Memories buried under the ice. Chapitre 7. Angélina - Le Prix de la Témérité

Intriguée par la concentration de ce garçon en direction du ciel, je me retourne et suis immédiatement frappée par l’immensité d’une structure flottant devant nous. Ce n’est pas un simple vaisseau... c’est une véritable forteresse volante, si vaste qu’elle semble défier toute logique humaine. Ses contours anguleux tranchent le ciel avec une précision impitoyable, comme une lame imposante. Elle domine l’horizon, telle une île arrachée à la terre pour flotter au-dessus de nous.

Angie — Qu’est-ce que… c’est gigantesque !
         Rin — Ce n'est pas un vaisseau ordinaire... C’est une base volante.
         Je n’ai jamais vu un truc pareil. Ils sont prêts à tout.

L’ombre qu’elle projette engloutit tout le paysage, oppressante et intimidante. La structure se compose de plusieurs plateformes empilées, reliées par des passerelles et des pylônes massifs défiant les lois de la gravité. Quatre gigantesques turbines sous la base, des réacteurs à fusion, diffusent une lueur bleutée éclatante qui teinte le ciel désertique. Leur vrombissement résonne jusque dans l’air aride.

Des antennes et dispositifs de communication s’élèvent de sa surface, tels des tentacules scrutant les environs avec une précision clinique. Panneaux solaires et modules d’armement rétractables recouvrent la forteresse, rappelant qu’elle n’est pas seulement une station : c’est une machine de guerre, prête à anéantir toute menace.

Angie — On dirait une ville flottante...
         Rin — C’est plus une arme qu’une ville. Ils ne comptent pas nous laisser
         filer. Qu'as-tu fait pour avoir un truc pareil à tes trousses ?

Des ponts suspendus relient différentes sections de la base, avec des hangars dissimulant probablement des escadrons de chasseurs prêts à décoller. Autour du colosse, de petits drones et des unités de chasseurs tournoient en formation serrée, comme un essaim protégeant sa reine. La coque massive du vaisseau, rappelant un porte-avions aux lignes acérées et menaçantes, dissimule une activité frénétique. Des tourelles et des canons à énergie émergent lentement, se mettant en position pour l'assaut.

Le ciel semble se plier sous l’influence de cette machine, les contours de la base se perdant dans les nuages alors que les réacteurs grondent avec une intensité démesurée. Tout dans cette structure est conçu pour imposer une peur écrasante.

Angie — Ils feront tout pour me capturer... ou pire...
         Rin — Pour une fois, je n’ai rien à ajouter.

Alors que nous cherchons désespérément une solution pour fuir, le vaisseau lance soudainement une salve de tirs dans notre direction. Il n'y a plus de doute possible : nous sommes devenus des cibles. Les canons à énergie du colosse flottant rugissent, tandis que ses systèmes de défense automatisés crachent des missiles et des faisceaux soniques qui fendent l'air. La forteresse volante dévoile toute sa puissance. Mon cœur s'emballe.

Angie — Khô, manœuvre ! Vite !

Khô plonge brusquement pour éviter un tir, battant des ailes avec une agilité surnaturelle. Des pics de glace jaillissent de ses ailes, s’écrasant sur les drones les plus proches, mais à chaque instant, de nouveaux missiles apparaissent à l'arrière, autoguidés et implacables.

Rin — C'est maintenant ou jamais.

D’un mouvement rapide, Rin glisse ses mains dans ses poches arrière et en ressort une poignée de pierres. Entre ses doigts, elles scintillent légèrement. Il se retourne avec une élégance naturelle, sa veste flottant dans l’air, et projette les pierres avec une précision incroyable. Les missiles explosent en plein vol, illuminant brièvement le ciel.

Angie — Comment as-tu... ?

Je n’ai pas le temps de finir ma phrase qu’un grondement retentit. Un canon à ultrason du vaisseau tire, frappant Khô de plein fouet. La déflagration sonique nous secoue tous, et une onde de douleur traverse mon corps. Khô chancelle sous le coup, ses ailes battant de manière désordonnée. Même lui grimace, visiblement affecté par le bruit assourdissant.

