Il y avait tant de choses qui ne cessaient de me venir en tête. Des questions, des doutes, mais aussi des appréhensions quant à la suite des évènements. Jusqu’à maintenant, j’avais réussi à mettre tout ça de côté, vivant un jour après l’autre sans réellement me soucier du lendemain ou de ce qui pourrait éventuellement m’attendre à la nuit tombée. J’avais volontairement mis toutes mes peurs dans une petite boîte que j’avais alors scellée dans un coin de mon esprit et oubliée. Mais récemment tout m’est revenu au visage et ma boîte jadis scellée a tout simplement explosée en laissant déborder tout ce que j’y avais enfermé.
J’ai peur. J’ai peur que cela ne fasse que s’intensifier et que l’on soit alors complètement et totalement démunis pour affronter ce qui nous tombera dessus. Nous ne sommes que trois et aucun de nous ne possède de pouvoirs magiques ou que sais-je. Aucun de nous ne peut prédire l’avenir et affirmer à haute voix que tout ira bien. Bien qu’Owen me l’ai répété avec aisance et assurance, le voir allongé ainsi me fait me rendre brutallement compte de la cruauté du monde dans lequel nous sommes. Cela aurait pu être bien pire, mais cela aurait également pu être évité. S’il n’avait pas participé. Pas à mes côtés. Je le sais. Je sais que je ne leur attirerait que des ennuis et que tout ceci n’est que le commencement. Tout ira en s’intensifiant et en prenant une ampleur à laquelle je ne saurais faire face.
Alors oui, j’ai peur. Brutallement, je prends conscience de mon incapacité à être en mesure de continuer davantage mais mon égoïsme beaucoup plus important l’emporte sur cette peur maladive. Une part de moi, qui s’est probablement abandonnée à la folie, veut continuer le jeu et est prête à absolument tout pour aller toujours plus loin. Je ne sais pas d’où elle vient, ni même depuis quand elle est là car c’est dans ce genre de souhait que je ne me reconnais pas.
Suis-je réellement prête à gagner ce jeu tout en n’en payant le prix fort ?
- Je savais que je te trouverais ici, murmure Valerian en arrivant à ma hauteur.
Perdue dans mes pensées, je n’ai même pas entendue la porte habituelelment grinçante s’ouvrir. J’étais à des années lumières de la chambre du Duc.
- Cela fait trois jours, soufflé-je en regardant l’homme allongé sur le lit toujours inconscient
- Mais ses constantes vitales sont bonnes, c’est déjà bon signe.
- Vraiment ? ironisé-je
Posant sa main sur mon épaule, je pouvais comprendre son silence. Depuis ces dernières semaines, Valerian a été pour moi, pour nous, plus qu’un partenaire. Il possède une étrange sagesse qui a le don de me surprendre.
- Vous avez tous les deux beaucoup plus en commun qu’il n’y paraît.
- C’est à dire ? repris-je en le regardant
- C’est juste un constat que je fais. Je vais aller me coucher, tu devrais également en faire de même.
- Je commence à saisir tes sous-entendus pour me faire comprendre que j’ai une sale tête, fis-je en souriant faiblement
- Je n’oserais point. Bonne nuit, Princesse.
- Bonne nuit, Baron.
Il quitte la pièce et soudain, le silence habituel du château me semble beaucoup plus pesant.
Je ne sais pas pendant combien de temps exactement je suis restée assise là, sur le bord du lit, tenant sa main dans les miennes, espérant. Bien que les plaies majeures aient été effacées grâce aux technologies de soins, certaines égratinures sont restées et rien qu’à les regarder, je revois la scène de cette nuit là. Je revois ce géant, ce monstre, lançant son corps à travers la pièce à plusieurs reprises. Je suis restée là, cachée sans rien faire. J’aurais pû l’aider, mais je ne l’ai pas fait et je ne comprends pas pourquoi. Pour la première fois, mon idiotie sans limite ne m’a pas servit.
- Je suis désolée de ne pas être celle qu’il faudrait que je sois, mais j’apprends. J’apprends à l’être et j’espère sincèrement être un jour à la hauteur des espoirs que vous semblez mettre tous deux en moi. C’est étrange, j’ai l’impression d’avoir commencé le jeu depuis des mois et d’en voir enfin le bout, mais la réalité est toute autre, n’est-ce pas ? Tout ceci, n’est que le début. Quel début effrayant. Tu m’as dit que j’avais le droit de pleurer. Le droit d’avoir peur. Le droit de poser un genou à terre, mais que jamais ô grand jamais je devais déposer le deuxième. Alors que dirais-tu si tu me voyais présentement ?
