À Eybure.
En ce matin de décembre, ce n’est pas la neige qui vint couvrir la petite cour de la ferme Agape, mais bien la pluie. Mélancolique, elle venait s’abattre sur l’asphalte noir comme si l’espoir n’existait plus. Hestia avait quitté la maisonnée la nuit précédente et quand sa cadette découvrit son absence, sa mère était déjà loin.
_ Père, je ne sais pas où est maman ! Il n’a plus son manteau ni ses chaussures, mais elle n’a rien préparé pour le petit déjeuner avant de partir, s’inquiéta Endza.
Comme à son habitude, Paskhal n’était pas matinale. Neuve heure avait passé quand il se décida à se lever sous les impulsions de sa fille. Ce n’était pas le genre de sa femme de s’éclipser ainsi sans rien dire, elle ne devait pas être loin. Sans se douter de quoi que ce soit, l’Élu mit les pieds hors du lit. Les cheveux emmêlés, il prit son temps pour se peigner et se coiffer de son habituel catogan avant de s’habiller.
_ Hestia, appela Paskhal dans son telsman.
Aucune réponse ne lui parvint, c’était comme si sa femme l’ignorait. C’était incompréhensible, quelque chose clochait. Les sens à l’affut, il se dirigea dans la pièce principale où se trouvait sa fille pour y voir plus clair. Après l’avoir balayé du regard, il s’arrêta sur sa sacoche et ses affaires éparpillées sur le sol sous la table. À l’instant où il se baissa pour tout ramasser il comprit.
Hestia… Tu as donc fini par me lire. Tu n’aurais pas dû me trahir, songea Paskhal.
_ Tu as une idée sur l’endroit où pourrez se trouver maman ? s’enquit Endza en préparant le petit déjeuner pour son père.
Doucement, l’Élu se releva et rangea ses affaires avec vigueur. Il en voulait à Hestia, si lui il lui avait menti, elle n’avait pas le droit de s’opposer à lui. Si Endza n’avait pas était sous son emprise mentale, elle aurait peut-être vu la colère sur son visage. Au lieu de ça, elle lui servit son bol de café avec plein de bonnes intentions.
_ Ce n’est pas normal que ta mère ne soit pas là, elle a comme disparu. Elle ne répond pas à mes appels pourtant je sais qu’elle les reçoit ! commenta enfin Paskhal en désignant son telsman.
_ Pourquoi maman ferait ça ?
_ Je ne sais pas, elle doit cacher quelque chose ! lui répondit son père en déployant son pouvoir pour soumettre encore plus sa cadette à son bon vouloir.
_ Nous avons qu’à interroger les villageois ? proposa alors immédiatement Endza.
_ Mangeons d’abord et après nous allons fouiller la maison à l’idée d’une trace à explorer. Les autres n’ont pas encore besoin de savoir pour ta mère ! décida Paskhal énervé.
Pour la première fois depuis longtemps, leur petit déjeuner se passa dans le silence. Aucune question politique, aucun projet de pouvoir ne fut débattu. Paskhal était soucieux de ce que complotait sa femme dans son dos. Il n’était plus d’humeur à bavarder. Il l’aimait, mais aujourd’hui s’il devait faire un choix entre son pouvoir et sa femme, il ne la choisirait plus. Il était allé trop loin pour réussir sa vie, il ne ferait pas machine arrière. Pourtant lui qui avait été si heureux avant tout ça, n’était plus que l’ombre de lui-même. Pareil à une bête sans cœur, il ne se nourrissait plus que de la haine.
_ Fouille notre chambre tout d’abord, je vais regarder dans le salon. Regarde toutes ses affaires, tout ce qui n’est pas normal ! ordonna Paskhal.
Sans s’être préparé, Endza écouta son père. Encore habillée de sa chemise de nuit, elle s’attela à débarrasser la commode. La rouquine constata que sa mère n’avait l’air d’avoir pris aucun vêtement à part la robe qu’elle portait la veille. Méticuleusement, elle vida le meuble à la recherche d’un indice caché.
Elle n’a pas dû aller bien loin, songea Endza.
