PRESENT : LE DUC NOWISE
La salle résonnait d’un silence de plomb qui suivait le discours engagé d’Erlein Nowise. Il se râcla la gorge, et se rassit. Au bout de la longue table, le chef de l’assemblée se leva de son siège molletonné et parla de sa voix de stentor.
- J’entends ton point de vue, Erlein. Et je ne suis pas en désaccord avec toi. Mais nous ne pouvons pas décimer le pilier magique de l’ombre sous prétexte qu’il est inférieur à celui de la lumière. Cela s’appelle un génocide et la guerre entre le Psal et l’Ygualroy en a déjà causé un, ce qui est bien assez en un siècle. De plus, que feront-nous s’il éclate une guerre ? Que feront-nous si une menace survient et que nous avons besoin de mages puissants ? Si jamais la lumière n’est pas assez puissante pour se battre ? Non. Nous avons encore besoin des mages du pilier de l’ombre. Quelqu’un veut-il partager son avis à l’assemblée ?
Un murmure parcourut les mages du pilier de la lumière, comme une vibration. Des neuf mages qui constituaient l’assemblée, le Duc Nowise était l’un de ceux qui avaient le moins de pouvoir. Ce n’était qu’un Duc alors qu’il y avait ici des archiducs, des hauts-mages et des archimages. Mais chacun le savait : de tous les membres de l’assemblée, Erlein Nowise était celui qui avait le plus de relations ; exception faite du président en personne. Le Duc était arrivé ici grâce à son talent se manipulateur et son pouvoir qui était la magie la plus pure que l’on pouvait trouver dans Sambremonde : la magie de la lumière. C’était un mage particulièrement talentueux alors personne n’avait soulevé la question de la mystérieuse disparition de ses deux enfants, ni celle de ce jeune garçon qu’il avait accueilli et qui avait, lui aussi, disparu à présent. Beaucoup de gens disparaissaient dans l’entourage d’Erlein Nowise. Peu de gens auraient été assez téméraires pour le contrarier. Et si aujourd’hui il prétendait que la magie de la lumière était supérieure à celle des ombres, alors il était possible qu’il ait raison. Après tout, qu’avait fait l’enfant des ombres au lieu d’assurer son rôle, selon la légende ? Il s’était enfui. Oui. On pouvait dire que le Duc avait raison.
La séance se clôtura sur un ajournement de la réunion. Il y en aurait certainement plusieurs avant qu’une décision ne soit prise et Erlein Nowise allait devoir user de stratagèmes élaborés pour convaincre l’assemblée. Mais il finirait par y arriver. Il le savait. Il se leva de son siège et quitta la salle d’un pas tranquille, suivi par les murmures de ses comparses. L’idée qu’il proposait commençait à se faire sa place. Bien sûr, l’assemblée n’allait pas ordonner l’exécution de tout mage du pilier de l’ombre, le peuple se serait révolté. Mais en procédant par étapes… En commençant par restreindre leurs pouvoirs, leur refuser certaines responsabilités… Alors qu’il venait de fermer la porte derrière lui, il repensa à la lettre qu’il avait reçue il y a quelques jours et qu’il n’avait cessé de lire et relire depuis. Cette lettre, et le visage de son fils qui hantait ses rêves maintenant, et perturbait ses nuits. Ce petit morveux. Comment osait-il ?! Comment osait-il lui prendre son bien, son pion à lui ? Le jour où il avait lu cette lettre, il était entré dans une colère si noire que les serviteurs du domaine Nowise avaient eu peur. Quelques mots étalés sur du papier et c’en était fini de cette vie tranquille.
Bonjour cher père.
Cela fait longtemps, n’est-ce pas ? Je ne te demande pas comment se passent les affaires, je me tiens au courant. Il semblerait que tu aies quelques problèmes avec ton valet, le jeune Jio, qui a disparu ; tu dois te demander où il est passé. C’est sûrement pour ça que tu as envoyé cet enquêteur fouiller Poralguar à la recherche de ton petit protégé. Ne t’en fait pas. Il est bien en sécurité avec moi. Tu n’imagines pas à quel point il a été facile de le capturer ! Tu connais l’existence de la guilde des mercenaires, comme chaque membre de l’assemblée, mais sais-tu où elle se trouve ? Ça va être très amusant de te voir t’arracher les cheveux pour trouver où j’ai bien pu cacher ton cher valet.
Ton très cher fils,
Soö.
Le Duc enrageait à l’idée de perdre face à ce bon à rien qui se prétendait digne d’être appelé son fils. Il avait activement recherché le jeune Jio car il représentait plus pour lui qu’un simple valet. C’était le garçon naïf et obéissant qui allait remplacer les deux enfants qu’il avait eu. Et puis il avait commencé à se demander pourquoi Soö aurait pris la peine de venir jusqu’à Poralguar pour enlever son valet. Un simple humain. Et si cet enfant avait autre chose ? Et s’il cachait quelque chose ? Car après tout, d’où venait-il ? Il l’avait recruté à son service, il y a un peu plus d’un an, mais de quoi était forgée sa vie, son passé ? C’est ainsi qu’il avait demandé à l’un de ses meilleurs contacts de mener une enquête.
