Le commencement de la fin

Tu ne coucheras point avec un homme comme on couche avec une femme.
C’est une abomination.

Lévitique 18:22

 

La vie est injuste. Le temps passe en laissant le goût amer des regrets et il arrive en emportant des vagues d’espoir. Ça, je l’ai compris dès mon plus jeune âge. Il n’y a pas de justice dans le fait de vivre ou de mourir.

Si jamais vous avez lu le journal Good Morning Waterboro, vous avez sans doute dû apprendre la nouvelle. Un jeune adolescent dans la fleur de l’âge est mort d’une maladie incurable. Quelle triste affaire, n’est-ce pas ? Mais après tout ça n’a guère d’importance. La plupart des habitants de cette ville n’y accorderont que quelques secondes, hausseront sans doute les épaules, prendront un air triste et poursuivront leur route. Courant après ce qu’ils ne peuvent rattraper : le temps.

Christopher Bucket me disait toujours : « n’attends pas que les autres viennent à toi, car eux attendent aussi. ». Je me rends compte aujourd’hui qu’il n’avait pas tort.

Je les vois, vous savez, tous ces hommes et femmes d’affaires se pressant au chevet de leur patron. Généralement, ils ne sont pas difficiles à reconnaître. Ils portent un imper et ont un attaché-case. Ah oui ! Il ne faut surtout pas oublier le café latte qu’ils s’empressent de terminer sur la route.

Au fond, ça me fait de la peine de voir ça. J’ai envie de leur hurler aux oreilles : ALLEZ PROFITER DE LA VIE ! Suivez aveuglement vos rêves ! Mais j’oubliais, on ne doit pas suivre ses rêves. On doit avant tout ramener du blé, des billets verts. Appelez ça comme vous voulez — moi je préfère l’appeler le « Dieu commun ».

Le monde a beau être divisé, l’argent est bien la seule chose qui le maintienne à bout de bras. Après tout, qui suis-je pour dire ça ? Personne… Qui comme tout le monde souhaite devenir quelqu’un.

 

***

 

— Je crois que je suis attiré par les hommes.

Son expression change littéralement. Comme si elle venait d’apprendre la mort d’un être cher. Automatiquement, les larmes perlent au coin de mes yeux.

— Maman ? Dis quelque chose ?

J’ai la voix tremblante.

— Tu veux que je dise quoi ? Que je suis fière de toi ? Que je suis heureuse que mon fils soit une déception ? Que je ne pourrai jamais avoir de petits-enfants venant de toi ? Qu’est-ce que tu veux, Jo ?

— Je ne sais pas… Que tu me soutiennes… Que tu m’aides.

Elle ne me regarde même plus. Ça y est, les larmes roulent jusque dans mon cou.

— Maman, s’il te plaît ?

— Que je te soutienne ?

Son ton devient soudainement sévère et son regard se jette dans le mien.

— Comment ? Vas-y mon fils, va jouer les Drag Queens, deviens comme tous ces pédés qu’on voit s’afficher ouvertement en string dans la rue !

— Mais ça n’a rien à voir…

Elle ne me laisse même pas parler. Elle semble si furieuse et si déçue. J'essaie de me faire petit ; de rentrer mes épaules sur moi-même ; de ne pas flancher même si c’est déjà ce qu’il est en train de se passer.

— Si ! Ça a tout à voir ! Maintenant, il faut espérer que personne ne le sache. Tu vas devoir te cacher, tu sais ? Des voisins, des gens de ton lycée, de toute la famille.

— Mais je ne vois pas ce qu’il y a à cacher.

Je continue à pleurer.

— Ça ne change rien.

— Au contraire, ça change tout ! J’espère que t’es fier de ton choix, de ta décision, car maintenant tu ne peux plus revenir en arrière. Grâce à toi, tout repose sur ta sœur. C’est elle qui devra assurer l’avenir de cette famille, enfin si on peut considérer que tu en fais toujours parti.

— Maman… pleuré-je. Ça ne change rien, je t’assure, je voulais juste te le dire.

— Je ne veux plus te voir pour ce soir. Va dans ta chambre.

Je quitte le salon en pleurs avec les yeux qui me piquent et la migraine qui m’assaille. À chercher à tout gagner, j’ai tout perdu. Je monte les marches quatre à quatre et claque la porte de ma chambre. Enfin, je plonge dans mon lit et me réfugie sous la couverture tant j’ai honte.

Il y a tellement de choses que j’aurais aimé lui expliquer sur moi. Tellement de choses qui la répugneraient. Je préfère ne pas y penser, mais je ne peux pas faire autrement. Demain sera un autre jour ; avec le passé de celui-ci.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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nuahecrit
Posté le 11/11/2023
Bonjour/soir.

Je trouve que l'intituler montre bien l'état d'éprit du chapitre, et montre comment la situation pourra affecter le personnage. Cependant je trouve que le moment et un peu vite survolé, peut-être est ce un choix, le moment se passe très rapidement, donc pas de blabla inutile. Mais reste que la réaction de la mère ne semble pas naturelle ou trop survolé.

