Démon

Lorsqu’ils pénétrèrent dans les limbes, ils eurent la surprise de trouver un décor inhabituel. Les lunettes infrarouges révélaient une ville tout entière et en ruine, envahie de cristaux du volcan. Ils arrivaient au milieu d’une grande rue fantomatique dont quelques bâtiments étaient encore debout. Chris se sentit étrangement chez elle. La sensation était perturbante dans cet enfer brûlant.

— C’est… Est-ce que c’est Eïr ?

Tony hocha la tête.

— En tout cas, ça y ressemble, dit-il, aussi surpris qu’elle.

Le même genre de maisons, de matériaux, de sol sableux… Si c’était bien l’endroit qu’ils venaient de quitter, alors c’en était un tout petit bout, quelques rues seulement, car au loin, la caverne reprenait son aspect de toujours avec ses grottes orangées.

— Qu’est-ce que ça veut dire ? demanda Chris.

— Je ne sais pas.

Ils progressèrent au milieu des larves. Les monstres n’étaient pas si nombreux. Certains étaient embusqués dans la ville. Curieux, Tony s’approcha d’un bâtiment encore debout et poussa une porte. Un spectre surgi, et comme dans la vidéo, il recula et prit la fuite, mais se fit abattre par le pistolet laser de l’explorateur. Ils entrèrent et découvrirent un lieu abandonné où restaient des traces de la civilisation actuelle.

— Un grille-pain ! s’exclama Tony. Je suis sûr que ça intéresserait quelqu’un.

— Je prie pour qu’on ne trouve pas de lave-linge, murmura Chris en fouillant dans les ustensiles de cuisine pour récupérer ceux qui étaient en meilleur état.

Sa remarque fit rire son mentor qui glissa l’appareil dans son sac, satisfait. Des choses, dans les limbes, ils en avaient déjà trouvé beaucoup. Mais d’habitude, c’était dans les portes à spectre, pas comme ça, au milieu des couloirs.

— Une machine à café, s’extasia-t-il. Oh… c’est Noël. J’adorerais qu’on la ramène chez nous.

— Même la Brigade en a une maintenant, répondit Chris. Je pense que tu peux sans scrupule avoir la tienne. C’est vraiment une machine à café, ça ?

Elle s’amusa de le voir en totale admiration devant le pot en inox en deux parties et son étrange design à facettes.

— C’est une cafetière italienne. J’adore…

Elle la récupéra avec d’autres petites choses, plus loin, elle repéra des provisions. Elle ne trouva pas grand-chose au début, du moins jusqu’à ce qu’elle tombe sur tout un stock de denrées sèches. Dont du café.

— C’est vraiment Noël ! rit Tony.

— Je n’en reviens pas de la chance qu’on a, approuva-t-elle. On n’aura jamais le temps de tout visiter.

— Non, mais maintenant qu’on sait que cette ville existe, on peut la chercher et peut-être la retrouver. Ce serait bien qu’on prenne un moment pour voir ce qu’il y a autour.

— Entendu.

La porte d’entrée claqua. Ils sursautèrent tous les deux. Chris cria. Un homme se tenait devant la sortie. Il n’y avait pas d’hommes dans les limbes, il n’y avait que des démons. La créature s’évapora et réapparut nez à nez avec elle. Il plaqua ses mains sur son visage et l’attira à lui comme pour aspirer son âme. Elle hurla et lui tira dans le ventre, mais il avait déjà disparu. Elle vit Tony qui la tenait en joue et qui cherchait le monstre des yeux.

— On se barre, dit-il. Passe devant. Les endroits confinés sont plus dangereux.

Elle rouvrit la porte et regarda à droite et à gauche, prête à faire feu, couverte par Tony, mais ne trouva rien. Elle sortit, attentive. La porte claqua à nouveau. Elle se retourna et se retrouva face au battant.

— Tony ! cria-t-elle.

