Chapitre premier

Par Fidelis

Une fois les murs de l’enceinte érigés par les survivants, la colonie profita d’un essor technologique important. Dans de nombreux domaines, l’homme créa toutes sortes d’objets, d’outils, d’armes d’un très haut degré de sophistication. Âge d’or éphémère interrompu par des dissensions au sein de la communauté. Une partie remit en question une autorité impériale bien éloignée de sa planète d’origine, qui ne pouvait plus rien pour eux, sur ce bout de territoire exsangue au fin fond de la bordure extérieure des courants astraux répertoriés.

Pour pallier la perte des effectifs croissants due au caractère hostile de ce nouveau monde, le clonage fut instauré. Un transhumanisme débridé vit aussi l’apparition de chimères, des humains génétiquement modifiés aux compétences recherchées dans des domaines bien spécifiques.

S’en suivirent, une guerre civile dévastatrice, qui engloutit avec elle toutes les connaissances de ce premier Âge si inventif. De cette ère remarquable, ne restait que des reliquats d’un passé oublié, enfoui par strates dans le sol même de la cité dôme Victoria. Les endroits les plus meurtris n’avaient pas encore bénéficié d’une réhabilitation convenable. C’est dans ces lieux, incertains et dangereux que bon nombre d’habitants venaient fouiller. Dans l’espoir de découvrir un artefact, qui pourrait se monnayait à prix d’or, ou de simples reliques hors d’usage qui finiraient dans les cuves d’acide des Services techniques pour se transformer en énergie afin d’alimenter le bouclier dont ils avaient tant besoin.

Certains considéraient le glanage et la fouille comme des occupations à haut potentiel rémunérateur. Ces pratiques s’appuyaient sur deux outils auxquels l’ensemble des ramasse-merdes se référaient.

Le premier était la carte. Mise à la disposition de chacun, elle indiquait la valeur d’un périmètre, et pouvait à l’occasion amener son utilisateur à des spots prolifiques, ou à des zones vidées du plus misérable déchet. Lieu maudit, gangréné par la présence de toutes sortes de champignons aux spores mutagènes, dont il fallait s’éloigner au plus vite si on ne voulait pas voir sa peau se couvrir de pustules. Signale de l’arrivée de parasites, avant de se transformer dans la plus anarchique division cellulaire, en fongoïde agressif.

Le second était la chance, et là, que l’on croie ou non à sa bonne étoile, on devait reconnaître une chose. Il en fallait une étincelle dans toute entreprise, même lorsque cela concernait une activité aussi insignifiante que celle de glaner.

C’est sur cette pensée que le vautour décida de clôturer ses recherches. Il se redressa une fois extrait de la trappe plongée dans le noir pour jeter un coup d’œil circulaire. Il avait depuis longtemps laissé sa carte au fond d’un tiroir, pour n’utiliser que son instinct afin de le seconder dans sa réussite. Réussite, qui ce jour-là, il du bien le reconnaître ne fut pas convaincue par sa nouvelle idée.

Choisir l'endroit le plus isolé, celui où personne n'allait jamais fouiller, en mode urbex, car sa cible ne visait pas un terrain vague malodorant, mais l'intérieur de complexes industriels désaffectés. Quand il s'était glissé dans les décombres d'un autre âge, la lumière lavasse du ciel diffusait encore de quoi se repérer.

À présent qu'il ressortait son nez dehors, il réalisait un peu désappointé que l'obscurité couvrait le paysage.

Le lieu laissait apparaître des ombres menaçantes, comme autant de créatures innommables qui résidaient à l'extérieur des murs de la cité. Dans l'incapacité de se souvenir par quelle direction il avait pénétré dans ce piège aux relents de produits toxiques, il choisit de se diriger vers les éclairages les plus proches de sa position. Ses pas le conduisirent jusqu'à une enseigne lumineuse qui se maintenait avec difficulté sur une façade décrépie, dont la dernière lettre du néon s’obstinait à clignoter avec résignation.

Black Hat

Le sud du secteur abritait un no man's land que l'Empire avait déserté depuis des éons. Les échoppes clandestines y pullulaient, sans que personne n'y trouve rien à redire. Le Black Hat devait faire partie de ces commerces éphémères, dont l'existence au milieu du néant interrogeait toujours le vautour quant à la viabilité d’un tel projet.

Quelle intention poussait un individu à lui faire voir le jour, ou la nuit, rectifia-t-il en silence.

