« KIM NALYÄJH ! »
Kim ouvrit grand les yeux. Elle ne vit que la pénombre puis son regard s’habitua à l’obscurité et elle se rappela soudain ce qu’elle faisait là. Elle était dans sa chambre, chez elle, et la voix tonitruante qu’elle venait d’entendre était celle de son père. Il lui semblait que ce n’était pas la première fois qu’il l’appelait. Elle se rappela alors qu’une nouvelle semaine du calendrier solaire de Nouklyën commençait aujourd’hui. Le Lyëlos illuminait déjà sa chambre. Elle allait être en retard si elle ne se dépêchait pas de descendre de sa couche et de s’employer à ses taches matinales comme chaque jour de la semaine depuis qu’elle avait trois lunes.
Elle s’assit finalement dans son lit en soupirant. Elle n’avait aucune envie d’aller à son école étudier dans des domaines qui ne l’intéressaient pas pour devenir quelqu’un qu’elle ne voulait pas être. Depuis qu’elle était née, le royaume de Toowaïyeff lui avait fourni une éducation censée lui inculquer des valeurs honorables tels que l’humanisme, l’altruisme et autres qualités louables. Cependant, en grandissant, Kim s’était petit à petit rendue compte qu’elle ne correspondait pas à ça. Selon la logique de Toowaïyeff, on ne naissait pas bon, on le devenait. Mais lorsque l’on n’est vraiment pas bon, on ne le devient pas. C’est ce que pensait Kim. À chaque seconde de sa vie, elle se demandait ce qu’elle faisait là, dans un royaume de paix trop beau pour elle.
Alors qu’elle se rendait dans le salon pour prendre son petit déjeuner, ses parents vinrent tour à tour l’embrasser et lui souhaiter une bonne journée avant de partir accomplir leur dur labeur afin d’œuvrer au bien de la société, tout sourire, main dans la main, comme si la vie ne pouvait pas être plus belle. D’une certaine manière, Kim les enviait. Elle aurait voulu gouter à ce bonheur aussi, mais ce n’était pas en s’acharnant à œuvrer pour le bien de la population qu’elle serait heureuse. Elle avait besoin de quelque chose d’autre. Et elle cherchait toujours quoi.
Kim ouvrit le journal local à côté de son bol de gruau, fade comme toujours, et remarqua sans surprise, et comme d’habitude, qu’aucune nouvelle du monde extérieur ne filtrerait. Un peu de pluie dans l’après-midi. Les autres articles, sans intérêt, chantaient les louanges du roi Forakäm ou parlaient des exploits de ses habitants. Toujours aucun avis de décès en conséquence d’un meurtre, aucune petite querelle à condamner, aucun criminel en fuite. Rien. Ce royaume avait le don être ennuyeux.
Tout va bien dans le meilleur des mondes, songea ironiquement Kim. Ayant fini de manger, elle se dirigea alors lentement vers la croisée. Elle ne pourrait pas retirer à son royaume le fait que c’était le plus beau de Nouklyën. Le printemps était déjà bien avancé et les montagnes, après avoir été blanches de neige durant tout l’hiver puis dénudées de feuilles, revêtaient maintenant le beau manteau vert clair du mois de Yan, celui des feuilles. Les fleurs avaient explosé partout, autant dans les arbres que dans les jardins de ses voisins et les jardinières du village où Kim habitait. Au loin, elle pouvait apercevoir son lac dont les eaux d’ordinaire bleu sombre, avaient décidé d’être turquoise aujourd’hui, la lumière du soleil de printemps se reflétant à sa surface en des milliers de petits diamants. Kim pouvait sentir la douceur de l’air rien qu’en voyant les branches bouger insensiblement. Ce royaume respirait la paix. N’importe quel habitant de Nouklyën aurait voulu y vivre ou même y mourir, sachant très bien qu’il n’en avait pas le droit, et elle qui y était née ne s’y plaisait pas ? Elle aurait voulu que ce soit le cas, être heureuse rien qu’à la pensée de servir l’humanité, mais elle n’y pouvait rien. Elle ne s’épanouissait pas en ces lieux.
Elle avait la désagréable impression ces derniers jours que le désespoir la saisissait peu à peu. Elle y était habituée, ce n’était pas la première fois que ses émotions faisaient des montagnes russes, mais à chaque fois que la mélancolie revenait, c’était plus douloureux que la fois précédente. Elle était déchirée en deux, entre l’envie d’être normale et l’envie de s’assumer telle qu’elle était et de tout abandonner. C’était comme s’il y avait quelque chose en elle qui voulait sortir de ce royaume, la forcer à changer de vie. Car elle savait très bien que si elle partait de Toowaïyeff, elle ne pourrait jamais y revenir.
Kim aimait ses parents et malgré le fait qu’elle pouvait se sentir seule, elle ne l’était pas. Il y avait toute sa famille, et puis ses amies aussi. Si elle partait, elle ne les reverrait plus jamais. Était-elle prête à ce sacrifice ? Quel était le prix à payer pour satisfaire ses pulsions et ses désirs ? Et puis c’était bien beau de partir, mais qu’est-ce qu’elle ferait une fois dehors ? Elle n’avait aucun but, rien à achever dans sa vie. Au final, elle se sentait inutile, ce qui avait le don de l’énerver.
