CHAPITRE PREMIER

Par Smi
Notes de l’auteur : A l'été 2018, à la suite d'un pari , je m'engage à écrire une histoire en moins de 3 mois. Quatre-vingt dix jours plus tard , j'écris le mot fin sur la dernière page de mon ouvrage. Sans prétention aucune , j'ai écrit pour le simple plaisir d'inventer une histoire et de croiser la vie de mon personnage. Bonne lecture .

5 Janvier 2018 , 19heures

L’homme de loi  se tenait debout, face à la fenêtre de son bureau, observant la cohue sur le trottoir d’en face au rez-de-chaussée de son immeuble. En ce début des soldes, et malgré l’heure matinale, des centaines de personnes, jeunes et moins jeunes étaient là, à se presser contre les vitres du grand magasin de luxe.

Dans son costume Artling, au tombé parfait, Maître Delviac, les mains croisées dans le dos, semblait attendre le moment opportun avant de reprendre la parole. Son client était assis de l’autre côté du bureau. Les traits de ce dernier trahissaient une certaine angoisse. Dans le dos du tabellion, le coupe papier passait d’une main à l’autre telle une arme prête à sévir, étincelante dans la clarté des premiers rayons de soleil qui pénétraient timidement dans son bureau en ce mois d’hiver.

Philippe Delviac avait repris l’office notarial à la mort de son père, au début des années 90. Il avait donc tout naturellement exercé à la même adresse et  avait continué à employer le personnel de l’étude.

Le bureau Haussmannien du centre ville de la capitale Girondine semblait avoir été construit pour lui et pour y abriter cette profession austère.

Haut plafonds moulurés, parquets en chêne massif à l’ancienne, mobilier d’époque en noyer ou merisier, jusqu’à l’odeur de cire qui ce dégageait de ces bois nobles , tout était là pour garantir la solennité des lieux et de la fonction.

 Dans un mouvement brusque, à la fois précis et inattendu, le notaire vit volte face et planta son regard dans celui de son client :

« Martial, je t’ai dit et je te répète, sans contrat de mariage, tu devras partager avec ton épouse l’ensemble de tes biens personnels et professionnels…. sans exception, c’est la loi »

Le quadragénaire savait déjà à quoi s’en tenir; depuis quelques semaines sa femme avait engagé une procédure de divorce qu’elle souhaitait rapide. Elle avait sollicité les services d’un des meilleurs cabinets d’avocats Bordelais, spécialisé en  droit de la famille et plus précisément en matière de divorce.

Ce cabinet, de notoriété nationale, avait la réputation d’être rémunéré au résultat, ce qui rassurait pleinement ses clients et déstabilisait les parties adverses avant même le début d’un procès. C’est pourquoi la plupart des affaires se soldaient par un compromis.

Martial savait d’ores et déjà que la partie serait difficile et qu’il était préférable d’éviter les procédures à n’en plus finir. Chacun y laisserait du temps, de l’argent mais surtout l’estime qu’ils se vouaient réciproquement avec celle qui avait partagé sa vie vingt sept années durant.

Ce qu’il souhaitait par-dessus tout, c’était  préserver ses jeunes enfants du déchirement psychologique d’une séparation précipitée.

Après de brillantes études à l’école d’architecture de Bordeaux dont il  était sorti major, Martial s’était immédiatement installé à son propre compte en périphérie de cette ville de province, dotée d’un formidable patrimoine architectural des 18 et 19ème siècle classé à l’Unesco.

Lui était plus particulièrement tombé amoureux du quartier Mériadeck, cet ensemble immobilier typique des années 60 avec ses immeubles en croix, et ses deux niveaux de circulation, concept difficilement décryptable pour les non initiés.

Il avait très vite connu le succès professionnel auprès d’une clientèle bordelaise assez fortunée et nostalgique pour laquelle il avait conçu des réalisations à la fois modernes et rétro. Adepte dès la première heure de l’Atelier de l’Urbanisme et de l’Architecture (AUA), ce mouvement professionnel qui eu pour but de rapprocher dans un même lieu architectes décorateurs, ingénieurs et sociologues autour d’un projet commun. Martial était devenu lui même précurseur en la matière.

