May’ké est étendu dans les débris.
Ses yeux hétérochromes fixent le ciel sans vraiment le voir.
Son corps est froid. Tout froid.
Mais bon, vous vous doutez bien qu’il est pas encore mort, vu qu’on est seulement au vingtième chapitre.
Il se relève.
Ouille ouille ouille.
Tous ses os sont disloqués, sa nuque a effectué une rotation d’au moins deux-cent degrés.
Et son corps pulse encore. Il a été trop longtemps en contact avec la magie d’Abeln.
Et aussi avec celle du dragon qui lui a lacéré les côtes.
Le Perce-Magie soulève ses cinq pulls. Ouf. Les dessins de son ventre et de son torse sont intacts.
La magie de l’Enfant au Bâton d’Encre fonctionne toujours.
Le petit homme attend que ses os se remettent en place. Il aimerait fermer les yeux et s’endormir pour plus avoir à endurer cette douleur. Mais ça fait longtemps que son sommeil existe plus. Il arrivera plus jamais à s’endormir.
Après dix minutes, il se lève. Il a détruit un toit. Horreur ! Il se le pardonnera jamais !
May’ké cherche des pièces en urgence et commence à réparer le toit de la petite boutique de l’apothicaire.
Et deux heures et trente-cinq minutes plus tard, lorsqu’il vient à peine de finir...
- May’ké !
Le Perce-Magie se retourne.
Abeln.
May’ké a peur. Qu’est-ce qu’il peut lui dire pour justifier le fait qu’il est toujours vivant ?
«Je suis tombé dans un gros panier à linge qui a amorti ma chute.»
«La brume était tellement dense qu’au final, je flottais dedans.»
«Je suis tellement léger et mon manteau est tellement trop grand pour moi, qu’en battant des bras, j’ai réussi à m’envoler.»
Mais May’ké a pas le temps de choisir la meilleure excuse qu’il se retrouve déjà dans les bras du jeune homme. Les yeux du Perce-Magie deviennent ronds comme des soucoupes. Et il est tout raide.
May’ké qui a peur d’un câlin. Trop drôle.
Il sent la poitrine chaude du jeune homme contre son front.
Il sent son cœur qui bat très très fort. Houlà. Abeln tient tant que ça à lui ? May’ké s’étonne un peu de pas l’avoir remarqué...
- J’ai cru que t’étais mort... Comment t’as pu survivre à ça !? demande Abeln, incrédule.
May’ké finit par lui rendre son étreinte.
Mais il répond pas.
Il lui répondra jamais.
Jamais, jamais, jamais.
Il peut pas lui avouer qu’il travaille avec deux gamins meurtriers.
L’Enfant au Bâton d’Encre tient à ses secrets.
Et il hésiterait pas à tuer un innocent, juste parce qu'il sait des choses.
- Abeln, je vais disparaître un moment, tu parles de moi à personne, d’accord ?
Une heure plus tard, May’ké monte dans un grenier. Dans le grenier qui était sa maison.
Ses plans sont toujours étalés aux quatre coins de la pièce, alors que ça fait longtemps qu’il travaille plus dessus.
Le Perce-Magie allume une petite lanterne et attend. Il attend ses complices qu’il déteste tant.
May’ké entend les clameurs qui viennent du stade.
Les Scribes sont arrivés.
Et Abeln est certainement allé les espionner.
La Fillette dans le Vent apparaît d’un coup, assise sur une table de travail -et sur une pile de feuilles qui s’affaisse même pas sous son poids, ce qui montre bien qu’elle existe pas. Ses cheveux virevoltent toujours autant, à croire qu’une tempête s’est installée dans la pièce.
L’Enfant au Bâton d’Encre, lui, il arrive par l’entrée principale. Il est toujours souriant ce qui est absolument déplacé, parce que May’ké a vraiment pas une tête à rire -c’est pas très drôle de se faire bouffer par un dragon-.
- Mon petit May’kinou, je suis très contente que tu aies survécu ! lance joyeusement la gamine.
- Ouais, j’imagine, répond le Perce-Magie tout grincheux, mais faut qu’on tire les choses au clair, là. Pourquoi y a les Scribes qui débarquent, maintenant ? Ça fait aussi partie de votre plan ?
- Evidemment que ça fait partie de notre plan. Tout fait partie de notre plan. Mais maintenant, c’est bon ! Tout le monde est arrivé !