J’ai encore le temps, pensa Kim, je n’ai que 19 lunes, je peux encore réfléchir et choisir ce que je veux faire de ma vie. Sur ce, la jeune fille s’éloigna de la croisée et retourna dans sa chambre afin de s’habiller, puis dans la salle d’eau afin de faire sa toilette. En relevant la tête et en se regardant dans le miroir, Kim ne pouvait s’empêcher de voir quelqu’un d’autre dans ce reflet. Elle avait une peau mate, des yeux bleus et de jolis cheveux rouge bordeaux coupés aux épaules, mais il manquait quelque chose pour que ce soit vraiment elle. Elle manquait de noirceur.
Après cet énième constat physique, Kim saisit son cartable et sortit de chez elle. Le vol étant interdit par la loi et les voisins étant toujours à l’affut du premier criminel venu, Kim ne prit pas la peine de fermer la porte à clé. Dehors, son amie Leïlah l’attendait comme chaque matin, avant de partir à l’école supérieure. Comme toujours, elle l’accueillait avec un sourire resplendissant. Le soleil s’amusait à donner des reflets dorer au châtain de sa chevelure, qui brillaient avec élégance avec sa tenue composée de vêtements de toutes les nuances de bleus.
« Amour et harmonie, lui dit Leïlah avec un grand sourire, encore plus brillant que le précédent.
- Paix et félicité à toi aussi, soupira Kim devant cette démonstration un peu niaise et utopique de bienveillance.
- Ne sois pas ironique de si tôt matin enfin ! Tu vas encore te faire remarquer en cours, la sermonna Leïlah, qui était accoutumée à son humour douteux.
- Au moins ça me distraira de cette journée désespérément parfaite, marmonna Kim.
- Décidément, je ne te comprendrai jamais, dit Leïlah avec un sourire un peu plus triste cette fois. Comment peux-tu trouver ce royaume ennuyeux ? Tout ici est parfait et tu ne demandes qu’à voir quelque chose de nouveau, et qui plus est, interdit ! conclu-t-elle en bousculant amicalement Kim.
- Et moi je ne comprends pas comment tu peux ne pas t’ennuyer ici, répliqua Kim, tout est trop parfait, trop utopique pour être vrai. Rien n’a l’air naturel. Sérieusement, quelle sorte d’êtres humains vivent ici pour ne jamais avoir commis quoi que ce soit d’un peu mauvais ou même pour ne jamais dire quelque chose de méchant ? Je trouve ça beaucoup trop oppressant.
- Tout le monde ici ne nait pas « parfait » comme tu dis, mais on le devient, et franchement je n’aimerais jamais rencontrer quelqu’un qui puisse dire quoi que ce soit de méchant, histoire d’avoir quelque chose à raconter.
- Tu préfères n’avoir que des histoires d’amour à entendre toute ta vie ? Il n’y a jamais rien d’intéressant ici, comment peux-tu seulement ne JAMAIS t’ennuyer ?
- Je m’amuse bien avec toi, tellement tu es différente, avoua Leïlah, ça me plait d’essayer de t’inculquer chaque jour les valeurs de Toowaïyeff alors que tu les refuses désespérément. Je ne m’ennuie jamais à cause de toi, tout simplement. Tu es intenable et sinon le reste du temps, rien que de pouvoir sentir l’harmonie de ce peuple et de ce royaume me comble de joie et me donne une raison valable de vivre et surtout, de rester ici.
- J’ai besoin de plus que ça pour m’amuser et tu le sais mieux que personne. Ce royaume ne ressemble à rien d’autre qu’une prison. On n’a pas le droit d’y rentrer ni le droit d’en sortir, c’est pire que l’Enfer ! Et explique-moi un peu comment est-ce que nous ferions pour nous en sortir si un jour pour une raison quelconque, le dôme disparaissait et que nous nous ferions envahir par des royaumes voisins envieux ?
- Ça ne risque pas d’arriver voyons ! Tout le monde sait que le dôme est indestructible tant qu’il y aura du Bien à Toowaïyeff ! Même s’il ne restait qu’une seule personne vivante ici, tant qu’elle sera remplie de Bien, le dôme ne se brisera pas.
- Il devrait se briser au premier élément mauvais venu, le Bien est beaucoup trop fragile pour ce monde…
- Tant qu’il y aura quelqu’un pour y croire de tout son cœur, le Bien sera toujours le plus fort, conclu Leïlah en arrivant avec Kim devant l’entrée de l’école supérieure.
*
Les deux amies se dirigèrent silencieusement vers les portes grandes ouvertes de l’école supérieure. Tous les élèves ici étaient eux aussi muets, car c’était une marque de respect que de se montrer silencieux devant l’établissement. Kim ne put réprimer un soupir, imperceptible aux oreilles de tous sauf de Leïlah. Celle-ci fit de son mieux pour ne pas la réprimander, sachant qu’elle risquait ainsi un blâme pour ne pas avoir dénoncer ce comportement douteux.
