Chapitre 2 - Arrivée en ville frontière

Notes de l’auteur : réécrit le 01/09/2024

Sur une des routes battu du plateau, une charrette se dirige vers un des villages frontalier à la forêt. Elle est tirée par des chaînes métalliques, attachées d’une ancre fixée à une masse silencieuse qui, cachée sous un voile sombre traînant au sol, laisse derrière elle les empreintes de cinq pattes asymétriques.

 

À bord, le ventre collé sur des rangées pliées de tissus sombres, contrastant avec ses habits de couleur vive, aux broderies scintillantes, propres aux apprentis architectes. Les bras tendus en figure de planeur pour mimer l’envol d’un oiseau. Le menton rebondissant sur la ridelle arrière. Le teint un brin bronzé. La moue mélangeant songe et impatiente. Son regard est rivé vers le Croc.

 

À son point de vue, on peut observer les étendues de plaines de terres sableuses et légèrement bosselé. La végétation y est inexistante. Seules les routes des caravanes sont distinguables par leur usage, toutes pointant vers le centre. La périphérie du Croc est parsemée de vétustes bâtisses, et tentes dont les toits de linge remuent aux grès des bourrasques. Au pied du Croc sont enterrés les forges qui expulsent des colonnes de flammes par de nombreux petits dômes de terre servant de cheminée. Ses innombrables galeries, sur-exploitée depuis des temps immémorables, ont créés une fosse l’a couronnant, supprimant tout accès terrien. Tellement profonde et large que son obscurité rivalise avec celle de la forêt. De cette fosse, s’échappent flopées d’oiseaux qui, en alternant descentes et ascensions, évitent l’immense maille de cordages intriqués, de ponts et plateformes suspendus. Ils relient le sol et les galeries à la taille du Croc, desservent l’unique et imposant treuil menant au quartier des architectes, au plus près du sommet. Au plus près de la pointe, une lumière s’écoule de l’incision céleste qui, dispersée par le cristal, voit ses rayons arc-en-ciel révéler, sous l’oppressante voûte de nuages obscurs, des déformations vermiformes.

 

« On arrive bientôt ? baragouine-t-elle, la mâchoire claquante au rythme des irrégularités passants sous les roues de la charrette.

– Viens Iro, et observe par toi-même ! Le village est à portée de vue, renchérit l’homme assis à droite du cocher. Simplement vêtu d’une chemise ouverte froissée, pantalon rugueux, bottes à revers renforcées de plaques métalliques, le tout distinctement lavé par l’usage, comme figé dans le passé, la main survolant sa rapière dormante dans son fourreau écarlate. D’un bond, Iro saute sur son dos et enlace son cou pour observer la scène. Avec son geste fulgurant, son pied cogne la rapière posée à plat sur le banc. D’un geste maîtrisé, l’homme saisit la rapière dans les airs puis, accompagné d’un mouvement de moulinet rapide, la repose à sa gauche.

– Hé bien, Meos ! réponds joyeusement le cocher. Je vois que vous n’avez rien perdu de vos jours d’aventuriers. Si vous n’êtes pas contre, je suis à disposition pour un duel, l’occasion de m’apprendre deux, ou trois bottes ? tandis que ses yeux reviennent sur la route, les deux mains prisent aux rênes. Il porte un accoutrement similaire à Meos mais sans usure, auquel s’ajoute un torse métallique portant une armoirie minimaliste. Un pic, flottant sur une tunique bleue, propre aux gardes du Croc.

– Mes regrets Avos, mais… Mon temps est révolu, mon talent de faible utilité, et avec cette gamine sur le dos, comment faire autrement ? Au mieux je peux vous apprendre à coudre. Au pire vous percerez un doigt, lance-t-il d’un air plaisantin. Iro tourne la tête vers Avos, toujours agrippé au cou de Meos, et le nargue avec un large sourire.

– Il s’entraîne encore tous les matins, la seule chose qu’il vous apprendra est la défaite ! elle se fait interrompre par un léger coup du manche de rapière, tire une grimace, puis malaxe son crâne à la recherche d’une bosse.

– Lâche mon cou, et assieds-toi là. Nous sommes bientôt arrivés, insiste Meos avec fermeté. Avos éclate de rire, avant de prendre un calme mélancolique.

