FIEVRE 92R
Année 2017, ce jour-là : FIEVRE
« Doucement les coups de genoux les filles ! »
« C'est presque trop beau pour être vrai », lui commandait sa raison. « Non, il faut y croire », lui assénait en retour le rétroviseur.
Nathan, par coups d'oeil évanescents, tentait de se persuader qu'il le méritait son bonheur, après toutes les épreuves qu'il avait traversées. Aujourd'hui, il se dirigeait avec sa famille à la cérémonie inclusive, celle qui allait faire de Martha, sa plus grande fille, une novatrice, une des castes les plus prestigieuses. C'était sa plus grande fierté. Après avoir été très tôt détectée par la COMM' – l'IA qui reliait tous les êtres humains en ayant accès à chacune de leurs potentialités et facultés cérébrales- Martha avait eu droit à une place aux tests finaux. Sa fierté était d'autant plus grande que lui n'avait été identifié qu' en tant que bâtisseur et qu'il était particulièrment ardu de s'extraire de la caste parentale. Avec un peu de chance, ce soir, peut-être le laisserait-on entrer.
Nathan plongea dans le regard complice de Lyana, sa femme. Celle-ci, finalement, s'était ravisée. Elle ne partirait pas, elle ne l'abandonnerait pas. Bonheur partagé.
Le sourire aux lèvres, Nathan observait ses deux filles se chamailler gentillement. Il prit une grande inspiration.
Néant.
« Vous avez un appel d'urgence »
Vic effleura machinalement l'arrière de son oreille droite ce qui activa sa puce et lui permis de prendre la conversation transmise via la COMM'.
-Ouais ?
-Vic ? Qu'est-ce que tu fous bordel ? Ca fait plusieurs fois que j'essaie de te joindre !
Vic s'habillait maladroitement en tâchant d'éviter les bouteilles vides et les cendriers.
-Soirée compliquée, il se passe quoi ?
-Active-toi, on est appelés sur la nationale 87, c'est une vraie boucherie.
Arrivée sur les lieux. Etendue des dégâts. Vommissements contenus. La voiture s'est muée en monstre de métal et d'acier à la géométrie déraisonnable.
Vic s'approche d'un officier de police judiciaire qu'elle semble reconnaître.
- Madame la procureure...
- Seulement substitut, vous emballez pas. Vous me faîtes le topo ?
- Un choc d'une rare violence a projeté la voiture sur la rembarde de sécurité à l'opposé de la chaussée. Le véhicule a percuté un poids lourd par l'avant gauche, son chauffeur est mort sur le coup.
-Et dans la voiture ? La question n'est posée par Vic que pour la forme.
-Tous morts, un homme et sa femme, deux adolescentes. Méconnaissables. Avec votre retard, j'ai pu commencé à creuser. Je me suis branché à la COMM' pour avoir accès aux caméras de surveillance. L'accident est brusque. Tout se passe comme si la voiture avait subitement accéléré et braqué sans raison. Le conducteur aura certainement perdu le contrôle de son véhicule.
-Les puces sont exploitables ? On en saura plus.
-Celle des femmes ont littéralement volé en éclat. Pour l'homme, c'est différent, on a peut-être une chance. La puce est déjà en route pour le labo.
Vic lorgna la plaque du véhicule « FIEVRE 92 R ».
« C'est quoi ce bordel ? Les plaques avec les identifiants à deux chiffres ont été détruites il y a des décénnies, interdicition formelle de mise en circulation sous peine de destruction immédiate. Des accidents ambulants. »
En pleine réflexion, Vic se gratta machinalement l'arrière du crâne, qu'elle trouva anormalement chaud. Une stimulation impromptue de la COMM' dût faire affluer un souvenir.
-Euh... quel jour sommes-nous déjà ? Je crois bien que demain c'est l'anniversaire de ma fille, j'ai encore failli zappé.
-Aie ! Surtout que demain c'est férié ! Accrochez-vous pour trouver un cadeau un premier mars madame le substitut !
