Chapitre 49 - Le sexe, comme une réponse

La crise d’angoisse et de larmes ne dura pas. Il me fallait en passer par là. J’avais anticipé mes propres réactions et bloqué toute spontanéité, m’inquiétant par après de cette froide léthargie dans laquelle je m’étais retrouvée coincée. Mélanie m’avait ramenée dans le monde des humains.

 

Il me restait à décider de la suite des événements. Bien plus tard, quand la sagesse eut enfin fait valoir ses droits, une image me vint, qui résume bien cette période. Il s’agit de celle du batracien, utilisée par tous les écologistes de la planète pour parler du réchauffement climatique qui ne déclenche que peu de réactions politiques. Si on plonge une grenouille dans un bocal rempli d’eau, et que l’on chauffe progressivement celui-ci, la grenouille va se laisser cuire sans réagir, alors que si on l’avait jetée directement dans de l’eau bouillante, elle serait sortie précipitamment du bocal, certainement pour s’enduire de biafine. J’étais dans mon bocal depuis début février, et je venais de passer le cap de la température limite, au-delà de laquelle le corps est en danger. Mais ce n’était qu’un degré de plus que le précédent, et il m’était imperceptible dans cette progression.

D’autre part, chaque nouveau pas rendait légitimes et cohérents les précédents. Pour citer le film « I, comme Icare » relatant l’expérience de Milgram : « s’il s’arrête, il reconnait implicitement qu’il a eu tort d’aller jusque-là ; en continuant, il justifie tout ce qu’il a fait jusqu’à présent ». A ce stade de mes activités érotiques rémunérées, il m’était moins douloureux d’assumer de les poursuivre que de les cesser.

 

Un peu fatiguée, j’allai en cours le vendredi matin et fus en week-end. J’avais rendez-vous au cinéma avec Éric pour 18 heures. Je passai l’après-midi chez moi à travailler, le portable de Lola allumé. Les deux appels attendus intervinrent.

Ce fut d’abord Martin. Je lui énonçai mes conditions : elles étaient les mêmes que pour Nicolas. J’étais prise par deux massages lundi entre midi et deux, donc nous convînmes de nous voir mardi soir pendant deux heures à 18h30, après sa journée de travail. Je lui suggérai l’hôtel de la veille : il était pratique d’accès, très intimiste, et j’y avais déjà pris quelques marques.

Puis le futur ballon d’or m’appela dans l’après-midi.

 

-Bonjour Kevin.

-Salut Lola. Je viens aux nouvelles.

-Ecoute, sous certaines conditions c’est d’accord.

-Dis-voir.

-Aucune pratique déviante, pas de trucs dégradants, et pas dans un endroit glauque. 

-Ouais mais tu me connais, maintenant, je ne suis pas une brute ni un pervers.

-J’entends bien, Kevin, mais je préférais que ce soit dit.

-T’as raison, je comprends. Et quel tarif demandes-tu ?

-Tu voudrais quoi exactement ? Qu’on se voie combien de temps, dans quelles conditions ?

-Ce qui me plairait, ce serait chez moi.

-Ah carrément.

-Tu sais, je suis célibataire, donc j’ai pas à me cacher de mes fréquentations.

-Et pour combien de temps ?

-Une nuit ?

-Oulah ! T’as le salaire de Cristiano Ronaldo, ou quoi ?

-Non, j’en suis très loin, mais ça va, je dois pouvoir me payer ça.

-Une nuit complète ?

-Une nuit où tu dors avec moi.

-Non, ça va faire un peu trop. Je veux bien une soirée et un début de nuit, mais pas jusqu’au matin.

-D’accord, alors disons de vingt heures à une heure du matin ?

-Oui, ça éventuellement. Mille cinq-cents euros.

-Adjugé.

-Bien… quand ça ?

-Ce week-end ?

-Non, pas le week-end.

-Jeudi soir, alors.

-Va pour jeudi soir.

 

Il me donna son adresse. C’était accessible en tram quoi qu’un peu excentré. Il me proposa de me déposer chez moi dans la nuit, quand nous aurions terminé. Il ne posa aucune autre condition.