Par contre très bon point sur la première partie où on voit bien la vision du personnage sur le monde qui l'entour, et comme il le ressent.

Hâte de voir la suite.

Nuah
M.W. HYDE
Posté le 11/11/2023
Hey ! merci beaucoup pour ce retour :) chaque chapitre a été retravaillé et relu; je prends en compte tes remarques avec une grande attention et je t'invite à poursuivre si l'histoire te plait pour découvrir l'enchaînements des évènements ;) je pense que l'approfondissement se fera par la suite
Sebours
Posté le 07/11/2023
Rebonjour MW Wilde.

Alors sache que ton histoire ne correspond pas du tout à ce que j'ai l'habitude de lire (BD, comics, Fantasy, SF et classiques de la littérature). Par conséquent, je ne sais pas si tu uses et abuses des tropes du genre. Je pressens que c'est une autofiction quelque part. En fait, avant même de lire, ton pseudo et ta photo de profil m'ont déjà intrigués. Je ne suis pas surpris de la thématique de ton histoire. Et la violence de ce premier chapitre semble être comme un exutoire.

Sur la forme, je ne mettrais pas le verset de la bible dans les notes de l'auteur mais directement en début de chapitre en italique et sans explication. (Un peu comme les préambules de mon histoire.)

Ensuite, je remarque que tu as donné un nom à ce premier chapitre mais pas aux suivants. Moi j'aime bien les titres de chapitres, mais ce n'est pas obligatoire. En tout cas, ça manque d'uniformité.

Enfin, tu as décidé d'écrire à la première personne. Houlàlà! Ça c'est compliqué. Mais si tu ne t’emmêles pas les pinceaux, cela peut être très immersif pour le lecteur. De plus, tu n'es pas un narrateur omniscient. Il faudra donc bien réfléchir à ton point de vue. Ici c'est très bien. "Elle semble si furieuse et si déçue." Tu interprètes, tu extrapoles ses pensées. Le piège, c'est de rentrer dans la psychée de chaque personnage.

Comme on est au début de l'histoire j'ai déjà une question. Qui est Christopher Bucket? La suite du récit va-t-elle l'expliquer?

De la même manière.
"Son expression change littéralement. " On est au tout début de l'histoire. Du coup, en tant que lecteur, je me demande de qui tu parles. J'aurais mis "L'expression de ma mère change littéralement."

Le premier chapitre est déterminant pour accroché le lecteur. J'ai déjà envie de lire la suite, donc avec moi tu as gagné. Je me demande quand même si le chapitre n'aurais pas plus d'impact en inversant les parties. Tu commences par le dialogue et tu poursuis par tes pensées une fois réfugié/puni dans ta chambre.
M.W. HYDE
Posté le 07/11/2023
Bonjour Sebours, merci infiniment pour ton retour ! je prends note de chaque commentaires. Tout d'abord, sache que cette histoire est déjà terminé depuis un an, je l'ai écrite et retravaillé avec plusieurs personnes afin d'avoir la version final la plus abouti. Pour ce qui est du nom du "premier chapitre", c'est en réalité une partie de l'histoire qui répond à la toute fin... Et pour les interrogations, je suis sûr que tu auras toutes les réponses :) n'hésite pas à me faire part de tes critiques !
Aramandra
Posté le 07/11/2023
Je suis peut-être naïve mais même pour une homophobe, la réaction me paraît un peu exagérée. Enfin, pas vraiment exagérée, mais on dirait qu'elle s'y attendait, pour qu'elle le prenne si vite au sérieux et réagisse comme ça au quart de tour. J'aurais imaginé qu'elle prenne d'abord ça comme une plaisanterie, comme une lubie et lui dise qu'il ne savait pas ce qu'il disait, etc. se cacher les yeux façon autruche avant de vraiment réaliser et s'énerver.
Je dis ça parce que ça me semblerait plus cohérent, mais je ne suis pas sûre que ça renforcerait en impact, à toi de voir quel aspect tu préfères ;)
Mais la détresse du narrateur est très palpable, le dialogue est naturel, en un mot, c'est bien écrit !
M.W. HYDE
Posté le 07/11/2023
Hey, merci pour ce message, sache que les évènements décrit son pour la plus part du vécu, et dans ces moments-là les réaction peuvent varier énormément (malheureusement). Je t'invite à poursuivre pour en apprendre davantage :)
É-Stèle
Posté le 06/11/2023
Et bien et bien, quelle mère dure et cinglante. Apprendre l'homosexualité de son enfant peut etre une surprise. Il est naturel pour une mere d'imaginer un futur à son enfant et tout écart de cette pensée "déçoit", c'est humain (mince, il sera pas docteur, zut il aime pas le foot, flute, et comment je vais faire pour avoir des petits enfants), mais elle va loin dans ses paroles. C'est triste à lire. Le dialogue est realiste et dynamique, bien ecrit.
M.W. HYDE
Posté le 06/11/2023
Merci beaucoup pour ce retour !
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