Grys dégustait une bière quand Arshard entra dans la salle de réunion. Le guerrier lui jeta un regard de reproche.
— Tiens mon mercenaire préféré.
Arshard ne répondit pas.
— Quelles sont les nouvelles?
— Aucune pour toi.
— Tu ne m'aimes pas des masses, n'est de pas?
— Cite moi une personne ici qui t'aprécie.
Grys s'esclaffa.
— En effet, je suis un paria ici.
— Je fais confiance à mon ami Sinfen mais regarde toi, à quoi tu sers?
— Tu es jaloux. C'est quand même moi qui ait eu l'idée de cette bataille épique qui changera la face du monde.
— Peut-être essaies tu de nous piéger. Après tout tu a été marié à cette folle.
— Elle n'a pas toujours été comme ça. Pour tout te dire, nous avons même été heureux mais Tyssy était obsédée par le pouvoir. Son début de vie a été chaotique et...
— Le mien aussi et je ne suis pas devenu un tyran.
— Il ne suffit pas d'avoir souffert dans son enfance pour devenir un conquérant. Il faut aussi en avoir les capacités intellectuelles. Si tu vois ce que je veux dire.
— Ce que je vois c'est que nous ne sommes que tous les deux dans cette pièce et personne ne pourra témoigner quand je t'aurais arraché le coeur.
Grys leva les bras en guise d'apaisement.
— Je m'excuse Arshard. Ma langue s'agite plus vite que ma raison et je deviens désagréable.
Arshard sourit.
— Ta Tyssy n'existe plus. Arrête de lui chercher des excuses.
— Je ne l'excuse pas tout comme je ne cherche pas à me déculpabiliser de ce que j'ai fait. J'essaie d'apporter une explication. Je vais être honnête avec toi parce que si tu ne n'aimes pas, moi je t'apprécie. Après ma chute, je ne me souviens pas de tout mais j'ai été captif. J'ai connu l'enfer et je n'ai pas envie d'y retourner. Il existe des êtres maléfiques dans cette putain de Forêt des Larmes.
Les yeux de Grys se troublèrent.
— C'est bien la première fois où je pense que tu me dis la vérité.
— Chaque jour, je revivais mes méfaits. Chaque jour. Alors si je n'ai pas perdu mon cynisme, j'ai perdu tout le reste. Imagine toi,Arshard, revivre toutes tes erreurs, que chacun des crimes que tu as commis revenait te hanter. Chaque jour je voyais le visage de la petite fille de Loup. Je ressentais son agonie. J'étouffais avec elle tous les jours pendant cinq longues années.
L'émotion de Grys était palpable. Arshard se sentit déstabilisé par les révélations de l'ancien mercenaire. Il paraissait sincère.
— Quelle était cette créature?
— Je ne sais pas. Je ne l'ai jamais vu. Je sentais sa présence. Et puis elle a disparu et je me suis enfui. J'ai lontemps vécu dans la forêt avant de regagner la civilisation.
— Pourquoi tu me racontes tout ça.
— Parce qu'il fallait que ça sorte.
— Ca ne change rien à ce que tu as été.
— Non tout comme toi mon ami. Le passé est immuable mais l'avenir est toujours à écrire.
— Grys la crapule qui se fait philosophe. Difficile à croire. Je t'aurais à l'oeil.
— Fais ce que tu dois faire.
Grys termina son verre en une gorgée. Il grimaça.
— Elle est vraiment dégueu cette bière!
— C'est la première fois et sûrement la dernière fois que je serai d'accord avec toi mais elle a le mérite d'exister.
— Pas faux!
***
Le voyage de retour de Loup et Iria parut interminable et ils étaient épuisés quand ils arrivèrent à Starnnarg.
Ils furent accueillis chaleureusement par Sinfen et Arcis qui enlaça son père et ignora Iria. Le mage attendit à peine qu'il pose leurs besaces pour les questionner.
— Alors?
Loup tempéra Sinfen.
— Doucement. Nous sommes épuisés. Laissez nous nous asseoir. Iria si tu veux aller te coucher vas y. Je vais tout raconter à l'impatient.
La jeune femme ne se le fit pas dire deux fois. Elle chercha le regard d'Arcis mais ce dernier la fuyait depuis la réunion où Grys avait révélé que c'était elle qui l'avait libéré. Iria se dit qu'elle réglerait ce problème une autre fois. Le sommeil l'emportait. Elle sortit.
Loup se servit une chope de bière et but une gorgée.
— Elle est vraiment infect.
— Et bien ne la buvez pas. Allez racontez, s'impatienta Sinfen.
— La reine Lylly est une femme exceptionnelle. Elle me fait penser à Dwenn.
Le regard malicieux du mage n'échappa pas à Loup.
— Non, oubliez ça. Ma femme est morte et personne ne la remplacera.
Sinfen se sentit gêné par le ton rude de son interlocuteur et changea de sujet.
— Et le dragon? S'enquit-il avec curiosité.
Loup souffla de dépit.
— Il va falloir faire sans. Il nous fait une déprime.
Arcis se prit la tête et frotta ses cheveux.
— C'est fichu sans le dragon.
— Non fils. Je refuse de croire que nous n'avons aucune chance. Il faut avancer. C'est l'heure de la confrontation avec Alzebal.
— Que veux tu dire?
— Je vais aller la voir.
La voix de Grys s'invita dans la discussion. L'ancien mercenaire venait d'entrer dans la salle de réunion.
— J'irais avec toi Loup.
Arcis se mordit la lèvre.
— Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée.
Sinfen se leva et son sourire ne laissa aucun doute à ce qu'il pensait.
— Au contraire, que les pires ennemis aillent défier Alzebal. Que j'aimerai voir ça.
Loup, sans regarder Grys, lui ordonna:
— Soit prêt à partir demain. Je vais dormir.
— Bonne nuit Papa.
— Merci fiston.
Avant de disparaître par la porte du fond, Loup murmura à son fils.
— Parle à Iria.
Grys se frotta les mains.
— Ce voyage promet d'être palpitant.