Après avoir fouillé tout le salon, Paskhal la rejoignit dans sa chambre. Sa fille s’affairait à ranger tout ce qu’elle avait sorti sans rien trouver de suspect. Il la regardait s’activer de dos et elle lui rappelait sa femme. Endza était le portrait craché d’Hestia. Elles avaient les mêmes cheveux roux, longs et fins. Leurs yeux verts en amande trahissaient leur caractère de feu tandis que leurs taches de rousseur venaient radoucir leurs traits.
_ Comment as-tu pu abandonner ta fille ? s’énerva Paskhal à l’intention de sa femme.
Le dernier des frères Agape n’avait pas l’air de se rendre compte que c’était lui qui avait initié tout ça. C’était comme s’il avait refoulé ce qu’il avait fait à sa propre fille ainée. Il en voulait à sa femme de l’avoir abandonné alors que c’était lui qui s’était montré égoïste depuis le début. Il ne ferait pas la même erreur avec Endza, elle il la contrôlerait jusqu’au bout pour qu’elle lui soit fidèle. Non, il ne ferait pas les mêmes erreurs qu’il avait commises avec sa femme. Endza ne serait pas libre de ses choix, il veillerait à ce qu’elle lui soit obéissante.
Pour son bien, se promettait-il.
_ Je n’ai rien trouvé ! expliqua Endza après avoir fini de ranger.
_ Je ne sais pas où elle pourrait être ni ce qui pourrait nous aider à le savoir ?
_ Tu as essayé de demander à Marie ? Elles sont proches en ce moment !
_ Tu as raison, vas la voir et essayes d’en savoir plus, répliqua Paskhal.
Endza prit alors son temps pour se préparer et pouvoir aller au village. Une fois habillée d’une jolie robe kaki décorée de petites fleurs blanches, elle prit sa cape pour affronter le froid. D’un pas déterminé, elle marcha dans les traces de sa mère sans le savoir. Le vent piquait ses joues qui rosissaient à vue d’œil. Son nez retroussé n’était pas en reste non plus. Pendant que sa fille se renseignait, Paskhal se résolut à monter au grenier. Sa femme y avait installé son atelier de couture et aimait y passer du temps seule.
Maintenant que sa fille était partie, il pouvait lâcher sa rage. Les poings serrés, il regarda les affaires de sa femme avec dédains. Elle lui faisait horreur et pour fuir ce sentiment, il envoyer un coup de pied dans les rouleaux de tissu qui jonchaient le sol. Comme ça avait l’air de le défouler, il s’en prit ensuite à la machine à coudre poser sur une petite table en bois. Sous ses poings vengeurs, l’appareil se brisa au sol. Fou de rage, il continua jusqu’à déverser sa haine entièrement.
Il en avait presque fini quand il s’en prit à un mur de cagette à pomme disposer dans le fond du grenier. Son regard se posa alors sur un secrétaire où trônait fièrement une petite machine à écrire. Paskhal n’avait pas connaissance de cet espace ni de ce matériel qui avait été dissimulé derrière les caisses en bois. Curieux, il s’approcha pour en découvrir plus. Au sol, des centaines de papiers tout dactylographiés étaient éparpillés. Des lettres semblables à celle du corbeau occupaient tout l’espace de ce bureau clandestin.
_ Au commencement, nous étions un peuple, humain. Au renouvèlement nous ferons de nouveau qu’un. Solenne révèlera un jour le pêcher de Zohab Agape, mais si elle se lie avec ma fille ainée, elles répareront ce passé. Au commencement, on parle de trois peuples, mais ils ont été créés pour venir en aide à un quatrième : sans les Humains, les Siréliens n’existeraient pas, lut Paskhal en prenant une première feuille.
Paskhal venait de découvrir à son tour le secret de sa femme. C’était elle le corbeau depuis le début. Elle était au courant de la malédiction de son époux et avait voulu prévenir ses filles sans rien leur dévoiler pour autant, comme l’avait demandé Namon. Solenne et Manon devaient être prêtes à affronter leur destinée sans en être au courant à l’avance. Hestia avait laissé derrière elle des sortes de notes pour l’aider à écrire ses missives. On aurait dit qu’elle avait d’abord retranscrit ce qu’elle avait retenu des mots de la Déesse, avant de les travailler en poème.