Rin — On ne tiendra pas longtemps à ce rythme... Il va falloir sauter.
         Angie — Tu es sûr ? Ce n’est pas trop risqué ?
         Rin — On est trop visibles. On saute !

Il n’y a pas vraiment de meilleure option. D'un geste rapide, je libère Khô de son enveloppe de glace. Son corps scintille alors qu’il reprend sa forme astrale avant de disparaître.

Angie — Khô ! Libération !

À ce moment-là, Rin se tourne vers moi, toujours avec cet air insouciant.

Rin — Euh... J’oubliais. Je m’appelle Rin.
         Angie — Quoi ?
         Rin — Ce serait dommage de ne pas savoir comment je m'appelle.

Je n'ai même pas le temps de répondre avant qu’un missile ne passe tout près de nous.

Angie — Attention à droite !

Je l’attrape par le bras pour le tirer vers moi.

Angie — Nous devons nous concentrer, n'est-ce pas ?

Je lance un sourire timide à Rin, tentant de masquer mon inquiétude. Il me prend par la taille pour esquiver un nouveau projectile, et nous entamons une sorte de danse aérienne pour éviter les tirs. Je remarque son changement soudain de comportement. En un instant, il est passé d'une attitude décontractée à une concentration intense. Il me guide dans nos mouvements, et je me laisse faire, suivant son rythme.

Cette danse enivrante, bien que périlleuse, me rappelle étrangement les bals royaux de Yonoki où chaque pas était un acte de grâce et de stratégie. À chaque esquive, à chaque rotation, je sens nos corps se rapprocher imperceptiblement. Je me revois dans la grande salle du palais de Yonoki, où le parquet de marbre scintillait sous les chandeliers. Mon cavalier de l'époque me faisait tournoyer, et à cet instant, c’est comme si Rin me guidait dans une danse semblable, mais cette fois, nos partenaires étaient le vent et les explosions.

Cette danse, bien que dangereuse, a un effet calmant sur moi. Toute la tension accumulée depuis des heures s’estompe. Je suis surprise de trouver un peu de répit au milieu de ce chaos.

Nous effectuons une spirale rapide pour éviter un missile. Je sens le souffle brûlant de l'explosion frôler ma joue, mais avant que je puisse paniquer, Rin me fait pivoter dans ses bras pour changer d’angle, comme un danseur habile qui fait virevolter sa cavalière. Le ciel tournoie autour de nous, les éclats lumineux des projectiles se mêlant à nos mouvements.

Nos regards se croisent brièvement. Mes joues s’embrasent sous une vague d’émotions confuses. Mais un grondement me ramène à la réalité. Rin libère l’une de ses mains pour projeter un fragment de pierre, détruisant un missile.

Je lance à mon tour un pic de glace pour dévier un autre projectile. Sans qu’un mot ne soit échangé, nous agissons en parfaite synchronisation. C’est comme si nous étions les derniers danseurs sur une piste de bal invisible.

Nos visages se rapprochent encore une fois, mais avant que je ne puisse penser plus loin, un éclat métallique frappe l’épaule de Rin.

Angie — Rin !
         Rin — Ça va, je gère.

Je vois la douleur sur son visage, mais il reste concentré, sa voix tendue.

Angie — Et as-tu une idée pour atterrir ? Nos chances de réussite sont minces,
         voire inexistantes.

Alors que nous continuons notre descente, Rin ajuste sa prise et me porte comme une princesse.

Angie — Qu’est-ce que tu fais ? Tu comptes me porter tout le long comme ça ?
         Rin — Disons que c’est plus pratique… et fais-moi confiance, on n’a pas
         beaucoup d'options.

Un instant, je ressens le poids de ma claymore contre ma hanche, son large manche se pressant contre moi et contre Rin. Le problème saute aux yeux : comment pourrait-il continuer à courir ou à se battre avec une épée de cette taille dans les jambes ?

Angie — Attends, ma claymore risque de te gêner !

Je m'efforce de dégager la large lame pour qu’elle ne se coince pas entre nous. Rin, sans cesser de sourire, ajuste légèrement son appui pour ne pas me faire lâcher mon épée, mais je le vois grimacer sous l'effort.