Elle l’entendit courir à l’intérieur de la maison. Des chocs, des bruits de lutte lui parvenaient. Elle s’efforça de casser le panneau à grand coup d’épaule, mais ça ne bougeait pas plus que si elle avait tenté de démolir un mur en pierre.

— Reste sur tes gardes ! prévint la voix de Tony qui lui sembla venir d’en haut.

Elle vit les molosses qui se ruaient sur elle. Elle les esquiva de justesse, roula sur le sol et les abattit avant de s’être relevée. Elle observa la toiture, mais ne vit personne. Elle aperçut Tony à l’une des fenêtres tenter de passer par l’ouverture, mais il était coincé à l’intérieur, bloqué par un mur invisible.

 

Elle fit basculer son sac et tira ses outils de minage pour s’en prendre à la porte, mais le pic n’entama même pas le bois. Strada avait raconté un jour que les démons pouvaient changer les propriétés de la matière, produire toutes sortes d’illusions et perturber l’espace. Elle constatait de ses yeux que le chef avait raison. Le piolet n’atteignait pas sa cible, protégé par le vide. Tony était prisonnier, mais il devait bien y avoir un moyen de le sortir de là…

— Eh ! Démon ! cria-t-elle. Viens voir un peu par ici. Je ne te crains pas, tu es faible et lâche !

La créature apparut sur le toit. Son visage était absolument dépourvu d’émotions, ce qui le rendait beaucoup moins humain. Il la regardait, la tête légèrement penchée sur le côté. Elle le visa et tira. Il avait disparu. Une masse noire la frappa de plein fouet et elle fut plaquée contre le mur. Elle s’échappa juste à temps pour éviter une volée de griffes qui entamèrent la pierre. Voyant cela, elle se rua vers la porte pour tenter de la forcer à ouvrir une brèche pour Tony, mais déjà la créature était sur elle et la projetait violemment à l’écart.

Elle se releva, sonnée, recula le temps de régler son arme sur une décharge plus concentrée et tira. Le fin rayon lumineux était devenu une boule de puissance qui repoussa brutalement le monstre qui revenait à l’assaut, le laissant K.O. dans un relent d’odeur de poils roussis qui passait presque par-dessus celle plus persistante du souffre.

— Chris ! cria Tony plus près de l’entrée. Il faut que tu quittes les limbes, maintenant !

— Hein ?

— La température, dit-il. Surveille la température. Le portail va se refermer !

Elle se rendit compte qu’elle avait complètement oublié. Les degrés avaient grimpé, elle suffoqua en comprenant ce qu’il lui demandait.

— Je ne te laisse pas ici ! Tony, tu m’entends ?

Elle l’écouta cogner contre quelque chose encore et encore, en vain. Elle utilisa son arme toujours réglée sur le rayon concentré pour viser la porte qui resta intacte. Elle donna un grand coup de pied sans succès.

— Je peux pas te laisser là, cria-t-elle. Tu vas mourir !

— C’est bon, je vais trouver un truc, assura-t-il. Il faut que tu sortes parce que si je me perds dans les limbes, tu devras revenir me chercher.

— Dis pas n’importe quoi ! Tu vas griller. Ça grimpe tellement vite…

— Je vais trouver un truc, répéta-t-il. Chris, sors !

— Non.

— Chris ! Sors immédiatement, c’est un ordre !

Elle visa à nouveau la porte, mais son arme était totalement déchargée. Les grondements près d’elle l’avertirent que des molosses attaquaient. Elle regarda la maison et donna un nouveau coup de pied dans le bois.

— Je compte sur toi, Chris, insista-t-il.

— Tu peux compter sur moi, répondit-elle. Trouve un truc, mais tiens bon. Je reviendrai te chercher.

