle, sentencieuse. Et aujourd’hui, de l’autre côté du Mur, les quatre provinces insurgées rassemblent leurs armées. La guerre revient. Par votre faute.
— J’ai sauvé des dizaines de millions d’innocents.
— Vous en avez condamné des dizaines de millions, corrigea-t-elle fraîchement. Qu’importe. Je ne souhaite pas écouter vos justifications. Réunissez vos affaires et vos documents de recherche. Lorsque vous serez prêt, venez au bureau de l’Ordre. Nous organiserons votre transfert. Ensuite, vous serez remis à la justice pour répondre de vos crimes. Sauf si vous acceptez de reprendre vos travaux, auquel cas, vous bénéficierez d’une Indulgence impériale. À condition, bien sûr, que vous demeuriez dans les Terres Désolées.
— Il est peu probable que j’accepte ce marché.
Elle parut compatissante.
— Je vous aurais préféré moins prévisible.
— Emprisonnez-moi si vous le souhaitez. Jamais vous ne me contraindrez à reprendre ces travaux. En certaines circonstances, je sais me faire plus têtu qu’une mule. Comment agirez-vous dans ce cas ? Me tuerez-vous ? Au risque de ne jamais rouvrir ces portes ? Me droguerez-vous ? Me torturerez-vous ? Rien de ce que vous m’infligerez ne vous permettra de retrouver l’accès à cette ruine. Voici presque dix ans que je me prépare à ce jour. En un sens, je me réjouis de n’avoir pas souffert en vain. Alors, je vous en prie. (Il lui présenta ses poignets.) Finissons-en.
Elle observa ses mains, ne fit rien.
— Au risque de me répéter, nous voulons vos documents de recherche. Et votre entière coopération.
— Vous n’aurez rien. Seulement un vieillard aigri et grincheux.
— Cette conviction vous appartient. J’estime que si la raison ne vous convainc pas, les sentiments devraient vous motiver. Réfléchissez à toutes vos failles et faiblesses que nous pourrions exploiter dans le seul but de profiter de votre entière collaboration. (Manifestement convaincue de ses moyens de pression, elle le riva de ses prunelles sombres et menaçantes.) N’en négligez aucune. Surtout pas la déshéritée qui vous accompagne.
Il blêmit.
— Elin ?
— Nous commençons à nous comprendre.
— Elle n’a rien à voir dans cette affaire. Laissez-la en dehors de cela !
— Tout au contraire, puisqu’elle vous était proche.
Un frisson lui parcourut l’échine.
— Qu’avez-vous fait ?
— Rien en ce qui me concerne. (Elle ouvrit la portière sur deux individus ; l’un portait un masque alliant cuir, métal et laiton – sans nez ni bouche – taché de sang et de boue et l’autre, un reître à l’épaisse barbe noire grisonnante, partiellement défiguré par une brûlure à droite, essuyait ses mains dans un mouchoir blanc maculé de rouge.) Sans doute devriez-vous reconsidérer cette offre.
Prisonnier de sa confusion, il ramena son regard meurtrier sur la fille de Zaqāru devenue une femme impitoyable.
— Si vous lui avez fait le moindre mal, vous le regretterez. Je vous tuerai sans une once de compassion.
— De vaines et creuses menaces de la part d’un meurtrier acculé. N’ayez pas l’arrogance de vous croire infaillible. Maintenant, descendez et tâchez d’agir en gentilhomme de raison. Nous nous reverrons dans trois jours. Sauf si vous décidez de vous rendre au bureau de l’Ordre avant. Avec vos documents.
Les poings serrés, la respiration accélérée par cette colère qui lui battait les tempes, Cornelius n’avait qu’une envie : démolir la figure de cette femme. Toutefois, savoir qu’Elin courait un danger et que le sang qu’essuyait la brute était peut-être le sien l’aida à ne pas se comporter en imbécile.
Cornelius descendit du fiacre en s’efforçant de mémoriser les caractéristiques de chacun, puis se pressa vers la ruelle où s’était enfoncée Elin ; mais, se trouvant trop lent et son cerveau ne pouvant l’empêcher d’imaginer le pire, il se mit à courir malgré la besace et son haut-de-forme qui l’encombraient, s’engagea dans la ruelle qui communiquait avec l’avenue Wintmōr, passa à côté d’un conteneur à ordure et découvrit Elin recroquevillée devant un réverbère, les mains attachées dans le dos, la redingote ouverte sur ses vêtements fangeux, inerte.