Année 2018, le même jour : VIREE (j'ôte le F)
La puce de Nathan n'avait émis aucun signal. Elle avait alors été mise en procédure « suivi suspendu » : une connection permanente mais passive à la COMM'. Cette dernière en attendrait un signal, comme ceux de milliers d'autres puces dans autant d'autres d'accidents aux causes inexpliquées.
Le BIP inattendu induisit un sursaut de Vic, qui, en quelques clics, eût accès aux données émises par la puce.
Alerte enthousiaste aux collègues.
-Hey! Le dossier Nathan bip un an après, jour pour jour ! Vous le croyez ça ? Quel jour sommes-nous d'ailleurs ? Aucune réponse... Silence préoccupant.
Soudain, un jaillissement de données et d'images sur les écrans.
« OK, qu'est-ce qu'on a là...
Les paramètres vitaux ont l'air stable, rythme cardiaque, intensité respiratoire, tout est OK. Nathan était particulièrement calme...si on excepte une légère augmentation de la température corporelle... Il était malade ? C'est bizarre, ses données sanguines sont toutes dans les paramètres standards....
Bon, je passe en mode personnel : voir à travers ses yeux.
Il jette un œil à l'arrière, puis à sa compagne... »
Soudain, l'image coupe... Le BIP disparaît.
« Bon sang Nathan... que s'est-il passé ensuite ? »
Vic sent une main timide sur son épaule.
« Vic... tu sais bien que tu es en suspension disciplinaire... rentre chez toi. Dans quelques jours tu seras virée. »
Année 2019, toujours ce même jour : REVE (le I rejoint le F)
Alarme. Sursauts. Recherches acharnées. On a perdu quel jour on est. Cela compte peu. Le gâteau d'Annabelle attendra, c'est peut être plus tard. Le contexte de ce drame importe davantage. Ecrans allumés.
Nathan est calme. Regards sur elles. Brusque coup de volant sur la gauche. Décès voulu.
Décablage. Assemblage du puzzle. Peur. Alors qu'elle comprend le réel, elle rêve.
Le 29 février 2020
Vic se rua dans le bureau du procureur.
-Mais qu'est-ce que vous faîtes là !
-J'ai résolu l'énigme, je n'ai fait qu'un avec la COMM'! Je sais ce qui c'est passé ce jour de 2017.
-Ne m'obligez pas à appeler la sécurité, partez !
-Je vous demande juste cinq minutes! Cinq minutes et vous saurez tout ! C'est d'une telle envergure !
Je me suis connectée en rêve avec la COMM', pas comme on fait d'habitude. Directement.
Sans interface, comme si j'avais pu, un instant, fusionner avec elle. Et j'ai aperçu la vérité.
Ce jour-là, pour une raison que j'ignore, Nathan décide de mettre fin à ses jours, emportant avec lui toute sa famille. Le choc est très violent, si violent que sa conscience est restée prisonière de sa puce, puis a littéralement pris le contrôle de la COMM'.
Puis, la conscience de Nathan est restée en dormance. Prise d'un remords infini, à chaque date anniversaire, elle essaie deux choses.
Elle veut nous expliquer son geste en instillant des mots dans notre esprit, tous des anagrammes partielles du mois du drame : Fievre/ Virée/ Reve. Une dernière virée enflammée ? Voilà comment je sais qu'il s'agit d'un suicide. Et vous n'avez pas vu la plaque ?
Deuxième chose, elle essaie d'effacer littéralement cette journée du calendrier ! Elle veut supprimer cette date à tout jamais ! Cela commence par la disparition progressive des lettres du mois tragique. Où étaient passés le F et le V ? Pourquoi sont-ils revenus ? Est-ce une autre partie de son plan ou alors est-ce l'espace-temps lui même qui se défend de toutes ses forces ?
Pourquoi personne ne se souvient de la date exacte de cet accident ?
-Vous délirez. Aujourd'hui nous sommes le 29 février 2020.
Rien ne pouvait laisser envisager le suicide de Nathan, ce qui rend la fin étrange, comme s'il y avait plus à dire mais que tu manquais de temps.
C'était néanmoins un parti risqué de partir là-dedans, chapeau pour ça !