L’école en elle-même était un bâtiment tout simple, avec une grande horloge là où le toit formait un angle obtu, juste au-dessus de l’entrée où des centaines d’élèves s’engouffraient. Elle avait deux étages, symbolisant les deux dernières années d’études des jeunes gens comme Kim et Leïlah. Agées de 19 lunes toutes deux, il était temps pour elles de choisir leur orientation. Docteur par exemple ou une autre spécialité touchant à la médecine, magique ou non. Ils pouvaient aussi envisager de former les prochaines générations à être de bonnes personnes et à les diriger vers le métier qui leur correspondrait le mieux. Il existait également dans Toowaïyeff une communauté religieuse que les élèves pouvaient intégrer s’ils le souhaitent. Enfin, certains avaient aussi le courage de sacrifier une vie de paix et d’harmonie dans Toowaïyeff et de sortir à l’extérieur du royaume et pour faire don de leur connaissance et de leur altruisme aux autres provinces. En effet, les jeunes de Toowaïyeff avaient la possibilité de devenir miliciens, voire soldats dans les territoires annexes qui avaient besoin de faire respecter quotidiennement la loi. Les élèves qui optaient pour cette voie étaient tantôt vus comme des héros qui se sacrifiaient pour le monde, tantôt comme des inconscients, prêts à gouter à la guerre du monde plutôt que de satisfaire à la paix de Toowaïyeff.
Leïlah étudiait la magie des plantes. Kim, quant à elle, n’avait pas encore décidé – même si sortir du royaume et intégrer une milice quelconque lui semblait la perspective la plus intéressante. Elle pouvait mentir sur ses intentions et une fois dehors, faire ce qu’elle voudrait, le problème étant qu’elle ne maitrisait aucune magie de manière définitive. Ces deux dernières années étaient censées la spécialiser. Or pour être milicienne ou soldate, elle devait apprendre la magie de défense ou la magie de révélation, voire de vérité, ce qui ne la passionnait pas, comme tout le reste des études. Mais ce qui l’agaçait le plus était qu’elle ne demandait qu’à changer, qu’à se laisser aller, à être celle qu’elle s’imaginait dans ses fantasmes. Elle se laissait néanmoins étouffer par cette société trop parfaite qui n’acceptait pas les individus hors norme. Toowaïyeff ? Une vraie dictature. Elle devait constamment porter un masque et prétendre être quelqu’un qu’elle n’était plus et qu’elle doutait avoir seulement été. Il y avait quelque chose en elle de mauvais. C’était ainsi, elle n’aurait su l’expliquer mais elle le sentait au plus profond d’elle-même. Et personne ne s’en rendait compte. Ni ses parents, ni ses amis. Ni les religieux, ni quiconque d’ailleurs ! Existait-il quelqu’un comme elle hors du dôme ?
C’est cette unique question qui l’avait poussée à choisir la voie qui la ferait sortir de cet enfer. Seulement, l’année n’était pas encore terminée et pour le moment, elle était forcée de suivre les cours communs. Le premier de la journée était celui d’histoire. C’était un des seuls que Kim appréciait d’une certaine manière. Ce n’était pas parce que Toowaïyeff était un royaume de paix que son passé était aussi resplendissant que son présent, bien au contraire…
Aux prémices du monde même de Nouklyën, Toowaïyeff était déjà une terre magnifique, symbole de paix et d’harmonie. Mais il n’appartenait à personne et la Tulipe avait beau être blanche, la guerre éclata. Une guerre de convoitise et de fanatisme. Les hommes aspiraient à posséder cette nation unique en son genre. Et ce faisant, ils oublièrent qu’ils la souillaient du sang de milliers d’innocents et détruisaient petit à petit la beauté qu’ils convoitaient. Ils mirent son territoire à feu et à sang, succombant à la folie et à la destruction.
Jusqu’à ce qu’un jour, un messie vienne et apaise les esprits. Personne ne sut jamais d’où il venait, mais la légende raconte qu’avec de simples mots, il guérit le cœur de ses semblables et leur offrit un espoir de rédemption, et le droit de revenir dans ce royaume et d’y rester pour toujours, à condition qu’ils en soient dignes. Peu d’individus eurent cet honneur, Forakäm fut l’un d’eux. Sous son égide, ils reconstruisirent le royaume pierre par pierre, comme le messie le leur avait dit, mais jamais ils ne purent reprendre le sang que la terre avait absorbé. L’homme disparut peu après que le royaume fût de nouveau un paradis sur terre et personne ne le revit jamais.
Depuis ce passé sanglant, malgré toute la beauté de la Tulipe magique, il n’y a qu’à Toowaïyeff où l’on peut observer, partout et en tous lieux des lycoris rouges, aussi terrifiants que l’innocence, aussi somptueux que la mort. Des fleurs rouge sang, une fleur par âme détruite durant la guerre. Les fleurs de l’Enfer.