— Non, s’étrangla-t-il à bout de souffle.
Les paupières closes, un bâillon ensanglanté dans la bouche, elle avait la gorge tailladée sur le côté gauche et une plaie au front. Un instant, il demeura interdit, pétrifié devant l’inacceptable évidence ; ses longs cheveux roux défaits trempaient dans la boue et son visage, malmené par la vie, mêlait à présent rousseur, crasse, sang.
— Hé ! Vous ! héla une voix à l’autre bout de la rue. Que faites-vous ?
Meurtri en son sein, Cornelius ne trouva pas immédiatement les mots et répondit avec cette douleur qui lui crevait le cœur :
— C’est… c’est ma fille ! bégaya-t-il, sans parvenir à conserver une voix claire et distincte. Elle… elle a été agressée ! (Il s’agenouilla devant son corps, lâcha son haut-de-forme et s’empressa de lui arracher le bâillon comme pour lui rendre un peu de dignité ; soudain, il s’aperçut qu’elle respirait.) Par le Miséricordieux !
— Cornelius, expira-t-elle dans un murmure.
— Je suis là, tout va bien, dit-il en hésitant à la toucher de peur d’aggraver ses blessures.
— Que s’est-il passé ? demanda le gentilhomme arrivé près d’eux.
— Cela ne se voit-il pas ? explosa Cornelius, ivre de colère. Quelqu’un a agressé ma fille !
L’homme hésita, attentif à leurs différences de peau.
— Dans cet arrondissement ? s’étonna-t-il alors. Cela n’arrive jamais. Nous ne sommes pas dans le quartier des déshérités ici…
— Cette fois, c’est arrivé ! vitupéra Cornelius même s’il devinait ce noble de bonne volonté. Allons ! Ne restez pas planté là à ne rien faire ! Rendez-vous utile !
— Je… je vais chercher des gardes ! déclara-t-il en retournant par où il était venu. Restez avec elle !
Le noble se hâta dans la ruelle, disparut dans l’avenue.
— Détache-moi, grommela Elin, en lutte pour garder ses paupières ouvertes.
Cornelius sortit son couteau de poche et trancha les liens ; tout juste désentravée, elle entreprit de se lever.
— Doucement, ne force pas. (Il l’encadra avec ses mains pour la rattraper au besoin.) Des gardes vont arriver.
— Pas les gardes, refusa-t-elle entre deux gémissements transformés en grognements par son orgueil. On a les portefeuilles. S’ils nous les confisquent, notre tribut sera doublé. (Elle passa une main à sa gorge, étudia le sang sur ses doigts crasseux.) Fait chier.
— Montre-moi. (Elle tourna légèrement la tête pour lui permettre d’examiner sa blessure taillée telles ces flétrissures que la justice infligeait aux criminels ; ici pourtant aucune brûlure ; seulement un entrelacs d’estafilades creusées au couteau plutôt qu’au fer rouge ; les entailles, peu profondes, dessinaient un motif triangulaire en forme de tête de serpent simplifiée avec deux traits pour les yeux ; un symbole riche de sens puisque la vipère enroulée autour d’une dague était l’emblème de l’Ordre ; détail qu’il se garda néanmoins de partager.) Ne bouge pas. (Il évalua sa plaie à l’arcade, plus préoccupante, longue de quatre centimètres, qui fendait son sourcil droit.) Je t’emmène voir un médecin.
— Trop cher, objecta-t-elle en s’écartant pour ramasser son béret.
— Il faut soigner ces plaies et les recoudre.
— Tu as toute ma confiance.
Elle s’essuya joues, nez et bouche dans un mouchoir sans croiser son regard. Même si elle refusait de le montrer, cette agression l’avait profondément affectée au point qu’elle préféra se cacher sous sa tignasse poisseuse.
