Intermède 4
ELLE
Toi mon étoile, où te caches-tu ? Jusqu’ici, j’ai tenu parce que tu m’avais accompagné pendant la longue traversée. Tu étais ma seule amie dans ce monde nouveau et si cruel. Hier encore, tu réchauffais mon corps meurtri par les coups, tu séchais mes larmes. Devrais-je désormais vivre sans ta chaleur ? Je perds courage à mesure que s’installe la rigueur glaciale qui t’a chassée. Comment survivrais-je si toi aussi tu m’étais enlevée ?
Mais peut-être es-tu retournée vers les miens pour leur apporter du réconfort, car sûrement me pleurent-ils ? Si tel était le cas, dis-leur bien que je vais pour le mieux ; que je suis toujours cet enfant insouciant qui courait sur le sable. Dis-leur que je suis parti de mon plein gré, découvrir ce qui se cache de l’autre côté de l’étendue bleue et que je leur reviendrai bientôt. Et quand tu auras apaisé leurs cœurs, reviens soutenir le mien.
Chapitre cinq
Au retour des vacances d’Anthony, Sarah avait espéré qu’ils échangeraient sur leur semaine respective ; mais le jeune homme restait évasif sur son périple en Allemagne, quelque soit la manière dont sa compagne abordait la question. Il ne manifesta pas plus l’envie de savoir comment elle avait passé son temps. C’était la première fois depuis qu’ils vivaient à deux, qu’ils ne prenaient pas leur vacances ensemble, mais lasse d’espérer qu’ils partagent cette nouvelle expérience, Sarah garda pour elle son escapade à Disney. Elle aurait aimé aussi lui parler d’Ophélie, en qui elle voyait une nouvelle amie. Mais Anthony balaya ses efforts de communication, en lui rappelant que la vie de ses collègues ne l’intéressait pas. Ils reprirent donc leur train-train quotidien, avec cependant pour Sarah, un sentiment de solitude accru. Quelques jours plus tard pourtant, la jeune femme fut particulièrement surprise lorsque Anthony lui donna un mug qu’il avait acheté pour elle à Berlin. Ce changement d’attitude perturba d’abord Sarah. Puis elle se dit que c’était peut-être le geste qui lui signalait qu’elle pouvait lui parler de ses tracas professionnels. Mais quand elle se lança, il ne lui prêta qu’une légère attention ; Sarah n’arriva pas à déterminer s’il avait compris la gravité de ce qui lui arrivait au travail, ou si cela lui était égal. Envisager cette dernière option la blessa davantage que toutes les autres fois où il lui manifestait de l’indifférence et pour se protéger de cette nouvelle douleur, elle se renferma un peu plus sur elle-même. Quand sa mère l’appela le samedi soir pour prendre de ses nouvelles, celle-ci comprit aussitôt que sa fille n’allait pas bien du tout. Elle l’imagina en train d’endurer seule ses tourments et essayer de convaincre son entourage qu’elle gérait la situation. Odile savait aussi que même si les sentiments de Sarah étaient inévitablement lisibles dans sa posture, Anthony ne serait pas présent pour la réconforter ; le jeune homme semblait s’être fait un devoir d’ignorer les besoins et sentiments de sa fille chérie. Une fois encore, la mère s’interrogea sur ce que Sarah pouvait bien lui trouver. Certes, il était très beau et plutôt bien bâti, mais elle savait sa fille peu attirée par le physique. Anthony étant un métis dont la mère était originaire d’Afrique Centrale, Odile s’était souvent demandé si sa fille, inconsciemment, n’avait pas plutôt recherché en ce partenaire quelqu’un qui ressemblait d’une manière ou d’une autre à son père Sierra-Léonais ? Qu’importe si cet arrogant, dans sa quête personnelle de réussite, se montrait méchant quand les choses n’allaient pas dans le sens qu’il avait décidé. C’est une idée qui taraudait Odile comme une culpabilité ; alors la mère décida qu’elle devait voir sa fille pour lui montrer qu’elle n’était pas seule.
