Chapitre 27 - Les révoltés

À Mÿrre,

 

 

Il n’avait fallu aux ministres que quelques heures pour rassembler d’autres bataillons armés et les envoyer en terre physée et hylée. Le ministre Asage n’avait pas seulement fait envoyer plus d’hommes, il avait veillé à choisir les plus féroces d’entre eux. Ils voulaient que la prise d’otage dégénère et ainsi reprendre le contrôle de la presse. Ses combattants avaient l’habitude des tactiques militaires et politiques, pas les preneurs d’otage. Garnel allait les pousser à faire des erreurs, eux qu’on disait bienveillants et pacifistes. Quand une centaine d’hommes arriva à Mÿrre ce matin-là pour encercler la caserne, la rébellion grondait tel un orage prêt à éclater. La petite bande de Bénédit sentit le vent tourner. Les hommes qu’ils avaient en face d’eux savaient se battre avec vigueur. Ils ne supporteraient pas l’insolence que le vent charriait autour de la gare.

 

Sonfà voulait se battre, elle ne comptait pas les laisser reprendre le poste aussi facilement. Conscient de la dangerosité du combat, Bénédit préféra lui obtempérer gentiment. Il  savait qu’ils n’auraient pas le dessus face à autant d’hommes. Toutefois, les miliciens venus en renfort n’avaient pas prévu de le laisser partir en héros. Quand il s’avança pour discuter et rendre les armes, Bénédit se fit bousculer plus que de raison. Il n’eut pas le temps de prendre la parole calmement qu’il entendit les militaires s’agacer autour de lui.

 

_ Il faut libérer nos frères ! Ce qu’il se passe ici est intolérable !

 

Encerclé de toute part, Bénédit n’eut pas le temps de répondre que le commandant en charge du nouveau bataillon sonna l’attaque. L’ancien Élu resta impuissant face au regard calculateur de l’homme qui venait d’ordonner la charge. Il vit tous les miliciens qui l’entouraient se jeter sur les Siréliens qui montaient la garde. Si aucun d’entre eux ne s’approcha de lui ou des autres membres isolés, ils foncèrent droit sur la gare en courant, l’arme au poing. Apeurés, les rebelles utilisèrent leur pouvoir pour contrer l’attaque. Sous le commandement des hauts gradés, la presse photographia alors le combat. Bénédit savait qu’utiliser ses pouvoirs contre les humains était le plus grand crime qu’un Sirélien pouvait commettre.  Les journalistes sur place ne parleraient que de ça, ils ne retranscriraient pas les peaux et les muscles tranchés par les miliciens. La libération de leurs congénères allait se faire dans le sang, mais c’est aux rebelles qu’on le reprocherait.

 

Il n’était plus question de battre en retraite, des lianes géantes sortaient du sol sur tout le parvis de la gare. Sophya avait déjà fait tomber plusieurs fois la foudre pour faire reculer les assaillants. Bien qu’elle ne voulait blesser personne, la pagaille était telle que les miliciens tombaient sous ses défenses. Sonfà redoublait d’efforts pour protéger son peuple, rebelle ou simples innocent pris entre deux feux, mais elle ne pouvait pas grand-chose face à un tel déversement de haine. Des coups de feu retentissaient tout autour d’eux, les obligeant à utiliser encore plus leurs dons pour se protéger. Bénédit n’avait plus qu’à venir à leur secours. Il n’était plus question de paix ou de révolte pacifiste. La guerre avait éclaté et elle tuerait ses protégées s’il ne sonnait pas à son tour la charge. D’une main, il appela ses ours à la rescousse, de l’autre une meute de loups. Si aucun d’eux ne cherchait à tuer des miliciens, ils ne maitrisaient pas la situation pour autant. Plus d’une fois, ils les blessèrent gravement pour se protéger de leur attaque.

 

Plus les hommes de Bénédit se défendaient, plus les miliciens se montraient féroces. La haine scintillait dans leur regard, la rage transpirait dans leurs gestes. Ils broieraient tout sur le passage, jusqu’à faire oublier à tout le monde qu’une rébellion avait pu exister. Sophya déversait pluie et rafales de vent pour les forcer à reculer. Sonfà déchargeait son électricité pour qu’on ne puisse pas l’approcher.

 

_Nous devons fuir, cela va dégénérer. Je vais créer une diversion avec mes ours pendant que Sophya nous plongera dans le brouillard. Ce sera le signe pour partir loin d’ici !  ordonna Bénédit dans les telsmans de ses alliés.