– Il y a certaines choses que le temps peut pas effacer. Je peux constater la nervosité jouer au bout de vos doigts, et je peux vous comprendre. La vue d’un village frontière ne m’évoque jamais de bons souvenirs. Et, c’est pour ça que j’ai aussi rangé mon attirail d’aventurier pour devenir un garde du Croc. Tant que l’opportunité m’était possible…

– Meos n’est jamais allé dans un village frontière. Enfin, pas que je sache ? » interroge Iro, face au visage de Meos, maintenant fermé à toute expression, mettant fin à la conversation.

 

Après un bref instant, dans un effort pour briser la glace, Avos interpelle Iro : « C’est une belle robe que tu portes ? Architecte ? Je présume ?

– Belle ? Cette robe est plus criarde qu’autre chose ! Soi-disant uniforme que m’a remis l’ordre des Architectes pour cette sortie scolaire. N’importe qui pourrait me voir du haut du Croc, jusqu’au fond de la fosse.

– Tu vas probablement faire une courte expédition dans cette forêt, dit-il en désignant la végétation obscure au-delà du village. Les couleurs et ornements ne sont là que pour mieux refléter la lumière, et te protéger des viles créatures qui y habitent.

– C’est donc vrai que la lumière repousse les créatures habitant la forêt, ainsi que la forêt elle-même ?

– Oui, enfin… Je n’en connais pas les détails. Mais j’ai déjà vu des créatures fumer, crépiter, brûler, sous la lumière. Endurer, tuer nos frères aventuriers, avant de s’écrouler sous les assauts des survivants. Repousser n’est pas vraiment le verbe que j’opterai. Les architectes gardent le secret, les détails, et nous confient uniquement le nécessaire pour remplir nos responsabilités. En tant qu’apprenti, cette expédition est justement faite pour que, toi, tu voies le monde tel qu’il est, loin des livres, et de ses croquis. Loin des oraux et de ses sous-entendus. Dans sa plus grande splendeur. Dans sa plus sombre cruauté », termine-t-il avec un ton terne.

 

Meos, anxieux, détourne la conversation : « Pourquoi nous devions vers la forêt, au lieu d’aller directement au village ?

– C’est le détour dont je vous ai parlé. N’avez-vous pas trouvé bizarre que l’on a croisé aucune autre caravane depuis notre départ ? Un message de Scribe a indiqué qu’une battue, suivie d’une déforestation, aura lieu sur l’aile gauche du village. Le point de passage de derrière est fermé, et le trajet le plus rapide, et sécurisé, est de passer par ce sentier forestier afin d’atteindre l’aile droite.

– La forêt ? réponds Iro en sursaut.

– Pas d’inquiétude. Même si nous sommes en retard, votre venu était prévu et le nécessaire a été fait », conclut Avos, en renouant ses mains sur les rennes du destrier, imperturbable sous son voile.

 

La charrette s’approche de l’entrée de la forêt. Dénué de la majorité de sa végétation, se dévoile un tunnel lugubre. Entrecoupé de lames de lumière léchant les carcasses cauchemardesques qui, disposées le long de l’allée, libèrent une odeur froide et fétide, agressant les narines, embuant les bouches. Tandis que le plafond de nuages obscurs se voit remplacé par des ronces rampantes et toiles dense de lianes, un perché oisillon grenat suit la scène, d’un œil, en toute discrétion. Iro agrippe le bras gauche de Meos, dont les doigts entrelacent le fourreau et la poignée de la rapière. Le silence transforme le présent en une éternité, et la charrette s’enfonce progressivement dans la forêt.

 

Sur un moment, l’espacement entre les arbres s’étend, et laisse entrevoir des formes. Avos désigne du menton le village, difficilement distinguable, et pousse avec un petit ricanement innocent : « La fin est à portée de vue. »

 

Soudain, un bruit de craquements retenti au-dessus d’eux. Une bête massive, méconnaissable, indéfinissable, tant sa forme est caché par l’obscurité et la végétation. Bardée de ronces et d’excroissances difformes, sur lesquels pendent des arrachés des voiles sombres tâché par ses victimes. Elle s’affale, et éventre le transport en deux. Étouffant la scène de son odeur méphitique, qui se mêle aux microscopiques effluves iridescentes léchant la tunique de l’Apprenti Architecte Iro.

