Sable et Sang

Notes de l’auteur : Avant dernière partie de ce deuxième chapitre avec un peu plus d'action.
Enjoy ;)

Cyndra pousse un petit cri étouffé et me jette un regard inquiet.

Je m'avance dans l'arène, le cœur battant, ma capuche toujours bien serrée autour de ma chevelure. Je cherche mon adversaire dans l'assemblée... et manque de m'écrouler quand je vois l'homme-taureau s'avancer vers moi.

Ses yeux débordent de haine.

Merde.

Je tâte les deux fourreaux dissimulés sous ma tenue de cuir, où reposent deux petites dagues. Rien ne m'interdit de les utiliser, mais je préfère garder cet atout pour plus tard car je doute que les aristocrates aient apporté des armes.

Face à moi, Byers se positionne, campé sur ses appuis.

— Je vais te tuer, moins-que-rien, siffle-t-il.

Son regard ne laisse planer aucun doute : s'il en a l'occasion, il le fera.

La tension est palpable. Je me tiens face à Luka Byers, un colosse de muscles aux mains aussi larges que mon visage. Chaque fibre de mon être me hurle de fuir, mais il n'y a nulle part où aller.

Moyrah donne le signal.

Luka ne réfléchit pas, il agit. Son poing fuse et s'écrase contre ma mâchoire avec la force d'un bélier. La douleur explose dans mon crâne, mon corps projeté en arrière comme une vulgaire poupée de chiffon. Le sable amortit ma chute, mais le choc me coupe le souffle. Une saveur métallique envahit ma bouche.

Tout est silencieux. Un instant suspendu entre lucidité et inconscience. Puis le martèlement lourd de ses pas me ramène à la réalité. Il approche.

Je roule sur le côté juste avant que son pied ne s'écrase là où était mon torse une seconde plus tôt. L'impact soulève un nuage de poussière. Mon cœur cogne furieusement. Je me redresse, vacillante, mais déterminée. Pas maintenant. Pas ici.

Luka ricane.

— Sérieusement ? Tu tiens encore debout ?

Sa voix dégouline de mépris. Il fonce de nouveau, son bras projeté dans un crochet du droit. Cette fois, j'anticipe. J'esquive de justesse, sentant le vent du coup frôler ma tempe. Mon pied pivote dans le sable et, dans un éclair de lucidité, j'envoie mon coude dans ses côtes.
Un coup net, sec. Luka grogne mais ne plie pas.

Il anticipe mon mouvement suivant et me percute de plein fouet avec son épaule. Mon corps décolle légèrement avant de heurter le sol avec violence. Je roule sur le dos, haletante.

— Pitoyable, comme je le pensais. Paysanne.

Ce mot me transperce plus violemment que n'importe quel coup. Dans les gradins, Cyndra est crispée, le visage livide. Kaeton reste figé, les poings serrés.

Luka ne me laisse pas le temps de me relever. Son pied m'écrase l'épaule et, en un instant, ses mains sont autour de ma gorge.

L'air disparaît en une fraction de seconde.

Je lutte, mes ongles s'enfonçant dans sa peau sans parvenir à le faire lâcher prise. Mon cœur bat à tout rompre, la panique monte. Ma vision se trouble, des tâches sombres dansant devant mes yeux.

Non.

Je ramasse mes forces et frappe, à l'aveugle. Mon poing s'écrase contre son nez. Il râle, surpris, et sa poigne se desserre légèrement. J'en profite pour inspirer une bouffée d'air brûlante.
Mais ce n'est pas assez

Alors, dans un élan désespéré, mes doigts trouvent la dague cachée dans ma tunique. En un mouvement précis, je la plante sous ses côtes.

Byers hoquète, son corps se raidit.

Je roule sur le côté et m'arrache à son emprise, toussant violemment, savourant chaque respiration retrouvée. Mon corps tremble, ma gorge en feu, mais je me redresse.

Luka est au sol, la dague toujours fichée dans sa veste de cuir. Ses lèvres bougent, mais aucun son n'en sort. Sa main tremble sur sa gorge marquée par mes ongles.

Quelque chose s'éveille en moi.

Un frisson glacial me traverse. Pas de peur. Pas de soulagement.

Une pulsion froide. Implacable.

Je veux qu'il souffre.

Je veux qu'il paye.

D'un geste rapide, je l'enjambe et plaque mon genou sur son torse, l'épinglant au sol. Mes doigts se referment sur le manche de la dague.

— Rends-toi, je murmure d'une voix rauque.