Peut-être me regarderais-tu avec ce regard plein d’inquiétude que tu portes si souvent depuis quelques temps.
J’ai beaucoup ralé sur ce sujet là, cela nous a même mené à la discorde, mais au fond, je comprenais. Je comprenais ses intentions et sa volonté. Dès le début et malgré ses nombreux secrets, j’ai pressenti que je pouvais lui faire confiance. Non. J’avais confiance. Je ne saurais pas l’expliquer mais même si nous étions deux étrangers, il y avait une certaine familiarité chez cet homme. Une capacité à me mettre à l’aise, à m’amuser, à m’intriguer qui m’a tout de suite séduite. Il m’a dit être curieux, mais je crois qu’au fond, nous l’étions tous les deux. Nous nous sommes engagés et embarqués dedans en pensant que nous finirions par tout comprendre de l’autre, par le connaître...mais je crois que ce n’était pas vraiment ce que nous recherchions. Une part de nous était indéniablement attirée par l’autre car elle avait trouvé chez l’autre une étrange similarité. Un écho.
Tout compte fait, peut-être que Valerian a raison et que nous partageons des traits communs, mais je ne suis pas certaine que cela soit tout ce qui nous rapproche.
Dans quelques jours, le premier mois du Ruler Game s’achèvera et avec lui, un premier bilan bien miséreux et misérable sera dressé : J’ai à peine progressé dans les statistiques, je n’ai guère grandie ni acquis la maturité nécessaire pour affronter la situation et le plus affolant...le jeu ne fait que commencer.
Byron, Ivory, Kybele, Cybele, Gavin et Chester.
Il me reste tous ceux-là sur ma longue liste. En sachant que les quatre premiers pourraient à tout moment tout faire basculer. C’est de leur silence, comme celui qui s’est imposé, dont il faut se méfier.
Sortant de la chambre, je retrouve le chemin de mes propres appartements, me laissant tomber sur le matelas. Cette nuit, comme toutes celles la précédant, les étoiles ne brillent pas dans le ciel de Celestia ou du moins, elles nous sont invisibles. Il fait nuit noire. Ici, l’obscurité est omnis présente et les monstres de nos plus sombres cauchemars existent. Voilà tout ce que j’aurais appris en presque un mois : Les monstres existent et ils ne sont pas si hideux, bien au contraire. Ce qui les rends terrifiants, c’est qu’ils nous ressemblent en tout point.
Sortant mon téléphone du premier tirroir de la table de nuit à côté de moi, j’ai un instant d’hésitation avant de tapoter machinalement un numéro qui a grande peine à me sortir de la tête.
Et sans surprise, ce dernier n’a même pas besoin de sonner.
- Je ne pensais pas que tu m’appelerais, siffle une voix tandis que s’affiche progressivement l’hologramme de mon interlocuteur juste au dessus de l’écran tendu dans ma main.
- Tu avais raison, soufflé-je la gorge serrée reconnaissant à contre coeur mon erreur
- Tu veux en parler ?
Cela fait longtemps, que sa voix n’avait pas été aussi douce à mon égard. J’avais pris l’habitude de ses remontrances et de cet air bien grave qu’il avait constamment dans nos échanges. J’avais pris l’habitude de n’être qu’une déception pour lui. Un échec flagrant d’une relation bien étrange.
- Ambrose... Je ne sais pas ce que je dois faire, avoué-je en laissant perler dans le coin de mes yeux des larmes que je retiens depuis maintenant bien trop longtemps.
- Si tu le sais. Magdalena, tu as toujours su ce que tu voulais faire et qui tu voulais être. Tu as toujours eu l’esprit clair et déterminé...Et bien que cela avait tendance à me rendre complètement fou, j’éprouvais beaucoup d’admiration pour toi pour cela.
- De l’admiration ? Et c’est tout ?
Un blanc. Un soupire, mais un blanc. Je compte les secondes avant qu’il ne réponde, mais je sais qu’il ne le fera pas. Je le connais. Lui, je le connais comme je me connais. Du moins, c’est ce que je pensais. Ambrose a des secrets bien à lui, des secrets que je peine à deviner et des comportements que je peine à comprendre également, mais je pense que cela est valable dans les deux sens. Nous qui avons été si proches, si complices, voilà que tout ceci est partie en fumée comme si cela n’avait jamais existé. Je me demande comment ça s’est passé. Comment notre lien s’est-il brisé sous nos nez ?
- As-tu perdue cette fièvre folle qui te faisais réclamer le trône tout haut ?
- Peut-être bien.
