Maître de ce lieu si peu souvent exploré et père depuis à peine quelques jours, le rapace perpétuellement à l’affût de nourriture pour ses petits s’élança du nid en déployant majestueusement ses ailes. Comme toujours, un courant ascendant le propulsa haut dans les airs. Il aimait à sentir les courants sous ses plumes qui le rendaient maître des airs. Examinant de son œil perçant son domaine, il parcourait cette mer végétale qui cachait encore sa future proie. Il vira et se dirigea vers l’aube naissante jusqu’à atteindre ce serpent d’eau, lieu privilégié pour la chasse. Longer le reptile miroitant lui apportait toujours une opulence nourricière. Lorsque son attention se porta sur une chose inhabituelle sur une rive, au détour d’un lacet. Tournoyant à son aplomb, il surveillait la forme immobile bien trop grosse pour servir de repas. Le rapace trop royal pour jouer aux charognards ne surveillait l’intrusion dans son domaine que pour éviter tout danger. Poussant un cri d’alerte à l’attention de sa compagne non loin de lui, il poursuivait ses ronds dans le ciel observant la chose. Sans doute que la rivière serpentine avait encore une fois mis un terme à la vie d’un ennemi qui avait osé s’aventurer en son sein. Il n’avait donc pas d’inquiétudes à avoir. Il restait malgré tout à tournoyer autour de la forme jusqu’à ce qu’il vit le faible mouvement en contrebas de l’inconnu reprenant vie.
Bien des heures après que l’épuisement l’ait plongé dans une bienheureuse inconscience, un cri transperça les ténèbres, extirpant Eylin d’une nuit sans songes. Les yeux encore clos, la femme recouvrait peu à peu ses esprits et reprenait corps dans la réalité. Étendue sur le ventre, les bras écartés de chaque côté de sa tête tournée sur le côté, elle ne sentait que de petits graviers lui rentrer dans la joue. Eylin s’était s’échouée là, dans la nuit. Tout son corps se réveillait et petit à petit les douleurs de sa lutte nocturne avec lui. Elle aurait de la chance si elle ne s’était rien cassé. Levant une main vers son visage, elle sentit ses doigts se réchauffer par les rayons du soleil qui s’était un peu élevé depuis leur réveil à tous les deux. Prenant appui sur ses mains avec difficulté, la femme se redressa et réussit à s’asseoir péniblement. Un moment hésitant à s’affaler de nouveau, elle ouvrit ses yeux lesquels furent immédiatement agressés par la lumière qui s’étirait au-dessus de la canopée. Elle se frotta la joue avec une extrême lenteur afin de décoller les grains de sable encore collés. Récupérant quelques forces dans cette position, Eylin put enfin ouvrir pleinement les yeux accommodant sa vue encore trouble sur un rocher planté au milieu du torrent. Elle pouvait y voir des branches s’y fracasser contre. Mis à part les contusions, elle ne ressentait aucune douleur flagrante. Se pouvait-il qu’elle s’en soit sortie indemne contrairement à ce qu’elle voyait devant elle ? Détaillant les lieux où le hasard l’avait amené, elle se rendit compte que son allié dans sa fuite l’avait déposé sur une petite grève juste après un coude. Le soleil commençait d’ailleurs à la réchauffer. À part la rivière, ses abords et l’imposant mur d’Inikov devant elle, elle ne voyait que de très grands arbres alentour, ignorant complètement où elle pouvait se trouver et plus important encore, si elle avait pris suffisamment d’avance par rapport à ses poursuivants.
Sa chute dans la rivière avait été une aubaine car le flot ininterrompu de celle-ci l’avait éloignée, certes, mais soutenue aussi. Alors que tout s’était ligué contre elle depuis le début de la journée, un petit miracle s’était produit. Jamais elle n’aurait pu se maintenir à flot, épuisée comme elle l’était. Pourtant elle s’en était bien sortie sans de trop gros dommages mis à part ses contusions. Elle n’aurait pu à ce moment-là courir guère plus longtemps. Elle trébuchait alors de plus en plus lorsque que la dernière racine l’avait surprise. Elle avait roulé en avant et basculé sur une pente dont la végétation touffue lui avait cachée. Elle fut brutalement saisi de froid au contact de l’eau, conséquence des neiges éternelles du mur d’Inikov. Une chose étrange se produisit alors : une chaleur inexplicable avait irradié en elle jusque dans ses mains. Se remémorant son parcours, elle s’étonnait d’avoir pu éviter les nombreux rochers jetés de-ci de-là sur le qui accélérait le rythme de l’allié aquatique. Plus d’une fois, elle avait cru s’écraser sur l’un d’eux pourtant, à chaque fois, un rapide l’en avait éloigné au dernier instant. Était-ce possible que la rivière ait eu conscience de cela ? Elle n’avait jamais entendu une pareille histoire lorsqu’elle se cachait pour écouter les conteurs des autres mondes.
