4. Conjonction (3)

Notes de l’auteur : Oui, si long que je l'ai coupé en 3 ! Pas très satisfait de cet aspect

Kalan ouvrit de grands yeux ronds. Cette voix claire, ce ton taquin et gentil à la fois. C’était impossible, il ne pouvait y croire. Des larmes emplirent ses yeux avant qu’il se retourne et aperçoive un visage rayonnant qui le regardait du haut de la colline.

— Touma ! s’exclama-t-il en laissant couler ses larmes.

Il se précipita à sa rencontre tandis que celle-ci descendait les rejoindre. Il la serra dans ses bras et elle eut un petit cri de surprise en sentant la fougue de son étreinte. Kalan ne savait dire pourquoi, mais étreindre Touma était comme serrer une mère, inconditionnellement bonne et aimante. Elle lui avait tant appris sur ce monde et avait montré une telle bonté envers chaque personne rencontrée.

— Toi aussi tu m’as manqué Kalan, mais il faut que je puisse respirer et Soigner ton amie, dit-elle en riant.

— Oui, je comprends, bien sûr, répondit-il en se reculant.

Il la regarda en plissant les yeux, encore gêné par sa migraine qui ne supportait pas la lumière. Elle lui rendit un regard scrutateur.

— Mais c’est que tu as l’air en mauvais état toi aussi, laisse-moi voir, déclara-t-elle en posant une main sur son front. Purée ! Ce n’est pas un petit mal de crâne ça ! Nous n’avons malheureusement pas le temps de traiter le fond du problème, mais je vais diminuer la sensation de douleur.

Kalan eut l’impression que la Cornide enlevait l’étau qui enserrait sa tête d’un coup et que sa migraine fut aspirée comme par magie. Son estomac ne le menaça plus non plus de rendre son dernier repas. Il cligna des yeux, surpris.

— Merci infiniment. C’est… C’est trop bon en fait, tout simplement, tenta-t-il d’expliquer.

— Avec plaisir, bonhomme ! répondit-elle en lui ébouriffant les cheveux. Pour le reste, je sens que tout ton corps en a bavé, mais il lui faut du temps, je ne peux rien faire. Dis-moi, je ne vois pas Nessan. Il s’est passé quelque chose ? demanda-t-elle, inquiète.

Kalan s’assombrit et opina. Il l’emmena jusqu’à son frère roulé dans des couvertures. Alors qu’il était froid juste avant la bataille, il transpirait à présent en gigotant et marmonnant des paroles insensées. Kalan le libéra de ses couches. Popi en profita pour sortir et courir se terrer contre le flanc d’Ahia. Celle-ci lui lécha le dessus de la tête pour le réconforter. Touma posa sa main sur la joue de Nessan et soupira.

— Hélas, je ne peux rien faire pour lui, je ne soigne pas l’esprit. Que s’est-il passé ?

— Un Hypnotique d’Esli a fouillé dans son esprit alors qu’on était enfermé en prison. C’était atroce, il a brutalisé tout son mental. Nessan hurlait dans la cellule d’à côté et je ne pouvais rien faire. L’Hypnotique est revenu en m’hurlant dessus qu’il finirait par casser nos barrières, que c’était ce satané Wakami qui les avait faites et que bientôt ce serait mon tour. C’était horrible, j’étais sûr que j’allais mourir mais là… C’est… J’ai réussi à m’enfuir avec Nessan, mais depuis, il est dans cet état, expliqua Kalan à toute vitesse, oubliant de reprendre son souffle.

Il ne pouvait s’empêcher de pleurer en racontant cette histoire à Touma. Elle les avait guidés dans ce monde barbare et il espérait qu’elle pourrait à nouveau les épauler. Elle se tourna vers lui et lui caressa sa joue trempée de larmes.

— Il vous est arrivé des choses terribles, je suis navrée. Je n’aurais peut-être jamais dû vous laisser rejoindre la Capitale. Je vais aller voir ton amie Sombre, c’est bon pour toi ? Ensuite avec Nessan, je vous emmènerai dans un lieu sûr.

