Chapitre IX

Par Fidelis

Apparue dans son existence au moment le plus sombre, Jessica représentait pour lui bien plus qu’une rencontre. Elle détenait tout comme lui de manière involontaire un rôle majeur dans cette histoire. En sortant de chez elle, après l'avoir quitté sur sa couche endormie, il ressentit toute la fragilité de leur situation.

 

La foule anonyme, les gaz qui remontaient des bouches d'égout, et l'omniprésence du marionnettiste dans l’ombre qui pouvait tout aussi bien préparer le coup suivant, tout cet environnement le rendait nerveux.

 

Il joua des épaules pour se frayer un chemin jusqu’au bunker d'Ixol, le cube en poche pour achever l'analyse commencée la veille.

 

Découverts dans les vestiges d'un âge oublié, imaginé par Jessica, son implication et ses pouvoirs le désignait comme la pièce maîtresse de ses investigations. Une crainte sourde pourtant lui serrait le cœur. Un sombre présage lui murmurait qu’une rencontre débutant sous une telle emprise ne pouvait que mal se terminer.

 

Il chassa cette pensée pour se concentrer sur la lecture des tags qui parsemaient les façades du quartier et servaient autant de panneaux indicateurs que de repères tribaux. Une pluie fine se remit à tomber, il hésitait, les graffitis d'hier avaient cédé leur place à de nouveaux, des étals installés des deux côtés habillaient les rues d'une autre identité. Plusieurs fois il revint sur ses pas, un doute s'immisça dans son esprit au moment où il fit face à l'entrée.

 

La porte métallique entrebâillait, lui laisser craindre le pire.

 

D'une démarche sans assurance, il s'approcha, la poussa de la main. Le sas et les trois issues qu'il desservait n’existaient plus, un entrepôt désaffecté avait pris sa place.

 

L'immense construction ne contenait plus rien. La pluie fine y pénétrait par le toit percé à de multiples endroits, quelques objets abandonnés traînaient sur le sol, comme si l'ensemble était délaissé depuis de nombreuses années.

 

Une crainte sombre l’envahie. L'étau continuait de se refermer sans qu’il ne puisse rien faire pour l'en empêcher. Sans l'aide d'Ixol, il lui devenait difficile d'obtenir des réponses. Sous le choc de la perte de cette nouvelle parcelle de mémoire sublimée, il demeura un long moment figé. Le regard désemparé à observer la pluie qui tombait sur les poutrelles métalliques et se disperser en nuée de plus en plus fine de particules irisées.

Une peur insondable le saisit, lui susurrant de ne pas rentrer chez lui, s'il ne voulait pas faire face au même décor. Sa réalité disparaissait, soumise au sort éphémère des graffitis, effacés en une nuit sans que quiconque ne puisse témoigner qu’ils n’ont jamais existé.

 

Il ne lui restait qu'une seule personne qui pouvait encore l'aider, Jessica.

 

Après une profonde inspiration, il tourna les talons et sortit du bâtiment. Ses mains enfonçaient au fond de ses poches, il demeura un instant planté devant l'entrée du kob à réfléchir. Le commanditaire, il devait retrouver l'acheteur de Jessica, ce vautour qui lui ressemblait de manière bien singulière pour ne représenter qu'une coïncidence.

 

Dans la ruelle, la foule était dense, plus dense que d'ordinaire, il peina aussitôt qu'il se joint à elle pour remonter l'artère. Épaule contre épaule, les gens s'agglutinaient. Ici un blessé qui gisait au sol, un peu plus loin, un prêcheur debout sur une caisse prédisait la fin du monde. Une sensation étrange de se noyer dans cette masse de visages l'envahit, il eut du mal à respirer, sa poitrine se serra. Il joua des épaules bien décidées à avancer, perçues des plaintes de personnes qu'il bousculait, n'en avait cure, il lui fallait retrouver Jessica sans traîner, il le sentait comme un besoin urgent, vital.

 

Un quidam lésé se retourna à son passage et lui saisit le bras en l'invectivant. La réaction fut immédiate, le vautour braqua son pulseur en direction de l'inconnu.

 

L'arme s'activa aussitôt, des liserait lumineux bleu apparurent signalant une autonomie optimale. Dans un réflexe de protection, la foule forma un cercle autour de lui, l'homme le libéra, le vautour leur gueula.

 

— DÉGAGEZ, DÉGAGEZ JE VOUS DIS !

 

Il tira une salve en l'air, la panique s'empara des gens qui l'entouraient, leur regard chargé d'incompréhension, de peur, de sa peur qu'il propageait. Une brèche se dessina, il prit la fuite, courue le plus vite qu'il put en direction de la galerie.

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Kaelane
Posté le 03/03/2025
La notion de temps, ou plutôt l'absence de temps, est super intéressante. Ça rend le tout hyper condensé, et nous force à être dans la même urgence de Delhi. Ce que je trouve étonnant, c'est que personne ne semble le reconnaitre dans les rues ; pourtant il y a un clone qui tourne aussi dans la ville. C'est vraiment comme s'il s'effaçait pour laisser son identité à l'autre.
Fidelis
Posté le 03/03/2025
Il fallait que je ferme cette dernière porte, Ixol avant le dénouement, j'avais peur que tu râles de le repousser encore un peu, oui il faut souligner son désoeuvrement total qu'il soit acculé jusqu'au dernier degré.
Et oui j'écris des nouvelles pour l'instant, alors je condense, mais c'est plus facile du coup pour garder une tension permanente sur le déroulement de l'histoire.

Merci à toi j'apprécie, je terminais juste la lecture de ton chapitre.
Kaelane
Posté le 03/03/2025
Râler alors que tu fais durer serait complètement bête de ma part ! Ces longueurs sont nécessaires à l'histoire. ça nous permet de voir que ce n'est pas juste un "hasard" si tout disparait, ça donne de la matière et de l'importance à chaque élément. En plus, plus les choses disparaissent plus on se rend compte qu'elles disparaissent vite ! Même si j'ai hate de voir le dénouement pour comprendre, j'aime l'univers que tu as créer, je veux bien y rester encore un peu x)
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