Rin — Ça ira. Juste… veille à ce qu’elle ne se prenne pas dans mes jambes,
          d’accord ?

Il scrute le ciel et aperçoit un drone de l’AGL qui survole non loin de nous.

Hikari — Monsieur, il serait plus sûr de vous appuyer sur cet appareil. Je détecte
         une entrée latérale sur le vaisseau principal, à 50 mètres. Coordonnées transférées.

         Rin — Parfait. Hikari, overclocke la puissance de mes chaussures à 150 %.
         Hikari — Cela dépasse la capacité maximale, mais... Très bien, je déverrouille les  
        limiteurs.

        Angie — Euh… Rin… à qui parles-tu ?
        Rin — Ce n'est pas le moment ! C’est trop long à expliquer.

D’un mouvement fluide, Rin utilise ses chaussures propulsées pour ajuster notre trajectoire. Il se pose sur le drone, l’utilisant comme support.

Rin — Accroche-toi bien. On va se rapprocher du vaisseau.
         Angie — Attends… quoi ?

Ses chaussures émettent une lumière éclatante. Je m'accroche fermement à son bras tandis que nous glissons vers l’entrée d’un hangar. À quelques centimètres du sol, nous flottons littéralement comme sur un coussin d’air. Nous parcourons plusieurs mètres avant d'être stoppés brutalement par la structure du hangar. Je ferme les yeux, m’attendant au pire, mais quand je les rouvre, je réalise que Rin a pris tout le choc pour me protéger.

Angie — Rin... ça va ?
         Rin — Non ! Mon épaule me fait atrocement mal.
         Angie — Désolée, attends, je vais te soigner !

J'approche mes mains de son épaule pour appliquer du froid sur sa blessure, mais l’impact a été si violent que l’effet semble limité. Rin tente de sourire, bien que la douleur soit toujours visible dans ses traits. Ses chaussures continuent d’émettre des étincelles et un peu de fumée.

Rin — Je crois qu'elles sont fichues, mais au moins, on est à l’abri
         pour le moment.
         Angie — Je vais essayer quelque chose de plus efficace, mais ce n'est pas sans  
         risque. Tu vois, tu n'es pas le seul à avoir des inventions utiles.

Je sors rapidement un injecteur médical. La seringue, fabriquée à partir d'un matériau léger et résistant, est conçue pour être manipulée facilement en situation d’urgence. Elle contient un liquide de teinte blanche. Je lui injecte le contenu et surveille sa réaction. Rin se tend légèrement avant de se détendre, ses traits marqués par la douleur se relâchant un peu.

Rin — Whaaaoo ! Ton truc est vraiment efficace. C’est quoi exactement ?
         Angie — Un analgésique puissant, dérivé de mes pouvoirs. Il engourdit    
         temporairement les terminaisons nerveuses et réduit la douleur.
         Mais ce n’est pas un traitement définitif, juste un répit.
         Rin — Impressionnant. C'est sûrement dû à mon affinité.
         Angie — Comment ça ?
         Rin — Moi aussi, je suis un Radiant. Je ne me repose pas uniquement sur des  
         gadgets. La roche et la glace, c’est lié, non ?
         Ça rend peut-être ton traitement plus efficace sur moi.
         Angie — Pourtant, tu n'as rien d'un noble.
         Rin — Pourquoi devrais-je en être un ? Tout le monde peut avoir
         des pouvoirs ici.
         Angie — Dans mon pays, seuls les gens de haut rang ont des pouvoirs grâce à
         leur famille.

Je l’aide à se relever, et nous continuons à avancer prudemment dans le hangar. Tandis que je réfléchis à ses paroles, je me rends compte qu'il pourrait bien avoir raison.
À Yonoki, notre peuple possède des particularités génétiques uniques. Notre île, enveloppée de neige et de glace, nous a forcés à évoluer différemment. Notre peau est plus claire que celle des autres peuples du monde. Ce sont des adaptations naturelles, forgées par des siècles d’isolement et de survie dans des conditions extrêmes.