Quelques coquilles :
j'ai encore failli zappé. -> zapper
Regards sur elles -> regard (ça se discute)
En tout cas bravo^^
Excellente ton idée de jouer avec les lettres et la plaque d'immatriculation ! On a l'impression d'être dans un rêve, avec des flashs d'informations, sans savoir ce qui est vrai de ce qui ne l'est pas.
Vic n'a pas l'air bien plus sain d'esprit que Nathan au final...
Bon, je ne suis pas sûre d'avoir tout tout bien compris ^^° mais cette nouvelle était très belle, originale et bien écrite ! Je te dis bravo !
C’est bien mystérieux, tout ça. À en croire la phrase finale, il faudra attendre l’année prochaine pour la suite de l’enquête ? ;-) Cette idée des indices semés sous forme de lettres qui s’effacent et réapparaissent sur la plaque d’immatriculation est inattendue et bien trouvée. L’enquête est conduite et le mystère, distillé de manière telle que la tragédie qui est arrivée à cette famille ne plombe pas l’ambiance du récit. L’intrigue est bien menée avec cette division par années et, comme fil conducteur, cette plaque d’immatriculation changeante. Belle participation !
Coquilles et remarques :
— Nathan, par coups d'oeil évanescents [d’œil ; ligature]
— tentait de se persuader qu'il le méritait son bonheur [J’ajouterais une virgule après « méritait ».]
— par la COMM' – l'IA qui reliait tous les êtres humains en ayant accès à chacune de leurs potentialités et facultés cérébrales- Martha avait eu droit [Les tirets sont asymétriques : il faut deux tirets longs.]
— lui n'avait été identifié qu' en tant que bâtisseur et qu'il était particulièrment ardu [qu’en (sans espace) / particulièrement]
— Nathan observait ses deux filles se chamailler gentillement [gentiment]
— qui activa sa puce et lui permis de prendre la conversation [lui permit]
— Qu'est-ce que tu fous bordel ? Ca fait plusieurs fois que j'essaie de te joindre ! [Virgule avant « bordel » / Ça ; cédille également sous la majuscule]
— Etendue des dégâts. Vommissements contenus [Étendue / Vomissements]
— Seulement substitut, vous emballez pas. Vous me faîtes le topo ? [« ne vous emballez pas » serait plus clair / faites, sans accent circonflexe ; le faîte, c’est la cime, le sommet, le haut de qqch.]
— sur la rembarde de sécurité [rambarde]
— Avec votre retard, j'ai pu commencé à creuser [commencer]
— C'est quoi ce bordel ? [Virgule après « quoi ».]
— il y a des décénnies, interdicition formelle de mise en circulation [décennies ; pas d’accent avant les doubles consonnes / interdiction]
— Une stimulation impromptue de la COMM' dût faire affluer un souvenir [dut (passé simple) ; « dût » est la forme du subjonctif imparfait]
— Accrochez-vous pour trouver un cadeau un premier mars madame le substitut ! [Virgule après « mars ».]
— connection permanente [connexion]
— Hey! Le dossier Nathan bip un an après, jour pour jour ! Vous le croyez ça ? Quel jour sommes-nous d'ailleurs ? [Hé ! ; « Hey » n’est pas français / bipe ; du verbe biper / virgule avant « ça » / virgule avant « d’ailleurs »]
— Les paramètres vitaux ont l'air stable [stables ; ils ont l’air d’être stables, mais ils n’ont pas un air stable]
— Il jette un œil à l'arrière, puis à sa compagne... [Il jette un coup d’œil]
— Soudain, l'image coupe... Le BIP disparaît [L’image est coupée ; ou éventuellement « se coupe »]
— Ecrans allumés [Écrans]
— Mais qu'est-ce que vous faîtes là ! [faites ; voir plus haut]
— sa conscience est restée prisonière de sa puce [prisonnière]
— puis a littéralement pris le contrôle de la COMM'. / Puis, la conscience de Nathan est restée en dormance [Pas de virgule après « Puis » / D’ailleurs, pour éviter la répétition de « puis », tu peux remplacer « Puis » par « Ensuite », suivi d’une virgule.]
— des anagrammes partielles du mois du drame : Fievre/ Virée/ Reve [Fièvre / Rêve]
— est-ce l'espace-temps lui même [lui-même]