Kim n’avait jamais entendu cette histoire et elle se demanda pourquoi le professeur d’histoire la leur racontait seulement maintenant. Elle se dit que c’était sûrement parce qu’ils étaient devenus des adultes aux yeux de la société et qu’ils devaient savoir ce qui s’était déroulé dans ce royaume bien avant leur naissance, afin de ne pas répéter les mêmes erreurs. La première réaction des élèves à cette révélation sur les fleurs rouges qui tapissaient leur terre fut de fondre en larmes tandis que Kim fut surprise de ressentir un petit choc au fond d’elle-même. Après tout, elle aussi avait vu ces fleurs absolument partout, et la seule fois où elle en avait cueilli une pour sa mère, celle-ci lui avait gentiment expliqué qu’il ne fallait pas les ramasser car elles étaient toxiques. Possible…Mais la véritable raison n’était-elle pas qu’elles étaient sacrées ? Et avaient aussi une signification assez terrible.
Le professeur leur expliqua ensuite que le dôme avait été instauré par l’inconnu. Ce dernier leur avait bien précisé qu’il était indestructible, du moins tant qu’il abriterait de bonnes personnes à l’intérieur et ne laisserait jamais entrer de mauvaises de l’extérieur. Il confia à Forakäm le trône du royaume et les livres disent que l’inconnu lui chuchota quelque chose à l’oreille et lui donna aussi un vieux parchemin. Nul n’a jamais su ce qui s’était passé à ce moment-là, à part évidemment Forakäm, qui avait jalousement gardé le secret. Nombre d’hypothèses circulaient au sujet de ce papier et des mots chuchotés par l’inconnu à Forakäm. Certaines disent que le manuscrit recèle le secret du dôme, d’autres plus folles encore, disent que le parchemin n’est autre que le plan de construction d’une arme de destruction massive. Mais le roi a bien vite mis fin à ces rumeurs quand il a réalisé qu’elles commençaient à causer des problèmes et à fragiliser le dôme. Il confessa que l’écrit n’était autre qu’une terrible prophétie qu’il espérait ne jamais voir se réaliser. Depuis ce jour, personne n’a plus jamais posé de questions à son sujet ni tenté de savoir quel en était le contenu exact. Rien que le fait qu’elle fût terrible aux yeux du roi suffisait à effrayer ses habitants qui avaient préféré oublier son existence. Forakäm avait cependant jugé bon de faire part de cette prophétie à quelques intimes, au cas où elle se réaliserait. La population n’a jamais su non plus quelles étaient ces personnes au courant du terrible secret et celles-ci ne s’étaient jamais manifestées, signe que la prophétie ne s’était à priori pas encore réalisée.
Kim n’en avait jamais entendu parler, et cette deuxième histoire aviva sa curiosité. Quel genre de présage pouvait être si effrayant pour que ses parents n’aient jamais daigné lui en en toucher un mot ? Le cours d’histoire se termina sur ce mystère. Leïlah remarqua bien vite que Kim était bouleversée, même si son amie ne disait rien. L’histoire de la guerre avait aussi fait pleurer Leïlah, mais Kim ? Elle qui savait si bien cacher ses émotions…Et bien, en vérité, Kim se demandait si elle n’avait pas été contaminée par hasard, par le poison du lycoris lorsqu’elle en avait cueilli une fleur et si ce n’était pas la raison pour laquelle elle se sentait comme une tache noire dans une immensité blanche. Mais ce qui l’intriguait le plus était décidément la prophétie. Faite pour prédire l’avenir, cela voulait dire qu’elle se réaliserait forcément, non ? Est-ce que cela signifiait qu’un jour, une nouvelle guerre aurait lieu à Toowaïyeff, brisant le dôme magique et permettant ainsi au monde d’envahir le royaume du Bien ?
En l’occurrence, Kim était toujours coincée pour l’heure dans son école et le prochain cours n’étant rien d’autre que celui de philosophie, sa déprime revint bien vite à la charge.
*
« KIM NALHYÄJ ! »
Kim sursauta. Elle sommeillait lorsque son professeur la ramena à la réalité. Elle était toujours à l'école et s'ennuyait à mourir une fois de plus. Le professeur fronça les sourcils. Il avait beau hurler son nom dans la classe, Kim ne s'éveillait qu'une fraction de seconde avant de replonger dans ses rêves. Comme toute habitante de Toowaïyeff, la jeune fille paraissait gentille et pleine de bonté et de générosité, ce qui lui avait offert un physique agréable. Cependant, la différence avec tous les autres adolescents était qu’elle ne suivait pas les cours. L’ensemble des professeurs considéraient son inattention comme une tare.
- KIM ! hurla de nouveau l’enseignant,
- Mmh ?
- Qu'est-ce que je viens de dire ?
- J’sais pas, répondit nonchalamment la jeune fille en regardant par la fenêtre.
- Très bien. Ramasse tes affaires et sort. Je ne veux pas d'une élève qui n'est pas obéissante dans mon cours.
- OK.
Kim rangea ses cahiers, ses stylos, se leva de sa place. Au moment de se diriger vers la porte, le professeur s'adressa à elle une dernière fois.
