Il y a de cela fort, fort longtemps.

Il y a de cela fort, fort longtemps.

Tess lança des regards apeurés tout autour de lui, convaincu qu’il allait se faire attaquer sans tarder. 

Mais rien ne vint.
Grâce à sa cape, sa torche avait été protégée. Après un instant d’angoisse suite à la bourrasque, cette flamme-ci était repartie.

Tess reprit sa marche prudemment. Il cru remarquer un mouvement sur sa gauche, dans les hautes herbes, mais après un temps d’arrêt affolé, il ne vit rien de plus.
Il cru percevoir un bruissement sur sa droite, mais après avoir tendu l’oreille, il n’entendit rien de plus.

Et puis tout à coup, son regard rencontra celui d’un autre.
Entre lui et le tas de bois et de braises encore fumants, un renard étrangement blanc se tenait là. Tess ne l’avait pas vu arriver et n’aimait pas du tout cette rencontre.
Était-ce la lune qui donnait ce ton blanchâtre à l’animal ou était-ce sa couleur naturelle, si incongrue en ce début de saison chaude ?
Il était très maigre et une mauvaise blessure lui balafrait la cuisse.

Tess tenta de le faire fuir en agitant de loin sa torche, mais le renard ne bougea pas. Ses yeux était deux fentes noires qui rappelèrent à Tess ceux des visages de la statuette donnée par Blanda.

Était-ce une épreuve ? Ce renard était-il un Dieu qu’il devait aider ou un change-face dont il devait déjouer le tour ? Garos lui dirait qu’un renard est un renard et que blessé et ne pouvant plus chasser, il était simplement affamé.

Et puis l’Uddrie lui dirait que les trois réponses pouvaient être justes. Alors Tess plongea la main dans son sac et en tira le morceau de viande enroulé dans du cuir que Blanda lui avait offert. Il lança le tout en direction du renard, mais assez loin pour le dépasser et faire atterrir le paquet dans le bas-côté, à plusieurs pas du chemin.
Puis il avança, la torche en avant, mi-arme, mi-bouclier.

Au grand soulagement de Tess, le renard fit le choix de l'odeur alléchante de la graisse cuite, bondissant dans les hautes herbes pour la suivre. Le berger le vit tenter de défaire au plus vite la poche de cuir entourant la viande.
Il profita que le renard fut occupé et le chemin de nouveau libre pour courir vers les restes du feu que le vent avait éteint et s’appliqua à le rallumer de sa torche. 
Enfin, des flammes fleurirent sur le bois et prirent assez d’ampleur pour illuminer de nouveau, sentier et bas-côtés.

Tess chercha le renard des yeux, mais ne le vit nulle part. Ni lui, ni le carré de viande, ni le morceau de cuir.

La nuit était silencieuse.

Il n’aimait pas ça, il n’aimait pas cela du tout.
Il regarda autour de lui et décida d’arracher du sol de grosses poignées d’herbes sèches pour les jeter dans le feu. Puis il alla jusqu’à un arbuste de bord de chemin qui n’était pas trop loin pour lui couper certaines de ses branches les plus basses et les ajouter aussi aux flammes.

Tess tenta d’apercevoir sa ferme de là où il se tenait pour se rassurer sur la distance qu’il lui restait à parcourir et se redonner du courage, mais le mur de nuit obstruait toujours sa vision.

Fébrile, il reprit sa marche jusqu’à son prochain bouclier de lumière.