Chapitre VII - les archives - partie 2

Principe de la magie et transition chaotique.

La magie des couleurs est transmise par l’hérédité. Longtemps l’on a pensé qu’un magicien peut apparaître dans une famille n’ayant jamais reçu le don. Cette hypothèse est fausse. Chaque famille de Méromaï est liée à la magie de ce pays. D’après mes recherches, tous les hommes sont magiciens, mais pour la plupart, leur pouvoir est si ténu, voire inexistant, qu’ils pensent ne pas l’être. “ Le don “ est en fait la capacité d’un individu à développer sa magie.

Certaines couleurs semblent plus difficiles à transmettre, je n’en connais pas encore la raison, mais je me donne la mission de découvrir le chemin vers une couleur unique. Une nouvelle couleur, qui permettra à son porteur de transmettre toute l’essence de la magie à sa descendance. J’ai d’ailleurs découvert une couleur dont j’ignorais l’existence, via un phénomène que j’aimerais étudier et que j’ai déjà pu observer de près. Le sujet était un magicien rouge, dont le fils avait été tué dans une bagarre entre jeunes gens. L’enfant se querellait régulièrement avec les adolescents du village et n’avait pas hérité du don de son géniteur. Le père perdit pied et étrangla l’un des responsables de l’accident. Sa magie se transforma et le rendit instable psychologiquement. Il régressa presque à l’état de bête, devenant un criminel, attiré par le meurtre. Sa force décuplée le rendait extrêmement dangereux et je décidais de l’arrêter pour son bien et celui des villageois. Je l’endormis calmement et tentais de le libérer des chaînes de sa haine. Cependant, le mal était trop profond en lui, je ne pus retirer le poison de la plaie. Tous ses tissus étaient imprégnés par cette nouvelle magie corrodante et son esprit me resta voilé, ignorant mes messages d’apaisement. Je fis mander les magiciens de sa communauté et ils constatèrent comme moi le changement de son statut. Sous ses paupières, ses globes oculaires restaient entièrement noirs. Je sentais sans le toucher la puissance de sa colère, les tourments de son esprit, la douleur que lui infligeait cette magie charognarde. Je fus autorisé à le libérer et au prix d’un formidable effort, je perçais ses barrières mentales et l’aidais à passer de vie à trépas, pour qu’il retrouve la paix.

Je m’interroge sur cette transition chaotique dont je fus le témoin. La couleur noire doit-elle être considérée comme une forme de magie à part entière ? Peut-elle être maîtrisée ? Et si oui, dans quel but ?

Le capitaine arrêta là sa lecture. Les magiciens étaient donc encore plus dangereux qu’il ne l’avait imaginé.

Il interpella un bibliothécaire, occupé à ranger des manuscrits, et lui demanda de quoi écrire. Ebur rédigea un pli au roi et demanda qu’il lui soit porté de toute urgence. Le bibliothécaire prit ses jambes à son cou et sortit trouver un messager dans la cour du château.

Le capitaine se demanda si le roi accepterait d’être ainsi convoqué aux archives par son subalterne. Il se mit à faire les cent pas, le livre toujours en main, le doigt coincé entre les pages pour ne pas perdre le passage qu’il venait de lire.

Vingt minutes passèrent sans que personne ne paraisse et le gradé avait bien du mal à maîtriser son impatience. Enfin, le bibliothécaire gringalet revint en cavalant de plus bel.

— Le… le roi… il descend, haleta-t-il.

La porte s’ouvrit et le souverain fit son apparition, les sourcils froncés, l’air préoccupé. Le maître-érudit manqua de s’étaler en claudiquant hâtivement vers son monarque. Ils échangèrent quelques instants et le vieil homme désigna le capitaine, debout près des tables de lecture. Le roi le remercia d’un signe de tête et s’approcha à grandes enjambées.

— Il est bien inconvenant qu’un capitaine fasse ainsi mander son roi dans les sous-sols de son donjon, déclara-t-il d'une voix forte en arrivant à sa hauteur.

— Vous m’en voyiez désolé, Sire, répondit aussitôt Ebur en s’inclinant platement, mais les informations que j’ai à vous partager ne peuvent sortir de cette pièce.

Il désigna le livre qu’il avait posé ouvert sur la table et le roi s’assit, intrigué.

Ebur lui fit la lecture du passage sur la transition chaotique, omettant volontairement le paragraphe mentionnant que tous les habitants du royaume étaient magiciens.

Le monarque l’écouta sans le couper, les pouces appuyés sur les tempes. Quand le capitaine se tut, il frappa rageusement du poing sur la table, faisant se tourner les têtes des hommes de lettres.

— Donc, si l’on en croit ton grimoire, tous les magiciens possèdent le pouvoir de nous occire si nous les contrarions.

Le capitaine s’assit en face du monarque et parla à voix basse :

— Je ne sais, Majesté, si tous ont ce pouvoir. A priori, cela se peut s’ils subissent un trop gros choc émotionnel.

— Comme je fus bête de ne point savoir cela ! s’agaça le souverain en lissant nerveusement ses cheveux en arrière. J’aurai ordonné aux soldats partis sur Léocadie d’agir autrement.

Le jeune roi resta pensif un moment.

— Transmet ceci au conseil de guerre, ordonna-t-il finalement, plus d’exécution publique pour l’exemple, ni arrestation de jour, ni quoi que ce soit qui puisse déclencher les foudres de ces ensorceleurs. Nous devons agir plus discrètement et changer nos méthodes. Ebur, cet écrit contient des informations capitales, je veux que cette section des archives soit épluchée et sous bonne garde jour et nuit.

— Bien, votre Majesté, s’inclina le capitaine, j’en informerai le conseil dès aujourd’hui.

— Les détails restent entre nous, précisa le roi en désignant le livre. Tu ne parleras pas aux autres gradés de ce Goulven.

— Non, Monseigneur, je dirai simplement que nous cherchons à protéger l’ordre public en ne créant pas d’émeutes.

— Très bien.

Le roi se leva et s’apprêta à prendre congé. Il se ravisa et se rassit.

— Ebur, as-tu découvert dans tes lectures un moyen qui permettrait de briser une malédiction ?

L’espoir et la peur se lisaient dans les yeux de Théophane.

— Non, Sire, le texte, comme vous l’avez entendu, ne parlait pas de malédiction. Mais je vais poursuivre dans cette voie, assura-t-il avec fermeté.

Le monarque sembla un instant se replier sur lui-même, déçu, avant de se reprendre aussitôt.

— Cela n’est point ton travail, je vais dépêcher un de mes érudits pour cela.

Une idée brilla dans l’esprit du capitaine.

— Si je puis me permettre, Monseigneur, je connais la personne adéquate.

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AudreyLys
Posté le 25/08/2021
Hey ! Très bon chapitre, comme d'habitude^^ J'aime beaucoup les POV Ebur comme je te l'ai déjà dit. Ils apportent de la nuance même si notre bon monsieur est fort buté x)
Quelques coquilles :
ce qui n’aurait, certes, pas avancer ses affaires, -> avancé
le replaça sur l’étagère Patrimoine magique . -> espace est trop devant le point
devenant un dangereux criminel, attiré par le meurtre. Sa force décuplée le rendait extrêmement dangereux -> répétition de dangereux
Bien votre majesté, s’inclina le capitaine, -> Votre Majesté (les titres prennent des majuscules)
À bientôt
Livia Tournois
Posté le 25/08/2021
Merci beaucoup ! J'aime bien aussi écrire ces parties :)
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