Angie — Chez moi, à Yonoki, nos corps se sont adaptés au froid extrême.
         Tous les habitants ont une résistance naturelle aux basses températures,
         et nos cheveux ont souvent des teintes uniques, comme le bleu
         sombre ou le blanc éclatant.
         Quand des délégations de l'AGL venaient, on ne pouvait pas manquer la
         différence entre eux et nous. Je ne pensais pas qu'un étranger pourrait
         réagir aussi bien à nos...  traitements. Peut-être que nos affinités sont
         plus liées que je ne l’imaginais.
         Rin — C’est vrai que je n’ai jamais vu quelqu’un avec des cheveux de
         cette couleur naturellement. Ici, il faut se teindre les cheveux si on veut
         des couleurs vives.
         Angie — Oui, mais cette particularité n’est qu’une des nombreuses
         différences entre mon pays et le vôtre. Chez nous, seuls les nobles
         héritent des pouvoirs. C’est un privilège, mais aussi un moyen
         de garder le contrôle, je pense.
         Rin — Ça doit créer une sacrée division entre les gens.

Je remarque qu’il touche un point sensible. Chez nous, cette hiérarchie est établie depuis des générations ; elle semble gravée dans nos traditions.

Angie — Oui, ça perpétue une hiérarchie où seuls quelques-uns sont privilégiés.
         Mais parfois, des gens hors des lignées nobles développent des pouvoirs
         incroyables. Ils sont si rares qu’ils sont souvent promus à des rangs plus
         élevés. Mais cette élite garde fermement les rênes du pouvoir.
         Rin — Ici, tout le monde a sa chance. Mais ce n’est pas non plus parfait.
         Les grandes organisations, qu’elles soient obscures ou non, veulent toujours
         exploiter ceux qui manifestent des particularités.
         Angie — Je ne peux pas imaginer une société où les dons ne sont pas liés
         à une caste. Cela changerait tellement de choses chez nous. Là-bas,
         c’est l’héritage qui décide de tout.  C’est fascinant de voir à quel point
         nos mondes sont différents, mais aussi à quel point ils se rejoignent sur
         certains points.

Nous arrivons au fond du hangar, face à une immense porte métallique verrouillée. Rin s'accroupit légèrement et s'approche d’un panneau de contrôle à côté de la porte. Il sort un petit dispositif de l’une de ses poches et l’applique sur le lecteur de carte. Le dispositif se fixe avec un clic, et aussitôt, des écrans holographiques apparaissent devant lui, projetant une lueur bleutée qui éclaire son visage.

Rin — Je vais voir ce que je peux faire.

Tandis qu’il manipule les interfaces virtuelles avec des gestes rapides et précis, ses doigts dansent sur les commandes holographiques. Des flux de données défilent à une vitesse vertigineuse, mais malgré ses efforts, je remarque une moue de frustration sur son visage.

Angie — Qu'est-ce qui se passe ? Tu ne peux pas l'ouvrir ?
         Rin — Ça va prendre un peu plus de temps. La sécurité est plus renforcée que
         prévu, ils ont mis en place des protocoles spécifiques.

D’autres écrans apparaissent, ajoutant des couches d’informations complexes qu’il analyse. Ses mouvements sont rapides et précis, cherchant à contourner les systèmes de sécurité.

Angie — Tu as trouvé quelque chose ?
         Rin — Ouais, c’est un vaisseau de guerre de la branche Delta de l'AGL.
         Ils l'appellent "Garuda".
         Angie — Garuda, comme l’oiseau mythique ?
         Rin — Exactement. Ils adorent les références mythologiques. Ça leur
         donne un air dramatique avec leurs machines de guerre. Malheureusement,
         il semblerait que le Garuda utilise un système de sécurité que je n'ai jamais
         rencontré. Mes tentatives de piratage sont complètement bloquées.
         Ils doivent utiliser un codage unique juste pour ce vaisseau, parce que même
         avec toutes mes données sur l'AGL, c’est la première fois que je vois ça.
         Angie — Alors, que vas-tu faire maintenant ?
         Rin — Quand la technologie échoue, il faut parfois revenir aux fondamentaux.