Il ne bouge pas. Son regard se plante dans le mien, empli de haine.

Je tire légèrement sur la lame. Son corps se tend sous moi. Une perle de sang glisse sur le sable blanc.

— Rends-toi, ou je t'éventre.

Un frisson le parcourt. Son arrogance s'effondre.

Pour la première fois, Luka Byers a peur.

J'ai gagné.

Il marmonne faiblement qu'il se rend. Immédiatement, je recule, m'écartant de son corps avec prudence.

Un silence pesant s'installe dans l'amphithéâtre.

Cyndra me fixe avec effroi, comme si elle ne me reconnaissait plus. Kaeton, impassible, ne quitte pas des yeux le corps de Byers, qui se traîne hors de l'arène, laissant une traînée de sang derrière lui.

Un soigneur se précipite pour l'aider à marcher.

Moyrah avance de son pas nonchalant et déclare d'une voix détachée :

— Victoire de Beverly.

Aucune émotion ne transperce sa voix. Pour Moyrah, ce n'est qu'un combat de plus, à l'issue prévisible. Mais pour nous, c'est la première fois que le sang de l'un des nôtres tache le sol sous nos yeux.

Mes mains en sont couvertes. Pourtant, je ne ressens ni honte ni dégoût. Juste un frisson glacé qui remonte le long de ma colonne vertébrale.

Entre ces murs de pierre, ils façonnent des monstres.

Moyrah annonce le prochain duel alors que je regagne ma place parmi mes camarades. Aucun d'eux ne m'adresse la parole, et je ne peux pas leur en vouloir. Moi-même, je suis encore sous le choc.

Nous restons là, figés, observant nos futurs compagnons s'entre-déchirer sous nos yeux. Le bilan est lourd : quatre morts, douze blessés graves.

Ces gosses de Haut-Sang ne sont pas des tendres.

Le sang a séché sous mes ongles, son odeur métallique me donne la nausée.

Putain.

Ça ne fait même pas une journée que j'ai intégré l'académie, et j'ai déjà du sang sur les mains. 

Littéralement.

Je roule des épaules pour détendre mes muscles ankylosés par l'angoisse. Soudain, un picotement étrange traverse mon dos, courant jusqu'au bout de mes doigts. Instinctivement, je jette un coup d'œil derrière moi.

Aiden.

Il me fixe, le regard pensif. Nos yeux se croisent l'espace d'un instant et mon cœur rate un battement. Son visage est impassible, une muraille infranchissable derrière laquelle se dissimulent ses pensées.

Il fait partie de ces monstres que l'académie de Solace façonne.

Mon instinct hurle qu'il représente un danger. Qu'il pourrait découvrir qui je suis.

Je dois me tenir à distance.

Moyrah met fin à la première épreuve et nous autorise à regagner nos dortoirs. Je devrais être soulagée, mais une angoisse sourde m'étreint.

Nous ne sommes pas en sécurité.

Pas ici. Pas entre ces murs.

Tuer est interdit, mais la violence, elle, ne l'est pas.

Je marche dans les pas de Cyndra, la tête basse. Kaeton suit à mes côtés, le visage crispé par la douleur. Une brute lui a asséné un coup violent dans le foie avant qu'il ne l'assomme d'un coup de coude dans les tempes. Cyndra, elle, s'en est mieux sortie : son adversaire, un frêle Haut-Sang, s'est évanoui sous l'effet d'une clé de bras bien exécutée.

Elle qui prétendait ne pas savoir se battre... J'ai des doutes.

Je réprime une grimace. Difficile de lui en vouloir de ne pas être totalement honnête avec moi.

 Après tout, je suis la plus grande imposture de cette promotion.

La première arrivée, je pousse la porte de ma chambre sans conviction. Dès que mon corps touche le matelas, l'adrénaline redescend brutalement.

Mes forces m'abandonnent.

Je fixe le plafond en bois sombre et sombre dans le sommeil en quelques secondes.

 

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Plume de Poney
Posté le 08/03/2025
Bon ben la Beverly ou quel que soit son vrai nom semble plus embêtée par le fait d'avoir du sang plein les mains que de triturer les flancs d'un camarade (lui même pas trop dans la camaraderie il est vrai) à coup de dague. Après je comprends. Le sang c'est salissant.

Le combat est clair, précis, avec une bonne utilisation des deux éléments du titre : le sable et le sang.

On commence à jouer aux cachotteries, l'année s'annonce pas super fun et productrice de jolis souvenirs tout choupi pour la vie.
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