- Alors dans ce cas, rends-toi. Abandonne. Le jeu n’est pas fait pour toi et ta personne n’est pas digne du trône.
Voilà un exemple de ce que j’ai toujours détesté chez lui.
- Que veux-tu exactement Magdalena ? Au plus profond de toi ? Si tu n’es pas claire sur ton but, ton objectif, jamais tu n’avanceras. Où est la Magdalena qui m’a envoyé sur les roses à deux reprises en me faisant comprendre que nous n’étions ni amis, ni alliés ? Où est cette jeune femme pleine d’ardeur prête à tout pour envoyer valser les codes et les attentes de cette stupide société bouffée par la technologie ? Je ne te reconnais pas. Tu n’es pas cette fille-là. C’est tout ce que cela demande pour te faire peur à toi ? Toi qui, petite, pourchasser les ombres du Palais Royal en pensant que c’était les monstres cachés sous son lit. Toi qui a un jour craché au visage même de ta soeur aîné et détruit le dix-septième anniversaire de ton frère ? Ne fais pas honte à cette petite fille là, je t’en prie.
- C’est pourtant toi qui m’as dit de faire attention, de me méfier et que...
- La prudence n’a jamais été synonyme de lâcheté Magda. Vas-tu tout gâcher alors que tu viens de faire un si grand pas en avant en résistant un mois durant ? Ce n’est pas le moment pour tes états d’âme voyons.
- Je te trouve bien froid avec ton choix de mots.
- Tu ne m’as pas appelé au beau milieu de la nuit pour entendre ce que tu voulais entendre. Tu m’as appelé parce que tu sais que malgré tout, je reste celui qui sais parmi tous ce que tu as besoin d’entendre. Tu peux le nier autant que tu veux, mais tu sais que j’ai raison. Voilà ce qui nous lie toi et moi. Je te connais par coeur.
- Et moi, je ne te reconnais plus et cela me fait peur.
Dis-moi Ambrose, as-tu déjà imaginé la possibilité que tout ceci se finisse bien ? Pour toi et pour moi ? Que le jeu se termine sur une note possitive et qu’au final, un long règne tranquille s’installe ? Parce que parfois, je me surprends à le rêver. Mais les rêves sont de bien douces chimères à chasser tandis que nos pieds sont fixés à même le sol dans notre amère réalité.
- Tu n’as pas besoin de me connaître.
- Sauras-tu au moins être honnête avec moi ?
- Je ferais du mieux de mes capacités, mais je ne promets rien. Magdalena, tu sais que dans ce monde...il y a des choses qu’il vaut mieux parfois ignorer. Toute la vérité n’est pas bonne à prendre et tout le savoir du monde est bien triste fardeau à porter. Tes épaules sont bien trop fragiles et frêles pour cette tâche là.
Il a raison, néanmoins, je ne partage pas son avis.
- Mais les épaules, Ambrose, ça se muscle avec le temps.
- Malheureusement le temps est une denrée bien rare pour nous qui sommes embarqués dans une course contre lui. Trois mois Magdalena, c’est ce que nous avions. Le premier vient de passer à une vitesse dépassant tout entendement et les deux suivants promettent de n’être guère très reposants.
- Alors on se reposera quand nous en aurons terminés avec cette absurdité.
Un large sourire traverse alors son visage.
- Là je te reconnais. Donc, je te repose la question: Que veux-tu exactement Magdalena ?
Gagner.
Je me demande vraiment comment Magdalena va faire pour rénover Célestia, parce que pour l'instant, on ne peut pas dire qu'elle est grandement avancée.
Et avec le duc qui est toujours dans les vapes ! Vivement son réveil, la princesse à besoin de lui, il sait la réconforter.
Ambrose ne m'a pas l'air méchant, mais j'espère qu'il ne va pas profiter de la situation pour contrôler Magdalena, c'est déjà assez compliqué pour elle comme ça !
Et Ambrose, once again ! \o/
Il est assez particulier dans le genre, mais j'aime cette complicité un peu ambigüe entre lui et Magdalena. C'est assez curieux et très cool comme dynamique :D
Je sens qu'on ne sait vraiment pas tout sur lui, alors je m'attends à changer d'avis à chaque fois sur lui haha :')
(toujours vivante xD)
Mais oui Ambrose <3 Il revient dans les coeurs ça me fait tellement plaisir de le faire apparaître car tout le monde peut avoir un avis biaisé sur lui depuis le départ
Une partie de moi a envie de savoir ce qu'il cache mais, d'un autre côté je ne peux m'empêcher de penser que la révélation de ce secret aura un impact sur certaines autres relations O.O
Après quant à ce qu'il cache...Wait and see :)