- Mais pourquoi les Scribes ? Ils sont vraiment utiles ?
Les deux enfants se dévisagent en souriant et Eivind répond :
- C’est le prince Arkaël qui nous intéresse. Terels et Arkaël étaient destinés à se rencontrer. Ensemble, ils feront tomber la Tour.
- Oh super, alors maintenant, on a plus qu’à les regarder faire et ils seront que deux à mourir... rétorque le Perce-Magie ironique.
- Désolée, May’ké, mais il y a d’autres personnes qui apparaissent dans notre plan.
- Et c’est ?
- Toi.
- Je m’en doutais, merci... Mais encore ?
- La petite stratège du prince et Abeln Le Rebelle, explique Eivind.
- Abeln ? Il va faire quoi, Abeln ?
- Il va pas mourir, si c’est ce que tu veux savoir.
- J’ai demandé ce qu’il allait faire, pas ce qu’il allait pas faire.
- Tu le verras de tes propres yeux.
May’ké est pas vraiment satisfait de cette réponse. «Ne pas mourir», ça signifie pas «ne pas souffrir». Il le sait mieux que quiconque. Mais il voit que l’Enfant au Bâton d’Encre commence à avoir un regard insistant, signe qu’ils en diront pas plus.
- Et qu’est-ce que je dois faire, moi, avec tous ces gens ? reprend le Perce-Magie.
- Tout d’abord, tu vas immédiatement voir Terels et le prince et tu vas leur dire ça...
La gamine bondit du petit bureau et s’approche de May’ké. Elle pose sa main sur son épaule pour se stabiliser, mais May’ké ne la sent pas. Cette gamine fait juste semblant de devoir se tenir en équilibre. Elle lui murmure quelques mots dans l’oreille.
Le lendemain, May’ké descend dans la ruelle.
Des tentes sont apparues dans le quartier d’Arkeide.
Des tentes. Au milieu des bâtiments. N’importe quoi.
Mais bon, May’ké est content qu’ils touchent pas à son quartier si précieux.
Des petits enfants blonds le dévisagent pour ensuite aller se cacher. May’ké continue son chemin comme si de rien n’était, en rasant les murs. Il arrive à proximité du stade.
Terels et Dée sont là.
Avec deux inconnus. Un grand et un petit.
Ils ont de la magie, mais pas la même que les Anges.
May’ké attend même pas qu’ils aient fini, il se plante devant eux.
- Enchanté, je suis le prince Arkaël Sans-Mains du Royaume des Scribes. Cherchez-vous quelque chose ? demande la grande silhouette floue qui sait visiblement pas à qui elle s’adresse.
May’ké plisse les yeux au maximum et le dévisage à travers ses cheveux.
Houlà.
C’est un prince, ça !?
Même May’ké, il a plus l’air d’un prince que lui...
Il était une fois le grand et sage Terels qui essayait d’introduire le prince à la géographie des lieux et qui ne faisait que de se perdre dans les rues sombres.
Il était une fois le prince Arkaël qui restait tout sourire quoiqu’il se passe.
Il était une fois un total inconnu surgi de nulle part, aux habits dépareillés et aux longs cheveux blonds désordonnés.
Alyz ne comprenait pas qui était cet homme. Les Résistanges prétendaient leur avoir présenté tout le monde, alors pourquoi n’avait-elle jamais vu cet inconnu ? Le vieux magicien tenta de regagner l’attention du prince, mais avant qu’il ne prononce la moindre petite syllabe, l’inconnu s’était incliné en signe de salut royal. Il faillit tomber en le réalisant, mais il ne commit aucune erreur dans les gestes des mains. Comment cet homme pouvait-il connaître les coutumes des Scribes !? Le prince lui rendit son salut d’un geste gracieux et calculé.
- J’ai un message important, dit le petit homme blond.
- Mais faites, mais faites ! s’exclama le prince en le dévisageant de ses grands yeux brillants.
De toute évidence, cet inconnu l’intriguait. L'homme avait l’air triste. ses lèvres restaient closes dans une expression crispée, comme s’il se retenait d’insulter le monde entier. Il avait un œil noir et un œil bleu, de sorte qu’Alyz ne savait pas lequel regarder. Il ouvrit la bouche :
- L’Enfant au Bâton d’Encre danse avec les îles, il danse avec les îles et il a trouvé l’Omnisciente.