_ Le peuple humain est le premier, il a survécu grâce aux trois frères Sirel. Cependant sans l’existence humaine, les Siréliens n’ont pas vocation à exister. Solenne et Manon feront le lien entre les deux peuples, car ils ne font qu’un. Les trois Élus devront s’unir pour protéger les Nouveaux Enfants que la mort aura créés. Interprétation : Le premier peuple survit grâce aux trois, sans le premier, le second mourra. Les trois premiers n’existaient pas, c’est pour le quatrième que tout se créa. Les trois couleurs devront protéger l’argenté, avec cette union le bleu reviendra tout réparer, continua Paskhal sans remarquer l’arrivée d’Endza.
_ Père, je n’ai rien trouvé chez Marie, mais surtout il semblerait qu’elle aussi, elle est disparue. Il n’y a aucune trace de ses jumeaux non plus ! déclara Endza perdue.
_ Je crois comprendre pourquoi, lui répondit Paskhal en froissant le papier qu’il tenait dans son poing.
_ Qu’est-ce que c’est que tout ça ? s’interrogea Endza en s’approchant du bureau caché.
À son tour, elle prit une des lettres qui jonchait le sol. Surprise de la découverte, la cadette s’accroupit au sol pour en lire d’autres. Elle avait dû mal à mettre ses idées en ordre, l’esprit brouillé par les manipulations constantes de son père, elle ne comprenait pas vraiment ce qu’elle avait sous les yeux. Malheureusement, Paskhal ne lui laissa pas le temps de trouver l’explication par elle-même.
_ À en juger ces lettres, c’était ta mère le corbeau. Celui qui nous menaçait et nous faisait chanter ! gronda-t-il.
_ Pourquoi aurait-elle fait ça ? s’écria Endza.
_ Curieusement, elle n’est pas là pour s’expliquer. Si elle a fui, c’est qu’elle cachait quelque chose d’encore plus grave, expliqua Paskhal en déployant son aura noire et pailletée pour user, une fois de plus, de son don sur sa fille.
_ Je crois comprendre père, conclu Endza soudainement en tendant un des papiers à son père.
_ Ma famille fut fondée à la seule condition que j’accepte que mes filles soient vouées à un destin funeste. Un jour, il les rappellera à lui dans la douleur et loin de moi elles devront réparer le passé. Telle est leur destinée, lut Paskhal à voix haute.
_ C’est elle qui a organisé leur enlèvement, la mort de Manon. Elle n’a pu enfanter qu’en promettant de donner deux de ses filles en échange. Voilà la raison de son départ ! affirma Endza sure d’elle.
_ Ta mère nous a tous dupés dans ce cas ! s’emporta Paskhal fier des conclusions de sa fille.
_ Dans ce cas, elle devra en payer le prix, ajouta Endza avec un gout de vengeance à la bouche et une étincelle de haine dans le regard.
Mais bon... Je le sens mal cette histoire avec lui maintenant. Je me demande sa réaction lorsqu'il apprendra que Manon est en vie, et qui plus est vachement puissante.
Par contre j'espère que Manon sortira d'ici la fin de ce tome... Etre à l'intérieur aussi longtemps c'est dur (on a tous connu le confinement et là c'est 2.0)
Tu as vu je savais que Paskhal t'enerverais ahaha... Pauvre endza
Je ne sais pas si j'ai envie de secouer ou de baffer Endza... Elle croit ce qu'elle veut bien croire, et même si Paskhal la manipule et la pousse à faire certaines conclusions. elle reste désespérante sur ce coup.
Quant à Paskhal qui s'offusque que sa femme le quitte alors qu'il a commandité le meurtre de sa fille, il ne manque pas d'air ! Il voulait quoi, une médaille ? En tous cas, les trois frangins se rejoignent sur leur capacité à faire absolument n'importe quoi et penser que tout le monde va leur pardonner en un battement de cil.
Paskhal est aveuglé par sa haine et son Envie de pouvoir et de vivre longtemps pour l'utiliser plus longtemps. A tel point qu'il en veut a Manon d'être né ainsi, donc il en veut a sa femme de ne pas le comprendre. Il voit Manon comme un assassin..' il est donc en légitime défense pour lui alors que sa femme réagisse ainsi ça le blesse oui. Il ne fait plus la différence entre le bien ou le mal. Il est devenu fou...
Effectivement, du point de vue d'un Paskhal qui bascule gentiment dans la folie, ça se tient.