Chapitre 44 - Owen

Notes de l’auteur : Bonjour ! Voici le quarante-quatrième chapitre ! J'espère qu'il vous plaira :) Je compte sur vous pour me lire et me donner votre avis ! :)

Le gymnase résonne des échos de notre anxiété. Et j’accueille avec plaisir tout le stress de l’équipe. Je vois bien que Christian est à bout de nerf, il a vomi pendant la moitié du trajet et semble complètement lessivé. Et maintenant, il se plaint d’avoir le ventre vide. Ce n’est pas n’importe quel match, c’est le championnat, bordel, tu m’étonnes que l’on soit stressé. Tout le monde observe nos moindres faits et gestes et prie pour que l’on gagne ou perde.

Ce ne sera pas notre dernier championnat mais tout de même la pression est bien là. Julien a un air concentré depuis l’incident dans le bus de l’équipe et je me demande si ce n’est pas pour s’empêcher d’aller aux toilettes et vomir à son tour. En tant que pilier, l’angoisse est toujours à son comble de son côté, même s’il ne dit jamais rien et se contente de faire des regards de tueur. Je souffle avant de devoir remplir mon rôle, échanger des banalités avec le capitaine de l’équipe adverse et définir avec l’arbitre le côté où nous allons jouer. Je n’ai pas de chance et ne suis pas mettre de cette décision. Je fais un bref signe à mon équipe pour qu’il soit au courant, la superstition de certains ne sera pas de notre côté. 

Mon regard se perd dans la foule de supporters et un léger pincement survient lorsque mon observation me confirme ce que je savais déjà. Elle n’est pas là. Et ça fait toujours aussi mal de m'en rendre compte. Elle me manque et je n’ai toujours pas de nouvelle d’elle. Pourtant je sais à coup sûr qu’Isaac lui a raconté pour notre rencontre avec sa mère. Ok, je me concentre. Une chose à la fois, On se concentre sur le match et une fois que l’on aura gagné, je pourrais regarder les gradins ressemblant à une mer en ébullition et les couleurs qu’ils arborent. 

On se regroupe tous, comme nous l’avons fait des centaines de fois. Nous formons un cercle de regards déterminés, d’encouragements silencieux pour cette apogée d’entraînements intenses, de sueur et de repoussement de soi. Le coach parle et je prends mon temps pour décrypter la moindre des émotions de mes joueurs. L’analyse du coach est toujours précise et complète de ce que nous avons vu en vidéo. Bien sûr, cela fait parti de nos entraînements, nous décortiquons l’équipe adverse et tentons de comprendre ses points faibles. Ici, il n’y en a pas énormément, leur force principale vient de leur analyse de jeu. Mais nous avons tout de même toutes nos chances, il y a toujours des petites fluctuations au sein d’une équipe, niveau condition physique, anxiété ou impatience, aussi forte que soit une équipe championne. Au fond, nous sommes tous les mêmes, des humains. 

Je me force à cligner des yeux plusieurs fois pour me recentrer sur l’instant présent et non le flux de mes pensées. L'arbitre fait retentir son sifflet, marquant le début de l'affrontement. Ce qui est certain, c’est que je suis maintenant complètement concentré sur le match. J’analyse le terrain, la formation de départ, mes pieds bien ancrés dans le sol, C’est leur capitaine qui va faire le premier service, ce qui signifie qu’il va être difficile à rattraper. Le joueur fait quelques pas en arrière, il va nous faire un service flotteur si nos informations sont les bonnes. C’est un problème pour nous puisque la trajectoire du ballon est quasiment impossible à prévoir. Ce qui est beau dans ce service c’est qu’il faut beaucoup d'entraînement pour le réussir mais une fois qu’on le maîtrise la déviation aléatoire de sa trajectoire et le ralentissement de la balle en font des ennemis pour l’équipe adverse. 

La balle flotte, on la suit tous du regard, regardons qui devra se charger de la première touche. Sauf que nous ne sommes pas complètement synchronisé et nous nous emmêlons les pinceaux. Le ballon tombe dans un grand bruit, nous laissant tous sous le choc. 

