Le Champ des Pleurs

Ce n'est pas l'Achéron

Ce n'est pas le Tartare

C'est l'endroit où les anonymes s'en vont

Pour enfin trouver un nom.

Dans le champ des Pleurs

Les cris me déchirent le cœur.

Je crois que l'on souffre davantage

Après la mort

Que durant la vie, aussi affreuse fût-elle.

La mort est cruelle

Elle nous fait croire à un au-delà

Plein de charmes et de fleurs,

Alors qu'elle est en réalité

Un inconnu angoissant où

Les âmes ne cessent d'agoniser.

Dans le champ des Pleurs

J'entends le chant des larmes

De ceux que jamais je ne connaîtrai.

Que fais-je donc ici ?

Je ne suis même pas mort — ni tout à fait vivant —.

Je navigue entre deux mondes,

Celui où la douleur est physique

Et celui où l'affliction ne nous quitte plus.

La vie c'est déjà la mort,

La mort c'est le cauchemar qui n'en finit pas,

Dont on ne peut se réveiller, qui nous

Piége, nous retire notre souffle

Lorsqu'on voudrait prendre une ultime respiration ;

La vie nous retient, la mort nous attire

Alors nous partons, trop tôt

Parce qu'il est toujours trop tôt pour partir

Même quand il se fait tard.

Dans le Champ des Pleurs

Je demeurerai.

Une fois accueillis dans ses bras froids,

La Mort nous paraît plus douce

La vie plus belle — on la regretterait presque —.

Je rejoins ceux que jamais plus l'on entendra,

Ceux que l'on éloigne des villes, des consciences,

Ceux qui, pourtant, sont omniprésents ;

Plus vivants encor que les vivants

Car ils traversent la barrière du temps.