***
Odile arriva à Lagny aux alentours de vingt-deux heures. Elle était fatiguée et n’aspirait qu’à se reposer ; elle avait pris la route dès la fin de son service et avait fait un rapide crochet par la maison pour récupérer son sac de voyage. Sur le trajet, elle ne s’était arrêtée que très brièvement, le temps de prendre un café sur une aire de repos. Elle n’avait prévu rester que quatre jours avec sa fille, mais elle espérait que cela apporterait un peu de réconfort à cette dernière. Elle savait Sarah fragile, c’était une personne hypersensible et dans les épisodes douloureux passés, elle avait toujours été près d’elle pour la soutenir. Ainsi, quand elles étaient parties vivre en Sierra Léone, laissant tout ce qui constituait leur univers derrière elles, Sarah, qui était déjà une enfant réservée, s’était un peu plus repliée sur elle-même. Alors, en plus de son rôle de maman, Odile était devenue une amie pour sa fille. Et, plus tard, quand la jeune adolescente avait eu du mal à gérer la rupture entre ses parents, elle l’avait protégée du mieux qu’elle l’avait pu. Aujourd’hui encore, elle devait l’aider à affronter ce moment difficile et la seule chose qu’elle était à même de lui apporter, c’était la cajoler, la rassurer comme lorsqu’elle était sa toute petite fille.
En apercevant le panneau de la commune, elle appela Sarah pour la prévenir de son arrivée imminente. Ce qu’elle avait hâte de la prendre dans ses bras... Depuis qu’elle avait appris, quelques jours auparavant que Sarah traversait des difficultés professionnelles, elle avait souhaité être près d’elle. Et malgré l’insistance de sa fille pour lui faire changer d’avis, elle avait réussi à déplacer deux heures de cours pour rester avec elle une longue fin de semaine. Heureusement que ses classes du lundi participaient au projet cinéma école, ça lui avait permis de demander un congé exceptionnel pour raisons personnelles de sa journée. Elle aurait préféré passer tout ce temps seule, en tête à tête avec sa fille, car elle n’était pas très à l’aise quand le fiancé de cette dernière était dans les parages, mais ce n’était guère possible. Ce qui dérangeait Odile, c’était qu’à chacune de ses visites, Sarah ne se comportait pas de façon très naturelle. On aurait dit qu’elle était gênée d’imposer sa mère ; que celle-ci pouvait déranger. La jeune femme essayait d’anticiper tous les besoins d’Odile, comme pour lui éviter à avoir à demander. Sarah sentait-elle que la présence de sa mère dérangeait Anthony ? Assurément, celui-ci savait faire comprendre qu’il était le maître des lieux. Même Sarah faisait alors figure de vassale. Cette situation agaçait Odile. Elle avait bien essayé d’en discuter avec sa fille, mais celle-ci lui avait assuré que tout allait bien entre elle et le jeune homme. Elle n’avait donc pas insisté. Comment aurait-elle pu d’ailleurs ? Sa propre vie amoureuse n’était pas non plus un modèle d’équilibre. Comme à chaque fois qu’elle y pensait, Odile rejeta cette dernière pensée dans un coin : elle devait rester concentrée sur sa fille, et de toutes les façons, elle n’était pas prête à faire face à ses propres difficultés.
Lorsque Sarah lui ouvrit la porte, Odile remarqua tout de suite que celle-ci avait perdu du poids : ses joues avaient perdu de leur rondeur, ce qui lui donnait un air plus vieux que son âge ; des poches sous les yeux ajoutaient à sa mine fatiguée. « Oh ma chérie ! » s’écria la mère en prenant Sarah dans ses bras. Elle la garda blottie contre elle, se moquant d’être encore sur le palier, jusqu’à ce que Sarah se dégage et la fasse entrer. Odile posa son sac de voyage dans l’entrée et suivit sa fille dans le séjour. Là, elle s’assit à côté d’elle dans le canapé et prit ses deux mains dans les siennes.
- Pourquoi tu ne m’as dit plus tôt ce qui se passait ?