 

Je réussis à convaincre Éric d’aller se divertir devant « Sur la piste du Marsupilami ». J’avais besoin de quelque chose de léger. Nous restâmes ensuite dans le bar du restaurant où nous dinâmes devant quelques bières avant de marcher en ville pour se diriger vers mon immeuble.

J’avais à la fois terriblement envie de lui, et peur de me confronter à nouveau au sexe. J’étais restée très simple dans ma tenue, et portais un jean et mon nouveau pull en cachemire très moulant, ainsi que des ballerines. A défaut de pouvoir regarder mes jambes, Éric avait été intrigué par cette façon de mettre en avant ma petite poitrine. Quand nous entrâmes dans l’ascenseur et que les portes se refermèrent, il attrapa mes deux seins par derrière.

 

-Hé, c’est quoi ces manières ?

-Ce pull, franchement, c’est insupportable.

-C’est qu’un 85B, n’en fais pas trop.

-Justement… discret et coquin… le couple parfait !

 

Il me sauta dessus sitôt que nous fûmes arrivés chez moi. J’avais craint que des images interfèrent. J’avais craint de voir le visage de Nicolas, de ressentir le même vide que lorsque le pénis courbé m’avait pénétrée. Mais tout se déroula comme si ces appréhensions s’étaient soudainement sublimées en avidité sexuelle. J’avais faim de sexe. Faim de prouver que tout allait bien, et que je pouvais gérer mon activité d’escort tout en menant une vie sexuelle épanouie. Je fus donc démonstrative, ne sachant qui exactement je tentais de convaincre.

 

Je me souvins d’une promesse que j’avais faite à Éric. Après quelques enlacements enthousiastes au cours desquels les premiers vêtements volèrent dans la pièce, je me retrouvai avec seulement mon pull et mon tanga. J’enlevai le boxer de mon partenaire en érection, et allai m’adosser contre mes oreillers. Je fis un petit signe à Éric pour qu’il reste à distance. Il s’immobilisa sans comprendre. J’enlevai mon tanga et serrai mes jambes l’une contre l’autre. Il jeta un coup d’œil à la rose ombrée qui cicatrisait avec succès au bas de ma cheville droite. J’ôtai alors le pull et le soutien-gorge.

Je me décontractai, laissant mon dos épouser les oreillers, et passai une main entre mes seins. Éric commença à comprendre, et s’immobilisa complètement, assis à l’autre extrémité de mon lit. Mes doigts vinrent tourner autour de mes mamelons, déclenchant quelques frissons. Puis ils agacèrent mes tétons, et ma peau se hérissa. Je fermai les yeux le temps que monte l’excitation, ce qui ne fut pas long. Mes mains caressèrent mes seins, elles connaissaient mon corps. Me savoir sous le regard de quelqu’un catalysa chaque sensation et mon souffle s’accéléra, tandis que des pulsations vinrent soulever mon ventre à intervalles de plus en plus rapprochés. J’ouvris les yeux. Éric me regardait, la verge verticale.

Mes jambes s’écartèrent l’une de l’autre. Éric eut le temps de remarquer que ma fente brillait dans la lumière de ma lampe de chevet. Mon autre main se glissa contre ma cuisse, suivant le galbe des chairs en direction des ombres duveteuses. Je verrouillai mon regard dans le sien, et il ne le quitta plus. Un de mes doigts se lova sur les contreforts humides, et glissa comme sur le lit d’une rivière en forêt, suivant le cours d’eau pour remonter à sa source. Mon corps gronda intérieurement son besoin de plaisir. Mes lèvres passèrent entre mon index et mon majeur, couvées par mon pouce qui en effleura les crêtes. Puis le mouvement s’inversa et mes doigts redescendirent la rivière. Ces allers et retours furent répétés à l’envie, jusqu’à ce que des premières contractions de plaisir m’arrachent un gémissement. Les yeux rivés sur mon corps, Éric alternait entre le spectacle brut de mes doigts sur mon intimité, et les émotions torrides offertes par mes yeux plantés dans les siens.