La femme en question l’attendait aux portes du palais, adossée contre un mur. Lorsqu’il la vit, il pressa le pas, et passa devant elle. Qu’allait-on penser si un membre de l’assemblée s’entretenait dans la rue avec la première passante qu’il croisait ? Il retrouva ainsi sa demeure et son bureau où le rejoignit l’enquêtrice. Il lui ordonna de faire son rapport d’un simple hochement de tête et elle lui raconta ses avancées.
- D’après les informations que j’ai réussi à collecter, votre valet est un mage. Nous ne savons pas où il est né, ni qui sont ses parents. Mais il a passé les dix premières années de sa vie dans un foyer pour jeunes mages, dans le Psal. Après ça, il a disparu. La période qui se situe entre l’année de sa disparition et l’année où vous l’avez recueilli est vide. Nous n’avons réussi à trouver aucune information concernant ce qu’il a fait pendant ces six ans. C’est tout ce que je peux vous dire pour l’instant. Je continue mon enquête et reviendrai vers vous lorsque j’aurai plus de pistes.
- Bien. Vous pouvez disposer.
La jeune femme s’en alla, refermant la porte derrière elle, et, lorsqu’il fut seul, Erlein Nowise lâcha un « Hm » approbateur. Les foyers de jeunes mages s’étaient développés il y a quelques années, dirigés par des adultes qui voulaient protéger les futurs mages les plus puissants de Sambremonde, leur éviter une vie de labeur avec les responsabilités qui l’accompagnent. L’assemblée avait fermé les yeux sur ces foyers et fini par employer d’autres méthodes pour récupérer les jeunes mages qui s’y trouvaient. Si Jio avait vécu dans un foyer, c’est qu’il possédait un grand pouvoir. Et cela expliquait pourquoi Soö l’avait capturé. Il était même possible que ce garçon ait déjà appartenu à la guilde des mercenaires. Tout dépendait du foyer dans lequel il avait vécu et de l’année de sa disparition. Il n’y avait que six foyers dans le Psal : il serait aisé de consulter les archives de chacun d’eux et d’y retrouver Jio. Mais des interrogations subsistaient encore. Si Jio était un mage, un vrai mage, un mage puissant. Alors pourquoi le Duc ne le savait-il pas ? Pourquoi n’avait-il détecté aucune trace de magie chez ce garçon ? Comment avait-il pu faire disparaître son pouvoir jusqu’à sa racine ? Quelle était la nature de ce pouvoir ? Décidément, ce garçon s’avérait être bien plus intéressant qu’il ne le pensait…
Le petit moment historique au début est très bien amener aussi. D’ailleurs, on se demande si ce n'est pas inspirer de l’histoire de la France... DE plus, la suite promet d'être horrible s’ils appliquent ce que le Duc veut. Encore une fois, c'est très bien fait.
(je commence à avoir de moi en moins d'inspirations pour les commentaires moi...)
Je suis pressé de lire la suite! J'y pense, en commencent a lire ce chapitre je me disais que ton histoire méritait d'être édité un jour. Voilà, je voulais te le dire ^^
Alors ton commentaire m'a presque fait pleurer de joie !
Je suis tellement contente et heureuse que tu penses que mon histoire mérite d'être éditée !!
Merci beaucoup !
Je suis toujours aussi contente que mon histoire te plaise et j'espère que cela continuera !
Pour l'histoire de Sambremonde, je m'étais beaucoup penchée sur la question lorsque j'ai écrit mon premier jet, et d'ailleurs, c'était l'un des thèmes centraux de l'histoire (je regrette un peu de l'avoir zappé dans la réécriture mais je pense que c'est mieux pour que le lecteur puisse se concentrer sur l'histoire principale). Je m'étais dit que Sambremonde avait été un monde relativement "calme" mais décimé récemment par une immense guerre, une véritable hécatombe et j'ai pensé : "Qu'est-ce qui peut être plus meurtrier qu'une guerre ?", "Qu'est-ce qui peut marquer les mémoires, hanter le passé, les habitants ?" . Je me suis donc inspirée de notre chère histoire de France et des deux guerres mondiales (mon dieu ! Mais l'histoire-géo servait enfaite à quelque chose au collège !) pour construire l'histoire de ce monde.
A bientôt !
Pour l'histoire, je trouve que c'est vraiment bien joué. D'accord c'est vu et revue mais dans ton contexte, ça va parfaitement et il y a une raison. Donc bravo ^^ Et effectivement une guerre et un génocide marquent forcément les esprits.