« Attends dans le couloir pour ta punition, nous irons voir ensuite le Ryëterid. »
Sur le monde de Nouklyën, le Ryëterid est celui qui dirige l'administration d'une école. Dans le pays de Toowaïyeff, il joue un rôle important. Si un élève se comporte d'une manière trop agressive ou dérangeante, il est parfois directement envoyé chez le Roi Forakäm. Si cela arrive, alors le monarque décide si l'élève reste ou s’il quitte Toowaïyeff - dans le cas où son comportement serait jugé trop dangereux pour un pays pacifique.
Après une demi-heure d'ennui, la sonnerie de l'école sonna enfin. Les élèves sortirent de la classe, bientôt suivis par le professeur. Kim s’engagea derrière lui en silence. Elle savait depuis longtemps qu'elle se rendrait un jour chez le Ryëterid. Elle ne comprenait désespérément pas pourquoi elle était comme ça. Elle était née à Toowaïyeff et pourtant elle trouvait ce pays ennuyeux à mourir, que ce soient les cours ou le quotidien. Il ne se passait jamais rien et un petit événement comme aller chez le Ryëterid l’enthousiasmait autant que la perspective d’une Révolution.
Kim et le professeur arrivèrent bientôt devant la porte du Ryëterid. Le professeur frappa et entra avec son élève. Le Ryëterid, un homme d'âge mur, était assis à son bureau et demanda, la tête dans ses papiers administratifs :
- Qu'est-ce qui vous amène ? Je n'ai pas beaucoup de temps, fit-il d’un ton pressé,
- Je vous amène une de mes élèves, Kim Nalhyäj. J'ai pensé que ce serait une punition suffisante après qu'elle n'ait rien suivi en cours depuis presque une semaine. Je vous laisserai décider s'il faut l'emmener chez sa Majesté ou non. Au revoir monsieur, indiqua le professeur avant de ressortir et de laisser Kim et le Ryëterid en tête-à-tête.
- Alors comme ça on ne suit pas en cours, mademoiselle Nalhyäj ? Vous savez pourtant combien vos études sont essentielles pour vivre dignement à Toowaïyeff, dit le Ryëterid, toujours plongé dans ses papiers.
- Je sais, rétorqua Kim.
- Alors pourquoi ne suivez-vous pas ?
- Parce que je sais déjà tout ce qu'il faut savoir. Je me demande même parfois pourquoi je viens en cours.
- Je vois.
Le Ryëterid avait levé les yeux vers cette fille qui était presque en train de lui dire qu'elle n'en avait rien à faire de la paix. Il avait déjà pris sa décision et il était sûr que le Roi approuverait. Cette fille ne risquait pas de rester à Toowaïyeff avec un tel état d'esprit et si Forakäm l’autorisait à demeurer en ces lieux, c'est qu'il était passé de vieux sage à vieux gâteux. D’avoir de telles pensées le surprit. Il était habitant de Toowaïyeff et disait du mal de son Roi. Ça n'allait pas du tout. Il était sur le point d’ordonner à Kim de l'accompagner au palais royal, lorsqu'il aperçut sur l'annulaire droit de la jeune fille, une bague. Il commença à trembler. Les bijoux étaient interdits à Toowaïyeff pour éviter toute Cupidité, Avarice ou Envie de la part des habitants. Mais cette bague…Elle avait quelque chose de spécial. Quelque chose de magique… Le doute s'empara du Ryëterid, et c'est avec une voix tremblante qu'il s’enquit :
- Où as-tu eu cette bague ?
Kim se souvint soudain où elle avait trouvé le bijou. Elle se remémora ce fameux jour de son enfance où elle avait cueilli le lycoris sacré. Si elle l’avait ramassé au départ, ce n’était pas vraiment pour le donner à sa mère, mais plutôt pour récupérer l’objet multicolore qui brillait au milieu des fleurs. Elle avait trouvé l’anneau au cœur d’une fleur rouge sang. Elle l’avait caché durant toute ces années jusqu’à ce jour précis où elle avait eu envie de la porter, même en sachant que c’était interdit. Un instinct l’avait saisi en regardant la bague ce matin avant de partir à l’école et elle l’avait mise au doigt. Curieusement, personne ne s’en était rendu compte jusqu’à maintenant, à part le Ryëterid.
Malgré le risque qu’elle encourait, elle décida qu’il n’avait pas à connaître cette étrange histoire. Elle lui mentit donc ouvertement, en espérant qu’il l’emmenât voir le roi, qui comprendrait peut-être.
- Je l'ai trouvée chez moi dans un coffre de mon grenier.
- Et pourquoi la portes-tu alors que c'est interdit par la Loi ? voulut savoir le Ryëterid en posant son menton sur ses doigts entrelacés.
- Parce qu'elle est belle.
- Et tu trouves que c'est une excuse suffisante ? interrogea le Ryëterid en ouvrant grand les yeux.
- Ben oui, répondit Kim en haussant les épaules.
- Que ferais-tu si tu te faisais arrêter pour port d’objet illégal ? Tu diras peut-être aux autorités que tu la portes parce qu’elle est belle ! s’emporta le Ryëterid.
- Il n'y a vraiment pas de quoi s'énerver. Pourquoi mentirais-je ? risqua Kim avec un petit sourire en coin. Son plan était en train de fonctionner.