- Ce n’était pas très grave au départ. Je ne sais même pas quand tout a dérapé.
Et elle lui parla de l’équipe, d’Ophélie, de Sylvie Chaperon… Elle lui raconta comment elle avait remarqué que l’équipe se faisait manipuler ; comment elle avait essayé de faire prendre conscience à ses collègues de la progressive dégradation de l’ambiance de travail. À mesure que Sarah lui décrivait ses tourments, Odile sentait monter en elle une colère d’autant plus frustrante qu’elle était vaine. Le monde du travail n’était pas toujours de tout repos, mais personne ne devait avoir à subir la méchanceté gratuite de personnes aussi viles que cette Sylvie Chaperon. Pour éviter d’exploser devant sa fille qui n’avait sûrement pas besoin de ça, Odile se leva pour aller se faire une boisson chaude. Dans la cuisine, elle respira un bon coup, essaya de se recomposer une mine plus sereine et revint s’installer près de sa fille avec deux tasses fumantes de thé à la menthe.
- Ma chérie, il y a certaines choses qu’on ne peut pas affronter tout seul. Je sais que tu comptes beaucoup pour Talia et que tu peux avoir confiance en elle. Mais je suis ta mère ; quand ça ne va pas, je veux être là pour toi ! Tu aurais dû m’appeler !
Sarah pensa alors à Fabrice ; elle cherchait ses mots pour expliquer à sa mère qu’elle n’avait, tout compte fait, pas manqué de soutien, quand elles entendirent Anthony insérer sa clé dans la serrure de l’entrée. La mine impassible, le jeune cuisinier fit la bise à Odile, et celle-ci ne put déterminer s’il était content ou au contraire chagriné de la voir. Toujours courtois, celui-ci fit remarquer que la mère de Sarah était arrivée bien tard dans la soirée. Et cela donna comme le signal pour aller se coucher. Rapidement, ils se préparèrent pour la nuit : Sarah alla déplier la banquette-lit dans la petite chambre qui leur servait de bureau et la couvrit de draps propres. Puis tout le monde se fit la bise et se retira dans sa chambre.
Lorsque Sarah se réveilla le lendemain, sa mère était déjà debout et préparait le petit déjeuner. Anthony qui s’était levé avant sa compagne prenait sa douche. Sarah se demanda si le jeune homme s’était senti vexé qu’Odile se charge du repas alors que les week-ends de break, cette activité lui revenait. Puis elle jugea qu’elle n’avait pas envie de se mettre martel en tête pour si peu : sa mère n’était là que pour quatre jours et Sarah avait besoin de redevenir pour quelques heures la petite fille de quelqu’un.
Odile souhaitait passer la journée dehors avec Sarah ; pendant que celle-ci était encore au lit, elle avait cherché un spa sur Paris et avait prévu qu’elles prendraient un repas en sortant de l’institut. Il leur fallait donc un petit-déjeuner copieux pour tenir jusqu’à cet après-midi. Elle prépara des œufs au plat, avec le jaune coulant, accompagnés de tomates et oignons revenus à la poêle, comme les repas du samedi qu’elles leur faisait, quand Sarah vivait encore à la maison. En sortant du spa, il faudrait qu’elles passent par une supérette pour acheter des pommes pour le lendemain : depuis que sa fille avait quitté le nid, Odile ne se faisait guère plus de pommes au four le dimanche matin. Les toasts grillés n’étaient pas aussi savoureux que la brioche d’Anthony, mais Sarah se régala de ce repas qui la replongeait dans le souvenir de moments d’insouciance. La mère et la fille prirent leur repas presque en silence, perdues toutes les deux dans leurs souvenirs. De temps en temps, elles se regardaient et se souriaient, ravies de partager ce moment paisible. Le bruit des informations qu’Anthony écoutait dans le séjour, ne semblait pas les atteindre. Une fois leur repas avalé, elles se levèrent pour nettoyer la vaisselle tout en sirotant leur boisson, café pour Odile et chocolat chaud pour Sarah, et ce fut comme le coup d’envoi pour de joyeuses jacasseries. Puis Sarah alla rapidement prendre sa douche et se préparer. Lorsque les deux femmes lui souhaitèrent une bonne journée, Anthony, qui écoutait pour la troisième fois les nouvelles de BFM TV, se leva pour les saluer en retour.
