Le silence tomba comme une chape de plomb, étouffant jusqu’au moindre souffle. L’instant était suspendu, une bulle fragile entre stupeur et tension. Sous les regards ébahis, le corps du minotaure se désagrégea en une poussière sombre que le vent dispersa sans état d’âme.
Le loup monstrueux s’immobilisa aussitôt, ses prunelles écarlates rivées sur Agatha avec une intensité menaçante. Mais ce fut l’homme aux yeux de sang qui attira toute l’attention. D’un geste nonchalant, il épousseta son manteau sombre, comme si le chaos alentour n’était qu’un inconvénient passager.
— Ah… Voilà donc les renforts, murmura-t-il d’une voix traînante, son regard perçant s’accrochant à Agatha. Oh… mais ne serait-ce pas la grande Agatha Cole ?
— Je n’ai pas l’honneur de vous connaître, répondit-elle froidement. Pourriez-vous décliner votre identité ?
Un sourire étira les lèvres de l’homme.
— Je crains que non, madame. Mon nom m’appartient.
— Quel dommage… avec de si beaux yeux, fit-elle remarquer, un brin moqueuse.
Il laissa échapper un petit rire, un éclat d’ironie traversant son regard.
— Donnez-moi le fils du Soleil, madame Cole.
— Oh… Vous devriez peut-être attendre le lever du jour pour vous adresser au Soleil lui-même, répondit-elle, l’air faussement songeur.
Un silence pesant s’installa. Jordan, Tess et Milo retinrent leur souffle.
L’homme haussa un sourcil amusé, mais un éclat plus sombre passa dans ses yeux. Agatha, elle, s’avança de quelques pas, son manteau léger ondulant comme s’il flottait sur une brise invisible. Son regard, perçant et impassible, balaya les adolescents, puis les créatures ténébreuses qui les cernaient.
— Jordan, Tess, Milo… Vous allez bien ? demanda-t-elle d’une voix posée, mais empreinte d’une autorité indiscutable.
— Grand-mère ? souffla Jordan, stupéfait. Comment…
— Comment avez-vous fait ça ? ajouta Milo, encore sous le choc.
L’homme claqua des doigts.
Les créatures restantes bondirent aussitôt, mais avant qu’elles ne puissent frapper, Agatha leva la main. Une onde de lumière éclata autour d’elle, formant un mur d’énergie qui repoussa violemment les assaillants. Le loup géant roula sur plusieurs mètres, heurtant un lampadaire qui s’effondra dans un fracas métallique.
— Assez, déclara-t-elle d’une voix tranchante.
L’air crépita, saturé d’électricité statique. Sans crier gare, Agatha fit un geste rapide. Une lance de lumière jaillit de sa paume et fusa vers l’homme aux yeux rouges. Il esquiva d’un bond arrière, son sourire s’effaçant légèrement.
— Intéressant… Vous êtes à la hauteur de votre réputation, concéda-t-il. Il semblerait que tous les héros ne soient pas une déception.
— Je n’en dirais pas autant de vous, répliqua Agatha. Je croyais que les aberrations de votre espèce étaient plus puissantes. Pourquoi choisir cette voie ?
L’homme pencha la tête, un éclat de fierté illuminant son regard.
— Nous luttons pour le plus grand bien. Et pourtant, vous nous traitez d’aberrations. Tant que nous vivrons sous leurs règles, la guerre ne cessera jamais.
— L’Immateriel… soupira Agatha. À chaque époque, il y en a pour suivre cette voie. Et cela se termine toujours de la même manière.
L’homme serra les poings.
— Toujours des gens pour suivre cette voie ?! Il n’y a jamais eu que nous. Les seuls qui combattent pour la justice. Les seuls qui se battent pour un monde égalitaire. Les seuls, oui… les seuls qui veulent la paix !
— Oh, laissez-moi le temps d’éclater de rire, fit Agatha avec sarcasme. La paix, en suivant le chemin de l’Immateriel ?
Le regard du mystérieux adversaire s’assombrit.
— Le temps viendra, madame Cole. Et vous verrez que nous avions raison. Enfin… si vous êtes encore là.
D’un mouvement fluide, il posa sa main sur le sol. Immédiatement, son ombre s’étendit, déformant la réalité. Des tentacules noires surgirent du néant, fouettant l’air avec une violence inouïe. L’un d’eux s’abattit sur un arbre, le réduisant en miettes dans un craquement sinistre.
— Derrière moi ! ordonna Agatha.
Jordan, Tess et Milo obéirent sans hésiter. Une barrière dorée s’éleva autour d’eux, absorbant les chocs des ombres enragées. L’une d’elles s’écrasa contre la protection, envoyant une onde de choc qui fit trembler le sol.
Mais Agatha ne comptait pas s’arrêter là.
Elle bondit dans les airs, levant les bras vers le ciel. En réponse, des éclairs zébrèrent les nuages et convergèrent vers elle avant d’être libérés en un faisceau aveuglant. La foudre s’abattit sur leur ennemi, illuminant la nuit comme en plein jour. Avant même que la poussière ne retombe, elle pivota et, d’un simple geste, fit exploser les créatures restantes. Elles furent consumées par des flammes dorées, hurlant tandis qu’elles disparaissaient dans le néant.
Jordan, tremblant, observait la scène, fasciné. Était-ce cela, le véritable pouvoir ? Pourrait-il un jour atteindre un tel niveau ?
Un souffle rauque s’éleva des ruines de l’impact. Lorsque la poussière se dissipa, l’homme aux yeux rouges était toujours debout. Son manteau en lambeaux, sa peau marquée de brûlures… mais un sourire cruel sur les lèvres.
— Impressionnant, admit-il en essuyant une goutte de sang sur sa joue. Mais… insuffisant.
Il tendit une main vers Jordan, et une force invisible l’attira violemment à lui.
— NON ! s’écrièrent Tess et Milo.
Agatha fut plus rapide. Elle bondit, s’interposa entre Jordan et l’ennemi, et brisa l’attraction d’une onde de choc lumineuse. Un halo doré entoura Jordan, le libérant de cette emprise maléfique.
— Vous ne pouvez pas me surpasser, déclara l’homme, le sourire teinté de frustration.
Dans un ultime assaut, il lança une pluie de lames d’ombre. Agatha traça un cercle dans l’air et une barrière de lumière jaillit, interceptant les projectiles. Mais l’homme avait anticipé. Il réapparut derrière elle, un dard noirci jaillissant de son poignet, prêt à frapper.
Jordan cria, mais Agatha pivota au dernier instant et attrapa l’arme à mains nues. Une déflagration d’énergie pure explosa à l’impact, projetant l’homme contre un mur fissuré par la bataille.
