La route de l’est sur laquelle ils avançaient depuis le matin serpentait entre les sommets des montagnes Centrales, de temps à autre la chaine de montagne au sud s’écartait pour laisser entrevoir la forêt Bleue. Comme il respirait toujours, le prince en profita pour engager la conversation :
- Alors Magnamon, comment es-tu arrivé dans l’Empire ?
- L’Empire ? c’est la plaine à l’ouest du grand lac ?
- En partie oui ! répondit le nain surpris que son interlocuteur en sache si peu sur le monde des hommes, il poursuivit d’un ton professoral. L’empire recouvre bien plus de terre que cela, il s’étend à l’ouest jusqu’à l’océan, au nord jusqu’à la mer… hé bien la mer du Nord, dit-il en toussotant un peu gêné par ce manque d’originalité. Et au sud jusqu’à la mer des écueils.
- Je ne connais aucun de ces endroits, mais pour répondre à ta question, nous sommes arrivés dans la grande plaine par bateau, nos amis vivant à l’est du grand lac nous ont montré comment les construire.
- Vos amis à l’est étaient des minotaures également ? demanda Jorka.
- Non, c’étaient des hommes, ils venaient de deux clans, le clan Faujir et le clan des Guérisseurs.
Le nain rumina cette information, le clan ou plutôt la maison des Guérisseurs était la famille royale d’un petit royaume qui entretenait de bonne relation avec le haut roi des nains, mais le commerce était exclusif avec la citadelle de Gorm. Jorka ne connaissait donc pas personnellement ce royaume ni ses dirigeants. En passant à coté des pics jumeaux dit des « oreilles de loup », Jorka se remémorât la vielle bataille durant laquelle son peuple fît face aux elfes des profondeurs, alors que toutes les armées de l’empire avaient fui derrière les hautes murailles de leurs villes.
- Magnamon, sais-tu qu’entre ces deux pics rocheux que nous appelons les « oreilles du loup », mes ancêtres ont combattu des créatures venues des profondeurs et nommées les elfes noirs ? Nous seuls avons tenu bon alors que les impériaux fuyaient.
L’idée de voir les humains de l’Empire fuir avait éveillé l’intérêt du minotaure qui ralentit le pas pour écouter.
- Les miens avaient envoyé une armée soutenir les forces impériales situées au nord sous le commandement du comte de Pirande, mais une mauvaise coordination a conduit la bataille à un vrai désastre. Les miens ont donc été forcés d’abandonner leur artillerie de campagne et de reculer toute la nuit durant pour se rapprocher des montagnes, avec la cavalerie des elfes noirs sur les talons. Ils ont été encerclés sur les plateaux de la Tête de loup. Pensant s’offrir une victoire facile car le nombre était largement en leur faveur, les elfes noirs ont monté le camp pour se reposer et attendre que le soleil se couche car sa lumière est pour eux la pire des choses.
- À quoi ressemble un camp d’elfe noir ? demanda le minotaure.
Jorka prit un instant pour décrire les tentes de tissu noires, des chevaux si cruellement dressés qu’ils n’étaient ni attachés, ni enfermés dans un enclos, les lances d’ébènes et l’acier noir des armures. Puis il poursuivit son récit :
- Un courageux courrier a couru tout le long de « la queue du loup », une passe étroite pour prévenir le roi de Kardhir qui a immédiatement prit la tête d’une milice d’arbalétriers. Et crois-moi ou pas, ils ont même emporté des scorpions. La passe fut une épreuve terrible et nombre de nains sont tombés dans le vide car s’arrêter ou même ralentir était impossible. Ils ont atteint le plateau avec la tombée de la nuit, le brave courrier qui avait fait l’aller et le retour pour montrer le chemin est mort d’épuisement en arrivant.
- Un courrier c’est un messager ?
Le prince expliqua brièvement la différence entre un simple messager et un courrier de l’armée royal capable de courir pendant des heures sans s’arrêter et en ne mangeant presque pas.
- Moins d’une heure après l’arrivée des renforts, les elfes noirs ont attaqué. Leur cavalerie a été cueillie par les tirs de scorpion et par les carreaux des arbalètes tandis qu’ils gravissaient avec peine les flancs du plateau. C’était la panique générale ! Ils ont bien essayé de battre en retraite, mais le général des elfes noirs avait tellement anticipé sa victoire qu’il avait déjà fait avancer son infanterie. Les cavaliers et les fantassins se sont percutés dans la plus grande confusion ; les arbalétriers ont avancé et recommencé à tirer ajoutant à la cacophonie.
Jorka s’était laissé emporter, passionné, il avait monté le ton et sa voix se répercuta bruyamment contre les parois rocheuses.
- Ce général était bien prétentieux ! se moqua Magnamon.
- C’est ce qu’ils font de mieux, être prétentieux et se croire meilleur que tout le monde, encouragea Jorka avec un sourire. Enfin ça et tuer ! ajouta sombrement le nain.
Le nain se racla la gorge, son exil lui avait fait perdre l’habitude des longues conversations, il conclut donc :
- En dernier le roi de Kardhir a mené la charge avec toute l’armée naine à ses côtés. Le choc s’est produit en bas de la pente et toute la montagne en a raisonné. Les fantassins désorganisés n’ont pas pu résister et leur ligne s’est brisée, tous se sont enfuis, sauf leur général. Ce sagouin savait qu’il ne survivrait pas à sa défaite, même s’il avait réussi à s’enfuir avec ses soldats. Il a donc défié le roi en duel et il s’est fait écraser la tête par Guthram le marteleur. Mon propre grand-père Allaryk a participé à cette charge, il était Capitaine des boucliers d’argent de Kardhir à l’époque.
Le prince pris un instant pour laisser retomber son histoire. Puis Magnamon déclara de sa voix grave :
- C’est une belle victoire, mais pourquoi ton peuple vole-t-il au secours de ces barbares d’impériaux ?
- L’empire est notre allié... plus ou moins. Mais surtout les elfes noirs étaient en train d’attaquer notre capitale par les sous-sols, nous ne voulions pas d’ennemi à la surface en plus.
- Vos rois raisonnement finement, repris le minotaure l’air impressionné par la clairvoyance stratégique des rois nains.
Jorka avait instinctivement pris la route de l’est sachant que celle de l’ouest rapprochait trop de l’empire pour qu’une créature chassée dans ce dernier ne souhaite s’y aventurer. Il était conforté dans son raisonnement par le fait que Magnamon et son clan connaissent les maisons régnantes de Tal’AMORTH. Il demanda au minotaure s’il saurait retrouver ses amis de la maison Faujir, ce dernier acquiesça et ils continuèrent à marcher.
- Ces elfes noirs, ceux de ton clan en ont déjà parlé. Qui sont-ils ? Demanda Magnamon.
- Une sacrée saloperie grommela le nain dans sa barbe.
En conversant les deux compagnons oublièrent le temps et furent surpris par la tombée de la nuit.
Bon pas grand chose à dire sur ce chapitre sinon que la troisième peuplade de ton univers (les elfes noirs) m'intéresse beaucoup, j'ai hâte de voir ce que tu vas en faire.
Quelques remarques :
"Non, c’était des hommes" c'étaient
"les armées de l’empire avaient fuit" -> fui
"L’empire est notre allier" -> notre allié