Le vieil Ange et le prince se figèrent de stupeur. Il était étonnant qu’avec des traits si différents, ils arrivassent à arborer la même expression apeurée. Alyz, elle, ne comprenait pas pourquoi ils réagissaient ainsi pour une phrase aussi absurde. Mais une chose était sûre, ils savaient des choses qu’elle ne savait pas. Après cinq secondes où rien ni personne ne bougeait, elle commença à s’inquiéter pour son prince, se demandant si elle devait chercher un guérisseur, mais, à son grand soulagement, celui-ci reprit des couleurs et s’exclama avec un grand sourire :
- Merci, sire, mais pourriez vous nous expliquer plus précisémment ce que vous venez de dire ?
- Non, répondit l’inconnu absolument inexpressif.
Et il s’en alla.
- Sire, qui était cet homme ? demanda le prince Arkaël au vieux magicien.
Terels hésita.
- Le Perce-Magie, finit-il par soupirer.
Il était une fois le Perce-Magie.
Je finis à l'instant de lire tes deux derniers chapitres... C'est dingue comme 2700 mots ça paraît peu d'un coup ! Hihi, enfin j'ai beaucoup aimé, voilààà...
AU FIL DE LA LECTURE :
CHAPITRE 19
“Leurs visages étaient si parfaits qu’ils semblaient être tous la même personne…”
→ J'aime bien l'idée soulevée ici que la perfection amène à l'identité... ça ouvre à beaucoup de questionnements^^
“Terels tourna son visage parfait en direction du prince. Et celui-ci lui offrit un sourire absolument magnifique.”
→ La scène des lacs est très jolie, et j’A-DO-RE Arkaël ! Je crois que c'est dans son attitude, dans le mystère qu'il maintient, dans ses sourires, et même dans les descriptions pleines de détails que tu en fait, mais vraiment c'est un personnage très intéressant !
“Les humains qui avaient osé se rebeller la première fois, comme le prince le lui avait raconté. D’eux, il n’y avait absolument aucune trace.”
→ Juste une petite remarque ; c’est un peu étrange de dire qu'il n'y a aucune trace d'eux alors que toutes leurs maisons sont encore là, avec leurs affaires, non ? Enfin je suppose qu'il s'agit des traces des personnes elles-même...
“La jeune fille était étonnée qu'il n'y ait que du bois, à Domélyl. Il était étonnant que l’on pût construire des bâtiments aussi grands.”
→ Petite répétition : étonnée/étonnant. Je ne sais pas si c'était volontaire...
“Il était une fois Abeln le Rebelle. Un jeune homme frimeur, immature et insupportable. Alyz le haïssait.”
→ J'aime toujours beaucoup comme tu utilises cette structure de phrase pour présenter les choses. Ce qui est intéressant aussi, c'est que tu en fais non seulement des ouvertures à tes chapitres, mais aussi des chutes très percutantes, ce qui est surprenant pour une formulation comme “il était une fois” qui a plutôt pour habitude de marquer le début de la narration ! C'est très bien trouvé :)
→ Ce que j'aime aussi dans cette formulation, c'est qu'elle se veut “indéterminée” par nature, mais qu'ici tu l'utilises surtout pour clarifier l'action, pour fluidifier, pour rappeler les éléments importants... Là aussi, c'est une façon très jolie de détourner l'outil pour en faire un usage nouveau !^^
“Il était une fois le Perce-Magie qui était introuvable.”
→ J’aime bien l’écho que l’on trouve à cette dernière phrase dans le titre du chapitre suivant ! (et dans la dernière phrase du chapitre suivant...)
CHAPITRE 20
“Mais bon, vous vous doutez bien qu’il est pas encore mort, vu qu’on est seulement au vingtième chapitre.”
→ Hihi, voilà qui me rassure… Même si le “pas ENCORE” n’est pas très encourageant…
“Il se relève.
Ouille ouille ouille.
Tous ses os sont disloqués, sa nuque a effectué une rotation d’au moins deux-cent degrés.”
→ J’adore cette façon dont le ton du récit avec le Perce-Magie se détache de celui des autres chapitres ! Ça apporte un aspect très particulier aux scènes de May’ké ; en fait ça me donne l’impression que le narrateur se fiche bien du sort de May’ké finalement, mais à cause de cela je m’inquiète d’autant plus pour lui^^’ Étrange…
“Le Perce-Magie soulève ses cinq pulls. Ouf. Les dessins de son ventre et de son torse sont intacts.
