Chapitre 33 - Manon

Notes de l’auteur : Bonjour ! Voici le trente-troisième chapitre ! J'espère qu'il vous plaira :) Je compte sur vous pour me lire et me donner votre avis ! :)

Je suis rouge. J’ai envie de m’enterrer sous terre. Je glisse hors des genoux d’Owen avec énormément de difficulté. Et je ne sais pas si je dois mettre ça sur le compte de mes jambes qui tremblent à cause de la tension qui m’électrise toujours ou du regard que me lance mon père.

Une mort par suffocation serait moins pire que ce qui m’attend. Owen n’a pas vraiment le temps d’en placer une puisque mon père lui intime de rentrer chez lui pour avoir une discussion privée avec sa fille.

- Coach, ce n’est pas ce que vous pensez, répond Owen en me poussant un peu derrière lui, faisant barrage avec son corps.

- Owen, ne m’oblige pas à me répéter. Nous en reparlerons tous les deux plus tard mais pour l’instant, je souhaite échanger avec ma fille, répète une nouvelle fois mon père.

 

La tension monte une nouvelle fois. Je sens l’angoisse montée du côté d’Owen et la fureur de mon père qu’il tente de camoufler. Très mal. Il le camoufle vraiment très mal. Et je déteste les conflits donc je prends sur moi. Encore une fois.

- Wenou, c’est bon. On se voit plus tard ok ?

 

Suite à mes propos, il lâche doucement ma main. Je ne mettais pas rendu compte qu’il la tenait mais le froid qui me percute suite à la séparation me ramène à la réalité. Avant de quitter la pièce, il me jette un dernier regard et nous souhaite une bonne journée. Le claquement de la porte d’entrée est le déclencheur de ma fuite. Dès que j’entends le bruit, je prends mes jambes à mon cou et me dirige vers la cuisine. J’ai besoin de m’occuper les mains et de mettre de la distance entre mon père et moi.

Mais mon petit jeu ne semble pas fonctionner. Je fais à peine un pas à l’intérieur de la pièce que mon père m’interpelle.

- Manon, je peux savoir où est-ce que tu vas ?

- J’ai une montagne de devoirs à faire et je n’ai pas vu l’heure passer. Je suis tellement en retard, je dois y aller, je réponds précipitamment.

- Tu ne semblais pas si pressé à faire tes devoirs lorsque tu étais avec Owen.

 

Touché.

- Nous devons avoir une petite conversation, entre père et fille.


 

Et donc, moi.

Je dois avoir une conversation privée avec mon père.

Après qu’il vienne de me surprendre à califourchon.

A califourchon.

Bordel.

Sur Owen.

Le capitaine.

De son équipe de volley-ball.

Ah et petit détail.

J’étais en train de lui rouler une pelle.

Digne du rayon jardinage.

Mes cheveux encadrent mon visage, je tente de les aplatir au maximum pour cacher la rougeur de mes joues. Je regarde mon père avec curiosité et angoisse, je vois bien que la situation le tracasse puisqu’il est étrangement silencieux maintenant que nous sommes seuls.

- Tu sors avec Owen ?

 

Je cligne des yeux, plus que légèrement surprise, je ne m’attendais pas à cette entrée en matière. Pourtant, j’ai eu le temps de m’imaginer tous les scénarios possible.

- Oh, papa je n’ai pas vraiment envie de parler de ça avec toi.

- Ma chérie, je ne suis pas fâché. C’est juste un moment important dans ta vie et tu n’as…

 

Il se gratte la tête, cherchant ses mots.

- Tu ne m’avais jamais parlé de garçons.

- Et je ne l’ai toujours pas fait et ça m’arrangerait de continuer dans cette voie-là.

- Cette conversation est tout autant inconfortable pour moi qu’elle l’est pour toi. Mais en tant que père, je me dois d’être certain que tu as bien toutes les clés en main avant de…

- Papa !, je hurle sans aucune douceur et diplomatie.

- C’est mon rôle de père que j’essaie de tenir. Alors, laisse-moi terminer sans m’interrompre, je t’en prie.

 

Il pince les lèvres, tout en essuyant son front avec un mouchoir qu’il a attrapé je-ne-sais-où. Il n’est pas calme, contrairement à moi. Il fait des aller-retours dans la cuisine et je me surprends à remarquer que je tiens de lui cette habitude. Il ne pose pas son regard sur moi, mais il regarde partout jusqu’au magnet posé sur notre réfrigérateur. De mon côté, je tente de contrôler ma gêne et mon angoisse, nous allons éviter d’être deux lions en cage dans la même pièce. Je suis assise sur le comptoir puisque les chaises sont sur-côtées, les mains bien calées sous les cuisses pour ne pas m’offrir le luxe de réagir excessivement.