Mon sexe ne fut bientôt plus qu’une coulée continue de liqueurs épicées. Mon pouce joua avec mon clitoris, et je fis pénétrer le majeur en moi. Des décharges de plaisir explosèrent un peu partout dans mon corps affolé, comme des piqûres d’insectes sortis d’une ruche tous en même temps. J’agrandis encore l’écartement de mes deux jambes, exposant mon sexe grand ouvert au regard hypnotisé de mon compagnon.

Quelques mouvements suffirent. Les jeux de regard et le fantasme de l’exhibition amplifièrent mon émoi, et le majeur qui me masturbait sentit après quelques minutes les premières contractions l’envelopper avec sensualité. J’entrouvris ma bouche pour que mon souffle saccadé exprime la montée vers la petite mort. Éric posa une main sur mon pied gauche, celui qui n’était pas tatoué. Il ne se caressa pas, il sut patienter, nouant par ce geste immobile le seul contact entre lui et moi, prolongement de mon corps vers le sien. Mon ventre s’affola et je criai, alors que les contractions de mon vagin autour de mon majeur s’intensifiaient. Éric caressa ma cheville avec son pouce, geste mécanique mais d’une infinie tendresse. Le tonnerre gronda en moi, comme lorsque l’on augmente progressivement la puissance d’un amplificateur en attendant l’effet larsen. Des éclairs apparurent devant mes yeux restés trop longtemps ouverts, et l’orage éclata. Je fus comme propulsée en avant par un spasme qui m’arracha un gémissement, le son émis finissant en complainte épuisée. Mon buste se cambra, mes épaules se voûtèrent, et je jouis, un doigt en moi et une main arc-boutée sur mes seins dressés, face à face avec mon homme en pleine contemplation.        

 

Hey hey, they say I better get a chaperone

Because I can't stop messin' with the danger zone

Hey, I won't worry and I won't fret

Ain't no law against it yet

Oops, she bop, she bop

 

Éric n’osa pas parler. Son sexe était dur comme un menhir et je le sentis longer ma jambe quand il remonta vers moi pour prolonger mon orgasme solitaire en étreinte. J’étais moite, et son corps adhéra au mien. Il prit ma main dans la sienne, et goûta mon doigt, dégustant le nectar de mes saveurs intimes. Il se mit à genoux contre moi et m’embrassa à pleine bouche. Alors sa main droite enserra son pénis et il commença à se masturber. Je le pris dans mes bras, prolongeant le baiser. Au rythme de sa langue contre la mienne, je pouvais percevoir la pression qui montait en lui. Il fut vite au summum de l’excitation. Sans le regarder, je sentais son avant-bras imposer des mouvements rapides à sa verge débordant de désir et d’attente.

Quand le point de non-retour fut passé, il eut le réflexe de se dégager. Je resserrai mes bras plus fort autour de son cou, scellai mes lèvres aux siennes, et il comprit que je voulais qu’il jouisse tout contre moi. Sa langue arrêta de caresser la mienne, son avant-bras s’immobilisa, son corps se fit marbre, et deux jets tièdes strièrent mes cuisses et mon ventre.

 

Nous restâmes nus, et nous installâmes avec un café dans mon canapé, zappant sur les programmes du samedi soir. Il était assis et moi allongée sur le dos, mes jambes croisant les siennes à angle droit, qu’il caressait du bout des doigts, tout heureux de les avoir enfin pour lui tout seul, aussi longtemps qu’il le voudrait. Quand l’érection revint, il coupa le son et nous nous caressâmes, mutuellement cette fois-ci, avant que je ne m’assoie sur lui, face à face, empalée sur son pénis où je restai longuement, donnant des petits coups de reins réguliers tout en l’embrassant, comme si je m’étais masturbée sur un godemiché vivant. Nous n’eûmes pas envie de changer de position. Le sexe est aussi une affaire d’humeur. Enlacés l’un contre l’autre, nous fîmes durer le plaisir jusqu’à ce que mon sexe fût comme ankylosé par un mélange de plaisir qui montait lentement mais intensément, et de réaction aux frottements consentis pendant de longues minutes d’étreinte et de pénétration ininterrompue. Je vécus mon orgasme comme une scène au ralenti. J’eus l’impression de le voir arriver, détaillant chaque étape de façon quasiment pédagogique, si bien que je mis Éric dans la confidence, l’invitant à me rejoindre.

