Je rentre après cette longue journée. Je suis plus qu’épuisée et je sais qu’une personne m’a vu parlé avec une entité. Lorsque je suis retournée en salle, j’ai été heureuse de voir que l’attention n’était pas sur moi et que personne ne me regardait. Je m’en suis d’ailleurs voulu de ne penser qu’à moi pendant cette situation de crise. Tout s’est enchaîné par la suite, je n’ai pas eu le temps de me pauser.
Il est 8h34 lorsque je passe la porte. Je n’ai pas dormi de la nuit et la seule pensée qui me vient et de m’écrouler sur ma couverture. Je traverse le hall pour rejoindre ma chambre lorsque je vois de la lumière à ma gauche. Tant pis, j’irais voir plus tard qui est encore à la maison. Je n’ai pas l’énergie pour un déplacement inutile. Dès que je suis sur la première marche, je suis stoppée net.
- Mathilde, peux-tu venir ?
Je reconnais la voix de Trist. Par politesse, je me rends dans la salle à manger, mais je n’ai pas l’intention de m’éterniser.
- Oui.
Dès que je passe l’arche, je les vois tous mes frères réunis autour de la table. Certains sont assis, d’autres s’appuient sur la table. Lorsque je regarde Thommy, je vois de la tristesse dans son regard, tout comme dans celui de Seb. Cette réunion qui n’était pas prévue ne me dit rien de bon, je commence directement à paniquer.
- Papa et maman vont bien ?
- Oui, on peut savoir où tu étais ?
Je souffle et reprend.
- A l’hôpital, on a eu une urgence. Je n’ai pas fermé l’oeil de la nuit, je vous parle après.
- Non, nous parlons maintenant.
Je fronce les sourcils ne comprenant pas d’où vient cette agressivité dans la voix de Trist.
- Je peux savoir de quoi il s’agit ?
- On veut te parler de ça, dit-il en me lançant un carnet.
Ce n’est qu’en l’attrapant que je me rends compte de l’état de la table. Il y a des feuilles éparpillées partout, ainsi que des photos et des carnets. Je regarde alors le carnet que je tiens dans mes mains. Je le reconnaitrais entre mille, il s’agit de l’un des carnets qui retranscrit les échanges que j’ai eu avec les entités. Je lève les yeux et les regarde.
- Co…
- Comment nous sommes au courant ? Un collégue de Maxime lui a parlé des vidéos sur YouTube que sa petite soeur faisait sur des excursions dans des lieux hantés. Bien entendu, il a nié, n’est-ce pas Maxi ?
Sans aucune gêne, il me regarde dans les yeux et le confirme à voix haute.
- Oui…
- Après tout, elle nous en aurait parlé, c’est notre petite soeur… On se parle de tout, il n’y a pas de secrets dans les familles.
Tristan est toujours en face de moi, appuyé sur la table. Il se redresse et fait le tour en me fixant du regard. Il s’installe devant moi, bloquant la vue à plusieurs de mes frères qui se déplacene sans rien dire.
- Mais son collègue insistait tellement, il renconnaîtrait entre milles, Mathilde, elle est tellement adorable. Et vu qu’on se dit tout, il m’en bien entendu parlé…
Pas étonnant vu que c’est ton petit chien obéissant, je ne peux m’empêcher de penser. C’est celui qui ferait tout pour obtenir l’approbation de Tristan.
- J’ai donc pris la décision de fouiller ta chambre et quel fut ma surprise de voir ce dossier confirmant les propos de son collégue.
Je mets quelques secondes à analyser ce qu’il vient de dire.
- Pardon ? Tu as fouillé ma chambre ?
La fatigue est oubliée, l’énervement arrive pour le remplacer.
- Ce n’est pas la question. Tu nous as tous menti et caché que tu faisais des expéditions en tant que chasseuse de fantômes. Qu’est-ce que sont ces enfantillages ? Qu’est-ce que tu fais de ton métier de médecin ?
Je le coupe avant qu’il continue de me dire tout ce qu’il me reproche.
- Si c’est la question ! Tu as violé ma vie privée. Vous étiez tous d’accord ?
Je me sens trahie par mes frères et je les regarde un par un espérant avoir un peu de soutien. Je fixe surtout mes deux soutiens : Thommy et Seb. Étrangement leurs mains sont devenus très intéressantes, ils ne daignent même lever les yeux et me regarder.