Il sort deux pierres de sa sacoche.

Rin — Heureusement, j'ai toujours mes propres capacités pour nous sortir
         de ce pétrin. Tiens, regarde ça, un roturier avec des pouvoirs.

Les pierres se transforment, recouvrant sa main, puis tout son avant-bras.

Angie — En fait, c'est de la lithosynthèse. Tu multiplies les atomes de cette
         pierre selon le principe de...
         Rin — …
         Angie — Euh, désolée, continue.
         Rin — C'est à peu près ça. Je suis impressionné de voir que tu as un cerveau
         qui va de pair avec le reste.
         Angie — Tu sais que tu es vraiment mauvais pour les compliments,
         n’est-ce pas ?
         Rin — Je sais !

D’un geste précis, Rin passe sa main à travers la porte, comme s'il traversait un simple morceau de carton, puis réussit à la faire coulisser, créant suffisamment d'espace pour passer.

Rin — Je vous en prie, les dames d'abord !
         Angie — Tout compte fait, c’est pire.

Après avoir passé la porte, je remarque que Rin traîne un peu derrière moi. Nous nous retrouvons dans une sorte de salle d’accueil, silencieuse et vide. Je propose de faire une pause de quelques minutes. Je ne vois aucun militaire dans le coin, alors autant en profiter pour reprendre notre souffle. Rin s'adosse contre le bureau d’accueil, visiblement épuisé, puis laisse échapper un soupir avant de sortir quelque chose de sa poche.

Rin — Bon, j'ai un plan pour nous échapper. Hikari, fais une analyse des lieux.

Je le regarde, perplexe. Il vient de parler à quelqu'un… mais il n’y a personne ici. Est-ce qu'il parle tout seul ? Depuis tout à l’heure, je l’entends marmonner, mais là… c’est étrange.

Angie — Attends un peu ! Depuis le début, tu parles tout seul. Tu es schizophrène
         ou quoi ? C'est dangereux, ça.
         Rin — Hein ? Non, pas du tout. C’est vrai que tu ne peux pas l’entendre.
         Attends, je vais arranger ça.

Je le vois fouiller rapidement dans sa veste, un peu frénétiquement, et cela me met sur mes gardes.

Angie — Qu’est-ce qu'il fait ? Il cherche quoi exactement là-dedans ?
         Rin — Ne t'inquiète pas, je ne vais pas sortir un couteau ou faire un
         truc bizarre. Je cherche juste une oreillette.
         Angie — Il peut lire dans ma tête ou quoi ?
         Rin — Non, mais quand on voit ta tête, c'est facile de prédire tes
         pensées.
         Angie — Il me fait peur.

Rin, toujours fouillant rapidement, finit par sortir une petite oreillette.

Rin — Tu as de la chance que j'aie toujours l'ancienne version sur moi au
         cas où. Tiens !

Il me tend des écouteurs très discrets, et quand je les mets, ils se transforment pour s'adapter à la morphologie de mes oreilles. Ils sont discrets, presque invisibles.

Hikari — Vous voyez, vous êtes vraiment asociaux. C'est ce qui arrive quand on
         ne travaille jamais en équipe.
         Rin — Au lieu de faire des commentaires inutiles, essaye au moins
         d’extraire une carte des lieux.
         Hikari — Très bien, cela peut prendre quelques minutes.
         Angie — Bon... Bonjour ?
         Hikari — Bonjour, Princesse D. Luce. Je suis Hikari, assistante personnelle
         de Monsieur Rin. Enchantée.
         Angie — « Assistante personnelle » ? Alors c’est ça, tu fais travailler
         quelqu’un pour toi, et elle t’appelle même « Monsieur » ?! Tu te prends
         pour un bourgeois qui ne fait rien par lui-même. Je pensais que tu étais
         quelqu'un de bien.
         Rin — Non, tu n’y es pas… ce n'est pas une… ce n'est même pas
         une humaine.
         Angie — Quoi ?! Ne t'inquiète pas, dès que nous serons sortis de cette
         impasse, je viendrai te libérer de ta fonction d’esclave. J'ai aboli cette
         pratique chez moi, je ferai de même ici.
         Rin — Une esclave ? Bah voyons. C’est une IA. Elle n’est pas sous mes
         ordres comme tu l’imagines, elle est programmée pour m'aider.
         Hikari — Je suis une intelligence artificielle conçue par Rin.
         Angie — Oh... Je vois... Mais, qu'est-ce que c'est exactement ?
         Rin — Ce n'est pas vrai. Je suis sûr qu'elle a fait exprès.