 

Mais tandis qu’il donnait des ordres, l’ancien Élu baissa la garde. Alors qu’un milicien s’élançait droit sur lui, prêt à tirer. Sophya l’enroba dans un tourbillon de pluie pour l’envoyer valser dans les airs. Au même moment, Sonfà se jeta sur lui pour l’attraper en plein vol et le maitriser. Malheureusement, ses bras encore électrifiés ne laissèrent aucune chance à l’assaillant. La décharge électrique qui retentit devant la gare calma tout le monde. Le milicien était mort sur le coup et son corps fumait dans les bras de la jeune Physée, sous le regard choqué des spectateurs. Pour Sonfà, c’était comme si le temps venait de s’arrêter. Les yeux rivés sur le corps sans vie qu’elle tenait dans ses bras, elle ne réalisait pas. Elle ne comprenait pas. Péniblement, elle leva la tête pour percevoir ce qui se passer autour d’elle. C’était comme si, elle ne savait plus où elle était, ni de ce qu’elle faisait dans cette foule. Au loin, elle entendit pourtant qu’on criait son prénom, comme pour la rappeler à l’ordre, mais elle ne bougea pas. Elle ne pouvait pas se lever sans faire basculer le corps du milicien qu’elle tenait encore fermement dans ses bras. L’homme qu’elle avait tué. Dès qu’elle lâcherait ce corps fumant, ça en serait fini. L’innocente enfant deviendrait une criminelle. Alors, malgré les injonctions de Sophya, la jeune rebelle resserra son étreinte. Tant qu’il était encore dans ses bras, il n’était pas vraiment mort. Parce qu’elle n’aura jamais pu faire ça, à qui que ce soit. Tremblante, elle examina le milicien pour mémoriser son visage. Et comme elle, il était jeune. Trop jeune.

 

 

_Battez en retraite ! ordonna alors Bénédit soudainement.

 

À l’instant où il allia l’acte à la parole, toutes les barricades de la caserne tombèrent une à une. On pouvait lire la peur dans son regard, il savait qu’une barrière avait été franchie. Plus rien ne serait pareil pour lui et sa nièce à présent. Sonfà resta encore quelque seconde sans bouger. Elle n’arrivait pas à détacher ses yeux du soldat qu’elle venait de tuer. Elle n’avait jamais vu de cadavre avant lui, or celui-ci, c’était elle qui l’avait tué. Elle n’y croyait pas. Elle n’aurait jamais rompu un tel pacte. Pas elle.  Tuer, c’était déjà une limite que personne ne devait franchir. Alors assassiner un humain avec un pouvoir sirélien était un crime de lèse-majesté. Sous l’impulsion de Bénédit, Sophya la dégagea et la releva alors au plus vite. Dans le chaos qui les entourait, les miliciens cherchaient à se venger. Alors, dans une immense tempête brumeuse, tous les Physés disparaissent soudainement.

 

Ils se dispersèrent, mais certains suivirent Bénédit dans le désert. La marche se fit dans le plus grand des silences, jusqu’à ce qu’ils trouvent une grotte où passer la nuit.

 

_Nous n’aurions pas dû agir ainsi ! Nous allons le payer très cher les filles.

 

Bénédit réalisait l’ampleur des dégâts. L’assassinat d’un humain par les pouvoirs d’un Sirélien était l’un des plus grands crimes du Nouveau Monde. Déjà en temps normal, les sentences étaient terribles, mais là dans ce climat de haine, la vie de Sonfà était en danger. La jeune métisse n’était pourtant âgée que de quatorze ans. Précoce, il n’en restait pas moins que c’était qu’une enfant tout comme sa bien-aimée, à peine plus âgée qu’elle.

 

_Notre cause était juste, rétorqua Sophya avec ferveur.

_L’est-elle toujours maintenant qu’un homme est mort ? les coupa Sonfà les larmes aux yeux.

 

La fugitive n’arrivait pas à croire ce qui venait de se passer. Elle se repassait l’action en boucle en espérant pouvoir changer son dénouement. Elle voulait juste venir en aide à son oncle. Aider, pas tuer. Comment son corps avait pu faire ça. Elle se sentait trahie par elle-même. Malgré les étreintes rassurantes de Sophya, la jeune physée avait du mal à retrouver son souffle. Dans les yeux son oncle, Sonfà voyait sa propre culpabilité. Comment avait-elle pu faire ça ? Elle était devenue une meurtrière. Du haut de ses quatorze ans, elle avait tué un homme. Quelqu’un qui avait une famille, des amis, comme elle. Quelqu’un qui se battait pour une cause qui croyait juste. À présent, valait-elle mieux que ces miliciens ? Sonfà en doutait.