La magie de l’Enfant au Bâton d’Encre fonctionne toujours.
Le petit homme attend que ses os se remettent en place. Il aimerait fermer les yeux et s’endormir pour ne plus avoir à endurer cette douleur. Mais ça fait longtemps que son sommeil n’existe plus. Il n’arrivera plus jamais à s’endormir.”
→ Oooh mais que d’informations… Une magie régénératrice, donc, si je comprends bien ?
“Après dix minutes, il se lève. Il a détruit un toit. Horreur ! Il ne se le pardonnera jamais !”
→ Aah c’est trop chouuu^^ Pauvre petit May’kinou… Et encore une fois, le narrateur et son ton désinvolte rendent le tout comique malgré le désespoir du personnage hihi
“May’ké cherche des pièces en urgence et commence à réparer le toit de la petite boutique de l’apothicaire.
Et deux heures et trente-cinq minutes plus tard, lorsqu’il vient à peine de finir…”
→ Trop mignon^^ Mais c’est qu’il a un petit côté Thorn notre May’ké, non ? (petit, tout tout petit)
“May’ké a peur. Qu’est-ce qu’il peut lui dire pour justifier le fait qu’il est toujours vivant ?
«Je suis tombé dans un gros panier à linge qui a amorti ma chute.»
«La brume était tellement dense qu’au final, je flottais dedans.»
«Je suis tellement léger et mon manteau est tellement trop grand pour moi, qu’en battant des bras, j’ai réussi à m’envoler.»
Mais May’ké n’a pas le temps de choisir la meilleure excuse qu’il se retrouve déjà dans les bras du jeune homme. Les yeux du Perce-Magie deviennent ronds comme des soucoupes. Et il est tout raide.
May’ké qui a peur d’un câlin. Trop drôle.”
→ Aaah mais c’est trop chouuuu^^ Et tellement drôle, je rigole toute seule haha^^’ Mention spéciale pour les excuses de May’ké, je n’arrive pas à me retenir de les relire, et elles sont vraiment trop drôles haha (il ne doit pas avoir l’habitude de justifier ses actes…)
“Il sent la poitrine chaude du jeune homme contre son front.”
→ Ah mais oui, c’est vrai qu’il est tout tout p’tit le May’kinou hihi^^
“Il est toujours souriant ce qui est absolument déplacé, parce que May’ké a vraiment pas une tête à rire -c’est pas très drôle de se faire bouffer par un dragon.”
→ Hihi :)
“Mon petit May’kinou, je suis très contente que tu aies survécu ! lance joyeusement la gamine.”
→ On s’imagine très bien le ton de petite hypocrite là, mais on peut pas s’empêcher de s’attacher à cette gamine hein ?
“Des tentes. Au milieu des bâtiments. N’importe quoi.”
→ Hihi
“May’ké plisse les yeux au maximum et le dévisage à travers ses cheveux.
Houlà.
C’est un prince, ça !?
Même May’ké, il a plus l’air d’un prince que lui…”
→ Hihi^^
Aaaah mais ce chapitre est trop trop biennn ! Hihi, plus sérieusement ; le chapitre 19, je l'ai plutôt ressenti comme une transition entre deux étapes importantes du récit - disparition de May'ké VS installation des Scribes -, et cette évolution de la situation prend forme et consistance dans le chapitre 20. Et ce chapitre 20 est super ! Assez dense en informations, mais toujours dans un semblant de flou et d'incompréhension. Beaucoup de personnages interagissent, mais tu parviens à tous les intégrer à un moment donné dans le récit, c'est très bien pensé !
En tout cas, ce dernier chapitre m'a vraiment plu, et - une fois de plus - j'ADORE Arkaël ! (et aussi May'ké, mais cela va de soi hihi)
Vivement la suite !
À tout vite !^^
Oh merci, ton commentaire me touche énormément !^^
« Oooh mais que d’informations… Une magie régénératrice, donc, si je comprends bien ? » —> Oui, c’est le rôle de l’un des dessins, mais il y en a d’autres…😁
« Trop mignon^^ Mais c’est qu’il a un petit côté Thorn notre May’ké, non ? (petit, tout tout petit) » —> Sans doute un petit peu, hihihi, mais je dirais qu’à la différence de Thorn, May’ké a de la peine à trouver ses buts... Et il est tout petit, aussi…^^
Merci pour les corrections je vais m’y atteler… :)
A bientôt, j’espère que la suite te plaira !^^