— Et que faisons-nous à propos de notre mission, Touma ? demanda une voix derrière eux. J’ai perdu le contact avec Holl en donnant l’assaut et à moins que lui ou Wakami ne me recontactent, je suis incapable de reformer un lien mental à cette distance. 

Kalan se retourna et découvrit une Hypnotique aux yeux bridés d’une vingtaine d’année avec de magnifique cheveux violets et une marque grenat. Elle adressa un sourire timide à Kalan.

— Nous ne pouvons pas abandonner ces garçons ! s’exclama Touma.

— Je vois… Désolée, je ne voulais pas insinuer que nous devions les laisser tomber. Ce sont tes amis et s’ils ont besoin de notre aide, nous les aiderons. Au fait, je m’appelle Orielle.

Kalan observa Orielle et Fylen. Quelque chose le chiffonnait. Il comprit tout à coup et s’exclama :

— Mais Touma, où sont Ligoth et Wakami ? Tu m’avais promis que je devrais me le farcir si j’avais la chance de te revoir. Ce sont tes compagnons, non ?

— C’est vrai, admit-elle. Malheureusement, nous avons eu nos propres mésaventures. Mais ils ne risquent rien, rassure-toi. Tu auras le luxe de devoir supporter Wakami dès que je vous aurai emmené en lieu sûr. Maintenant, je vais m’occuper de ton amie, dont j’ignore le nom.

— Je m’appelle Neko et je peux panser mes plaies, elles ne sont pas profondes, marmonna la concernée, presque vexée d’être aidée.

La Sombre du nom de Fylen la regarda en réprimant difficilement son sourire. Touma avança doucement vers elle, mais avec conviction.

— Tu seras plus utile en parfaite santé, ne fais pas l’enfant, la réprimanda-t-elle.

Neko râla mais accepta d’être soignée. Cela fut fait en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire. Les bords de la plaie semblèrent se rejoindre et se refermer d’eux-mêmes.

— Voilà, c’est terminé ! Tu ne sens rien ? Je n’ai pas perçu ta douleur…

— Non, c’était une petite entaille.

Touma n’eut pas l’air convaincue et fronça les sourcils. Cependant, elle n’insista pas et poursuivit :

— Nous avons assez trainer, filons pendant que les gardes sont encore évanouis. Orielle tu t’es occupée de leurs souvenirs ?

— Oui, je leur ai intimé l’ordre d’oublier la bataille. J’espère que ce sera une réussite, ce n’est pas mon domaine

— Il faudra faire avec. Allez chercher vos chevaux. Nous sommes venues à pied, pensant devoir être discrètes, mais nous emprunterons ceux que les gardes ont eu la gentillesse de nous laisser. Avant d’y aller, tu me présentes tes compagnons, Kalan ?

— Ah oui, bien sûr. Voici Epo, Neko, et mes chiens, Ahia et Popi. Les chevaux Tourmaline et Onyx sont plus loin, présenta-t-il en veillant à garder le diminutif d’Epoline.

En voyant Touma sourire, il se sentit un peu bête de lui présenter toute la ménagerie, mais le fait de voyager avec une Ahia louve, prétendument sa chienne, le forçait à percevoir sa troupe différemment.

— Attendez ! s’écria Epoline. Je vous remercie de votre aide. Orielle, ton assistance a fait toute la différence face aux deux Élues, tu as agi de manière tellement sûre et précise… Merci ! Je comprends que Kalan veuille vous suivre mais je… Disons que je sais où je veux me rendre et je n’ai aucune idée d’où vous voulez aller.

— Au vu de ton altercation avec la garde, je pense que nous nous rendons au meilleur endroit pour toi, petite, répondit Touma.

— Est-ce que…, hésita l’Hypnotique. Est-ce que vous vous rendez à Mérin ?

Touma la regarda avec des yeux ronds.

— C’est le cas en effet, comment peux-tu en connaitre l’existence ? J’espérais que ce village n’était pas connu du royaume.