- Lorsqu’une fille se rapproche d’un garçon, il est… envisageable…d’avoir des rapprochements physiques. Il est préférable d’attendre les 25 ans, non le mariage ! Le mariage c’est mieux ! Mais même à cet instant, il faut faire très attention et utiliser des protections…

- S’il-te-plaît, arrête-toi là ! Je n’ai pas besoin que mon père me fasse un récap sur comment on fait les bébés et tout le tralala. Dis-toi mentalement que je sais tout ça, j’ai eu des cours au collège qui me donnait envie de me pendre à chaque instant.

- Tant mieux.

 

Comme si la discussion l’avait épuisé, il se dirige vers le frigo et décapsule une bière avant de m’en proposer une par un coup de tête. J’accepte avec un bref geste. La gorgée fraîche me fait le plus grand bien. Je lâche un grognement de soulagement alors que je sens une micro-partie de ma frustration partir. Je me rends bien compte que mon père ne souhaite pas mettre fin à notre conversation. Sinon, il aurait déjà rejoint le salon. Il n’est pas du genre à s’attarder.

Après le cours sur l’éducation sexuelle, qu’est-ce qui peut m’attendre ? Nos regards se croisent et je baisse automatiquement les yeux, complètement mal à l’aise face à la situation. Les traits de mon père se durcissent alors qu’il vient de se souvenir d’un élément le perturbant. Il ne dit rien pendant quelques secondes, se contentant de me fixer en finissant sa bière. Ce n’est que lorsque la bouteille vide touche le comptoir qu’il reprend la discussion.

- Toi et mon capitaine ? s’exclame-t-il.

- Mmmh.

 

Je ne sais pas quoi dire d’autre. Ce n’est pas que je n’ai rien à dire. Au contraire, j’ai des centaines de phrases, des milliers de mots en tête. Je peux faire tout un plaidoyer sur la notion de vie privée ou même démentir l’information en inventant des mensonges tirés par les cheveux.

Face à mon silence, mon père s’impatiente :

- Vraiment ? Pourquoi un joueur de mon équipe ?

- Alors, déjà avant d’être un joueur de ton équipe, c’est Owen. Ce n’est pas n’importe qui.

- Justement, c’est Owen.

 

Il soupire et s'assoit sur la chaise haute à mes côtés, il prend une profonde inspiration, en tentant de trouver les mots justes. Automatiquement, je fronce les sourcils, je suis de plus en plus préoccupée.

- Est-ce que tu es heureuse, ma chérie ?

 

Complètement prise au dépourvu, je m’étouffe avec ma propre salive.*

- Euh oui, bien sûr.

 

Il hésite, puis finalement se lance suite à ma réponse :

- Tu ne devrais pas hésiter une fraction de seconde lorsque je te demande si tu es heureuse.

 

Une nouvelle fois mal à l’aise, il se frotte la nuque avant de reprendre son texte savamment préparé.

- Je sais que tu ne parles pas beaucoup de ta vie privée, tu as ton jardin secret depuis toute petite. Et je respecte ça ma chérie, mais parfois j’ai l’impression que tu n’es pas toi même, que tu es une version un peu éteinte de l’enfant qui courrait partout et était pleine de joie.

 

L’embarras commence à monter en moi, je ne m’attendais pas du tout à cette conversation et je ne sais pas comment réagir. Je trifouille ma bouteille, ne voulant pas le regarder et lui montrer à quel point ses mots m’ont touché.

- Je ne veux pas une réponse prédéfini ou même que tu me racontes tout. Mais j’aimerais bien que tu te confies plus à tes amis. Je me souviens quand tu étais petite, tu t’illuminais toujours lorsque tu parlais, chaque sujet était une nouvelle passion. Et maintenant, je…

Il se stoppe tandis qu’il se rend compte de son monologue.

- Juste, ces derniers temps je te retrouve enfin donc continue d’être heureuse ma chérie.

 

Je m’étouffe complètement avec ma boisson. Est-ce qu’il vient vraiment de me donner sa bénédiction ? Par automatisme, je fronce les sourcils et penche la tête sur le côté.

Il se lève de la chaise et se dirige vers le salon. Me signifiant que la discussion est terminée pour lui. De mon côté, je reste droite comme un I. Mes mains encore une fois plaquées sous mes cuisses, je contrôle un maximum ma respiration pour ne pas montrer ce que cette conversation a déterré en moi. Les questions balaient toutes mes certitudes. Il avait remarqué le changement de mon attitude, je pensais être une meilleure actrice.

- Mon capitaine, putain ! bougonne-t-il en passant à côté du comptoir.

 

Je reprends mon souffle dès qu’il quitte la pièce. Mes épaules baissent automatiquement, ma posture défensive vient tout juste de se relâcher. J’essuie mes mains trempées de sueur sur mon pantalon et les laisse reposer derrière moi pour avoir une position plus confortable.

- Et plus de garçon quand tu es toute seule à la maison, cette règle s’applique maintenant à Owen ! 

 

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