 

-Je vais jouir… laisse-toi aller.

 

Il me serra très fort contre lui, et quelques derniers va et viens sur le membre raide achevèrent mon basculement dans la déraison. Mes ongles s’enfoncèrent dans son cou, et je sentis ses doigts presser mes côtes, son torse écraser mes seins, et je perçus à nouveau, mais désormais à l’intérieur de moi, le délicieux épanchement masculin me témoigner sa reconnaissance.

 

Samedi matin, je me réveillai contre lui vers 9 heures. Il était tôt, mais je me sentais bien, alerte, vive. Éric bandait. Était-ce déjà l’érection matinale ? Était-ce un rêve érotique ? Était-il dans ses pensées secrètes en train de découvrir le corps sûrement irréprochable de Blake Lively dans un jacuzzi perdu au milieu d’une forêt norvégienne ? Je me glissai sous les draps. Nous avions dormi nus, dans la continuité de la soirée passée sans se rhabiller. Je pris le sexe dans ma bouche. Il portait encore mon goût. Je m’interrogeai sur le temps qu’il faudrait à son propriétaire pour se rendre compte qu’il ne rêvait pas, et que la fellation était bien réelle. Serait-il déçu que ce ne soit que moi, et non Blake Lively ?

La verge était très raide et très dure. Je m’étais souvent demandé si les érections matinales étaient viriles, ou seulement de petites montées timides vers le haut. Je pouvais sentir pulser contre ma langue la réponse à cette question. Le gland était assez sec. Peut-être avions-nous épuisé le liquide pré-séminal hier soir. Je laissai couler un peu de salive afin de bien lubrifier la surface à polir, et ma langue enroba avec tendresse la terminaison décalottée. J’étais allongée confortablement sur le ventre, une main caressant la hampe avec douceur.

Éric était réveillé, mais dans les brumes de l’entre-deux, et mit quelques instants à comprendre la situation. Nos regards se croisèrent et se suffirent. Il prit ma main libre dans la sienne et se laissa faire. Régénéré par la nuit et ses fantasmes assoupis, stimulé par l’effet de surprise du réveil érotique, mon amant ne put faire durer le plaisir au-delà du raisonnable. Mes coups de langue précis, mes caresses enveloppantes, la présence chaleureuse de ma main pressant la raideur du pénis dans quelques mouvements de rotation stimulants, et mes regards provocants eurent raison de lui. Sa main se crispa autour de la mienne, qu’il tenait toujours, et la verge expulsa sur ma langue le fruit de ma réussite, que j’allai évacuer dans ma salle de bain avant de revenir pour qu’Éric, sexe au repos, me prenne dans ses bras.

 

Après un copieux petit déjeuner, nous partîmes flâner en ville, dans l’agitation d’un samedi de début de printemps. Il faisait frais et le temps était nuageux, mais l’hiver s’était définitivement envolé, et l’air alentours était déjà imprégné des senteurs de la nature qui s’éveille. Éric acheta quelques de livres et vêtements, puis nous croisâmes une boutique de lingerie qui portait le nom d’un thé indien. J’aimais beaucoup cette chaîne qui savait proposer des ensembles originaux, de bon goût, dont certains étaient sexy en diable sans jamais tomber dans la vulgarité. Les prix avaient jusqu’à présent été trop élevés pour qu’une étudiante puisse y prendre ses habitudes, et je n’avais fait de folies dans l’une de ces enseignes que de façon très exceptionnelle. Mais les temps avaient changé.   

Nous entrâmes et Éric fut comme un gamin dans une boutique de bonbons. Je lus dans son regard qu’il tentait de deviner ce que chaque ensemble, chaque nuisette, chaque pièce vaporeuse pourrait avoir comme effet une fois posée sur moi.

