Miracle - Cascada

Par Pouiny
Notes de l’auteur : Désolé ...
https://youtu.be/UCzz4_FPbug

Il n’y a pas que les souvenirs dont nous sommes fiers dont on se rappelle. C’est également le cas pour les musiques qui nous marque, le temps fait son œuvre. Jusqu’à présent, j’ai abordé des musiques qui pour la majorité me plaisent encore et qui me procurent des sentiments positifs à l’écoute. Cela ne pouvait pas être constamment ainsi. Soyons réalistes, nous avons tous eu mauvais goût au moins un jour dans notre vie. Et je vais vous raconter quel jour cela a été, pour moi.

 

J’avais 12 ans, à l’époque. J’étais au collège, et j’étais un fan inconditionnel de la bande dessinée « Les légendaires », de Patrick Sobral. Je l’avais découverte dans la bibliothèque de l’établissement et j’avais insisté auprès de mes parents pour qu’ils achètent les tomes qu’ils n’avaient pas. Comme je commençais à comprendre comment internet fonctionnait, j’avais trouvé le site officiel de la bande dessinée et je m’étais également inscrit sur des forums spécialisés sur cette œuvre. Soyons sincères, j’y passais le plus clair de mon temps : le site de Patrick Sobral laissait entrevoir des planches pas encore coloriées des volumes qui allaient sortir, il donnait des indices sur la suite du récit et il y avait aussi une catégorie « Livre d’or » sur laquelle il était possible de lui poser n’importe quelle question à laquelle il répondait. C’était si nouveau de se sentir proche d’un auteur que j’étais entré dans une boucle : plus je m’investissais sur le forum et le site des légendaires, plus j’appréciais de lire et relire les tomes que j’avais.

 

Je faisais partie de ceux qui postaient des théories et essayaient de deviner comment l’histoire allait se terminer. Mais très vite, il n’y avait plus assez de contenu et de quoi dire pour que je puisse encore discuter de la bédé et continuer à entretenir mon amour pour l’œuvre. Alors, j’ai fait ce que j’espère beaucoup d’autres adolescents de mon âge ont fait avec moi. J’ai cherché ce que l’on appelait des « Anime Music Video », consacré aux Légendaires, sur YouTube.

 

Le principe était simple. Il fallait récupérer des images de la bande dessinée, créer un montage et poser par-dessus une musique populaire. Les AMV étaient un moyen pour moi de voir des scènes de tomes que je n’avais pas, ou apprécier différemment un moment que j’avais pu lire dans mon livre. Quand j’en trouvais qui me plaisaient en particulier, je les montrai à ma sœur qui restait dubitative. Un an de plus suffisait peut-être à comprendre que ce n’était pas forcément quelque chose de très constructif. Mais même sans elle, je continuais à chercher encore et encore des vidéos sur « Les Légendaires». Jusqu’à ce que je tombe sur l’AMV parfaite.

 

Les couples, dans l’histoire, venaient tout juste de se former, et les premiers baisers apparaissaient. Je ne sais pas pourquoi, dans le montage, j’avais l’impression qu’il y avait quelque chose d’incroyable. Et surtout, je découvrais une musique comme je n’en avais jamais entendu auparavant, une musique bien de l’époque et qui pourtant se retrouvait très souvent sur les vidéos du genre : « Miracle », de Cascada.

 

Il y avait un côté très fier et défiant dans la chanson, qui me plaisait. Je ne comprenais absolument pas ce qu’elle racontait, mais ce n’était pas important. Le rythme extrêmement prononcé me donnait envie de danser. Je voulais marcher au ralenti dans les rues de ma ville avec les cheveux qui volent au vent comme une femme avec des talons. Entre les refrains, se laissait entendre une mélodie de quatre notes qui se répétait sans cesse et qui me faisait bouger la tête. Il n’y a pas grand-chose à dire de plus : cette chanson m’avait marqué.

 

Je n’ai pas défilé avec des talons, mais je la mettais dans mes écouteurs quand j’étais dehors. J’avais l’impression alors d’être une grande star aux lunettes de soleil teintées pendant que je marchais pour aller chez ma grand-mère. Quand la partie rythmée se faisait entendre, ce n’était plus vraiment de la marche ; on pourrait dire que je sautais en tapant du pied. Mais j’avais la sensation que s’il y avait eu une caméra braquée sur moi à cet instant, j’aurais été au maximum de ma majesté.

 

Dieu merci qu’il n’y ait jamais eu de caméras. Je pense que j’aurais ressenti une grande honte, si une telle vidéo avait été diffusée. Les années filant, j’ai mis de côté « Miracle », Cascada, et même mes bandes dessinées des Légendaires. Je suis passé à autre chose, découvrant d’autres œuvres, d’autres univers, profitant d’un peu d’éloignement pour mûrir, aussi bien dans mon comportement que dans mes goûts musicaux.

 

Mais jamais je ne pourrai oublier cette chanson. À l’âge adulte, par curiosité ou nostalgie, je l’ai réécoutée. L’émotion m’a frappé de plein fouet, si fort que j’ai dû cacher mon visage dans mes mains. Immédiatement, j’ai compris pourquoi je l’avais tant aimé, c’était un genre musical que jamais mes parents, pour des raisons évidentes, n’auraient écouté, et son étrangeté mêlée à l’envie d’être rebelle m’avait parlé. Tout me revenait en mémoire, les recherches bizarres sur YouTube pour des montages pas très beaux réalisés par des enfants de mon âge, les messages probablement ridicules sur les forums, les démarches ridicules dans la rue quand j’allais chez ma grand-mère où que mes parents me traînaient au restaurant un midi. J’ai laissé un rire nerveux et plus tout ceci défilait, plus je devenais rouge jusqu’au bout des doigts. Je ne pourrai plus jamais écouter cette chanson sans ressentir un frisson de honte parcourir tout mon corps.

 

Néanmoins, je pense qu’elle n’est pas la pire dans son style. Je ne sais pas. Peut-être est-ce un avis pour me donner bonne conscience, rattraper mon égo en me disant que ce n’était pas si mauvais. Mais très certainement que me voiler la face ne servirait à rien : c’était sans doute très nul, la musique comme les comportements que j’ai pu avoir avec elle. J’aurais aimé pouvoir l’oublier, ne plus me rappeler son titre, ne plus la retrouver. Ou bien, ne plus me souvenir de ce qu’elle m’a procuré comme émotions, pour rester neutre en l’entendant. Mais ce n’est pas possible, son impact sur ma préadolescence a été trop fort. Désormais, quand je l’écoute, deux personnages entrent en guerre : un moi adulte consterné comme l’aurait pu l’être mes parents auquel mon moi enfant faisait face. Ne ressors de cet affrontement qu’un puissant sentiment de honte et d’amusement, ne sachant pas comment l’aborder. Il y a tant de choses étranges pour moi dans « Miracle », je ne saurai même pas répondre si jamais il fallait me demander si je l’aimais ou pas, car la réponse est peut-être « les deux ». N’ayant pas oublié mon adolescence, mais étant désormais un adulte, je me retrouve dans une situation où pour le bien de tous, il m’est impossible de trancher.

 

La situation est si unique qu’elle en devient drôle. Le rire nerveux devient très rapidement un vrai rire, un peu nostalgique. Alors, j’espère que vous aussi, vous avez un « Miracle ». Et j’espère que vous aussi, vous regretterez autant que moi de l’avoir écoutée.

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