Je n’ai jamais été un sale gosse !
J’ai été élevé et aimé dans une famille assez aisée pour me mettre à l’abri des petits pepins de la vie. Je n’ai pas volé, je ne me suis pas battu, je n’en ai pas eu besoin.
Je n’ai jamais été un sale gosse !
J’ai poussé, parmi les tuteurs, les règles et l’autorité. Comme c’est sécurisant l’autorité. Elle nous prend par la main et nous emmène sur le bon chemin, à chaque carrefour elle nous montre le route. Petit à petit j’ai appris tout ce que l’on souhaitait que j’apprenne. J’ai beaucoup oublié, mais il m’en reste à mettre de coté !
Je n’ai jamais été un sale gosse !
La voie était toute tracée. Études, armée pour faire semblant, mon adjudant. Première fille, quelques joints, dernier diplôme, RMI pour que je remercie et enfin premier boulot. Pas celui que j’aurai aimé. Non, enfant je me voyais écrivain, grand reporter, musicien, chercheur, j’ai fait ingénieur. Il y avait une école pour ça.
Je n’ai jamais été un sale gosse !
Et puis le travail m’a choisi. Les non-choix que l’on accepte avec lesquels on s’arrange. Il faut bien gagner ta croute, participer à la communauté, les impôts, fortune partagée, cinq semaines de liberté, compte épargne, mutuelle efficace, donne ta voix à un élu, alléluia, qui saura l’utiliser mieux que toi et surtout n’oublie pas de préparer ta retraite.
Je n’ai jamais été un sale gosse !
Et puis j’ai aimé, j’ai essayé, et puis j’ai été blessé. Alors j’ai aimé encore et ça n’a pas marché. Et puis devant la folie, je me suis effondré.
Trop bon trop con, j’aurai dû être un sale gosse !
Et puis, je l’ai trouvé, l’amour. Peut être la seule chose que je n’ai jamais choisie, la seule pour laquelle je me suis battu.
Alors longtemps j’ai oublié mon sale gosse !
Et j’ai travaillé, beaucoup travaillé, bien travaillé, sauf pour ceux que ça dérangeait, petits chefs, toujours à redire. Rien de personnel, Bruno, c’est le boulot qui veut ça ! La trique dans un main, le nerf de bœuf dans l’autre et la bienveillance e-learnée au milieu.
Je n’ai jamais été un sale gosse !
Et pourtant j’en ai rêvé, dans mes songes, mes lectures, mes aventures nocturnes. J’en suis sur, quelque part, il attend ce sale gosse. Alors ce soir quand vous aurez ce livre entre vos mains, laissez votre sale gosse vous pardonner et m’absoudre pour ce que vous allez lire car ce livre c’est tout ce qu’il reste de mon sale gosse.