— Comme tu veux, concéda-t-il, la sachant trop entêtée pour capituler. Mais quand nous serons rentrés, je t’examinerai. Si je constate quoi que ce soit que je ne peux pas soigner, nous trouverons un médecin. Et tu n’auras pas ton mot à dire. Je me débrouillerai pour payer les soins. Marché conclu ?
— Marché conclu, accepta-t-elle sans condition.
Elle enfonça son mouchoir ainsi que son béret sale dans une poche de son manteau puis boita vers le conteneur à ordures, le dos voûté pour circonscrire ses douleurs. Cornelius ramassa son haut-de-forme sali sur les bords puis la suivit, prêt à intervenir au premier signe de faiblesse. En sept ans de vie commune, jamais il ne l’avait vue se plaindre, ni même verser une larme. Un caractère qu’il imputait à ses origines ; déshéritée de naissance, abandonnée dans un parc lors d’une froide nuit d’automne, enveloppée d’un lange cousu à son prénom, Elin avait passé treize années en orphelinat où exploitations et mauvais traitements finirent de lapidifier son cœur. Le temps ne l’avait rendue ni belle ni intelligente, et peut-être ces injustices avaient-elles forgé son tempérament : elle parlait peu, mais elle cognait vite et fort.
— Attends, s’arrêta-t-elle au conteneur, la tête baissée sur ses vêtements. Je ferai mauvaise figure dans le tram. Tous me remarqueront.
— Aucune importance, balaya-t-il comme un détail. Tiens, prends mon haut-de-forme si tu préfères. (Il nettoya grossièrement les bords salis par la boue et le lui tendit.) Ainsi tu pourras te cacher. Il te suffira de baisser la tête.
Elle prit son haut-de-forme et le lui rendit.
— Ton chapeau pue.
— Mon haut-de-forme ne pue pas ! s’offusqua-t-il avant de le renifler de manière caricaturale. C’est dans ta tête qu’il y a de l’odeur. Peut-être devrais-je m’en inquiéter ? (Cette brève boutade, peu amusante à son goût, suffit néanmoins à lui faire esquisser un sourire qui, un instant, éclipsa la dureté de ses prunelles.) Prends mon manteau et donne le tien. (Elle enleva sa redingote alourdie.) As-tu vu tes agresseurs ?
— L’un portait un masque, assura-t-elle en enfilant son manteau, trop large pour ses maigres épaules. Sans doute un vétéran. L’autre avait une barbe noire épaisse, grisonnante, la figure brûlée à droite et… il portait un gilet à fleurs. Mais… (Elle parut buter sur une incohérence.) Ça n’a pas de sens. Ils n’ont pas cherché à me faire les poches. J’ai encore le porte-monnaie et la montre que tu m’as donnée. Ils n’ont pris que la pièce d’or.
Cornelius aurait voulu tout lui expliquer, ne fût-ce que par honnêteté envers elle, envers ses engagements de ne plus lui mentir, mais ignora de quelle manière procéder sans qu’elle s’inquiétât ou le questionnât sur son passé, seule chose qu’il se fut toujours refusé d’aborder dans l’espoir que, peut-être, jamais il ne resurgirait.
— L’or est un moindre mal. Rentrons. Avant que l’autre idiot revienne avec des gardes.
Elle soutint cette proposition et reprit la marche en se maintenant discrètement les côtes. Cornelius éprouvait toutes les peines du monde à contenir sa colère ; pourtant, force lui fut de reconnaître que l’Ordre avait parfaitement identifié ses failles. Et nul doute que le général Rigēns, troisième homme de l’Empire, depuis trop longtemps ministre de l’Ordre et des Armées, serait prêt à tout pour récupérer les codes, ses carnets et ses connaissances.
À mesure qu’ils approchaient du tramway, un premier plan naquit dans son esprit, mais avant d’organiser sa résistance et renouer avec ses alliés d’autrefois, il n’ignorait pas devoir mettre Elin en sécurité.
Intimement convaincu de la justesse de son combat, qu’il estimait le plus important de sa vie, Cornelius s’imaginait déjà en architecte du démantèlement de la Lune Noire, cette arme antique que d’aucuns, parmi lesquels lui-même, soupçonnaient à l’origine du plus grand cataclysme connu : la Longue Nuit Empoisonnée.