Il grogna, se redressa péniblement… puis recula d’un pas. Son ombre s’élargit sous lui.
— On se reverra, vieille dame. Et à bientôt… fils du Soleil.
Dans un tourbillon d’ombres, il disparut, ne laissant derrière lui qu’un écho de vapeur noire.
Jordan, encore sous le choc, balaya la rue du regard.
— Grand-mère… Où sont les gens ? Pourquoi personne ne sort ?
— Elle a dû dresser une barrière spatio-temporelle, expliqua Tess, fascinée. Nous sommes là… sans vraiment l’être.
Jordan fixa Tess, les sourcils froncés. — Tess… Comment tu sais tout ça ?
Avant qu'elle ne puisse répondre, Agatha l'interrompit d'un ton sec : — Nous parlerons plus tard. Pour l'instant, nous devons rentrer. Tenez-moi tous par la main.
Sans discuter, Jordan, Tess et Milo obéirent. À peine leurs doigts touchèrent-ils le tissu du manteau d'Agatha que la rue s'effaça dans un tourbillon d'énergie. L'instant d'après, ils se retrouvèrent dans le salon de la maison Cole.
Milo, livide, se laissa tomber sur le canapé, son regard perdu dans le vide. Tout ce qu'il venait de vivre lui paraissait irréel. L'homme aux yeux rouges, la bataille, Jordan projetant un adversaire sans le toucher, Agatha invoquant la foudre… C'était insensé.
— Qui… Qui êtes-vous ? balbutia-t-il. Plutôt… qu'est-ce que vous êtes ? Des monstres ?
— Milo… tenta Jordan en s'approchant.
— Ne t'approche pas ! hurla Milo, reculant instinctivement. Les gens normaux ne font pas ce que vous avez fait !
Agatha roula des yeux et se détourna. — Les gens normaux disent aussi merci quand on leur sauve la vie.
Elle tourna les talons et monta les escaliers sans un regard en arrière. — Jordan, tu as du temps. Explique-lui.
Jordan jeta un coup d'œil vers Tess, puis s'assit face à Milo. Il inspira profondément.
— Très bien. Écoute-moi.
Et il se mit à raconter.
Il parla de ses parents, de leur histoire, de ses origines elfiques qu'il n'avait découvertes que récemment. Il parla d'Agatha, de son grand-père, de ce qu'il savait de son propre héritage. À mesure qu'il parlait, Milo écoutait, fasciné malgré lui. Son expression oscillait entre incrédulité et peur, tandis que Tess, elle, semblait presque satisfaite, comme si tout cela confirmait ce qu'elle savait déjà.
Quand Jordan eut fini, il se tourna vers elle. — Tess… Comment ça se fait que tu ne sois pas au courant pour moi ?
Milo, intrigué, leva les yeux vers la jeune fille.
— Ma mère est une mage, tout comme ma sœur. Et… tout comme moi, maintenant.
Elle tendit la main vers la table basse. Une minuscule onde de magie émana de ses doigts… et la table se fendit en deux.
Milo sursauta violemment.
— Oups, fit Tess, l'air désolé.
Jordan haussa un sourcil. — Attends… Tu savais pour ma grand-mère et moi ?
— Pour Agatha, bien sûr ! Qui ne la connaît pas ? Mais toi, je pensais que tu n'avais aucun pouvoir magique.
— Et tu ne m'as jamais rien dit ?
— Ma mère me l'a interdit, répondit-elle simplement.
Milo, encore sous le choc, secoua la tête. — Donc… vous êtes tous les deux des sorciers ?
Tess haussa un sourcil. — Dis plutôt mages.
— Et moi… Moi je suis quoi, alors ? gronda Milo. Le simple mortel de service ?
Jordan soupira. — Milo, arrête…
— Non, je veux comprendre ! Jordan, tu n'es même pas humain ! Ton père est un elfe, ta mère aussi… Donc toi, t'es pas humain !
Jordan croisa les bras. — Et alors ?
— Alors, tout ça, c'est dingue ! cria Milo. Depuis qu'on est gosses, on parlait de magie, d'aventures… Mais là, c'est réel ! Et moi, je suis juste… rien. Qu'est-ce que je suis censé faire, moi ?
Tess posa une main sur son épaule. — Milo, tu restes notre ami.
— Super. Et quand un autre cinglé nous attaquera ? Qu'est-ce que je vais faire, hein ?
À ce moment-là, les vitres du salon explosèrent.
— Assez ! tonna la voix d'Agatha.
Un silence assourdissant suivit l'explosion. D'un simple geste de la main, Agatha répara les dégâts. Les éclats de verre flottèrent dans les airs avant de se replacer dans les fenêtres comme si rien ne s'était passé.
— Vous croyez que hurler réglera quoi que ce soit ? gronda-t-elle.
Milo, tremblant, serra les poings. — Je veux rentrer chez moi, Madame Cole.
Agatha le fixa un instant, impassible. — Pas ce soir. J'ai prévenu ta mère que tu restais ici.
— Mais…
Jordan leva les yeux au ciel. — Grand-mère, laisse-le partir s'il veut.
Le regard d'Agatha s'assombrit. Puis, d'un claquement de doigts, elle fit disparaître la bouche de Jordan.
Jordan ouvrit de grands yeux, tentant de toucher son visage. Mais il n'avait plus de bouche.
— MILO, reprit Agatha d'une voix plus douce, tu es en sécurité ici. Rentre demain. En attendant, le Capitaine Strauss surveille les environs.
Milo déglutit. L'atmosphère dans la pièce était devenue glaciale. Tess, silencieuse, fixait Jordan qui tentait de marmonner sans succès.
Finalement, Milo hocha la tête.
— D'accord.
Agatha claqua des doigts une seconde fois. La bouche de Jordan réapparut instantanément.
— T'es malade, mamie ! s'exclama-t-il en se touchant la bouche.
Agatha esquissa un sourire amusé. — Ça t'apprendra à réfléchir avant de parler.
Puis elle pivota sur ses talons et s'éloigna.
Jordan et Milo s'échangèrent un regard lourd de sens. Tess soupira, avant de s'étirer. — Eh bien, quelle soirée…
Jordan ne répondit rien. Il savait qu'il allait avoir du mal à dormir cette nuit. Et pourtant, il ne pouvait s'empêcher d'attendre la suite avec une impatience teintée d'appréhension.
— Ma mère dit qu’on ne peut pas lui faire confiance… Il est lié au massacre d’il y a dix ans, lança Milo, les poings serrés.
— Gabriel… Enfin, le Capitaine Strauss, est un homme de confiance. C’est un ami, affirma Agatha.