- Ne sois pas insolente ! Tu n'as pas le droit de te moquer ainsi des Lois de Toowaïyeff et de la nature de ses habitants !
- Dommage, puisque je viens de le faire, se moqua Kim en haussant les épaules.
- Ça suffit. Tu m'as mis en colère alors que toute émotion négative est interdite ici. Je vais t'emmener chez le Roi.
- Juste parce que je porte une bague ? demanda Kim avec un air innocent.
- Tu n'as pas idée de ce que représente ce bijou ici.
Le Ryëterid se leva alors, ainsi que Kim. Ils sortirent tous les deux du bureau, puis de l'école et se dirigèrent vers le palais royal que l'on voyait bien depuis l'établissement scolaire. Le Ryëterid marchait rapidement et Kim devait accélérer son allure pour ne pas se faire semer et le perdre de vue. Elle n'aimait pas trop ça. Elle n'avait jamais eu peur auparavant mais là elle était peut-être aller trop loin. Elle avait poussé le Ryëterid à bout et n'en ressentait pourtant aucune fierté. Elle allait sûrement être bannie de Toowaïyeff à cause de son ennui. Tu parles d'une raison ! Certes, c’était ce qu’elle voulait, mais elle aurait préféré choisir de partir plutôt que de se faire chasser comme si elle était une renégate. Mais il n'y avait pas que ça. Il y avait aussi sa bague. Elle savait pertinemment que c'était interdit pour des raisons qui paraissaient évidentes selon le pays de Toowaïyeff, mais elle n'avait pu s'empêcher de la mettre. Elle la trouvait si envoutante ! Et elle avait cru que ce serait une bonne raison de la porter si elle disait qu'elle la trouvait belle. Évidemment que non ! Et maintenant, elle devait aller chez le roi Forakäm. Mais elle trouvait que quelque chose clochait dans le comportement du Ryëterid. « Tu n'as pas idée de ce que cette bague représente ici ». Voilà ce qu'il avait dit. Maintenant qu'elle y repensait, elle se disait qu'il y avait un sens caché dans cette phrase. La façon dont il l'avait prononcée était étrange. Il avait paru très inquiet à la vue du bijou. Comment une simple bague pouvait faire aussi peur ? Le Ryëterid pourrait-il craindre à ce point quelques péchés ? Cela semblait exagéré. Il devait y avoir autre chose. Perdue dans ses pensées, Kim n'avait pas vu le temps passer et elle se trouvait déjà devant les portes du palais.
Le château était un grand bâtiment à la fois extravagant et naturel. Il était d'une couleur rosée et avait une forme singulière. Le mot « château » évoque un bâtiment avec des tours, dont un donjon, et un pont-levis - le palais comportait en effet tous ces éléments mais les tours étaient toutes courbées avec des spirales et des tourbillons comme bas-reliefs sur leurs murs. Les toits étaient pointus mais étant donné que les tours étaient toutes penchées dans des sens différents, ils pointaient dans toutes les directions. Il n'y avait que la tour du milieu qui était droite, ce qui donnait un joli effet, faisant penser à une sorte de ballet où les danseurs partent dans des directions opposées, s'écartant devant un dernier danseur au milieu. Le château pouvait aussi faire penser à un bouquet de fleurs, ce qui lui donnait son côté naturel et faisait qu'il se fondait bien dans l'environnement végétal de Toowaïyeff.
Arrivés devant les grilles du palais, les gardes laissèrent passer le Ryëterid et son élève. Ils le connaissaient, depuis le temps qu'il conduisait ses élèves ici.
Si le palais était impressionnant vu de l'extérieur, il l'était encore plus à l'intérieur. L'extravagance du décor se reflétait dans chaque objet qui décorait le palais. On aurait dit qu'il avait été conçu par un enfant, ou par un fou. L’ensemble croulait sous un amoncellement de vases, de sculptures, de gravures. Il y avait toutes les couleurs possibles et inimaginables dans cette décoration. On distinguait le jardin royal à travers les fenêtres ornées de vitraux disparates. Même si à cause des différentes pièces de couleurs qui formaient les vitres, le jardin semblait irréaliste, la vision qu'offraient les ouvertures ne déformait pas tant que ça la réalité. Le jardin était réellement très coloré par la multitude de fleurs qui le composaient, et la variété de feuillage des arbres. Alors que Kim s'extasiait devant ce panorama, le Ryëterid la pressa de monter un des nombreux escaliers qui conduisaient chacun à une tour différente. Celui qu'ils empruntèrent les mèneraient sans doute à la tour du milieu, celle où vivait le Roi, car c'était le plus large et le plus décoré de tous.