Je vois Rin dépité, se cachant le visage avec sa main, puis s'asseoir non loin de là pour récupérer un peu.

Angie — Ah… j’ai cru un instant que tu étais du genre à traiter les gens
         comme des serviteurs.
         Hikari — Je suis conçue pour répondre aux besoins de Rin de
         manière optimale, mais je vous assure, Princesse, que je ne suis
         pas une esclave. J’ai même un protocole d’adaptation en fonction des
         besoins spécifiques de chaque situation. Cela s’appelle "du sarcasme
         ou de l’humour".
         Rin — Pour ça, elle l’a appris toute seule, à mon grand regret.
         Angie — Reste là pour le moment. Je vais vérifier si les alentours sont sûrs.

Je m’éloigne doucement, laissant Rin s’installer sur le banc comme s’il y voyait un lit de fortune. Alors que je m'avance dans les bureaux et couloirs vides, je me demande comment il gère tout ça. Il a l'air si détendu malgré tout, mais je sens bien que ce n'est qu'une façade. Derrière son calme apparent, il doit se poser mille questions...

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Je bâille si fort que j’ai presque l’impression de me déboîter la mâchoire. Tout cet après-midi m’a épuisée.

Rin — Je pourrais vraiment faire une sieste, si la douleur dans mon épaule
         n'était pas aussi lancinante...

Je me relève lentement, inspectant ma blessure. C’est plus sérieux que je ne le pensais. La technologie médicale à ma disposition ne pourra pas vraiment la guérir, mais au moins, ma veste a absorbé une partie de l'impact ; sans elle, j'aurais probablement perdu mon bras. Angie a réussi à calmer la douleur temporairement, et pour ça, je lui suis reconnaissant. Nos débuts ont été… quelque peu chaotiques, mais je crois qu’on a trouvé notre équilibre, même si ça ne fait que quelques heures qu’on se connaît.

Je repense à la façon dont on a réussi à s'échapper. Elle est incroyablement réactive et a suivi mes instructions sans hésiter, même quand nos vies étaient en jeu. C’est comme si on formait une équipe depuis des années. Elle est vraiment intrigante… Depuis qu’elle a enlevé son manteau, j’ai remarqué à quel point sa tenue est marquée par des traces d’épreuves passées. Elle porte une robe aux tons gris et argentés, sans doute autrefois élégante, mais désormais déchirée, abîmée et couverte de taches de sang séché.

Malgré tout, elle conserve cette dignité, une certaine fierté qui se reflète dans son attitude et dans son apparence, même au milieu du chaos. Les points de couture grossiers et les entailles sur le tissu racontent des histoires de batailles, de défis, et d’un parcours qui ne semble pas avoir été de tout repos. C’est comme si elle portait ce passé, peut-être même royal, avec une résilience qui me fascine. La combinaison de sa tenue abîmée et de son regard déterminé ajoute une profondeur à son personnage ; elle n'est pas seulement en quête de survie, elle est en quête de quelque chose de bien plus personnel.

Je secoue la tête pour me reconcentrer, mais mes pensées dérivent vers Hikari. Depuis sa dernière mise à jour, je note des nuances dans ses réponses, parfois même un brin de sarcasme. Elle ne se limite plus à des faits ; c’est comme si elle développait une sorte de personnalité propre. J’ai beau essayer de rester distant, je commence à apprécier cette évolution. Peut-être qu’avoir un peu de caractère est exactement ce dont j’ai besoin, surtout dans ce genre de situation.

Je suis interrompu par la voix d'Angie dans mon oreillette, m'annonçant que la voie est libre. Je me lève, prêt à ignorer la douleur dans mon épaule pour avancer.

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