- C’est pas grave, on a le suivant, je m’écris en tapant dans mes mains et en me remettant en position.

Les autres répondent en coeur. Ok, c’est parti. 

Le match continue, le ballon fuse dans les airs, une danse chorégraphiée commence. Chaque mouvement est calculé, chaque frappe est un pas de plus vers la victoire. Théo, au filet, saute avec une agilité gracieuse, déviant le projectile avec une précision millimétrée. Nous sommes plus chanceux pour le prochain ballon que nous mettons en jeu, nous renvoyons la balle de l’autre côté du filet et deux de nos contreurs sautent en même temps que l’adversaire l’obligeant à changer de stratégie et opter pour une feinte.

Ce mouvement est rapide, précis. Pourtant je m’y attendais, avec tous les entraînements que nous avons réalisé j’ai l’impression de mieux percevoir les mouvements des joueurs qu’autrefois. Cette manchette si simple nous laisse souffler quelques instants tandis que je crie à notre pointu de venir au filet. Il saute, tente sa chance mais le mur de la défense commence déjà à se reformer. Notre libéro, Elyas rattrape le ballon inextremis et le renvoie au passeur. Rien n’est perdu, que ce soit pour eux ou pour nous. La balle va revenir de notre côté d’un moment à l’autre. Au contre, Tiago est toujours aussi fort et se place parfaitement. Le contre est fait, renvoyant rapidement la balle du côté adverse ne laissant aucune chance à l’équipe d’en face de le récupérer.

Le coach nous crie des informations au fur et à mesure, modifiant notre jeu en fonction de son regard extérieur. Par automatisme, je me retourne pour mieux comprendre ses demandes. C’est une erreur que je n’aurais jamais dû commettre. On pourrait penser que c’est les cris des supporters, le grondement des échanges sur le terrain qui pourraient me perturber. Non, c’est seulement son absence. 

Alors que sa place a toujours été à côté de son père, à critiquer ses stratégies et griffonner je ne sais quoi sur une feuille pour lui montrer qu’elle a raison. Le manque me saisit une nouvelle fois. Le ballon fuse à travers le filet, les joueurs s’élancent mais je suis en retard d’un quart de seconde. 

Je me concentre une nouvelle oubliant la douleur présente dans mon coeur qui n’a rien à voir avec l’effort. Chaque coup ressemble à une piqûre. Il est impossible pour moi de me l’enlever de la tête et de me demander si elle regarde tout de même le match quelque part. Si elle est toujours avec nous au moins à distance. Est-ce qu’elle voit les blocages, les attaques que nous réalisons sur le terrain ? Est-ce qu’elle est fière de nous ?

Je saute, je smash mais pourtant je ne me sens pas complètement libéré. Je n’aurais jamais dû regarder le coach, c’est à cause de lui que mon esprit revient invariablement à elle. Et même si ma concentration repousse l’ombre de la tristesse qui plane sur moi, je la sens bien prêsente à mes côtés. Des services puissants, des smash intenses, une défense solide, l’équipe des Wolves est à son maximum et pour l’instant je vais m’en satisfaire. Après le match, j’irais le voir et même si cela fait que je brise ma parole. 

Le match continue et nous ne lâchons rien. Remportons point par point, nous rapprochant de plus en plus de la victoire du premier set. Nos services ne font pas de quartier, Julien est celui qui a la plus grande force d’attaque et les points s’enchainent grâce à lui. Le sifflet retentit, indiquant la fin du set. Dans un même mouvement, tous les joueurs se dirigent vers le banc. Nous prenons par automatisme les gourdes fraichement remplit et les petites compotes à boire avec nos fruits préférés. Le coach nous donne les nouvelles consignes à suivre pour le prochain set, la stratégie ne change pas. 

Nous dominons le match. 