Anthony attendit que les deux femmes aient quitté la maison pour éteindre la télévision et s’activer. Il attrapa l’assiette qu’il avait emmenée avec lui dans le séjour, afin de laisser Sarah et sa mère seules, et se dirigea vers la cuisine. Il était un peu contrarié qu’Odile ait choisi ce week-end particulier où il était de pause pour rendre visite à sa fille. Il aurait aimé prouver à sa belle-mère qu’il pouvait à lui seul remonter le moral de sa compagne et l’aider à aller mieux. Mais pour ça, il fallait juste qu’elle lui laisse la place pour agir. Il savait ce qui était bon pour Sarah, et il n’avait besoin ni d’Odile, ni de Talia pour s’occuper de sa copine. La chouchouter, la dorloter n’allait en aucun cas lui faire surmonter son apathie, non… il fallait qu’elle se secoue et qu’elle remonte en selle aussitôt. La laisser s’appesantir sur son sort était une très mauvaise solution selon lui. Quel besoin avait-on de ressasser ses tourments et les raconter à la terre entière ? Non, ce qu’il lui fallait, c’était de faire profil bas, accepter qu’on ne pouvait pas toujours trouver du plaisir dans ce qu’on entreprenait, mais que la vie ne s’arrêtait pas pour autant. Les autres se trompaient en étant trop compatissants : ce qu’il fallait à Sarah, c’est qu’elle arrête de larmoyer et accepte sa condition. Et lui Anthony pouvait l’aider à se reprendre en main. Et dans un mouvement d’humeur, il lâcha un peu brutalement son assiette dans l’évier, cassant un des mugs qui s’y trouvait.
***
- Et comment ça va avec Anthony ? Tu es heureuse avec lui ?
Sarah garda le silence. Elle ne voulait pas que sa mère ait des griefs contre son compagnon. Elle ne pouvait pas lui dire qu’Anthony n’était pas le compagnon idéal quand il s’agissait d’apporter du réconfort en situation de crise. Mais Odile continua :
- Ma chérie, es-tu sûre que ce soit le bon ? Est-ce que vous vous aimez toujours ?
Bien sûr qu’elle aimait son conjoint, assura Sarah en essayant de persuader sa mère ainsi qu’elle-même. Mais elle tut le fait que dans son cœur demeurait comme une insatisfaction, un vide, que la vie avec le jeune homme ne réussissait pas à combler. Elle se sentait même davantage en désarroi que lorsqu’elle vivait seule, effrayée par le monde extérieur. Sarah n’osait pas se l’avouer, mais elle n’était pas heureuse avec Anthony. C’était dur à admettre, mais le nier ne changeait rien aux faits : elle demeurait attachée à Anthony par fidélité à cet engagement qu’un jour elle avait pris en devenant sa compagne. Et bien qu’ils n’aient pas encore été mariés, imaginer partir pour vivre une histoire plus exaltante sonnait pour Sarah comme une faute, un péché. Petite, elle avait rêvé comme toutes les jeunes filles, d’une histoire d’amour romantique ; elle avait espéré que son prince charmant viendrait la chercher, et qu’ils vivraient heureux dans une belle et grande maison. Et elle avait essayé de se garder chaste pour celui qui – pensait-elle naïvement - lui était destiné. Longtemps, elle n’avait encouragé uniquement que les relations platoniques ; mais elle s’était heurtée à de l’incompréhension, parfois même de l’agressivité ; l’adversité allant jusqu’à lui reprocher de priver la gente masculine des plaisirs que ses jolies courbes laissaient imaginer. Elle avait vécu son passage à l’âge adulte comme un combat dans lequel elle avait perdu son innocence. Et parce qu’elle se savait trop faible pour se défendre, elle avait choisi un protecteur. Sarah réalisa que sa conversation quelques jours plus tôt avec Ophélie lui avait fait admettre que désigner Anthony comme compagnon avait été la conséquence de ce fort sentiment de vulnérabilité face aux harcèlements auxquels étaient soumises les jeunes étudiantes de son entourage.