Un ensemble retint mon attention. Il était composé d’un soutien-gorge et d’un shorty en voile et dentelle noire, créant un mélange de transparence soit par la finesse du voile, soit par l’effet ajouré de la dentelle. Celle-ci était striée de serpentins de couleurs vives, rouges, oranges ou jaunes, qui ondulaient dans des directions aléatoires. Je l’emmenai dans une cabine spacieuse, située au fond de la boutique. La vendeuse vint vérifier que tout allait bien puis Éric, qui avait disparu dans son magasin de friandises, toqua à la porte après que la commerçante fut repartie. Il tenait un body qu’il me tendit, les yeux brillants. Je le fis entrer dans la cabine et pris la pièce délicate. Elle était turquoise, et le haut était en foulard : deux pans de dentelle reposaient simplement sur les épaules, et recouvraient les seins en passant par-dessus, de part et d’autre d’une décolleté vertigineux dont la pointe semblait descendre jusqu’au nombril. Il n’y avait ni balconnet, ni bonnet. La poitrine était libre. Le dos était identique, les deux pans issus des épaules s’élargissant peu à peu pour rejoindre une partie en microfibres très douces au niveau de la taille, qui se terminait en un bas de forme tanga échancré du plus bel effet.

 

-Mais c’est mignon tout plein, ça, dis-je à mon amant.

-Je suis sûr que ça devrait être parfait sur toi, répondit-il en louchant sur le magnifique soutien-gorge que je portais encore.

 

Je me collai à lui pour l’embrasser et sentit son érection. Je me penchai et lui glissai une promesse à l’oreille, alors que mes seins gainés de dentelle appuyaient sur son bras.

 

-Il y a trop de monde, aujourd’hui, mais si ça te dit, un jour plus calme, dans cette cabine…

 

L’érection se consolida contre ma cuisse. Ce fut sa façon de me répondre. Il sortit, tentant de cacher avec son blouson l’étendue des dégâts qu’il s’était infligés à lui-même.

 

Je passai le body. Je fus surprise du résultat. J’avais craint qu’un 85B ne soit pas des plus adaptés pour une telle mise en avant. Au contraire, l’incroyable décolleté prenait des allures plus sages que si j’eusse arboré un bonnet supplémentaire, délivrant son message sensuel avec mystère, tout en exhibant de façon claire les contreforts des mamelons. Le décolleté s’achevait effectivement au niveau du nombril, attirant l’œil sur mon piercing qui accentuait d’une note piquante la fin du voyage. Le tanga dégageait avec élégance aussi bien le haut de mes cuisses que la naissance des fesses. La couleur, contre tout attente, ne jurait pas sur ma peau claire, mais en accentuait la pâleur de façon lumineuse. Ce vêtement osé réussissait à transformer en atouts les deux aspects de mon physique parfois difficiles à habiller. Mes seins exigus et ma peau diaphane n’avaient que rarement été aussi bien mis en valeur.

Préférant lui laisser l’effet de surprise, je ne montrai pas le résultat de ses recherches à l’homme en érection de l’autre côté de la porte close. Nous nous dirigeâmes vers la caisse où l’argent de Nicolas continua de s’évaporer tranquillement.

 

-Il est magnifique ce body, confirma la caissière.

-Oui, je l’adore.

-J’imagine qu’il va plaire à monsieur, dit-elle en regardant Éric, dont les yeux étaient ailleurs, loin, très loin.

-Vous n’imaginez pas à quel point, répondit-il.

 

Je crois qu’elle imaginait très bien à quel point.

 

Nous rentrâmes et je passai le body dans ma salle de bains. Quand il me vit entrer dans la pièce de mon studio, Éric ne put résister à l’envie de me prendre dans ses bras, et ses mains émues partirent explorer sa trouvaille. L’érection était revenue et pressait contre le bas du tanga turquoise.

 

-Tu es … parfaite !

 

Que ces mots sont doux à entendre dans la bouche de l'homme qui bande.

