Elle était assise sur le banc, et elle arrachait les bourgeons du buissons juste à côté d’elle. Le ciel était chaud, le soleil doré. A peine un souffle de vent agréable, insuffisant pour agiter l’herbe verte qui poussait sagement dans les carrés verts du square, enfin verts et blancs puisqu’ils étaient recouverts des pâquerettes de mai.
« Léna ! Léna ! »
Le petit garçon arrivait en courant vers elle, et il tenait quelque chose dans son poing desserré, tendu vers elle comme en un geste d’appel à l’aide. Il était descendu en trombe par la barre de métal de la structure d’enfants.
« Regarde ! »
Léna sourit et se pencha vers l’enfant.
« Regarde. »
Il ouvrit la paume, et dedans il y avait une petite bestiole rouge à point noirs, une de celles qu’on préfère appeler des gendarmes plutôt que des punaises. Elle ne bougeait pas.
« Tu l’as trouvée où ? demanda Léna comme si c’était important.
— Il était par terre, et j’ai voulu le faire monter sur ma main mais je l’ai fait tomber, et maintenant il est malade. »
L’enfant répétait plusieurs fois chaque mot, mais je ne vais pas vous mettre ses lignes de dialogue exactes, pour vous éviter d’interminables : mais, mais, mais il est je l’ai fait, je l’ai fait tomber, et maintenant, et maintenant, et maintenant il est tout malaaade…
Léna marmonna un : ah, zut, mais elle ne savait pas trop quoi ajouter.
« Tu peux le guérir ? Il a soif, tu peux lui donner de l’eau ? » (tu, tu, tu peux, tu peux…)
Léna, pleine de bonne volonté, sortit la bouteille en plastique remplie au robinet qu’elle avait dans son sac, et entreprit d’en verser quelques gouttes sur le gendarme. Au point où il en était, autant l’achever par noyade.
La petite bête ne bougea pas plus, si ce n’est que ses pattes se rétractèrent encore un peu. Léna le saisit entre ses doigts : pas plus de réaction. Soit ce gendarme était mort, soit il manquait sacrément de réflexes.
« Il est mort, je crois, » constata la jeune fille. Elle regarda le petit garçon d’un air ennuyé. « Désolée, mon Pierrot. »
Ledit Pierrot fixa deux yeux ronds sur défunt ami. Puis il leva la tête d’une toute petite voix.
« C’est ma faute ?
— Oh non, mentit effrontément Léna, il devait être vieux pour une punaise.
— Un gendarme.
— C’est ça. »
Ça eut l’air de rassurer un peu le petit Pierre, qui fut pris d’une inspiration soudaine.
« Il faut lui faire un enterrement ! »
Allons bon, pensa Léna, qui répondit : « C’est une bonne idée. »
Ainsi fut fait. Pierre trouva un petit coin discret du square, sous les orties pour que personne n'ait l’idée de le déterrer. Le choix fut accepté mais c’est lui qui se chargea de gratter la terre pour y creuser un petit trou, c’est lui qui se chargea d’y planter un caillou tout droit pour en faire une stèle. « Il s’appelait Jésus II », dit gravement Pierre. Pourquoi, personne ne le saura jamais. Mais quoi qu’il en soit, Jésus deuxième du nom méritait bien qu’on se pique les mains dans les orties.
Une fois le cimetière en place, Pierre apporta à pas lent Jésus II reposant sur ses mains paumes ouvertes, et il le déposa dans le trou planté dans la terre. Léna le regarda faire, alors qu’il se redressait et commençait son discours.
« Jésus II, tu étais un très beau gendarme rouge à points noirs. Tu as eu une très belle vie d’au moins deux jours je pense. Malheureusement tu ne pourras plus faire la police des autres insectes. Tu vas nous manquer. »
(C’était en substance le discours.)
Puis le petit garçon s’agenouilla devant les orties pour recouvrir le trou de terre et enfonça un peu plus la stèle pour être sûr qu’elle tienne debout. Sur quoi, il fit dignement son signe de croix.
Ainsi fut inhumé Jésus dans un square de banlieue.
C'était très beau la première partie. Toutefois, je suis moins attirée par les longs formats poétiques (purement personnel), je suis plus à l'aise avec ce style-ci. ^^ C'est donc de lui que je vais parler.
J'aime beaucoup ! C'est aussi vrai que vrai ! ^^
C'est juste parfait les répétitions hachées de Pierrot (je ne suis pas une madame de petits, mais je les côtoie parfois en récré :p " Mais, mais, mais ! " x'D Et je trouve que tu as bien amené cela dans la construction des phrases. C'est léger, fluide et comique.
L'enterrement était parfait. ^^
Je suis intriguée et la lecture est agréable, je reviendrai lire la suite avec plaisir. :) (J'aimerais en savoir plus sur Léna.)
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Pourquoi, personne ne le saura jamais. -> ne le saurait ? Je ne suis pas sûre mais ça chante mieux ainsi à mes oreilles :[]
et elle arrachait les bourgeons du buissons juste à côté d’elle. --> buisson, non ?
C'est un joli chapitre, plein de douceur et d'innocence. J'apprécie la voix du narrateur qui se moque un peu de son monde et fait mine de nous épargner des expressions qu'il nous répète, pourtant. J'ai hâte de voir où tu nous emmènes avec ces deux-là et cette sépulture de gendarme qui s'appelle Jésus II :) Je file lire la suite.
A bientôt
je ne sais pas si ce texte est une pure invention ou un moment vécu, car il pourrait l'être. Je me dis que nos moment du quotidien méritent d'être racontés, si c'est bien fait.
c'était un bon petit moment de lecture.
merci.
Bruns
J'ai bien aimé ce chapitre, comme un tranche de vie qui peut parler à chacun (je crois, enfin moi aussi j'ai fait des tombeaux pour des insectes quelques fois dans mes jeunes années).
Il y a un côté innocent qui est beau, une incompréhension dans la mort qui est naïve, une adulte qui raisonne mais laisse l'imagination du jeune garçon se développer.
Très chouette, ce petit texte.
Sur la forme, je noterais une chose :
"mais je ne vais pas vous mettre ses lignes de dialogue exactes" -> je pense que ce passage pourrait être plus subtil, le phrasé m'a paru lourd, d'autant que tu reportes finalement ce dialogue ensuite.
Et je continue ma route !
Cette intro poétique était très jolie et ce premier chapitre assez drôle ^^
Le décalage entre ce que pense le personnage principal et son comportement vis à vis de Pierre, ça tombe super juste ! C'est vrai que bon, les gosses et leurs lubies, haha.
Le nom de Jésus II aussi, cela m'a bien fait rire ^^
Il y a la présence de ce "je" narrateur qui est très intrigante, car on se demande du coup qui raconte l'histoire, quelqu'un avec de l'humour en tout cas !
J'ai hâte d'en savoir plus et de pouvoir lire la suite : )