 

Ce soir-là, une battue fut menée par les miliciens. Heureusement, ils ne connaissaient pas la région et Bénédit gardait donc l’avantage dans ce cache-cache. Sonfà gagna un peu de répit face à son oppresseur. D’autres eurent moins de chance. Vigilant face à l’absence d’Arthur à la cérémonie mortuaire de sa sœur, Garnel Asage lança des hommes à sa recherche.

 

Le ministre savait que le fils ainé de la famille Agape s’était enfui avec l’Élu des rouges. Ce sont les informations que lui avaient transmises les miliciens qui avaient failli les arrêter lors d’un simple contrôle d’identité. Le physique charpenté des deux acolytes, la gueule d’ange du jeune Vikthor ainsi que la chevelure de feu d’Arthur passaient peu inaperçus dans les campagnes de Zorrèce. C’est ainsi que Garnel lança des miliciens à leur poursuite.

 

_Retournez-moi toute la campagne, mais trouvez Vikthor !

 

Alors qu’ils n’étaient plus en terre kalokas, deux miliciens avaient remonté leurs traces. Pas assez nombreux pour intervenir, ils se contentèrent de prévenir d’autres miliciens en renfort. L’administration, étant débordée avec les évènements de révolte dans le Nouveau Monde, mit cependant trop de temps à réagir. Les deux agents, livrés à eux même, étaient conscients qu’ils ne gagneraient pas face à ces deux forces de la nature.

 

Toutefois, la femme qui venait de les accueillir pour la nuit eut moins de chance. Ils profitèrent que la nuit tombe pour leur faire passer un message et assassinèrent silencieusement la jeune innocente. À l’aide de son sang, ils leur adressèrent un message de mise en garde avant de fuir par peur des représailles. Ce fut avec une grande colère que les deux amis constatèrent le décès de leur bienfaitrice. Il était trop tard, les deux voyous avaient fui déjà loin laissant derrière eux une terrible menace latente inscrite en couleur de sang.  

 

‘‘Le sang n’a qu’une couleur, qu’il vienne d’un élu ou d’un fils aimé, il jaillira rouge. Les fuyards seront punis et avec eux tous ceux qui croiseront leur route’’.

 

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Elenna
Posté le 12/11/2020
Ouh ça part totalement en live là ! Je me demande s'il ne faudrait pas que Manon sorte de son trou. ça pourrait être à double-tranchant mais ça aurait un effet certain. Quoique... Je doute que ce soit son projet actuel. Si ça se trouve, elle ne reverra son père qu'à la toute fin ! Mais ce serait triste quand même... Mais mieux que rien ou de le retrouver mort...
ludivinecrtx
Posté le 12/11/2020
Manon va encore passer pas mal de temps loin des seins je dois te l'avouer les retrouvailles c'est pas pour tout de suite !
UnePasseMiroir
Posté le 18/03/2020
PASKHAL TU DEVIENS VRAIMENT CHIANT. Dingue comme il chute dans mon estime de chapitre en chapitre ! J'ai bien envie de voir sa tête quand il va se rendre compte que ses filles sont vivantes tiens. Manon, tu pourras lui mettre une claque de ma part stp ?

Bon, avec un peu plus de bonne humeur, j'ai été contente de revoir Sophya et Sonfà en scène !
Par contre, le "Ingénieuses, les deux femmes optèrent de combattre de manière douce." je l'ai très très mal senti... je veux dire c'était une bonne idée, mais quand on voit comme ça a dérapé...
D'ailleurs, je me suis fait la réflexion qu'à quinze ans et des poussières, je ne suis pas certaine qu'on puisse les qualifier encore de "jeunes femmes", j'aurais dit "jeunes filles"... mais bref je pinaille lol.

Et là les choses sérieuses commencent vraiment on dirait... ^^ une p'tite guerre civile qui se prépare...

NOOOON GAULTIER SOIS PAS CON RETOURNE SURVEILLER LE CUL D'ACHOT. ET ECOUTE MOI QUAND JE PARLE ! STP ! C'EST IMPORTANT !