— Lui aussi est un…
— Non, mais il sait se défendre.
À cet instant, la bouche de Jordan réapparut.
— Tu devrais peut-être modifier ses souvenirs, suggéra-t-il.
— Quoi ?! s’étouffa Milo.
— Je ne ferai pas ça, répondit Agatha d’un ton catégorique.
— Mais il n’aurait plus à être terrifié comme il l’est !
— Je t’ai dit non, inutile d’insister.
— Madame Cole, intervint Tess, je crois que Jordan a raison… Milo serait plus en sécurité s’il ne savait rien.
— On ne protège personne en cachant la vérité, coupa Agatha.
— Alors pourquoi tu me caches des choses ? lança Jordan.
— Ce n’est pas la même chose.
— Je ne suis pas idiot, grand-mère. Je sais que Gabriel et toi…
— Assez, Jordan ! Ce que je fais avec Gabriel ne te regarde pas, répéta-t-elle d’un ton sec.
— Mais je sais que si…
Agatha ne répondit pas immédiatement. Elle lui jeta un regard agacé, puis déclara d’une voix plus posée :
— J’ai parlé avec ton grand-père. Nous organisons ton départ pour demain.
— Demain ?! Je croyais que les cours ne commençaient que dans deux semaines.
— Oui, et moi, je pensais que tu n’aurais à craindre les Déviants et autres menaces qu’à partir de demain.
— Tu vois ? Tu me caches encore des choses !
— Jordan, assez. Je ne veux pas en discuter.
— Ça veut dire quoi, "fils du soleil" ? demanda Jordan, les yeux plissés.
— Est-ce que j’ai l’habitude de traîner avec des fanatiques ? répliqua Agatha avec ironie.
— Mais grand-mère, tu as dit que…
— Assez ! Je ne veux pas en entendre parler.
— Mais…
— Va dans ta chambre, ordonna-t-elle.
— Quoi ?! Mais je n’ai rien fait de mal ! Où est Gabriel ? Pourquoi me le cachez-vous ? Je veux savoir !
— Jordan, arrête, dit Tess en posant une main sur son bras.
— Non ! Je veux comprendre. Tout ceci a un rapport avec la mort de papa, pas vrai ? Avec mon soi-disant sang au pouvoir incroyable ? Mais d’après mes recherches, les descendants des sages elfes n’ont jamais rien montré d’exceptionnel… Hormis leur tendance à se croire importants. Alors pourquoi serais-je différent ?
Agatha le fixa longuement, puis soupira avant de lâcher d’une voix plus calme :
— Parce que c’est différent pour ta sœur et toi. Vous avez manifesté vos aptitudes bien trop jeunes.
Elle marqua une pause, puis ajouta d’un ton plus doux :
— Je te promets de t’en parler… quand j’en saurai davantage. Mais pour l’instant, s’il te plaît, pas de questions.
Jordan ne sut pas quoi répondre. Une vague de déception le submergea. Sa grand-mère ne lui faisait-elle pas assez confiance pour lui parler de lui-même ? Mais ce qui le dérangeait encore plus, c’était cette idée qui s’imposait peu à peu dans son esprit : quelque part dans le monde, quelqu’un voulait soit s’en prendre à lui, soit se servir de lui.
Pensait-elle qu’il se mettrait lui-même en danger s’il savait la vérité ? Peut-être que le simple fait de connaître la signification du « fils du soleil » donnait envie de s’en rendre à lui, comme l’homme de tout à l’heure… comme sa grand-mère qui lui lançait des regards noirs… ou encore comme Milo, en colère rien qu’à l’évocation de ce mot.
Pour la première fois de sa vie, Jordan ressentit une envie irrépressible de disparaître. De franchir le voile. Il savait que, de l’autre côté, quelqu’un ressentait peut-être la même chose que lui.
— Je vais dans ma chambre, dit-il en jetant un dernier regard à Agatha.
— On ferait mieux de le suivre, lança Tess avant de se tourner vers Milo. Tu viens ?
Elle se leva du fauteuil, mais Milo ne bougea pas. Il baissa la tête, fixant le sol comme si celui-ci pouvait lui donner une réponse.
— Je… je préfère rester ici, murmura-t-il.
Paf ! Un bruit de verre cassé retentit au loin.
— Laisse-le, Tess. C’est un crétin, lâcha Jordan en montant les escaliers.
Arrivé dans sa chambre, il se laissa tomber sur son lit.
— Eh bien, qui l’eût cru ? Ta chambre est rangée ! fit remarquer Tess en franchissant la porte.
Elle observa la pièce avec un sourire espiègle, ouvrit un placard, puis un autre, cherchant probablement une trace de désordre.
— Tu peux arrêter de fouiller partout, s’il te plaît ? grogna Jordan.
— D’accord, j’arrête, dit-elle en riant avant de venir s’asseoir à côté de lui. Jordan, ajouta-t-elle plus sérieusement, ne sois pas trop dur avec Milo. Il est juste sous le choc.
— C’est un crétin.
— Oui, d’accord, c’est un crétin. Mais toi aussi, tu ressens la même chose vis-à-vis de ta grand-mère, non ?
— Ce n’est pas du tout pareil.
— Si, ça l’est, et tu le sais.
Jordan détourna le regard.
— Bon, peu importe, lâcha-t-il en s’asseyant à son tour.
Tess s’étira et s’allongea sur le lit, un sourire aux lèvres.
— Alors, enthousiaste pour demain ? Moi, je dois encore attendre deux semaines… J’ai tellement envie d’accélérer mon autorisation de passage.
— Une autorisation de passage ? répéta Jordan, intrigué.
— Bah oui, t’es bête ou quoi ? Tu crois que n’importe qui peut traverser le voile, n’importe quand ?
— Maintenant que tu le dis… répondit-il en pensant à sa mère, qui n’était jamais venue.
Ils restèrent ensuite assis sur le lit, à discuter pendant des heures, imaginant à quoi pourrait ressembler leur nouvelle vie dans un monde fait de magie. Enfin… surtout Tess parlait. Jordan, lui, écoutait.
Il avait toujours abordé les choses avec appréhension, incapable de s’émerveiller pleinement de la situation. Mais l’enthousiasme de Tess était contagieux. Chaque mot, chaque geste qu’elle mimait donnait un peu plus envie à Jordan d’y aller. Surtout qu’elle serait là, elle aussi. Certes, pas dans la même école, mais ils pourraient toujours se voir.
Et puis… il n’avait jamais pensé à ça. Dans ce monde, il ne serait plus le garçon étrange. Là-bas, tout le monde serait aussi bizarre que lui… voire plus.