- Tu nous a menti, on s’inquiète pour toi ! me répond Tristan en haussant le ton.
Pour une fois, je ne me laisse pas intimider et je décide de camper sur mes positions.
- Et pourquoi je vous mens ? Dites-moi honnêtement si je vous l’avais dis, comment vous auriez réagi ?
- Tu aurais supprimé ta chaîne YouTube dans la journée et jeter tous ses inepties dit-il avec dédain et me lançant un autre carnet.
- Vous voyez il n’y a pas de discussion possible ! lui répondis-je en les montrant du doigt.
- Pas sur ce genre de sujet : tu veux faire de la poterie, très bien ! Mais il est hors-de-question que tu te jettes dans le monde des fantômes, tu vas donc nous faire le plaisir de supprimer ta chaîne YouTube et ne plus jamais t’informer sur ce sujet.
- Non.
- Comment ça, non ?
- Non, no, nein, ahneo… Je continue où tu veux que je te le dise en japonais ?
- Tu n’as pas l’autorisation de nous dire non !
- Mais tu te prends pour qui ?
- Pour ton frère qui te protège du mieux qu’il peut !
Les autres restent derrière et écoutent notre combat de coq. J’hurle à mon tour, en lui postillant sûrement dessus.
- Mais merde, est-ce que je t’ai demandé quoi que ce soit ? J’ai quel âge déjà ? 25 ans ! 25 ans, putain d’ans.
- Si tu ne peux pas te contrôler, cela ne sert à rien de discuter. Nous t’en parlions parce que nous nous supportons pas les cachotteries. Steph se chargera de trouver ton mot de passe et de supprimer ta chaîne.
- Mais est-ce quu tu t’entends parler ? Tu ne supportes pas les cachotteries ? Ne me donne pas de raison de vous cacher des choses, ne paniquer pas dès qu’une broutouille arrive ! Arrêtez d’être constamment sur mon dos !
- C’est pour ton bien et tu te comportes comme une petite fille ingrate. On veut être là quand tu as besoin de nous !
Je m’énerve tellement que les larmes commencent à couler.
- Je suis une ingrate ? Avec toutes vos conneries, je n’ai même pas oser vous parler dans le moment où j’avais le plus besoin de vous ! Parce que je savais, bordel, je savais que j’allais avoir le droit à un speech comme celui-ci. Est-ce que ça vous a effleuré l’esprit que ça me plaisait et que j’étais heureuse en faisant ça ? Est-ce qu’une fois dans votre vie, vous vous êtes dit que si vous ne me traitiez pas comme une gosse de 5 ans, je serais plus ouverte ?
- Quel moment ? On est toujours là, à te surveiller depuis ton accident ? On a failli te perdre une fois, bordel !
Seb s’éclaircit la gorge.
- On devrait peut-être reporté la conversation à plus tard, à tête reposée.
- La ferme Seb dit-on même temps.
- L’accident dont vous nous voulez pas me parler, alors qu’il n’y a pas de secret dans les familles ? C’est fou, ça fonctionne que dans un sens !
- Tu n’as pas répondu à ma question, qu’est-ce qu’on a loupé ? Qu’est-ce qu’on a loupé ?
- Et toi à la mienne !
- J’ai des centaines de questions auxquelles tu ne réponds pas, monte dans ta chambre et arrête-moi toutes ces conneries autour des fantômes.
- Je t’interdis de dire que mes fantômes sont des conneries ! Je répondrais bien à tes questions si je savais que je pouvais compter sur vous ! J’aimerais vous parler, me confier à vous. Mais vous allez faire quoi mi-à-part juger ?
Je prends une grande inspiration et continue ma tirade, j’en ai ma claque de tout ça.
- Mes conneries de fantômes, c’est mon quotidien. J’avais besoin de vous, merde ! Tu penses pas que ma vie serait plus simple si je n’avais pas besoin de vous mentir dès que je respire parce que je sais que vous n’allez pas approuver !
- Mais alors fait quelque chose qu’on approuve !
- Mais je ne vis pas pour vous ! je lui hurle dessus tant en me détournant pour me rendre dans ma chambre.