Elle serra les dents et se mit à courir. Ils n’étaient pas partis très loin, la sortie n’était qu’à quelques mètres. Elle vit le portail trembler. Elle plongea en avant pour réussir à l’atteindre. Elle le traversa à la dernière seconde, atterrit sur le sol de cristal qui se fissura sous elle. Elle ferma les yeux pendant l’explosion, chuta dans le vide et rebondit sur le trampoline. Elle retira ses lunettes pour chercher autour d’elle. Tony n’était pas là. Tous les membres de la Brigade la regardaient. Ils avaient déjà compris.

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Phémie
Posté le 31/01/2025
Ouf, dur le chapitre ! Après, j'ai vraiment envie de croire que Tony va trouver un truc et qu'elle va pouvoir revenir le chercher. Tu nous laisses espérer, c'est sympa !

La question que je me pose, c'est s'ils ont fait une erreur lors de cette exploration? Est-ce ce sentiment de familiarité, en se retrouvant dans des rues semblables à celles de Eïr, et cette profusion de denrées et machines qui leur a fait baisser leur garde ? Si oui, étais-ce une stratégie de la part du démon ?

Au niveau de la forme, j'ai pas remarqué grand chose ; il n'y a qu'une phrase qui m'a laissé l'impression de se contredire un peu : "Elle ne trouva pas grand-chose de mangeable, à l’exception de tout un stock de denrées sèches. ". C'est pas mal "tout un stock" quand même, étais-ce parce qu'il y avait une grande quantité d'aliments périmés que Chris à eu l'impression qu'il n'y avait pas grand chose ?

En tout cas super chapitre, qui se lit vraiment d'une traite et qui appelle bien à cliquer sur suivant. A très vite
Solamades
Posté le 10/02/2025
Re !
Je pense que la suite répondra à ta question.
Tu as tout à fait raison pour le stock, tu as vraiment l’œil pour ça ! 
Merci pour tes retours !
Nakama93
Posté le 03/10/2024
Bonsoir !

Un très bon chapitre, je pense que c'est celui que je préfère pour le moment :).

Cette visite des limbes était vraiment intéressante et fun à suivre, que ce soit au début lorsqu'ils font leur course, jusqu'à l'apparition du fameux démon.

Apparemment le démon à la faculté de se rendre tangible et intangible à souhait. Et le seul moyen de l'atteindre serait la lumière ? Si je m'en réfère au tir lumineux qui l'a touché.

La scène où elle doit de se séparer de Tony fait son effet, on ressent bien la détresse de Chris et de la situation en elle même.

Reste à savoir si Tony pourra être sauver, et comment Strada réagira à tout ça.

Merci pour la lecture ! :)
Solamades
Posté le 04/10/2024
Bonjour ! 
Contente que ça t’aie plu !
Ce n’est pas tout à fait de la lumière, il s’agit plutôt de lasers façon… sabre lasers de Star wars, peut-être XD.
Bonne continuation ! 
Raza
Posté le 12/09/2024
Ahah! Je le savais! :p
Intéressant cette ville, ça a un petit côté upside down de stranger things. 1er combat contre un démon, et ils sont déjà à 50% de pertes! Mais c'est bien, ça leur laisse de la marge de progression pour la suite ;)
J'ai bien aimé le côté "pillage bucolique en enfer", avec la bascule qui suit. Les démons ont donc des griffes?
J'ai trouvé la phrase "c'est un ordre!" unboeu cliché, mais en dehors de ça c'est cool, hâte de voir comment elle le sauve ! (Ou ne le sauve pas...)
A bientôt!
Solamades
Posté le 12/09/2024
Ton commentaire m’a fait rire… les 50 pour-cent de perte lol…
Et oui, tu avais forcément raison.
Je ne fais pas de correction tout de suite, mais je note. C’est vrai que le c’est un ordre ! sonnait… un peu vieille sitcom.
Merci pour tes commentaires ! (tu es rapide)
Raza
Posté le 12/09/2024
De rien! En ce moment je lis bcp, alors je suis ma pal avec assiduité! A bientôt
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