Sans prévenir, des anneaux de lumière apparurent autour de Jordan, l’enveloppant dans un halo scintillant sous le regard émerveillé de Tess. Puis, en un instant, ils disparurent.
— Joyeux anniversaire, Jordan ! s’écria-t-elle avec un immense sourire.
Jordan sourit à son tour avant de murmurer :
— Aeris Vis.
Aussitôt, Tess s’éleva dans les airs, portée par un vent invisible. Elle éclata de rire, et Jordan l’accompagna, amusé par l’apesanteur soudaine de son amie. Pris d’une soudaine excitation, il s’amusa à faire voler plusieurs objets dans la pièce, les faisant tournoyer autour d’eux comme dans une danse enchantée.
Mais au dixième objet, il eut un crac, suivi d’un fracas assourdissant : la fenêtre venait d’exploser.
— Dimitte, prononça calmement la voix d’Agatha depuis l’embrasure de la porte.
Tess redescendit doucement, ainsi que les objets flottants, qui se posèrent délicatement au sol.
Jordan et Tess échangèrent un regard… avant d’éclater de rire à nouveau.
— Je ne vois pas ce qui vous amuse, dit Agatha en esquissant un léger sourire. Évitez de jouer avec votre magie ainsi. Certes, elle s’est stabilisée avec vos quinze ans, mais, tant qu’elle n’est pas maîtrisée, elle fera encore plus de dégâts.
— Illuminare, osa alors Tess en écartant les mains.
Une petite sphère lumineuse apparut, puis se divisa en une multitude d’autres, flottant comme des lucioles dans la chambre.
— J’avais oublié que tu avais déjà quinze ans, toi aussi, fit remarquer Jordan, fasciné.
Tess sourit malicieusement et, d’un geste fluide, les petites sphères se réunirent pour ne plus former qu’une seule orbe éclatante… qui explosa dans un éclair de lumière aveuglant.
— Vous voyez ce que je veux dire par "aucun contrôle" ? soupira Agatha en absorbant l’excédent de lumière dans la paume de sa main.
Jordan et Tess rirent encore, comme deux enfants pris en flagrant délit.
En tournant la tête vers la porte, ils remarquèrent alors Milo, caché derrière Agatha, l’air hésitant.
— Viens, Milo, ne reste pas là, l’invita Tess avec douceur.
Mais, gêné, Milo détourna les yeux avant de faire volte-face et de dévaler les escaliers quatre à quatre.
— Il a juste besoin de temps, expliqua Agatha avant de se tourner vers Jordan. Joyeux anniversaire, Jordan. Ne veillez pas trop tard… et ne détruisez pas la maison, ajouta-t-elle en refermant la porte.
Un sourire mutin aux lèvres, Jordan se tourna vers Tess.
— Prête à apprendre quelques tours ?
Elle acquiesça avec enthousiasme.
Ce fut une nuit rythmée par des éclats de rire, des petites explosions, des fracas soudains suivis de bruits de réparation précipités… Une bonne partie de la nuit se transforma en un véritable terrain d’expérimentation magique.
Et lorsque l’épuisement finit par les rattraper, ils s’écroulèrent enfin, vers deux heures du matin, la tête remplie d’étoiles.
Jordan s’endormit le sourire aux lèvres. L’une de ses meilleures amies partageait désormais le même secret que lui. Il trouvait dommage que Milo réagisse ainsi, mais il comprenait en partie son attitude… Cette fois, c’était lui qui allait se retrouver seul.
Le lendemain matin, il s’installa à table en grimaçant.
— J’ai mal au crâne, grogna-t-il en se frottant les tempes.
— Moi aussi… marmonna Tess en s’asseyant à côté de lui, la tête lourde.
— C’est ce qui arrive lorsqu’on utilise la magie sans connaître ses limites, fit remarquer Agatha en déposant un plateau devant eux.
Milo tira une chaise pour s’asseoir, et le grincement du bois sur le sol fit sursauter Jordan et Tess, qui gémirent en chœur :
— Milo !
Pris de court, Milo s’arrêta net et avança sa chaise plus doucement avant de s’asseoir.
— Euh… je… désolé, balbutia-t-il.
Il baissa les yeux avant de reprendre, d’une voix hésitante :
— Je suis désolé pour hier… J’étais…
— Ne t’inquiète pas, marmonna Jordan en haussant les épaules.
— On te comprend, renchérit Tess, la voix encore pâteuse.
— C’est juste que… vous deux, vous partagez ça, et moi… je m’en suis pris à Jordan. Je suis désolé.
Jordan haussa un sourcil.
— Il y a aussi ta peur.
À peine eut-il fini sa phrase qu’Agatha lui donna une tape derrière la tête avant de déposer un verre devant lui, puis un autre devant Tess.
— Buvez ça. Ça fera du bien à votre tête.
Jordan obéit sans discuter et avala son verre d’une traite.
— Ce que je voulais dire, reprit-il après avoir grimacé, c’est que c’est normal. Nous aussi, on avait peur.
— Oui, ajouta Tess en fixant avec une mine horrifiée le liquide verdâtre et gluant dans son verre. Aucun de nous n’avait jamais vu de vampire avant… encore moins combattu un.
— C’était vraiment un vampire, ce type ? demanda Milo, l’air inquiet.
— Ouais… confirma Tess avant de pincer son nez et de vider son verre d’un coup, comme si ça pouvait atténuer le goût.
Milo fronça les sourcils, sérieux.
— Donc… on devra se promener avec des gousses d’ail ?
À ces mots, Agatha éclata de rire avant de quitter la cuisine pour aller ouvrir la porte, quelqu’un venant de sonner.
— Pourquoi elle rigole ? demanda Milo en plissant les yeux.
— Je ne sais pas… répondit Jordan en haussant les épaules. Peut-être que les vampires ne craignent pas un légume…
L’atmosphère s’était réchauffée entre eux, retrouvant peu à peu sa légèreté.
Lorsque Agatha revint, elle tenait entre ses mains une grosse boîte.
— Léo vient de nous apporter un grand gâteau. Je vous présente la nouvelle spécialité d’anniversaire de l’Émeraude… par moi ! déclara Agatha avec fierté, faisant disparaître la boîte d’un simple claquement de mains.
— Wahou… s’exclama Milo en contemplant le gâteau. Il doit coûter une fortune !
— Et encore heureux qu’il coûte une fortune ! Tout dans sa composition est d’une qualité extraordinaire.
D’un claquement de doigts, le frigo s’ouvrit et une bouteille de jus en sortit, venant se poser doucement sur la table.
— Il manque les verres, fit remarquer Milo.
— Attends, je vais les faire venir ! proposa Jordan avec enthousiasme.