Sentant ses mains s’engourdir, elle ramena son attention sur elle-même et réalisa alors qu’elle était assise dans quelques pouces d’eau. Le froid glacial de cette rivière avait paralysé ses membres inférieurs expliquant son absence de sensation. Mais une chose la fit hoqueter de surprise à cet instant : de sombres arabesques bleu nuit striaient ses mains, habituellement d’une belle couleur bleutée. Plongeant les mains dans l’eau et les frottant énergiquement dans le gravier, s’écorchant par là même les paumes au point de faire naître de longues traînées de sang dans l’eau, elle ne put que constater le caractère indélébile des marques. Effrayée par cet état de fait, elle s’inspecta fébrilement le moindre carré de peau. Seul son visage avait échappé à cet examen minutieux. Remarquant son reflet dans l’élément liquide endormi, elle en profita pour compléter son inspection. Une larme coula de son œil bleu azur suivi d’une autre de son œil bleu gris. Seules ses mains semblaient porter ces étranges marques.
Argor, c’est Maître Argor qui m’a jeté un mauvais sort. Ne pouvant me tuer de ses mains, il a fait appel à la magie pour me punir.
Mais qu’ai-je donc fait ? Je suis une misérable.
Pourquoi Maître Ménaris m’a-t-il dit toutes ces choses ?
Mes parents ? Comment pouvait-il les connaitre ? Je ne serais pas née esclave semblait-il dire.
Une ead…, eadri …eadrienne ? Mais qu’est-ce ? Et à quoi cela pouvait-il bien m’avancer ?
Que suis-je ? Est-ce pour cette raison que Maitre Argor me détestait autant ?
Pourquoi me mettre en tête de telles inepties ? Maitre Ménaris avait dû perdre la tête et à cause de lui j’ai dû fuir. J’avais au moins un toit sous ma tête et à manger le soir. Je suis perdue au milieu de ses terres sauvages.
Après tout, peut-être que c’était ma place ? Etais-je un monstre, une bête ?
Les pensées de la femme se faisaient confuses, la bouleversant de plus en plus. Les larmes n’arrêtaient plus de couler maintenant. Se prenant la tête dans les mains, elle laissa ses émotions la submerger ressentant une nouvelle chaleur au bout de ses doigts.
Le rapace de son œil inquisiteur avait assisté à toute la scène, tournoyant toujours au-dessus de l’intruse. Il perçut des signes d’activité non loin de la chose. Scrutant plus attentivement cette nouvelle menace, il découvrit un de ces êtres qui peuplait la forêt. Jusqu’alors, aucun d’entre eux n’avait été un danger pour sa famille. Depuis toujours, ils vivaient en bon voisinage. Peut-être était-ce parce qu’ils semblaient être de lointains cousins à la vue des plumes qu’ils arboraient eux aussi. Celui qui s’approchait semblait se diriger vers l’intruse. Peut-être était-elle plus à son menu que le maître des cieux qu’il était.
Un début fort sympathique, qui éveille la curiosité, avec un bon ratio entre mystère et informations. Bref ça donne envie d'aller plus loin. Qui? Quoi? Pourquoi?
Bref, direct dans la pile à lire.
Ma petite pinaillerie cependant : mon cerveau a failli mourir asphyxié par la longueur des paragraphes. XD
Hâte de pouvoir lire la suite. :)
Je te remercie pour ce texte!
merci du commentaire.
Mon cerveau pinaille aussi. Je trouve mon texte un peu trop court . XD
La suite arrive. Elle est en cours de réécriture.