"Le plus offensé fût cependant Garnel Asage qui, s’il avait pu, aurait tué sur le champ tous ses opposants. La tête sur les épaules, il s’appliqua toutefois à trouver une solution plus raisonnable." ... Garnel, mon petit Garnel, tu ne te sens pas bien ? Tu as chopé le coronavirus alors que tu portes des gants ?

Et j'ai eu un peu peur au passage où les miliciens traquent Vikthor et Arthur ^^ (je me suis demandé s'ils allaient les choper en train de faire un strip tease dans la cambrousse... oui je suis irrécupérable ^^) (mais du coup vu qu'ils dormaient chez quelqu'un ils étaient dans le même lit ou paaaaaas ?)
Heu... ils écrivent... un truc... par terre... avec du sang ? Genre les gars c'est glauquissime ce qu'ils font là, c'est des cousins de Loris ou ça se passe comment ? En plus c'est même pas un truc court, ils t'ont fait un petit discours oklm. D'où tu sors cette idée tordue encore ? XD

Sinon je plussoie complètement la conclusion de Renarde : Manooooon grouille toiiiii !
ludivinecrtx
Posté le 18/03/2020
Ahaha je te promet que bientôt il bougera ses fesses voyons !! Bientôt !

Yeah... Il va pas apprécié de s'être fait berner c'est sûre !

Je note la claque !

Bah oui, c'était sûr que ça allait partir en cacahuètes.. tu me connais !

Oui c'est vrai, après les sireliens sont assez précoces...

Oui c'est ça! J'avais dit que l'action commençait et chez moi cela part souvent en couille. Je dois tenir trois tomes en plus alors !

Ouais Gaultier devrait t'écouter... Ça va lui retomber dessus tôt ou tard !

Ahaha GARNEL n'aime pas qu'on lui manque de respect ! Peu être qu'il devrait être en quarantaine c'est vrai !

Non mais oh... Ils formaient dans des lits séparés... Voyons, seul chacun de leur côté.


Oui c'est glauque ! Oui mais ils ont été recruté par un fou.. oui c'est malsain ! Ils se considèrent comme des enfants spirituel de Garnel alors.. ça explique cela..


Manon arrive !
Renarde
Posté le 17/03/2020
Coucou ludivinecrtx,

On commence par les coquilles, comme ça c'est fait :

Si nous nous étions dévoilés comme âme sœur - dévoilées
vivre cacher pour vivre heureuse - cachée
Nous allons les bloqués au sein même de leur caserne - bloquer
J’encerclerait - encerclerais
s’en était finit - fini
Paskhal, qui avait retrouvait de sa superbe - retrouvé
ace aux autres peuples révoltées - révoltés
Bien sûre, toute ces actions n’allaient pas rester impunis - sûr / impunies
Toujours sages et libérer d’envies - libérés
précotions - précautions
Déjà entant normal - en temps
La jeune métisse était pourtant âgée - n'était
le fils ainé de la famille Agape s’était enfuie - aîné / enfui

Paskhal, ce qu'il peut m'énerver ! Mais d'une force -_-
Les kalokas font preuve de lâcheté et d'aveuglement en ne se révoltant pas. Bon sang, on peut s'indigner même si on est momentanément pas concerné ! En tout cas, Garnel a bien intégré l'adage "diviser pour mieux régner".
Et Endza qui pense égaler sa sœur en avalant des couleuvres... grrrrr....

Heureusement qu'il y a Sophya et Sonfà pour amener un peu de douceur et de nobles combats dans ce chapitre ! Même si j'ai vraiment peur pour elles après ce qui vient de se passer. Cela ne m'étonnerait pas que Garnel s'en serve pour les ostraciser encore plus avec cet incident, en se servant de cela comme "preuve" de leur "déviance".

Sinon c'est gentiment en train de tourner à la guerre civile tout ça.

Bon, Manon, tu te ramènes ?
ludivinecrtx
Posté le 17/03/2020
Re Renarde !

Merci pour tes corrections !

Oui moi aussi, heureux il va bientôt se bouger.
Oui les kalokas préfèrent fermer les yeux !
Oui Endza est aveuglé elle aussi !

Oui un peu d'amour dans ce monde de brutes ! Toutefois oui ça risque de partir en couilles^^

Oui c'est bien ça 😉 tour doucement !

Ahaha elle arrive !
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