Odile regardait sa fille ; elle vit se succéder dans son regard, toutes ses insatisfactions, ses inquiétudes, mais plus préoccupant, toute sa résignation. Et elle comprit qu’elle-même était en partie responsable du mal-être de Sarah. Quel exemple lui avait-elle donc donné, si ce n’est celui d’une vie de renoncement ? Elle lui avait appris à toujours obéir aux règles, quoiqu’il en coûte, à toujours faire passer l’autre avant soi. Et à cet instant, elle s’en voulut énormément d’être un si piètre modèle. Car n’avait-elle pas elle-même, depuis déjà sept ans, une relation amoureuse plus que compliquée ? Avec un homme immature qui n’arrivait pas s’engager ? Et n’était-ce pas uniquement la peur de vieillir seule qui lui faisait retourner inlassablement, après quelques mois de désespoir, dans les bras de celui qu’elle avait – une énième fois - quitté, parce que lasse d’attendre qu’il adopte ce qu’elle estimait être une vie honorable ?
- Tu sais ma chérie, tu es jeune. Tu n’es pas obligée de rester en couple si tu n’y trouves pas ton compte. Quand tu t’es installée avec Anthony, j’ai pensé que c’était trop tôt ; mais tu semblais si heureuse. Et aujourd’hui, …
Odile se tut, alors que les larmes lui venaient.
- Oh, ma chérie, je t’ai laissé partir trop tôt. J’aurais dû être là pour toi encore quelques années. Mais, ça va aller, je vais trouver un moyen d’être plus présente. S’il le faut, je déménagerais.
- Mais maman, tu ne peux pas faire ça. Je suis une adulte maintenant.
- Oui ma chérie, je sais. Mais tu restes mon bébé… Mon seul bébé.
Odile prit la main de sa fille et du pouce lui caressa la paume ; ce geste tout simple, tout en la réconfortant, amena des larmes à Sarah. En ce moment, elle était à fleur de peau ; la sollicitude des personnes qui l’aimaient lui donnait envie de se laisser aller.
- Oh maman, par moment je me sens tellement seule. souffla-t-elle.
- Tu rencontreras un homme qui te chérira, vous fonderez une famille…
- Je n’aurais probablement jamais d’enfants !, chuchota Sarah.
- Qu’est-ce que tu racontes ? J’ai envie d’être grand-mère. Deux filles et un garçon, ajouta-t-elle en souriant.
Après un silence, Sarah s’expliqua :
- Ce n’est pas que je ne veuille pas, mais mon gynéco m’a annoncé que j’étais sans doute stérile.
En parler lui fit verser les larmes qu’elle retenait : même si à vingt-six ans, elle n'avait pas encore de projet précis dans ce domaine, se voir ainsi interdire la maternité lui donnait le sentiment qu’elle ne pourrait vivre sa vie d’adulte qu’à moitié ; que sa contribution au monde serait nulle. Odile la regardait avec l’air de ne pas comprendre.
- Comment ça ?, fut tout ce qu’elle réussit à demander. Elle comprenait à présent l’importance des tourments par lesquels sa fille devait passer depuis quelques temps. Son cœur de maman se serra en imaginant la souffrance qu’elle essayait sans doute de surmonter vaillamment mais seule, prétendant que ce n’était qu’un mauvais moment à passer.
- Qu’est-ce qu’Anthony a dit ?
- Je n’ai pas réussi à lui en parler ; je n’ai pas trouvé le bon moment.
Sans un mot, Odile prit sa fille dans ses bras et la serra fort contre son cœur. Ce fut comme la permission pour celle-ci de se laisser aller et de s’autoriser à pleurer. Elle s’accrocha à sa mère et sanglota un long moment, balayant le peu d’apaisement que la matinée au spa leur avait apporté.