Il avait crée son cabinet d’architecte, le MBA , pour Martial Bordeaux Architecture et avait commencé sa carrière par de belles réalisations qui lui avaient assuré rapidement la reconnaissance de ses pairs, d’abord au niveau régional puis national dans les années 90.

 Avec le succès professionnel était arrivée tout naturellement l’aisance financière et avec celle-ci s’en était suivi le confort matériel. Plutôt discret sur son paraître, Martial  se gardait bien d’afficher des signes extérieurs de richesse. Cela dit, il entendait bien profiter matériellement des avantages que lui procuraient ses revenus.

Un quart de siècle plus tôt, il avait épousé Catherine, cette jolie brune qu’il avait rencontrée lors d’une soirée estudiantine, place de la victoire alors qu’il était dans sa dernière année d’études à Bordeaux. La jeune fille, un peu timide, l’avait tout de suite séduit par sa gaieté, son élégance et ses bonnes manières. Le lieu de cette rencontre, près de la porte d’Aquitaine à l’entrée de la rue piétonne Sainte Catherine était d’ailleurs tout un symbole pour lui.

Dès lors, Catherine et Martial ne s’étaient plus quittés, avaient aménagé dans un petit studio de la rue éponyme et avait commencé leur idylle. Quelques années plus tard, leurs deux enfants étaient nés et la vie avait coulé comme un long fleuve tranquille sur les berges de la Garonne.

Catherine avait débuté dans la vie professionnelle par son activité d’infirmière au CHU de Bordeaux, le centre hospitalier Pellegrin, fondé au 19ème siècle, autrefois cantonné à une vocation de charité mais qui était maintenant un haut lieu d’expertise sur les maladies les plus complexes.

Elle avait était attirée par la vocation de ce lieux de vie, elle qui ressentait déjà une véritable dévotion pour son métier et une empathie à l’égard des autres.

Elle avait ensuite évolué vers une activité libérale, peut être moins dévouée à sa mission  mais plus rémunératrice. Ainsi le couple  avait atteint un certain niveau de vie lui permettant de ne pas se soucier des fins de mois.

Mais la routine s’était installée dans le couple. Catherine s’était mariée et avait certes eu deux enfants, comme une évidence mais sans passer par la case passion. Il y avait certainement quelque chose de plus solide, de plus viable entre elle et Martial mais aujourd’hui aucun des deux ne faisait l’effort nécessaire pour ranimer la flamme initiale.

Comme le lui avait dit son « psy », lors des quelques séances qu’elle avait suivies dernièrement sans en dire un mot à Martial,  « Etait-ce  l’instinct de conservation ou l’impératif de vie qui l’emportait chez elle ? ».

« Quelles que soient la force du lien et son éternité, on peut toujours le rompre d’un seul coup d’un seul, souvent au moment ou on s’y attendrait le moins ». Telle avait été la conclusion de l’expert du comportement.

9 heures sonnaient et le magasin de mode venait d’ouvrir ses portes. Telle une ruée vers l’or, la foule se précipitait avec fracas pour qui serait le premier dans les rayons.

Le brouhaha tira Martial de ses pensées. Un peu déconnecté il rajouta, sans conviction aucune comme le boxeur qui se redresse après  un uppercut :

« Philippe, tu peux comprendre toi aussi que je perds le bénéfice de toutes ces années de travail et de réussite. Alors réfléchis à me trouver une solution. »

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Ysaé
Posté le 03/07/2020
Salut!
Je ne sais pas si tu avais écris avant, mais je trouve qu'il y a une certaine maitrise dans ce premier chapitre : la manière d'ammener les personnages, de décrire l'environnement... j'ai bien aimé découvrir l'histoire du couple, c'est fluide, avec ce qu'il faut de détails, si bien qu'on s'attache à eux et que l'on regrette presque ce divorce...
Je trouve également que cette allégorie avec de la foule et des soldes est vraiment bien trouvé!
Peut-être que quelques descriptifs sur les batiments sont un peu redondants, (même si le métier d'architecte pourrait le justifier), en tout cas cela m'a laissé l'impression de traverser Bordeaux en visite touristique.
La fin est accrocheuse, il n'a pas l'air si gentil que ça finalement le Martial. Et une guerre entre époux, c'est plein de promesses!
A+
Smi
Posté le 10/07/2020
Bonjour Ysaé,
Je trouve ton avis sur mon style très encourageant . Je te confirme que c'est bien là ma première tentative d'écriture. Et je trouve enrichissant les commentaires que tu fais sur l'histoire et le personnage. Merci beaucoup.
_HP_
Posté le 11/05/2020
Salut ! ^^