Cependant, je vois bien que les joueurs commencent à fatiguer. L’adrénaline pulse dans nos veines mais cela ne nous empêche pas de ressentir la douleur de nos muscles qui travaillent. C’est maintenant l’heure du deuxième set et je croise les doigts pour que celui-ci soit le dernier. Pour cela, nous n’avons qu’une seule option : le remporter.

Ce set est encore plus difficile que le premier, l’équipe des Shark ne nous laisse aucun répit. Je plonge, mes doigts s’étirent provoquant le contact parfait que je recherche tant. Le ballon s’envole, traverse le filet avec une précision chirurgicale et je ressens une nouvelle fois des papillons dans mon ventre. J’ai l’habitude de me sentir observé par le public, mais ici, à partir de cet instant, j’ai l’impression de me retrouver chez moi.

Cela me booste plus que de raison, mes jambes me brûlent mais je les ignore. Ma concentration est totale, je suis tous les mouvements du ballon et donne tout ce que j’ai, en prenant un plaisir plus que certain à voir les autres membres de mon équipe se donner tout autant. La sueur coule sur le front d’Isaac alors que l’on se met d’accord silencieusement sur la prochaine attaque. 

C’est une réussite mais nous perdons le point suivant. La compétition est vraiment impitoyable cette année. Chaque set est un écheveau complexe de stratégie et d'instinct. Je n’en peux plus. Ma respiration se fait de plus en plus haltante. La moindre réception est une mini-explosion de force dans mes bras. Même Elyas qui déborde toujours d’énergie commence à fatiguer, il nous a sauvé un nombre incalculable de ballons, ce qui lui a permis de décrocher un mini-sourire d’Apolline. Après a, il ne va jamais la fermer. 

Une nouvelle attaque pour notre pointu, je le regarde et voit cet éclat d'énergie brute qui jaillit de ses hanches et de ses épaules. Isaac, en bon passeur, voit la même chose que moi : Julien est en pleine forme, nous pouvons lui demander de mettre les bouchées doubles. Cependant, je m’inquiète de l’état d’Isaac, à force d’avoir tous ses sens en alerte maximale, de capter chaque détail et chaque intention de l’adversaire, il commence à ne plus être aussi rapide. Un changement avec son remplaçant serait peut-être nécessaire. Je me retourne pour regarder le coach et avoir son avis mais celui-ci est sur son télphone comme pendant la moitié du match. Je ne sais pas ce qu’il fait dessus mais il a l’air en plein débat. 

- Is ?, je lui dis discrètement. 

- Ça va, laisse-moi terminer ce que j’ai commencé. 

Et pour l’instant, je m’en satisfait. Les points s'accumulent, une montée et une descente émotionnelle. La douleur dans mes muscles devient un murmure constant, mais je ne m'arrête pas. Tout commence à être engourdi, dès que le ballon touche le sol, nous nous retrouvons tous replié sur nous-même à tenter de récupérer notre souffle. La tension dans l'air est tangible, chaque échange une bataille gagnée ou perdue. Chaque coup, chaque saut, je les ressens comme une détonation. L’égalité nous suit, c’est celui qui fera la première erreur qui en pâtira. Si nous perdons ce set, je ne donne pas cher de notre peau pour le troisième. 

Je sais que c’est maintenant ou jamais. 

Nous avons le service et c’est Tiago qui à cette lourde responsabilité. Son service est parfait même s’il est renvoyé. Les Shark se sont précipités, nous offrant une balle parfaite, Isaac se met en position pour la réceptionner. C’est le moment de sprinter, mon corps proteste mais je l’ignore, je cours comme si ma vie en dépendait. Je saute, le ballon vole, traverse le filet et touche le sol dans un grand bruit. La foule retient son souffle. Le sifflet final retentit, confirmant notre triomphe. Puis l'explosion de cris de joie. 

Nous avons gagné. 

Mais ce n’est pas ce qui retient mon attention à cet instant. 

Elle est là.

Dans les gradins. 

Et elle me fait un sourire qui pourrait me donner la force de faire un autre set. 

 

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