Il se déshabilla et nous nous retrouvâmes à nouveau sur mon lit. Éric était dans un état d’excitation tel qu’on eût pu imaginer qu’il avait derrière lui deux semaines d’abstinence. Grisée par la puissance de l’effet que je lui procurais, je fus à mon tour enivrée d’un désir violent et souverain. Éric glissa ses mains contre ma peau, entre les deux pans turquoise, et ses doigts effleurèrent les parties dévoilées de ma poitrine. Mes deux mains s’emparèrent du pénis ragaillardi, et le caressèrent avec autant de vigueur que de tendresse. Il m’embrassa dans le cou, et ses mains descendirent tout en bas, cherchèrent le bouton pressoir à l’entrejambe, et s’ouvrit les portes de la gloire. Il se glissa entre mes jambes qu’il leva pour les avoir tout contre lui, reposant sur ses épaules, et pénétra en moi. J’avais l’impression que son sexe n’avait jamais été aussi dur, aussi épais, aussi présent. Il écarta doucement les pièces de lingerie qui couraient sur mon buste, et libéra mes deux seins que le body contournait désormais par l’extérieur. Cette vision de ma poitrine nue mais enrobée avec volupté par la dentelle déchaîna le jeune homme dont les pulsions continues patientaient depuis l’entrée dans la boutique plus d’une heure plus tôt. Il écarta davantage mes jambes et me pénétra plus profondément, puis se déchaîna avec force dans des va et viens amples et tendus. Il aplatit tout son corps contre le mien, cambrant les reins pour donner de l’étendue à ses mouvements de bassin dont chacun envoyait des alertes de plaisir résonner jusque dans mes pieds, comme un ricochet qui ne s’arrête jamais. Ses mains entourèrent mon visage et la langue amoureuse prit ma bouche. Il resta ainsi quelques instants, me faisant l’amour avec puissance, sans retenue. Puis il se redressa et, arc-bouté sur ses poings posés sur les draps à la hauteur de mes seins, il donna de la vitesse, et se déchaina. Je sentais la verge entrer et sortir à toute allure, chaque pénétration étant remplacée par la suivante avant même que mon cerveau déphasé ne puisse l’interpréter. Le brouillard s’installa en moi. Un brouillard moite, concupiscent, gluant de sueur et de tous les fluides que le corps produit quand il s’abandonne au plaisir. J’entendais les bruits visqueux et érotiques de mon propre sexe répondre oui au mâle qui en avait pris possession. Je passai mes mains autour du cou d’Éric, comme pour ne pas tomber, dans le voyage vertigineux qu’il avait entrepris entre mes reins. A chaque entrée en moi du pénis, je sentais ses testicules frapper l’intérieur de mes cuisses, emportés dans l’élan par une force que plus aucune raison ne canalisait. Le brouillard se dissipa bientôt dans un éclat de lumière et je jouis, terrassée par la violence des pulsations qui me coupèrent le souffle, agrippée aux épaules de mon amant, cherchant sa bouche pour y enfouir ma langue. Éric continua quelques secondes son déferlement dans ma chair, transformant le plateau de mon orgasme en perte de contrôle absolu, quand le corps n’est plus défini que par ses terminaisons nerveuses et que chaque sensation s’y perpétue à l’infini. Enfin il se cambra, une main plaquée sur mes seins entourés de lingerie turquoise, et se déversa dans mes entrailles.             

 

Plus tard, alors que nous nous étions assoupis, Mélanie vint toquer. J’allai ouvrir, après avoir enfilé un peignoir par-dessus le body. Éric était quelque part entre l’éveil et le noir, et ne se rendit pas compte que je me levai.

 

-Salut Mélanie, chuchotai-je à la porte.

-Ah ok… je tombe mal.

-On n’était pas en train, t’inquiète.

-Fais-voir, me dit-elle en écartant le peignoir pour regarder dessous.

-Arrête, hé !

-Très joli. Acheté aujourd’hui ?

-Et étrenné dans la foulée.

-Tu vas mieux, ma poulette, dis donc.

-Oui, ça va.

-Je voulais vous proposer de sortir, si ça vous dit.

-Où ça ?

-Vincent a une soirée, je l’accompagne, donc si ça vous tente, vous vous joignez à nous.

-Mais il est quelle heure, là ?

-19 heures.

-C’est quand ta soirée ?

-21 heures. Je pars à 20h30 et je rejoins Vincent là-bas, c’est un pote à lui qui fête son anniversaire, je ne connais pas grand monde et c’est un peu portes ouvertes donc je me suis dit que ça serait sympa d’y aller ensemble.

-Je vois ça avec Éric. Passe vers 20h30, on te dira.