Arrivés en haut, le Ryëterid et Kim entrèrent dans une pièce, dont l'accès gardée leur avait été autorisé. Comme on devait s'y attendre, l'endroit où vivait Forakäm était encore plus extravagant que tout le palais, extérieur et intérieur compris. Il ne semblait n'y avoir aucun endroit dénudé. Partout des tentures sur les murs, des tapis au sol, des rideaux aux fenêtres, des tableaux dans les espaces libres. Sur toutes les tables, des lampes dispensaient des lueurs arc-en-ciel. Au plafond, des fresques représentaient la Nature, des actes de paix, le pays tout entier de Toowaïyeff...Il y avait aussi un gros lustre. Et tout au fond de la pièce se trouvaient des étagères remplies à ras bord d’incunables, de parchemins, de cartes...Enfin, il y avait un bureau. Et à ce dernier, assis sur un trône de bois garni de coussins en velours bordeaux, se trouvait Forakäm. Le Roi était un vieil homme au regard sage, malicieux et pétillant. Il était d'assez petite taille. Son visage était creusé de rides. Il avait une barbe et des cheveux blancs. Finalement, Forakäm était le parfait mélange entre le Père Noël et Dieu. Dès que le Ryëterid entra avec Kim, son regard s'illumina. Sur un sourire et en inclinant légèrement le buste, il grommela :
- Eh bien, eh bien. Ce n'est pas la première fois que vous m'amenez une élève. Je pensais que depuis le temps, vous n'aviez plus besoin de moi pour savoir si ces « cas » étaient dignes de rester à Toowaïyeff ou non, Mr le Ryëterid.
- Hélas, si je n'avais plus besoin de vous, ce serait soit parce que tout est parfait dans mon école, soit que vous n'êtes plus là avec nous, votre Majesté, répondit le Ryëterid en s'agenouillant, et en obligeant Kim à faire de même.
- Vous me flattez, je ne mérite pas tant d'honneurs. Mais assez de bavardages inutiles. Venons-en au fait. Qu'est-ce que cette élève a fait de si grave ?
- Il y a trois faits graves votre Majesté, répliqua le Ryëterid d'un air sombre.
Trois ? Qu'est-ce que cela voulait dire ? Kim ne comprenait pas. Il n'y avait pourtant que deux faits graves dans son comportement : son inattention et le port de sa bague. Quelle était donc la troisième infraction à la Loi ?
- Trois ? Autant que ça ? C'est bien la première fois, s'étonna Forakäm.
- Et j'espère la dernière, soupira le Ryëterid.
- Et quels sont-ils ?
- Kim Nalhyäj, ici présente, n'écoute pas en cours, porte une bague, et cette même bague est…
- Est ? demanda Forakäm
- C'est… Je crains de le dire, tellement je n'ose pas y croire, répondit le Ryëterid.
- Attendez. Vous voulez dire que c'est la bague de…
- Oui, malheureusement, je crois bien que c'est ça.
- Impossible…murmura le roi.
- Vous pouvez me dire ce qui se passe ? s’insurgea Kim, ressentant la peur pour la première fois de sa vie. Une peur immense, instinctive. Quelque chose de grave était en train de lui tomber dessus et elle ne savait pas quoi, c'était terrifiant.
- Pouvez-vous nous laisser, Mr le Ryëterid ? Je pense que vous avez accompli votre tâche, vous pouvez repartir, lâcha Forakäm.
- Bien sûr, bonne journée votre Majesté, répondit poliment le Ryëterid, en jetant un regard sceptique sur Kim et sa bague. Il sortit de la pièce.
Face au Roi, Kim se sentait toute petite. Il était tellement respecté dans Toowaïyeff qu'elle regrettait maintenant complètement son comportement. Il la regardait d'une drôle de façon, et elle attendait toujours de savoir ce que cette bague avait de si spécial.
- Sais-tu pourquoi tu es ici ?
- J'en ai une idée mais je veux juste savoir ce que cette bague a de si effrayant.
- Ainsi tu as compris qu'elle était dangereuse…
- Oui, mais pourquoi ? Qu'est-ce qu'elle peut avoir de si terrible ? demanda Kim en s’approchant du bureau du roi.
- Tu ne connais pas la Prophétie ?
- Quelle prophétie ?
- Laisse-moi te raconter...
« Quand après le Gris et le Blanc, le Noir viendra, dans le Pays de la Paix, l'Henyët se manifestera, avec à son doigt la Bague Ëynomrah, et il partira combattre le Côté Noir pour faire revenir l'harmonie de la Tulipe Maudite. »
Kim resta bouche-bée. Comment prononcer quoi que ce soit après avoir entendu une prophétie qui vous concerne ? Il n'y avait pas de doute. Le « Pays de la Paix » ne pouvait être que Toowaïyeff, et la crainte qu'inspirait la bague de Kim était sûrement due au fait que c'était l’Ëynomrah qu'elle portait et non pas un simple bijou, ce qui faisait d'elle l'Henyët.
- Je…Je ne comprends pas…dit Kim d'une voix tremblante.
- Qu'est-ce que tu ne comprends pas, je peux tout t'expliquer si tu le souhaites.
- Qu'est-ce que le Gris, le Blanc et le Noir ?
- Tu connais sans doute la Guerre Grise.
- Oui, évidemment, la plus terrible guerre de tous les temps.
- Cela pourrait bien changer maintenant…
- Comment ça ? Kim fronça les sourcils.