— Non, ne fais surtout rien ! s’écria Agatha, alarmée.
Mais Jordan n’écouta pas et prononça l’incantation.
Une explosion retentit. Pas un simple bruit de verre brisé, mais une véritable détonation, si puissante qu’on aurait dit qu’un missile venait de frapper la maison.
Avant même que Jordan ne puisse réagir, il vit sa grand-mère faire jaillir un objet de sa manche et murmurer une incantation. Aussitôt, tout sembla reculer…
— Il manque les verres, répéta Milo avant de froncer les sourcils. Attends… j’ai l’impression d’avoir déjà dit ça, non ?
— J’ai rembobiné, expliqua Agatha d’un ton sec. Parce que votre cher ami ici présent ne connaît toujours pas ses limites. Lorsque quelqu’un fait reculer le temps, toute personne dans un rayon de cinq kilomètres ressent une impression de déjà-vu.
Elle marqua une pause avant d’ajouter, en fusillant Jordan et Tess du regard :
— Et il est extrêmement dangereux de jouer avec le temps.
— Désolé… murmura Jordan, penaud.
— Oui, sois donc désolé. Maintenant, mangez ce gâteau, ordonna-t-elle d’un ton impérieux, comme si elle leur rappelait à quel point il était précieux. Je vais aller organiser ton départ termina-t-elle avant de sortir de la maison
Milo éclata de rire, bientôt suivi par Jordan.
— Il n’y a rien de drôle ! dit Tess Ça aurait pu être très grave. C’est pour ça qu’il est essentiel que vous appreniez à contrôler vos pouvoirs.
— C’était quand même stylé, glissa Milo avec un sourire.
Tess lui lança un regard perçant, puis, sans un mot, se servit une énorme part de gâteau.
Deux heures plus tard, lorsque Agatha revint, elle les trouva assis dans le salon, en pleine discussion. Ravi de voir que tout allait de nouveau bien avec Milo, un sourire se dessina sur son visage.
— Il sera bientôt temps de partir, annonça-t-elle à Jordan.
— Quoi ? Déjà ?!
— Oui. J’ai discuté avec Ardin hier soir, et il m’a assuré qu’il ferait tout pour ouvrir un passage aujourd’hui, que les autres conseillers soient d’accord ou non. Il m’a recontactée ce matin pour confirmer. Comme c’était une ouverture imprévue, il nous a aménagé un passage non conventionnel. On n’a pas beaucoup de temps.
— "Non conventionnel" ? répéta Jordan, méfiant.
— Va faire tes bagages, tu verras bien sur place. Moi, je vais préparer la voiture.
— La voiture ? s’étonna Milo. Il ne vous suffit pas de faire comme hier soir, quand on est passés de la rue à votre salon ?
— Ce genre de chose est forcément soumis à certaines règles, intervint Tess.
— Il faut bien connaître ou visualiser précisément le lieu, expliqua Agatha. Tenter un déplacement vers un endroit inconnu, même si on sait où il est, c’est prendre le risque de finir droit dans le néant. Et comme je ne me promène pas souvent dans les profondeurs de la forêt… Enfin, peu importe. Jordan, bagages.
— La voiture, c’est bien aussi, c’est un moyen de transport sûr… marmonna Milo tandis qu’Agatha se dirigeait vers le garage.
Jordan, Tess et Milo filèrent à l’étage en courant, manquant de renverser une chaise au passage. La chambre, pourtant récemment rangée, se transforma rapidement en champ de bataille. Entre les vêtements qui volaient, les livres qui tombaient des étagères et les discussions animées sur ce qu’il devait emporter, le chaos régnait. Il fallut une bonne dizaine de minutes avant qu’Agatha ne les rappelle d’un ton sec.
Jordan boucla sa valise d’un claquement net et tous trois dévalèrent les escaliers quatre à quatre avant de sauter dans la voiture blanche comme neige d’Agatha.
Milo, qui n’y était jamais entré, resta bouche bée.
— C’est quoi ce truc ?
L’extérieur semblait normal, mais l’intérieur… Il y avait un espace immense, largement suffisant pour ranger trois grandes valises, les accueillir tous les trois, et encore de la place pour au moins cinq autres passagers avec leurs bagages.
Puis, lorsqu’Agatha démarra, la voiture bondit en avant avec la grâce d’un cheval au galop. Le paysage extérieur défila à une vitesse hallucinante, comme si le véhicule roulait à des milliers de kilomètres à l’heure.
Agatha esquiva les autres voitures avec une aisance déconcertante, puis, en une fraction de seconde, ils se retrouvèrent sur un chemin de montagne. Avant que quiconque ne puisse poser une question, elle freina brusquement.
Le silence retomba.
— On est arrivés, déclara-t-elle simplement.
— On est arrivés, annonça Agatha.
— Déjà ?! s’étonnèrent Milo et Tess, pris de vertige alors qu’ils tenaient leur tête.
Milo se pencha par la fenêtre et sentit son estomac se nouer. À quelques mètres de là, une falaise s’ouvrait sur un précipice insondable, un gouffre si profond qu’on n’en distinguait pas le fond.
— On est arrivés… où, exactement ? demandèrent Milo et Jordan en chœur en descendant de la voiture.
Jordan jeta un regard vers le vide et lança, faussement blasé :
— Si tu voulais te débarrasser de moi, il te suffisait de claquer des doigts.
— Qu’est-ce qu’on fait ici, Agatha ? interrogea Tess, méfiante.
— C’est ici que le passage a été ouvert pour Jordan, répondit-elle en sortant à son tour.
— Ça ? Un passage ?! s’écria Jordan, juste au moment où le vent se mit à souffler avec force, semblant vouloir les aspirer dans l’abîme.
— Ce n’est pas un passage officiel, mais une faille instable dans le Voile, expliqua Agatha en regardant sa montre. Ce qui rend la traversée plutôt… délicate. Ardin a promis de la stabiliser, mais seulement le temps de ton passage.
Elle claqua des doigts, et aussitôt, la voiture expulsa les bagages de Jordan. Ils s’envolèrent un instant avant d’atterrir en parfait équilibre sur le sol, comme si le vent qui rugissait autour d’eux n’avait aucun effet sur eux.
— Et je suis censé faire quoi, exactement ? demanda Jordan en déglutissant.
— Tu dois sauter, répondit Agatha d’un ton sec.
Jordan écarquilla les yeux, puis la fixa, cherchant un signe qu’elle plaisantait. Mais son regard sérieux lui indiqua que ce n’était pas une blague.
— Il est temps, Jordan. Le passage est stabilisé, mais seulement pour cinq minutes. Ne t’inquiète pas pour tes bagages, ils suivront leur propre chemin.