 

L’idée n’était pas mauvaise. Nous eûmes juste le temps de nous préparer. Après une nouvelle douche, j’enfilai le pull moulant en cachemire avec ma jupe à losange colorés, des collants opaques et mes escarpins beiges achetés la veille. Au fil de la fête, où nous dansâmes beaucoup, Éric se fit de plus en plus câlin. Je me demandai combien de fois ce jeune homme serait capable d’avoir envie de moi en vingt-quatre heures. La soirée achevée, Mélanie nous dit au revoir et partit avec Vincent. Éric et moi nous dirigeâmes vers sa chambre d’étudiant. Sitôt la porte refermée, je me collai à lui, glissant une jambe entre les siennes. Il n’était pas le seul à être insatiable. J’avais une envie de sexe sans cesse renouvelée.

Nous fîmes l’amour sur son lit inconfortable, finissant en levrette sur le bord, de peur que les grincements du matelas hors d’âge n’éveillent toute la résidence. Éric eut du mal à éjaculer une cinquième fois. Après que j’eus joui, il sortit de moi et je lui fis un massage. Il s’était déjà étonné que je susse faire de telles prouesses avec mes mains. Il en eut un nouvel aperçu. La verge finit par se laisser mener au firmament et une faible quantité de semence épaisse apparut enfin au bout d’un gland épuisé.

 

Vers deux heures du matin, je me rhabillai et appelai un taxi. Il n’y avait plus de tram et je devais partir tôt le lendemain pour aller voir Charlotte et mes parents et passer le dimanche avec eux. Dans la voiture qui me ramenait chez moi, je m’interrogeai sans répondre sur ce déferlement de sexe. J’avais d’abord cru que cela venait d’Éric, et il était évident que mon petit-ami ne rechignait pas face aux galipettes, bien au contraire. Mais à la réflexion, il me sembla que j’avais moi-même énormément provoqué son désir, et l’avais entretenu. Un besoin irrépressible de luxure avait guidé ces vingt-quatre heures charnelles. Était-ce de l’amour et du désir ? Une fuite vers l’exaltation du corps ? Une façon de prouver que Lola avait ses limites, elle qui n’avait pris aucun plaisir dans les bras de Nicolas ?

Je descendis du taxi et montai m’endormir parmi mes doutes, bientôt balayés par les appels d’un corps déjà en attente de nouvelles étreintes à venir. 

 

She bop, he bop, a we bop

I bop, you bop, a they bop

Be bop, be bop, a lu she bop

I hope he will understand

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Nightbringer
Posté le 24/08/2024
Coucou^^

Décidément, encore des chapitres pleins d'actions et d'émotions ! J'adore ta façon d'aborder des sujets lourds en ressentis, c'est touchant et très “réel” !^^

Je commence par quelques remarques, en fait presque essentiellement des petites fautes de frappe...

AU FIL DE LA LECTURE

CHAPITRE 44 ?

“Il passage sa main dessus, sans réelle tendresse, sans brutalité non plus.”
→ “passa” ?

“Thibaut embrassa généreusement ma poitrine, happant les tétons, les mains arquées vers l’arrière de la table pour effleurer mon dos, cherchant le contact avec tout ce qui fait de moi une femme.”
→ J'aurais plutôt mis “faisait”, à la fin de la phrase, pour une question de concordance...

“Je rentrai chez moi travailler. Mélanie avait dû m’entendre car elle toqua alors que je me tartinai la cheville de pommade.”
→ “tartinais”, plutôt ?

CHAPITRE 45

“-Tu as eu du mal à jouir, demandai-je une fois qu’il eût recouvré ses esprits ?”
→ Je crois qu'il faut plutôt écrire : “-Tu as eu du mal à jouir ? demandai-je une fois qu’il eût recouvré ses esprits.”

CHAPITRE 46

“Je sentais bien que je transformais cela une sorte de défi personnel, dans lequel l’argument de l’argent était présent sans être en première ligne […]”
→ “Je sentais bien que je transformais cela EN une sorte de défi personnel […]” ?

CHAPITRE 47 ?