- La Guerre Grise est connue aujourd'hui pour avoir été la seconde guerre de Nouklyën. Cette guerre n'avait aucun sens, elle est née de la pure Folie des Hommes qui l'ont provoquée. Elle a causé des milliards de morts autant parmi ceux qui combattaient que chez les civils, qui sont pour la plupart morts de chagrin ou morts d'une maladie qui les rendait complètement fous…
- Je sais tout ça ! Qu'est-ce que ça a à voir avec le Gris ?
- Et bien cette guerre s'appelle la Guerre Grise.
- C'est tout ? Ça paraît simple comme interprétation pour une prophétie.
- Et pourtant, il ne faut pas chercher bien loin, jeune fille, se moqua gentiment Forakäm.
- Et le Blanc et le Noir ? continua Kim.
- Sais-tu qui a arrêté la Guerre Grise ?
- Bien sûr ! C'est Lüna, la mère du roi de Kimelano. Quel est le rapport avec le Blanc et le Noir ?
- Eh bien, tu n'es pas sans savoir que Lüna a arrêté la Guerre Grise en modifiant la Tulipe qui, avant l'acte de Lüna, était grise. Elle l'a rendue blanche, elle, ainsi que notre monde, apportant la paix et le bonheur sur tout Nouklyën, répondit sagement Forakäm.
- Après la Guerre Grise est donc venue la Paix Blanche n'est-ce pas ? Kim commençait à comprendre.
- En effet.
- Et…Qu'est-ce que le Noir ? se risqua à demander la jeune fille.
- Voudrais-tu vraiment le savoir ?
- Si je dois combattre ce « Noir », autant savoir ce que c'est, rétorqua Kim au tac-au-tac.
- Très juste, fit Forakäm avec un petit rire, le Noir est la pire chose qui pouvait arriver. Ici à Toowaïyeff, nous n'en ressentons pas les effets. Malheureusement, à l'extérieur c'est différent…
- Attendez. Vous voulez dire que …
- Quelqu'un a encore modifié la Tulipe, mettant malheureusement fin à la Paix. Cela s’est sûrement produit cette nuit, puisque tu te présentes ce matin avec ta bague à la vue de tous. La prophétie a toujours été crainte à Toowaïyeff, car si elle se réalisait, cela voudrait dire que le danger est juste à nos frontières. Pire encore, nous sommes dans un pays pacifique, peuplé d'habitants tout aussi pacifiques, cependant la prophétie précise que l'Henyët viendra dans notre royaume et qu'il devra partir combattre. Le combat étant un acte de violence, cela signifie que depuis ta naissance, le Mal est à l'intérieur de nos terres.
- Je comprends mieux maintenant pourquoi j'avais un tel comportement... Je suis née pour aller combattre la plus grande menace de ce monde, pas pour être une fille parfaite, réalisa Kim.
- C'est vrai. Je suis désolé mais tu dois partir maintenant, pour deux raisons que tu connais.
- Combattre le Côté Noir et virée de mon royaume à cause de quelques mots prophétisés, pas mal le coup du Destin, conclut Kim.
En sortant de la pièce du Roi, Kim se sentait terriblement excitée. Elle qui s'était toujours ennuyée à apprendre des notions inutiles dans son école, allait maintenant partir combattre le Mal absolu ! Elle avait évidemment aussi un peu peur. Elle avait beau avoir une bague imprégnée de magie, elle n'était pas magicienne et elle ne savait pas comment elle allait s'y prendre…Elle décida cependant de rentrer chez elle et de préparer ses bagages en laissant un mot à ses parents leur expliquant la situation. Elle sortirait ensuite du royaume de Toowaïyeff, découvrirait un monde nouveau, et chercherait ce pour quoi elle était partie…
Assis sur son trône devant son bureau, Forakäm réfléchissait. Kim était sans aucun doute l'Henyët. Il plaçait tous ses espoirs en elle. Cependant il était sceptique. Cela faisait 19 lunes que Kim était venue au monde. Elle avait la bague depuis sûrement plusieurs jours, voire des semaines ou même des mois ! Pourquoi ne s'était-elle pas manifestée avant ? Était-il possible que la Tulipe soit noire depuis des années ? Puis il se rappela son étrange pressentiment de la veille, et ce sentiment combiné à la prophétie le rassura. La Tulipe avait bien changé de couleur cette nuit et pas avant. Il réalisa qu’il n’avait pas pensé à demander à Kim où elle avait trouvé la bague. Celle-ci pouvait être n’importe où lorsque Kim était tombée sur elle et il ne comprenait pas comment elle avait réussi à la cacher tout ce temps alors que la bague Ëynomrah était tout sauf discrète. Sa puissance était immense, conçue pour combattre le Mal. Mais Kim arriverait-elle à la maîtriser et à gagner son combat ? Le péril était grand, Forakäm le savait, il avait même peur de ce que Kim pourrait devenir. Elle était née pour combattre, au sens propre, elle adorerait ça même. Cette certitude que Kim allait aimer tuer ou même détruire, user de la puissance de sa bague, devenir arrogante et égoïste, lui était venue en surprenant le sourire négligemment cruel de Kim, lorsqu’elle était sortie de la pièce…