Elle fit un geste discret à Tess que Jordan ne comprit pas.
Soudain, le vent, qui hurlait quelques instants plus tôt, s’arrêta net, comme si quelqu’un avait appuyé sur un interrupteur.
— On se reverra plus tard, lança Tess en trottinant vers Agatha, lui adressant un petit signe de la main.
— Je… Je ne sais pas si tu vas survivre à ce saut, mais si par miracle tu y arrives, fais-nous un petit signe, ajouta Milo en haussant un sourcil.
Jordan ouvrit la bouche pour répondre, mais son attention fut captée par Agatha et Tess qui, sans ciller, jetaient ses bagages dans le vide. Milo et lui se regardèrent, l’air surprit.
— À ton tour, dit Agatha.
— Vous n’allez quand même pas me jeter ?! s’exclama Jordan, méfiant.
— Si tu traînes trop… pourquoi pas, répondit Tess avec un sourire malicieux.
— Bon… ben, à plus, dit-il à Milo d’un ton faussement détendu.
Il s’avança lentement jusqu’au bord de la falaise et fixa le vide. C’était un gouffre d’une noirceur totale, un puits sans fond où rien ne transparaissait. Son cœur battait à tout rompre. Agatha était-elle devenue folle pour croire qu’il allait tout simplement sauter, sans réfléchir, sans savoir ce qui l’attendait ?
Saute… saute… se répétait-il en boucle dans sa tête. Mais ses jambes restaient figées. Impossible de faire le moindre mouvement.
Puis, sans prévenir, il sentit une force invisible l’envelopper. Le vent se mit à tourbillonner autour de lui, le soulevant doucement du sol.
— Si tu réfléchis trop, tu n’arriveras jamais à rien, mon chéri, lança Agatha.
Jordan tourna la tête vers elle, juste à temps pour la voir esquisser un léger geste du doigt.
D’un coup, la bourrasque qui le portait se renforça et l’expulsa droit au milieu du précipice.
— Attends, grand-mère ! s’écria-t-il, paniqué.
— On ne peut pas attendre, le temps presse. Je te contacterai tout à l’heure !
Puis, brutalement, le vent l’abandonna.
Jordan sentit son estomac se nouer alors qu’il chutait à une vitesse vertigineuse. Il eut juste le temps d’apercevoir le visage terrifié de Milo avant que l’air ne siffle à ses oreilles et que son corps ne soit englouti par une chaleur intense.
Tout autour de lui devint blanc.
La sensation de chute disparut soudainement. L’instant d’après, il se retrouva étendu sur un sol humide.
Il ouvrit les yeux.
Sous lui, une parcelle de fleurs légèrement écrasées.
— Voyons, Jordan, tu piétines mes fleurs, fit une voix moqueuse à côté de lui.
Il releva brusquement la tête et découvrit une femme d’une cinquantaine d’années, aux cheveux noirs et aux yeux bruns, qui le regardait avec amusement.
À ses côtés se tenait un vieil homme aux cheveux d’argent et aux oreilles pointues. Ardin Vandglaver. Son grand-père.
— Tu as bien grandi, dit la femme en lui tendant la main pour l’aider à se relever. Tu vas bien ?
— Oui…, répondit Jordan, encore sonné, en jetant un regard autour de lui
Jordan vacilla légèrement en se redressant, ses jambes encore engourdies par le voyage. Autour de lui, le paysage se dévoilait progressivement : une vaste clairière baignée d’une lumière tamisée par un ciel parsemé de volutes argentées. L’air était plus pur, plus dense aussi, chargé d’une énergie qu’il n’aurait su nommer.
— Bienvenue, dit la femme en l’observant d’un œil curieux. Je suis Eleonara, la sœur d’Agatha… et donc ta grand-tante. Tu ne doit pas te souvenir de moi ça fait tellement longtemps après tout
—Si, je me souviens de vous, vous êtes venu un temps à la maison après la mort de mon père
—oh qu’elle bonne mémoire dit elle enjoué, mais pourquoi tu me vouvoies, quelle politesse sa change de tout ce que Agatha dit sur toi
—que dit-elle demanda-t-il
—que tu es un petit impertinent répondit Ardin. Elle dit que tu es toujours à lui crée des problème
Jordan regardait maintenant autour de lui comme s’il s’attendait à voir quelqu’un d’autre caché dans un buisson
—que cherche tu ? demanda Eleonara
—heu… personne marmonna Jordan
—Si tu cherches ta mère intervint Ardin, elle n’est pas là et n’est pas au courant de te venu aujourd’hui je n’ai pas eu l’occasion de l’n informé et le conseil voit tu n’a pas donner son accord pour une ouverture anticiper à l’unanimité. La décision qui a été prise avec difficulté est celle-là. Ne l’en tient pas trop rigueur. A mon avis si elle apprend ça elle sera furieuse que je ne lui en ait pas parlé
—ce n’est pas grave répondit Jordan d’un ton calme en tourant ses yeux vers ses bagages rangé la dans un coin ; c’est mieux ainsi ajouta-t-il
— Viens, ajouta Eleonara, nous avons beaucoup à te montrer.
Eleonara sortie une fiole et une baguette de sa poche. Elle tapota sa fiole avec sa baguette et les bagage de Jordan furent aspirer à l’intérieure
Ils le conduisirent à travers un sentier bordé d’arbres immenses dont l’écorce semblait briller sous la lumière du jour. Après quelques minutes de marche, ils atteignirent une bâtisse imposante nichée entre deux collines. Elle ressemblait à un ancien manoir, ses pierres couvertes de lierre, ses fenêtres hautes et voûtées laissant entrevoir un intérieur témoignant d’après Jordan du prestige des restaurant d’Agatha.
— C’est ici que tu vivras ces prochaines semaines après ça direction Horion, tu vas t’y plaire à mon avis, expliqua Eleonara. Nous avons beaucoup à faire.
Jordan pénétra dans le hall et fut de voir un intérieur tout à fait normal. Il ne savait pas trop à quoi s’attendre il se disait sans doute que vu que ce coté du monde tout aurait une allure plus féerique ou quelque chose de la sorte. Or, la pièce était tout à fait normale.
Le salon respirait une élégance sobre, un équilibre parfait entre raffinement et fonctionnalité. Rien ici n’était superflu, et pourtant, chaque objet semblait raconter une histoire. Un canapé en lin gris perle trônait au centre de la pièce, parsemé de coussins aux textures variées – velours profond, coton brut, soie discrète
Les étagères en bois foncé, sculptées avec une simplicité assumée, accueillaient une collection de livres soigneusement sélectionnés : des ouvrages sur l’histoire culinaire, des récits de voyages, quelques classiques littéraires annotés de sa main. Entre les volumes, on devinait des objets rapportés de ses déplacements : un bol en céramique ébréché mais précieux, une petite sculpture en bronze ramenée d’Asie, un carnet de cuir dont la tranche usée témoignait d’une utilisation quotidienne.