Il me course dans la maison, mais je suis plus rapide et lui claque la porte de ma chambre au nez. Je prends le premier sac de voyage que je trouve et balance un maximum d’affaires dedans. Je ne veux plus respirer le même air qu’eux, ils ne comprendront jamais et ne respectront jamais mon intimité. Il tambourine à ma porte.
- Sors de là, nous n’avon pas terminé notre conversation !
J’ouvre la porte en grand et descend l’escalier aussi calmement que possible. Je me baisse pour récupérer mon sac-à-dos que j’avais laissé en bas de l’escalier. Un dernier détour dans la salle à manger me paraît intelligent, mes frères sont tous debouts et nous suivent du regard. Trist me crie dessus en me suivant partout.
- Qu’est-ce que tu fais encore ?
- Je récupère mes carnets et mes fichiers, ça ne se voit pas ?
Je ne sais pas d’où je sors mon assurance mais cela fait du bien de lui répondre. Il m’en arrache un des mains et le feuillete devant moi.
- C’est quoi cette merde, tu as juste noté des dialogues ?
- Cette merde ? lui dis-je en lui arrachant le carnet des mains et le fourrant de mon sac. C’est mon quotidien depuis mon putain d’accident dans un urbex auquel je ne voulais pas participer. C’est ce que j’essaie de faire de ma vie. Surprise, je vois des putains de fanntômes et cerise sur le gâteau je peux les faire traverser grâce à une putain de lumière interne que je diffuse.
Tous mes frères se regardent et je sens un élan de panique dans la pièce. Ils restent tous bouche bés et regardent Tristan pour voir sa réaction.
- Qu’est-ce que… dit Tristan.
- Tu la ferme et tu m’écoute !
Je relâche tout, tous les secrets que j’ai, tous les mensonges évoqués… Tout…
- Je n’ai même pas pu en parler avec un seul d’entre vous ! Pas un seul ! Parce que je sais qu’ils allaient tous sans exception te le répéter et que tu ferai ton Tristan ! Tu ne penses pas que j’aurais voulu avoir du soutien, que je n’étais pas terrifiée quand je ne comprenais pas ce qui se passait, quand des putains de fantômes me parlaient à moi toute seule et venaient me toucher.
Je suis en larmes mais cela ne m’arrête pas.
- Je ne peux pas discuter avec vous. Cela va toujours dans le même sens, est-ce que vous m’avez demandé comment j’allais après cette urgence au travail ? Pourquoi j’étais aussi fatiguée émotionnellement ? Non parce que là à cet instant, ce qui t’intéressait c’était de mettre en avant mes mensonges et que tu ne supportais pas ça. Tu t’en foutais royalement que j’ai ma première patiente qui est morte devant mes yeux, comme vous tous parce que Tristan a décidé que ça devrait être comme ça. Vous n’avez encore une fois pas écouté mes problèmes, je vous aime plus que tout mais là vous avez merdé ! Vous me mentez constamment, vous m’étouffez, vous violez mon intimité et pas un seul de vous, pas un seul, ne prend mon parti. Alors à quoi ça sert de me battre ? Vous ne m’écoutez pas, autant mentir ! Je n’accepte pas ce que vous avez fait et je ne vais pas vous pardonner de si tôt.
Je remonte mon sac sur mon épaule et je me dirige vers la porte. Tristan me course et me rattrape par le bras. Je sens l’énervement remonter même s’il n’était pas réellement descendu.
- Où tu crois aller ?
Je regarde sa main autour de mon poignet et je lui fais ce que l’on m’a toujours appris. Je me défends en lui mettant une claque avec mon bras libre, puis en le regardant dans les yeux, je lui donne un coup de pieds dans ces parties génitales, avant de donner un coup de genou dans les mêmes parties. Tout le reste de la meute avance rapidement pour le soutenir alors qu’il lâche prise et se tord de douleur.
- Vous avez oublié une chose, je sais me défendre. Ne me parlez plus tant que vous ne serez pas désolé.
J’avance vers la porte sans regarder derrière moi, je l’ouvre et je m’apprête à sortir. Avant de la claquer derrière moi, je me retourne et ne peux m’empêcher d’ajouter :
- Oh et pour information, ma patiente que j’ai vu mourir. Elle m’a trouvé juste après, j’ai pu parlé avec elle et la faire traverser, donc oui mes conneries de fantômes c’est important pour moi et ça ne sert pas à rien.