“Il était très décolleté, l’ouverture étant étroite mais plongeant assez bas, jusqu’à la jonction entre les deux bonnets du soutien-gorge, dégageant un « V » étroit et indécis qui serpentait entre les seins.”
→ je relève une légère répétition du mot “étroit” ;)

“-Et peut-être qu’à l’occasion…
-A toi de voir. Tu connais mes conditions, désormais.
-Absolument.
-Je peux te poser une question ?
-Je t’en prie.
-Tu portais des bas ?”
→ Les troisième et quatrième répliques ne devraient pas être séparées, il me semble...

“Ma montre indiquait 14h07.
J’étais escort girl.”
→ J’aime beaucoup le mélange habituel/inhabituel^^
→ Maintenant que j'ai lu la suite, je me rends compte que cette phrase apporte un premier indice de la première réaction qu'elle a après le rendez-vous : aucuns sentiments, juste de l'indifférence.

CHAPITRE 48

“-Tu veux manger ?
-Euh j’en sais rien, il est encore tôt, là.
-Ok.
-Putain mais t’as fait un feu quelque part, c’est quoi cette température de malade ?
-Ben je sais pas j’ai froid, alors j’ai monté le chauffage.”
→ Idem, les troisième et quatrième répliques ne devraient pas être séparées je crois.

“Le pouvoir avait changé de camp.”
→ Waaa révélation ! Mais oui, logique ! Waw. Mélanie est un génie.

“-C’est pas UN appel oublié, c’est Éric !
Oui, bon, c’est pas la peine de me culpabiliser.”
→ Il manque le petit tiret de la réplique

“Seulement une jeune-fille en proie à sa prise de conscience tardive.”
→ “jeune fille” sans tiret ?

J’aime beaucoup ce chapitre !!! Il est très fort, et les réflexions de Léa sur son rapport à Lola sont très intéressantes, et en même temps amènent à se questionner. C'est très philosophique, finalement !

CHAPITRE 49

“quand le corps n’est plus défini que par ses terminaisons nerveuses et que chaque sensation s’y perpétue à l’infini”
→ Waa c’est vraiment très bien trouvé, j’adore la formulation !


COMMENTAIRE

Tu écris, comme toujours, cela avec un style fluide, et un profond respect de tes personnages. Je ne sais pas comment dire, mais c'est comme une compréhension, c'est une considération de leur valeur, et cela me semble très important lorsque l'on aborde des sujets comme ceux-ci. C'est super !

Comme je l'ai dit plus haut, tu apportes des sujets de pensées très pertinents, et le ressenti de Léa face à ce qu'elle a fait est poignant. Tu décris de façon complète et réaliste toute la psychologie du personnage ! Et la scène avec Mélanie est si touchante...

L'état de Léa, dans une sorte de semi-conscience de ce qu'elle fait, une semi-acceptation aussi, rend ses pensées hésitantes, ce qui rend également le lecteur hésitant sur sa position quant au comportement de la jeune femme. À nouveau, elle se laisse aller à quatre achats compulsifs ! Et ces achats jouent un rôle capital dans la compréhension de la pensée de Léa, de sa réaction à son acte... Encore une fois, le récit nous surprend tout en restant dans une cohérence parfaite ! :))

La réflexion qu'a Léa quant au fait qu'elle pourrait simplement cloisonner ses deux vies fait clairement écho à la pensée qu'elle avait eu auparavant et qui avait plus ou moins déjà été démentie, ce qui me laisse penser qu'elle se croit capable d'une chose qu'elle sait impossible... Ce n'est pas très rassurant quant à la suite, et ma curiosité quant à la suite du roman ne fait qu'accroître !

À tout vite !^^
Lealaparisienne
Posté le 24/08/2024
Coucou.
Merci pour les relevés des fautes de frappes et petites coquilles (et pour les nouveaux compliments).

Oui, la psychologie de Léa s'affine à la fois dans les actes qui sont les siens et dans l'analyse qu'elle tente d'en faire, ou que d'autres (Mélanie, mais pas que) font également. Toute l'ambivalence de Léa tient dans ce cercle vicieux qui veut que son intelligence lui permette de "piger" qu'elle déconne mais lui facilite aussi la fuite en avant avec une rhétorique bien à elle, mélange de mauvaise foi, d'orgueil, et de volonté de laisser derrière elle la gentille étudiante lisse dont elle veut se défaire.
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