À son approche, la brume épaisse s'écartait autour de sa silhouette pour se refermer à son passage. Il regretta de ne pas avoir pris de masque, suspectant la présence, résiduel, mais toxique d'une chimie meurtrière qui transpirait du sol, pour s'oxyder et se transformer dans une danse millénariste infinie.

Il fit pression sur la lourde porte métallique qui s’actionna dans le même silence que celui de ses pas sous cette brume, qui s'obstinait à faire disparaître toute empreinte sonore, toute identité. Par sécurité, son autre main resta dans sa poche, sur la crosse de son pulseur.

L'intérieur du bar, faiblement éclairé par des lueurs tamisées, provenant de sphères disséminées de manière judicieuse pour guider le visiteur au travers d’un mobilier désordonné. L'endroit semblait vide, à l'exception d'une silhouette derrière le comptoir, dont un geste trahit la présence. Il se dirigea vers elle, d'un pas assuré sans lâcher son arme au fond de son habit.

La femelle elfe qu’il découvrit ne parut pas surpris de sa venue. Elle abandonna sa tablette pour le dévisager sans la moindre gêne. Son physique à l'allure élancée en faisait un joli spécimen comme bon nombre d'individus de son espèce.

C'est sa coupe de cheveux et son maquillage tribal qui mettaient un terme à toute forme d’attirance, comme si elle avait pris soin de s'enlaidir pour mieux s'assortir à son environnement.

Comprenant que les us de l’empire devaient être bien éloignés de ces considérations, il opta pour un langage plus neutre, et l'aborda sur un ton qui trahissait son malaise.

— Salut, vous allez trouver cela idiot, mais je crois que je me suis perdu.

Elle le fixait droit dans les yeux en mâchouillant avec de nombreux effets sonores quelque chose, dont il ne tenait pas à connaître la nature. Un sourire était apparu sur ses lèvres couvertes d’un violet outrancier qui lui agrandissait la bouche de manière volontaire.

Elle lui déclara, en le jugeant un peu vite comme si elle prenait un certain plaisir à partager sa déconvenue.

— Et ouais c'est ça de venir s’encanailler dans le sud, on finit par en perdre ses repères, y boit quoi le noble étranger ?

Delhi comprit qu’il serait habile de sa part d'échanger un verre avec elle pour s'accorder ses faveurs, et réalisa aussi qu'il en avait besoin. Crapahuter dans des sous-sols désaffectés n'était pas de tout repos, et une longue marche l'attendait pour rejoindre le centre-ville.

— M'encanailler, pas tout à fait, je venais fouiller dans le vieux site industriel, et en ressortant du labyrinthe souterrain, j'ai pu constater que le jour s'en était allé.

Il retira la main de sa poche pour la poser sur le comptoir plus détendu.

— Servez-moi ce que vous voulez dans un grand verre, du moment que c'est frais et un peu alcoolisé ça fera l'affaire.

Puis s’empressa de rajouter.

— Si vous désirez m'accompagner, faites-vous plaisir, et ne vous imaginez pas que je tente de vous draguer, c’est purement égoïste, je déteste boire seul.

Il lui rendit son sourire, qu'elle sembla apprécier avant de se pencher pour ouvrir un frigo.

Elle en sortit un cocktail scellé, d'une couleur similaire aux traits épais de ses peintures tribales qu'elle affichait sous les yeux, et se saisit d'une bière Ethérium à son intention.

— Un glaneur dans l'usine, alors je retire ce que j'ai dit, respect. Elle fit tinter sa canette contre son verre aux formes ondulées qui lui fit songer à sa silhouette. Même les habitants du coin n'y vont pas dans ce gâchis, moi c’est Jess'.

Ils échangèrent un regard qui leur dévoila qu'en d'autres circonstances ils auraient pu devenir amis, voire plus.

— Votre audace a-t-elle été récompensée ?

Il retira le film plastique qui obturait le verre, avec un léger regret d'être resté si évasif sur le choix de sa boisson.

— C'est difficile à dire, parfois on trouve des objets qui paraissent ne pas avoir le moindre intérêt et qui se révèlent très lucratifs et d'autres fois c'est l'inverse. Aujourd'hui je pense entrer dans la première catégorie dans l'espoir de ne pas me tromper, puis il conclut d’un ton sincère, moi c’est Delhi, enchanté Jess.

Elle hocha la tête et posa sa bière pour s'emparer d'un long porte-cigarette à l'allure très élégante qui s'assortissait mal avec le reste de sa tenue, comme s'il s'agissait d'un costume de circonstance.