Loin des clichés d’un luxe ostentatoire, ce salon était à son image : un espace où l’on percevait la rigueur d’une femme d’affaires, mais aussi la chaleur de celle qui savait que la cuisine, au-delà de la gestion, était avant tout une affaire de passion et de transmission.
Accroché au mur, légèrement décalé par rapport au centre de la pièce, un miroir ancien attirait l’œil par son cadre asymétrique, un mélange de bois brut et de métal martelé.
Sa surface portait d’infimes irrégularités, de légères traces d’oxydation qui donnaient à son reflet une profondeur singulière. Lorsque l’on s’y regardait, on avait parfois l’impression que l’image tardait une fraction de seconde à répondre, comme si le miroir capturait autre chose qu’un simple reflet.
— Tu devrais essayer de contacter Agatha, dit Eleonara en posant une main sur son épaule et en pointant le doigts en direction du miroir. Sert en ajouta-t-elle
Intrigué, Jordan s’approcha. Il hésita un instant, puis posa la main sur la surface froide du verre. Aussitôt, une lueur s’y répandit, et l’image d’Agatha apparut. Elle était installée à son bureau, feuilletant un livre immense. Lorsqu’elle leva les yeux et croisa son regard, un sourire soulagé illumina son visage.
— Jordan ! Tu es bien arrivé ?
—vu l’expression de ton visage je suppose que tu doutait de ta falaise
—toujours le mot pour rire répondit Agatha avec un sourire sur le visage
— Eleonara prendra soin de toi. Profite des deux prochaine semaines pour découvrir les environs.
—En soit commença Jordan, je n’ai rien vu d’extraordinaire sur la route en venant ici
—c’est normal peut importe le monde la campagne reste la cmpagne chérie, je te conseil d’aller voire la ville. Tu as le temps de toute manière
—ouai je vais faire ça. Où sont Milo et Tess ?
—Je les aient accompagnés chez eux après…
—après m’avoir jeté de la falaise interrompit t-il
—ha c’est bon tu est envi et tu avait peur répondit Agatha
—Je n’avait pas peur je réfléchissait mentit-il
—soit… je dirais à Tess et Milo que tu vas bien , pourrait tu demander à ton grand père de venir, j’ai à lui parler
—il n’est pas là il est parti
En effet, dès leur arrivé devant la prote de la maison Ardin Vandglaver avait écraser une petite bille et disparu dans un halo de lumière
—quoi ? déjà ? bon d’accord je le recontacterais. bon mon chérie il faut que j’y aille j’ai à faire
—d’acc…ord
—profite de ton anniversaire, on se reparle plus tard
Durant les jours suivants, Eleonara entraîna Jordan à travers les villes avoisinantes, le plongeant un peu plus dans les merveilles de ce monde. Partout où il posait les yeux, la magie semblait tisser la réalité comme une toile vivante.
Il fut ébahi en découvrant les moyens de transport, plus incroyables les uns que les autres. Des chevaux ailés, à l’envergure majestueuse, tiraient d'immenses chariots suspendus dans les airs, capables de transporter des centaines de passagers à la fois. Des véhicules glissaient sans bruit sur des ponts lumineux, défiant la gravité avec une élégance irréelle. Et surtout, il y avait ces portails magiques qui reliaient les grandes cités en un clin d'œil, certains étant même exclusivement réservés aux étudiants et professeurs de la prestigieuse cité Académique de Horion.
Lorsqu’ils atteignirent enfin Orus, la plus grande cité commerciale du pays, Jordan crut être tombé en plein cœur d’un rêve animé. Les rues bourdonnaient de vie, les échoppes s’entassaient sous de vastes arches sculptées, et l'air vibrait d’une symphonie de parfums exotiques et d’appels de marchands vantant leurs trésors. Il se dit que Milo aurait probablement adoré ça.
On trouvait de tout ici : des centres commerciaux regorgeant d’objets ensorcelés, des marchés où l’on pouvait négocier des potions rares et des artefacts anciens, et même quelques boutiques dont la simple enseigne aurait fait blêmir Agatha. Il ne doutait pas que sa grand-mère aurait levé les yeux au ciel en apercevant les vitrines de certains échoppes vendant des grimoires douteux ou des artefacts dont l’aura oscillait dangereusement entre le génie et l’interdit.
Profitant de sa visite, Jordan s’empressa d’acheter ses manuels scolaires dans une librairie où les livres semblaient chuchoter entre eux, leurs couvertures frémissant à son passage. Il se retrouva même à marchander avec un vendeur à la peau parcheminée, qui lui assura que l’un des grimoires d’alchimie pouvait lui garantir « succès et admiration »… à condition de bien doser les ingrédients.
Alors qu’il quittait la boutique, un étrange frisson parcourut son échine. Une silhouette encapuchonnée, tapie dans l’ombre d’une ruelle, semblait l’observer. Il cligna des yeux, mais l’ombre disparut aussitôt dans la foule.
— Tout va bien ? demanda Eleonara en posant une main sur son épaule.
Jordan hésita, puis hocha la tête.
— Ouais… sûrement juste une impression.
En avança les yeux toujours fixé vers l’endroit où était la silhouette il heurta brusquement une jeune fille.
—non mais imbécile dit la fille d’’un ton orageux, tu ne peux pas voire où tu vas
—dé…désolé marmonna-t-il
Lorsqu’il releva sa tête, il vue que la fille portait une tenue noir et blanche, elle avait de long cheveux noire comme la nuit et des yeux rouge flamboyants
—ce n’est pas grave soupira la fille lorsque plusieurs regard d’elfe surtout se tournèrent vers elle. Elle se marmonna un jurant et repris sa route Jordan la fixant toujours un moment
l’animation d’Orus semblait reprendre son emprise sur lui. Pourtant, cette sensation d’être observé ne le quittait pas. Il jetait des coups d’œil furtifs autour de lui, s’attendant presque à voir cette silhouette réapparaître à chaque coin de rue.
— On va faire un tour vers le Quartier des Merveilles ? proposa Eleonara d’un ton enjoué. C’est là qu’on trouve les objets les plus incroyables !
Jordan hocha la tête, essayant de chasser son malaise. Il n’allait quand même pas gâcher la journée à cause d’une simple impression… n’est-ce pas ? être paranoïaque ne le ressemblait pas.
