Samedi 7 novembre 2020, 19h/ Ce nouveau confinement se déroule dans une certaine confusion. Difficile de savoir ce qui est permis et ce qui est interdit. Pour bon nombre de personnes, rien ne change... ou si peu. Aux actualités, une bonne partie de la semaine a consisté à faire la part des choses entre les commerces dits "essentiels" et les commerces dits "non-essentiels". Clairement, c'est une problématique qui se situe à des années lumières de mes préoccupations ; j'entends la consommation en tant que client - et je comprends tout à fait le désarroi des commerçants à l'heure actuelle. Aussi, et surtout, la distinction entre l'essentiel et le reste me paraissait claire et je me risque à l'écrire ici : est essentiel un bien ou un service qu'il est impossible de reporter dans l'immédiat pour sa survie ou sa subsistance : alimentation, hygiène, soin, carburant (puisqu'il est possible d'aller travailler) ; n'est pas un essentiel un bien ou un service qu'il est possible de reporter : un livre, un vêtement, une coupe chez le coiffeur etc.
Du coup, certaines revendications - comme celle demandant la réouverture des librairies - me semblent capricieuses. Est-il à ce point impossible d'attendre décembre ou janvier pour pouvoir s'acheter un livre ? Même chose pour le reste. Et puis, il y a eu cette question de la concurrence déloyale avec les grandes surfaces. Nous sommes arrivés à des situations ubuesques où certains rayons étaient recouverts de films plastiques. Petit à petit, des produits ont été interdits à la vente dans le cadre d'une taxinomie bancale ; à certains égards, nous frisons le ridicule. Avec toujours, en sus, l'ombre de l'épouvantail Amazon planant sur les consciences. Là aussi, la logique m'échappe. Je n'ai acheté que deux livres sur Amazon depuis que ce service existe en Europe. C'était en 2012, durant mes études pour la rédaction de mon mémoire. La bibliothèque universitaire ne les possédait pas dans son fonds et ils n'étaient plus disponible à la vente en librairie. Pour les produits rares, Amazon, c'est pratique ; seulement, nos besoins pour ce genre de produits se définissent, eux aussi, pour leur rareté. De fait, je ne comprends pas. Je comprends pas que l'on préfère commander depuis chez soi certains produits plutôt que de se déplacer, aller voir, échanger avec un professionnel ; prendre le temps, en un mot. Et puis, il y a ces gestes avant l'achat : un livre, j'ai besoin de le feuilleter ; un vêtement, j'ai besoin de l'essayer ; un outil, un objet quelconque, j'ai besoin de l'appréhender sous tous ses angles...
À travers cette question de l'ouverture des commerces, je me demande si notre société est capable de contrôler ses pulsions consuméristes. Je suis le premier à affirmer le rôle crucial des librairies dans notre société, je suis moi-même un grand lecteur ; cependant, je suis aussi capable de reporter mes achats quand c'est nécessaire. Aussi cette défense soudaine du petit commerce me paraît hypocrite d'un seul coup. Cela fait entre trente et quarante ans que nous bâtissons de grandes zones commerciales en bordure des agglomérations et des métropole au détriment des centres-villes. Cela fait dix ans que, collectivement, nous préférons la vente par correspondance plutôt que le commerce de proximité. Les petits commerçants se meurent, et quelque part, nous avons tout fait pour que cela arrive ; cette pandémie accélère seulement notre inconséquence sur ce plan-là.
Globalement, je ne comprends pas ce besoin de consommer à tout va et tout le temps, je ne comprends pas que l'on cède à ce point à nos désirs et que l'on écoute si peu nos besoins. Moins de futile et plus d'utile, à bien y regarder, s'il est fait sincèrement, ce serait un premier pas salutaire pour sauver nos commerçants.
Je reviens juste sur l'engouement soudain pour les petits commerce (dits aussi de proximité). C'est un mouvement minoritaire, qui entre dans le cadre consommer local, bio, durable, équitable. Il concerne peu de gens, mais semble prendre de l'ampleur. Perso, je trouve que c'est très bien.
Quant à la fièvre acheteuse, oui, c'est une maladie que l'on nous inculque de plus en plus tôt! A nous de trouver un équilibre.