Je vais mourir.
Cette phrase passe en boucle dans ma tête, comme un refrain dont on n'arrive pas à se détacher. Oui. Je vais mourir ce soir. Ce n'est qu'une question de minutes. Je pousse une dernière fois sur mes pieds qui commencent à s'engourdir. Cela me permet de remplir mes poumons d'air pur. L'espace entre l'eau et le plafond se réduit rapidement. Je n'aurai alors qu'à me laisser submerger, fermer les yeux et attendre. Je vais mourir ce soir. Et de la pire des manières. Enfin, si c'est possible de classer les morts.
Je pensais bien que cela arriverait... mais pas de cette manière, pas ici et surtout pas maintenant. L'eau monte insidieusement, je la sens qui recouvre ma bouche. Mes narines se contractent et se décontractent en une accélération à peine visible. Mon cœur s'emballe, je le sens presque transpercer ma cage thoracique.
Comment j'en suis arrivée là? Je me concentre pour retrouver la mémoire, mais rien ne me vient. Aucune image ne défile dans ma tête pour me rappeler à quel point ma vie fut merveilleuse.
J'ai déjà avalé plusieurs gorgées d'eau, j'ai les yeux lourds comme quand j'essaye au fond de mon lit de lutter contre le sommeil . Je ne sens plus mes jambes, ni mes bras. Je ne saurais dire si j'ai froid ou non. Doucement ma tête s'immerge dans l'eau. Je ne maîtrise désormais plus mon corps qui dans un ultime soubresaut se relâche soudain complètement . Tel un poids je m'enfonce vers le fond. Je regarde au ralenti les deux dernières bulles sortant de ma bouche remonter à la surface. Je n'ai plus conscience de ce qui se passe autour de moi. Je cesse de lutter. Trou noir. Il me reste exactement trois minutes avant que mon cœur ne cède à son tour. Je m'appelle Liv, et ce soir je suis morte.
Cinq minutes plus tôt
Mes yeux quittent la route quelques secondes, juste le temps d'appuyer sur le bouton du haut parleur. Désormais les Cramberries hurlent a pleins poumons: " zombie, zombie...". C'est vraiment ce qu'il me fallait en cette fin d'après midi.
J'ai les mains moites et froides, pourtant une vague de chaleur m'envahit soudain. Je n'arrive pas à démêler les fils, à comprendre comment j'ai pu en arriver là. Je suis pleine de rage, mêlée à un immense et profond sentiment de tristesse. Je me sens fatiguée, lasse, je voudrais avancer le temps pour que cette journée s'achève enfin. Mais je ne suis pas magicienne. J'expire un profond soupir, ce qui me donne mal au cœur. J'émets un hoquet discret. Je pleure? Je ne m'en étais pas rendu compte. Je me frotte les yeux pour m'en assurer, m'enlevant les quelques larmes restantes avec le dos de la main. Je jette un coup d'œil furtif sur mon téléphone posé sur le siège d'à côté. Mais l'écran reste tristement noir. J'aurai voulu...je ne sais pas, un signe, un message. Il faut croire que les regrets ne sont faits que pour ceux qui les attendent.
Je serre le volant un peu plus fort. Je me sens dissipée, je suis consciente qu'à cet instant je ne suis plus tout à fait moi même. Je fixe mon regard loin devant. La route jusqu'ici en ligne droite se modifie légèrement dans deux kilomètres. Je vais devoir ralentir ma vitesse afin de respecter la signalisation que je viens juste de croiser. A l'horizon, j'aperçois déjà l'enchaînement de courbes, tantôt d'un côté, puis rebiffant dans l'autre sens. Je connais cette route par cœur, pour l'avoir parcourue maintes fois, parfois sous une tempête apocalyptique . Je ne croise aucune voiture venant à contre sens, cela est assez surprenant sur cette petite partie boisée d'ordinaire très prisée l'été. Au bout il y a la mer, c'est la seule voie pour y accéder. Mais aujourd'hui, personne ne semble vouloir faire le chemin pour se rafraîchir les mollets. J'ouvre la fenêtre afin que l'air chasse cette sensation de moiteur et de pesanteur dans l'habitacle. Une légère brise ramène jusqu'à moi cette agréable odeur de pins. Je hume ce parfum si envoûtant, mélange de sève et de résine. Cela me ramène des années en arrière, quand avec mon plus jeune frère nous allions nous cacher dans cette forêt de pinède. Nous rentrions le soir les cheveux imprégnés de sels et sentant l'iode marine. Ce souvenir me fait sourire. Dès que l'on franchit cette partie de l'estuaire, on se sent tout de suite en vacances, j'ai toujours trouvé que cela relevait presque de la magie.
Je ne suis pas revenue ici depuis mon mariage raté il y a un an et demi. Je n’étais pas faite pour ce gars là, pourtant je le méritais. Cela aurait pu marcher. Je le souhaitais tellement. Mais encore une fois j'avais tout gâché. Aujourd'hui, après un labyrinthe de procédures qui auraient pu avoir une quelconque atteinte à ma santé mentale, me voilà de nouveau libre. Libre et célibataire de surcroît. Je n'ai pas encore vraiment réfléchi à ce que j'allais faire de cette liberté si durement gagnée. Mais passer du temps avec ma famille au bord de l'eau en mode farniente me semble un bon début.
Je viens de tout plaquer: mon mec, mon appart, ma vie entière, il ne me reste plus grand chose.
Je vois d'ici la réaction de ma famille. Ma mère va soupirer, me soutenir un moment du regard comme pour me dire « je te l'avais dit ma fille ». Mon père restera silencieux, il ne s'intéresse jamais à ma vie et encore moins à mes relations amoureuses. Quant à Léon... ahhhh Léon. J'imagine déjà la scène. Il attendra le bon moment, celui où on se retrouvera que tous les deux dans une pièce. Sa chambre probablement ou la mienne. Et ce seront les plus longues minutes de ma vie. Il commencera par dire que je le mérite, puis viendra les phrases bateaux sur le mariage, le divorce. On finira par se disputer sur sa manie de toujours mettre son nez dans mes affaires. Léon aura les mots justes, et toujours le dernier mot... toujours. Dans ces moments là, je me sens comme une petite fille se faisant gronder pour une petite bêtise. Ensuite, la journée continuera de se dérouler normalement, comme si on avait jamais eu cette conversation. Léon est la petite voix de la raison dans ma tête.
Je jette un regard furtif sur le siège arrière pour m'assurer que ma petite valise rouge avec le logo 64 sur la face avant est toujours là. Quand je me concentre de nouveau, il est déjà trop tard pour revenir en arrière. En une fraction de seconde, je m'aperçois que mon pied droit appuie lourdement sur l'accélérateur, la voiture a dévié de sa trajectoire, frôlant dans une course folle les pins droits et solides. Je n'ai presque pas le temps de crier. Je tente de protéger ma tête avec mes avant-bras, j'ai pourtant conscience que cela n'arrêtera pas la chute. Dans un choc violent, je plonge impuissante dans le lac qui longe ce paysage si familier.
La lecture est fluide et on est directement plongé dans l'atmosphère du personnage. Comme l'histoire commence sur une mort imminente, on est en même temps curieux de voir comment elle en est arrivé là et ça se lit d'une traite.
Alors pour l’expression tu ne connais peut être pas le groupe cramberries qui a chanté zombie.( je trouvais rigolo qu’elle écoute ça alors qu’elle est sur le point de mourir). Mais si ce n’est pas clair je vais modifier :)