— Ah ça la chance, il en faut toujours un peu dans tout ce qu'on entreprend. Se fier à son instinct est la meilleure des méthodes. Elle aspira pour relâcher une bouffée de fumée dont le parfum lui fit songer à un souvenir du passé sans qu'il ne parvienne à se remémorer lequel. Elle poursuivit d'un air taquin. D'ailleurs, se fier à son instinct n'est-ce pas une pensée déviante pour un impérialiste dont toutes les règles du quotidien sont gravées dans les codex ?

Il leva son verre dans sa direction pour lui signifier qu'il l'accompagnait, avant de le porter à ses lèvres. Il découvrit étonné un goût de la même tonalité que les volutes de la fumée. Il laissa glisser le liquide lentement au fond de sa gorge, et ne put s'empêcher d'être séduit par sa manière de penser, lui qui, il y a encore peu, partageait l'identique réflexion.

Il se rendit compte que comme elle a son égard, il l'avait trop vite jugé, s’étant imaginé trouver une monosyllabe au QI réduit par l'alcool et les drogues.

— Non j'aime à croire avec un peu de naïveté que l'Imperium nous dicte cela pour nous protéger. L'instinct pourrait se transformer en ferveur, puis en culte et enfin en hérésie, moi je ne l'utilise que de façon mesurée, je ne rêve pas de grandeur. Il but cette fois-ci une longue gorgée et reprit. Dans l'immédiat ma quête reste plus modeste, elle consiste à retrouver mon chemin, si vous pouviez m'indiquer la direction du T.Int le plus proche, vous gagnerez en échange ma reconnaissance éternelle. Il termina sur un ton plus neutre, combien vous dois-je pour les deux consommations ?

Elle le scrutait à présent de manière énigmatique, un bras en travers de son ventre, le coude de l'autre qui tenait le porte-cigarette reposait sur le poignet du premier.

— Pour un T-Int il va vous falloir marcher un peu. Prenez à votre droite en sortant, gardez le cap, ça vous mènera à un passage sous terrain. Il vous évitera de traverser le complexe industriel, mais gare à vous il est parfois mal fréquenté. Une fois de l'autre côté, vous débouchez à l'est du quartier, enfilez l’artère la plus large, elle vous conduira au T-Int, pour les conso' ça fera cinq mille crédits.

Le prix se voulait prohibitif, mais il ne tenta pas de le discuter. Son cocktail l'avait détendu et cette discussion lui avait permis de mettre à bas certains préjugés.

Il posa la somme sur le comptoir.

— Je vous remercie pour ce bref échange, ce fut un plaisir.

Elle reprit sa tablette et se remit à mâchouiller de manière bruyante.

— Plaisir partagé, courage pour le retour.

 

 

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sakumo91
Posté le 06/03/2025
Il y a beaucoup trop d'informations, tu pourrais en enlever pour les mettre a un moment plus cohérent, j'ai l'impression que tu nous envoies toutes les infos sur ton univers. j'ai dû m'y prendre à plusieurs reprises pour lire ce chapitre (je suis dyslexique). Ça à l'air intéressant mais j'aurais plutôt aimé avoir ces descriptionx au travers des yeux de Delhi.
Fidelis
Posté le 06/03/2025
il y a 400 mots dans l'intro, le chapitre il en fait 1800, alors non ce n'est pas trop, les infos qu'il y a dedans sont importantes et je ne le changerai pas désolé, et Delhi, lui, il à autre chose à raconter.

C'est de la science-fiction en sous genre cyberpunk, donc un univers totalement à part, il faut bien le traduire pour éviter que lecteur soi dans le jus. Pour la suite tu suivras le point de vue unique de Delhi et donc rassure toi tu vivras tout en temps réel, accroche toi ça vaut le coup.
Kaelane
Posté le 24/02/2025
C'est un début intriquant. Un peu surchargée d'information directive je trouve, mais on s'y fait. J'aime bien le fait que le personnage Jess' casse les codes de ce qu'on entend par Elfe habituellement. La présentation entre les personnages en revanche ne me semble pas ou peu naturelle. Personne ne se présente ainsi, mais au moins ça permet une présentation claire. Peut-être que pour un début d'histoire, il n'est pas nécessaire d'informer le lecteur de tous les aspects du monde dans lequel on plonge ; commencer par l'action dans le site abandonné me semble plus approprié pour appater le lecteur, et ainsi déverser des informations sur l'univers au goutte à goutte. En tout cas je suis curieux.se de voir la suite.
Fidelis
Posté le 24/02/2025
Merci, je prends note, bonne lecture pour la suite !
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