— Il ne l’est pas, disons que j’ai fait mes propres recherches… Et je ne voyais pas d’où vous auriez pu venir alors que vous vous en prenez aux gardes du Roi sans hésiter. Dans ce cas je vous suis, déclara-t-elle en allant chercher les chevaux.

Touma était bouche bée. Orielle sourit et lui adressa un clin d’œil en déclarant :

— Elle est maline cette petite, j’aime mieux la savoir avec nous !

Kalan se désintéressa de la conversation et s’accroupit vers Nessan. Il lui passa de l’eau sur le front et sur les lèvres.

— Ça va aller ? demanda Ahia qui s’était approchée de lui.

— Oui, on peut faire confiance à Touma et même si elle n’y connait rien en mental, je suis rassuré qu’elle soit là pour veiller sur Ness.

— Cette Touma… Je crois bien que c’est elle que j’avais aperçu proche de la Ligne.

— Ça ferait sens, affirma Kalan. Et toi, tu vas mieux ?

— Bof. J’ai été assaillie par une foule d’émotions et elles ne sont pas toutes faciles à digérer. Mais je suis aussi contente d’avoir une Cornide parmi nous, surtout qu’elle vous porte une immense affection. 

Kalan fut touché de l’entendre. Il redressa Nessan et tenta de l’abreuver avant le départ. Il but une partie de l’eau et en crachota l’autre. Il le confia à Neko qui venait à sa rencontre, le temps qu’il monte sur Onyx ramené auprès d’eux par Epoline. Serrant Nessan dans ses bras, il laissa son cheval suivre Tourmaline vers le haut de la colline. Touma, Orielle et Fylen les attendaient sur leurs propres montures. Elles avaient pris soin de prendre avec elle les quatre chevaux restants des gardes.

— Il vaut mieux prendre leurs montures qu’un otage ! expliqua Touma. Ainsi nous les sèmerons rapidement, mais nos adversaires ne seront pas motivés à nous poursuivre.

— Tu es sûre que les gardes ne se mettront pas sur nos traces ? demanda Epo.

— Je ne suis sûre de rien, mais vu la belle raclée que vous leurs avez infligée, faire un rapport neuf et détaillé à leur commandant serait plus avisé.

Ahia baissa ses oreilles et lança en regard triste en bas de la colline. Kalan se douta qu’elle aurait volontiers pris le Cornide avec elle. Elle lui rappelait Lusa qui ne manquait jamais de ramasser les oisillons blessés pour en prendre soin. Ce souvenir le fit sourire, bien qu’il fût un peu triste de voir Ahia touchée à la perspective de laisser cet enfant en arrière. L’équipe se mit en route sans percevoir le trouble de la louve.

Kalan tenta de réaliser ce qu’il venait de se produire. Il avait assisté à un combat prodigieux contre l’élite du royaume. La Sombre qui l’accompagnait depuis Ruke était apparemment une guerrière à la puissance phénoménale et Epo avait un prénom à cacher. Mais surtout, il avait retrouvé Touma. Il n’aurait jamais cru cela possible. Elle était pour lui une lumière le guidant dans l’obscurité du royaume de Linone. Elle comprenait des choses dont il était totalement ignorant et il avait cessé d’espérer la revoir. Quand Nessan et lui avaient commencé l’aventure à ses côtés, les deux frères avaient appris énormément sur leur royaume et s’étaient sentis à leur place auprès d’elle. Que leur chemin se rejoignent, cette fois-ci en compagnie d’Ahia, aurait pu satisfaire à son bonheur, si son frère avait été en état de le partager.

— Quand tu reviendras à toi, Ness, tu ne vas pas y croire ! On a retrouvé Touma, tu te rends compte ? Nos étoiles s’alignent, tiens bon ! Quand tu seras tiré d’affaire, je me réjouis de voir la tête que tu tireras ! chuchota Kalan d’une voix encourageante, tant pour lui que pour son jumeau.

Juste devant lui, Touma qui avait parfaitement entendu ses paroles sourit pour elle-même. Un sourire tiraillé, à la fois attendri et empli d’inquiétudes.

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