 

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Erioux
Posté le 16/02/2025
Super intéressant comme chapitre. Tu as une bonne capacité de description. Attention par contre, certain détails n’ont peut être pas besoin d’être décrit. (Garde tes description pour les trucs important) autre chose, certain mots ne sonne pas juste. Exemple: mêle aux microscopiques effluves iridescentes léchant la tunique. Comme tu parles de l’odeur de la créature, c’est confondant. Est-ce que la tunique sent quelque chose? Un doux parfum? Ou bien elle brille? Mais j’ai très bien visualisé le Croc
Poissond'Argent
Posté le 23/02/2025
Re, je vois que tu n'as pas été découragé par le premier chapitre. Merci pour la lecture.

Pour la dernière phrase, je constate par ton commentaire que l'image que je voulais projeter n'est pas celle reçu.
La bête émet une odeur méphitique, de par toutes ses victimes qui la décorent comme un sapin de noël.
La tunique d'Iro émets une fumée microscopique, un peu comme lorsque tu sors un bac de glace, et sous un certain angle, avec un certain rayon de lumière, tu peux observer une fine fumée dansante qui s'estompe.
Je note effectivement, que cette phrase pourrait être reformulé. C'est pas logique d'avoir une tunique qui dégage de la fine fumée, et c'est justement ce que je veux mettre en évidence, mais comme c'est pas logique, ça peut aussi ne pas être compris comme tel à la lecture. Je vais repasser dessus!

Merci.
Camice
Posté le 31/10/2024
Bonjour Poisson d'Argent !

On voit vraiment que ton point fort c'est la description, je me retrouvais immergée dans ton récit par tous les décors. Je trouve néanmoins qu'il y a beaucoup de description durant les dialogues, au point que ces derniers ne contiennent des actions : "Avec son geste fulgurant, son pied cogne la rapière posée à plat sur le banc."
C'est peut être une préférence personnelle mais les actions pendant les dialogues à l'intérieur des répliques me coupe dans la conversation quand elles sont longues de plusieurs phrases.
Petite coquille :
Iro tourne la tête vers Avos, toujours agrippé au cou de Meos => agrippée (il me semble qu'Iro est une fille).

Bon courage pour la suite du roman ! :D
Poissond'Argent
Posté le 01/11/2024
Bonjour, merci pour la lecture!

Les actions *longues* pendant les dialogues.

Tu touches effectivement un point sur lequel j'expérimente, et auquel je n'ai pas encore trouvé de solutions, ou ponctuations adaptées.

J'aime coupler mes dialogues avec une action continue, en fond, comme un tapis sonore.
Mais aussi, utiliser l'action comme réponse à un dialogue, parfois pour mettre en évidence la timidité d'un personnage, ou sa colère, qu'il ne peut exprimer avec des mots.

Le hic est que: fermer un dialogue pour laisser se dérouler une action me provoque l'effet que tu ressens. J'ai l'impression que la scène s'arrête, et que le personnage agit en silence.

C'est pour ça que, en attendant de trouver une solution, ou trouver une référence qui peut m'aider, je mélange les deux, et j'expérimente. Parfois, en réduisant les actions et laissant le lecteur imaginer, ou bien en les gonflants et justifier la scission du dialogue.

Merci pour la coquille! C'est noté, je vais corriger sur ma prochaine passe de réécriture.
Bleiz
Posté le 22/08/2024
J'embraie directement sur le chapitre deux ^^

Les descriptions sont essentielles à ton texte, d'autant plus qu'il est nourri de poésie, mais je pense que l'alléger un peu te servirait. Raccourcir certaines phrases, quitte à ne pas avoir l'image exacte dans l'esprit des lecteurs mais en en gardant l'esprit. Sinon on sent l'univers se mettre en place - particulièrement ce Croc mystérieux et le rôle des Architectes ! Hâte de voir de quoi il en retourne :)
Poissond'Argent
Posté le 29/08/2024
Merci pour les deux commentaires. Personnellement, je n'ai pas encore trouvé le juste dosage, le juste équilibre pour mieux aérer mes textes. Je suis toujours entrain d'expérimenter. J'ai pris en compte les retours de Floces vers vers le 6ème chapitre, si tu peux me donner ton avis.
En attendant que j'atteigne un jalon dans mon histoire et fasse la réécriture des premiers chapitres.

Merci!
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