Le Quartier des Merveilles portait bien son nom. Ici, les vitrines débordaient d’objets ensorcelés, des horloges suspendues qui défiaient le temps, des plumes auto-écrivantes, des fioles contenant des éclats d’étoiles liquides. Jordan s’émerveillait devant un miroir enchanté qui répondait aux questions en murmurant des énigmes sibyllines lorsqu’un murmure glissa à son oreille :
— Fils du soleil
Il sursauta, cherchant d’où venait la voix. Rien. Personne ne l’avait approché. Eleonara, absorbée par une démonstration de gants permettant d’escalader les murs comme une araignée, ne semblait pas avoir entendu.
Jordan sentit son estomac se nouer. Il était sûr de ne pas avoir rêvé.
Puis, soudain, une ombre se détacha du coin d’une boutique voisine. C’était la silhouette qu’il avait aperçue plus tôt. Drapée dans une cape sombre, elle glissa entre les passants comme une brume vivante. Jordan sentit son cœur s’accélérer. L’inconnu se tourna légèrement, laissant entrevoir sous son capuchon une lueur verte inquiétante… et puis, il disparut derrière une arche en pierre.
Sans réfléchir, Jordan se mit à courir.
— Jordan ! Où tu vas ?! cria Eleonara derrière lui.
Mais il ne s’arrêta pas. Il s’engouffra sous l’arche et déboucha dans une ruelle plus sombre, à l’écart de l’agitation de la ville. La silhouette était là, au bout de l’allée, immobile.
— Qui êtes-vous ? demanda Jordan, essoufflé.
L’ombre ne bougea pas immédiatement. Puis, d’une voix rauque, elle déclara :
— Est tu la réponse ?
Jordan sentit un frisson parcourir son dos.
— De quoi vous parlez ? Quelle réponse ?
Mais l’inconnu recula, et avant que Jordan ne puisse faire un pas de plus, une bourrasque soudaine balaya la ruelle. Quand il ouvrit les yeux, la silhouette s’était volatilisée.
Derrière lui, Eleonara arriva en trombe, visiblement furieuse.
— Non mais ça va pas ?! Tu me laisses en plan et tu fonces dans une ruelle sombre ? Tu cherches les ennuis ou quoi ?
Jordan, encore sous le choc, murmura :
— Je crois que ce sont les ennuis qui me cherchent…
Eleonara croisa les bras, visiblement perplexe.
— Tu veux bien m’expliquer ?
Jordan inspira profondément. Il n’était pas sûr de comprendre lui-même. Mais une chose était certaine sa vie venait de prendre un tournant… et il allait devoir découvrir ce que tout ça signifiait vu que de toute manière personne ne voulais le répondre.
Après l’incident dans la ruelle, Jordan et Eleonara avaient convenu qu’il était temps de rentrer. Pourtant, alors qu’ils faisaient route vers le portail, Jordan ne pouvait s’empêcher de penser à ce qu’il avait entendu. Le fils du soleil encore et toujours ce mot… Les paroles de l’inconnu résonnaient encore dans son esprit, mais il tenta de les chasser en jetant un œil aux sacs qu’il portait.
En plus de ses manuels scolaires, il avait craqué pour plusieurs objets fascinants dans le Quartier des Merveilles. Il avait acheté une plume auto-écrivante, capable d’écrire les par rapport aux voix qui parle comme une application sur ordinateur– pratique pour les cours ! Il s’était aussi laissé tenter par une petite pierre lumineuse, dont la vendeuse assurait qu’elle pouvait révéler les passages secrets lorsqu’elle était exposée à certaines surfaces. Un achat impulsif, certes, mais qui pourrait se révéler utile…
Mais le meilleur de ses achats restait sans doute ce qu’il avait trouvé dans une boutique spécialisée en farces et attrapes. Dès qu’il était entré, il avait su qu’il repartirait avec quelque chose. Il n’avait pas résisté à l’idée de prendre une boîte de bonbons caméléons, qui changeaient de goût aléatoirement, mais pouvaient aussi temporairement colorer la langue de celui qui les mangeait. Il avait aussi trouvé une bille de fumée instantanée, parfaite pour s’éclipser en douce en cas de besoin. Et enfin, une petite grenouille mécanique ensorcelée qui, au moindre contact, bondissait et coassait de façon assourdissante. Il imaginait déjà la tête d’Agatha s’il lui en cachait une dans son sac…
Une fois le portail franchi, ils réapparurent devant la maison d’Eleonara. L’air y était plus frais et chargé des senteurs familières de la campagne. Mais ils n’eurent pas le temps de souffler : direction L’Émeraude
Ce soir, c’était leur tour d’aider au service, et Jordan dut troquer son rôle d’explorateur pour celui d’apprenti serveur. Il enfilait à peine son tablier que déjà Eleonara lui lançait des instructions.
— Allez, on s’active ! Ce soir, on attend du monde. Et évite de laisser les assiettes t’échapper !
Ce n’était pas qu’une façon de parler : ici, la magie était aussi présente en cuisine. Les couverts se rangeaient d’eux-mêmes, les assiettes volaient jusqu’aux tables sous l’effet de sorts bien maîtrisés, et les plats mijotaient à la perfection grâce à des chaudrons enchantés. Jordan, impressionné, se demanda combien de temps il lui faudrait avant de pouvoir faire ça lui-même.
Entre le service des clients, le rangement et quelques éclats de rire échangés avec Eleonara, la soirée passa à toute vitesse. Jordan profita même d’un moment de pause pour glisser un bonbon caméléon à un jeune apprenti cuisinier, qui se retrouva avec une langue d’un vert éclatant. Les éclats de rire fusèrent dans la cuisine, mais Eleonara le fusilla du regard en croisant les bras.
— Vraiment, Jordan ? Première journée ici et tu lances déjà des farces ?
Il haussa les épaules, un sourire en coin.
— Il faut bien tester mes achats…
Quand enfin la salle se vida et que tout le monde put souffler, Jordan se laissa tomber sur un fauteuil près du feu, les muscles courbaturés mais satisfait.
— Demain, c’est le grand jour, souffla Eleonara en s’asseyant à côté de lui.
Jordan hocha la tête. Demain, il entrerait à l’Académie de Horion. Une nouvelle vie l’attendait, remplie de découvertes, d’apprentissage… et peut-être même de dangers.
De retour à la maison, il montât dans sa chambre et se glissait sous les couvertures, il jeta un dernier coup d’œil à ses achats, soigneusement posés sur son bureau. Son regard s’attarda sur la pierre lumineuse.
Les mystères s’amoncelaient déjà autour de lui. Mais ses paupières étaient lourdes, et bientôt, le sommeil l’emporta.
Demain, tout allait commencer.