Déjà, hum... BRAVO !!! C'est énorme, en 3 mois.... 😮
Sinon ^^ Ce chapitre est intéressant, tu présentes ton personnage, principal je suppose. Cela nous renseigne sur son cadre de vie, et ce qu'était sa vie avant qu'elle ne change.
Tu as une très jolie plume, même dans une présentation comme ça qui peut facilement être ennuyante ce n'est pas le cas, c'est même plutôt rythmé !

Des petites remarques ^^

• "jusqu’à l’odeur de cire qui ce dégageait de ces bois nobles" → qui se dégageait
• "dotée d’un formidable patrimoine architectural des 18 et 19ème siècle" → siècles (18ème + 19ème ^^)
• "mouvement professionnel qui eu pour but de rapprocher dans un même lieu→ eut pour but
• "Il avait crée son cabinet d’architecte, le MBA" → créé
• "Elle avait était attirée par la vocation de ce lieux de vie" → été attirée / lieu
• "le rompre d’un seul coup d’un seul, souvent au moment ou on s’y attendrait" → au moment où / je crois que l'expression c'est "d'un coup d'un seul" 🤔😄
Smi
Posté le 20/05/2020
Salut HP. Merci pour ton commentaire et tes corrections. C'est vrai que, étant complètement novice dans l'écriture , j'ai voulu donner un peu de détail pour définir le cadre sans être trop lourd sur le descriptif. Tu me dis que c'est "plutôt rythmé" , j'apprécie.
Zig
Posté le 30/04/2020
Bonjour !

"A l'été 2018, à la suite d'un pari , je m'engage à écrire une histoire en moins de 3 mois. Quatre-vingt dix jours plus tard , j'écris le mot fin sur la dernière page de mon ouvrage." = Alors, déjà, moi, là, total respect... Il faut une sacré capacité de concentration et un vrai talent pour mener des projets au bout, je suis à la fois jalouse et admirative !

C'est un très bon début, qui place directement le lecteur dans la situation en présentant ce qui semble être le personnage principal. On peut se faire une idée très précise de qui il est, sa vie, et surtout son caractère.

L'écriture est très propre, et c'est le genre de style que j'affectionne tout particulièrement (des phrases longues mais rythmées car bien ponctuées).

Si je peux me permettre une remarque (à prendre ou à laisser, évidemment), tu as une forte domination de ce qu'on appelle les verbes "ternes" (être et avoir). C'est logique étant donné que tu utilises du plus que parfait, mais ça donne un côté très répétitif à tes structures (de mon avis personnel)

Je viendrai lire la suite dès qu'elle sortira, et tu files dans ma PàL !
Smi
Posté le 04/05/2020
Bonjour Zig,
Je te remercie d'abord pour ton compliment ; j'ai écrit sans trop me poser de question étant donné le délai que je m'étais imposé. C'était de l'écriture en direct, sans filtre et sans correcteur. J'apprécie ton analyse du texte et ta remarque pertinente (que je prends, bien entendu) sur la notion de verbes "ternes" dont je n'avais pas fait cas. Tout ça est très enrichissant.
Anahera
Posté le 29/04/2020
Un bon début d'histoire !
On sent que ce Martial très raisonné et dont la vie a été un fleuve tranquille s’apprête à connaitre du changement.
J'attends vivement la suite !
Smi
Posté le 04/05/2020
Merci Anahera pour ce premier message sur ma publication. Ravi que cela te plaise ; merci vraiment pour ton encouragement.
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