Bâtard

Par Rachael
Notes de l’auteur : Arthen va-t-il enfin trouver des réponses... ou au moins le moyen d'en découvrir ?
Les marmottes sont à l'honneur dans ce chapitre ! (pour de VRAI !) 
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Au lieu de le décourager, cette découverte renforça la détermination d’Arthen. Il avait trouvé au moins un point commun entre le nazgar, les Spatiaux et son père : l’universalité du secret !

Après un peu d’hésitation, il décida une fois de plus de s’ouvrir de ses préoccupations à Djéfen. À quoi servent les amis, si on ne peut partager avec eux ses obsessions ? Percer le secret de sa filiation en était indubitablement devenu une depuis son arrivée ici.

Il trouva chez Djéfen un écho étonnant. Lui connaissait ses parents, mais il sembla comprendre le besoin d’Arthen, sa frustration, d’une façon qui le surprit presque. Pourtant, sur la question du nazgar, il se montra plus réservé qu’Arthen l’aurait espéré :

— Écoute, Arth ! Je veux bien t’aider à découvrir qui est ton père, mais la piste du nazgar est une mauvaise idée. Je t’aide si tu me promets d’abandonner cette voie. Je suis sûr qu’il existe d’autres moyens. Tu sais comme l’anonymat est important pour lui ! Tu vas voir, j’ai quelques idées sur la manière de procéder.

Les deux enfants s’étaient réfugiés sur les hauteurs de la ville, pour déjeuner, se chauffant au soleil de cette fin de printemps, dans un pré à l’herbe rase, parsemé d’une multitude de minuscules fleurs. Arthen détourna son regard errant sur les sommets lointains pour le poser sur son ami. Il attendit qu’il s’explique.

— En fait, je ne voulais rien te dire… reprit Djéfen, la voix hésitante, sur un ton embarrassé. J’ai été pris à partie hier, par la bande de Véon.

Il s’arrêta. Arthen voyait bien de qui il s’agissait : un garçon enveloppé, presque aussi large que haut, à peine plus vieux qu’eux, qui se figurait avoir la carrure d’un chef, et qui menait par le bout du nez quatre ou cinq morveux plus petit que lui. En cherchant des bêtises à faire !...

Il encouragea Djéfen à continuer, d’une mimique impatiente. Celui-ci fit une grimace et enchaîna :

— Cet idiot m’a lancé : « ton pote, c’est rien qu’un bâtard de Spatiaux. Ça ne m’étonnerait pas qu’ils l’aient laissé en cadeau à sa mère avant de partir. Ils sont bien partis il y a juste douze ans, non ? ». Il a ricané, à sa manière débile, et il a ajouté que c’était ce que ses parents avaient dit quand ils le croyaient couché. Je lui ai répondu d’aller vérifier si par hasard sa mère à lui ne l’avait pas eu avec un cochon…

Arthen rit à la réplique de son ami, mais l’insulte l’avait touché. Parce que c’était la question qu’il se posait sans arrêt. Peut-être les parents de Véon avaient-ils détecté une ressemblance, ou alors, comme tous les adultes ici, ils en savaient plus qu’ils ne le prétendaient…

— Il a dit autre chose ? questionna-t-il

— Mhm ! Ça va pas te plaire non plus… Il a parlé de ta mère.

Il imita la voix haut perchée de Véon, en caricaturant ses intonations méchantes :

— Et sa mère, il paraît que c’était pas la dernière pour se frotter contre les célibataires, à l’auberge. Mais après l’arrivée des Spatiaux, les hommes d’ici étaient plus assez bien pour elle… Ma mère, elle dit que c’est pas un hasard si elle a qu’un seul enfant, à plus de trente-cinq ans.

Djéfen sortit de son rôle, sentant probablement qu’à trop bien imiter Véon, il allait vexer son ami. Arthen, en face de lui, avait senti pendant sa tirade des larmes poindre à ses yeux et il avait serré les dents pour les refouler.

Ici en ville, mais aussi au village, les femmes avaient toutes trois, quatre ou même cinq enfants. Il avait conscience depuis longtemps d’être un peu l’exception, mais il n’avait jamais pensé que cela faisait de sa mère un cas blâmable. Il ne put cacher à son ami son air bouleversé.

— Eh, faut pas que ça te perturbe ! rétorqua celui-ci. Regarde la mère de Véon : elle ne ressemble à rien. On dirait une marmotte à son réveil après l’hiver. Moche, toute maigre, avec la peau qui plisse, et des habits trois fois trop larges pour elle... Pas étonnant qu’elle soit jalouse de ta mère !

Arthen sourit malgré lui, en visualisant la mère, le père et même le reste de la famille de Véon en marmottes. Véon et son père, eux, seraient plutôt des marmottes avant l’hiver, enveloppées de graisse. En les imaginant avec des vêtements, c’était encore plus drôle. Et ce n’était pas si loin de la réalité, après tout. Ils n’avaient aucune allure, ni Véon ni son père, qu’Arthen avait aperçu à l’auberge. Des clients braillards et malpolis, qui plus est ! Il n’avait jamais vu la mère ou les autres rejetons, mais le portrait de Djéfen ne lui donnait pas envie.

— C’est pas sympa pour les marmottes… fit-il avec une moue.

Il expliqua sa vision à Djéfen, qui se mit à pouffer, les yeux pétillants. Bientôt les deux enfants se tenaient les côtes, incapables de s’arrêter. Quand enfin ils retrouvèrent leur sérieux, Arthen se sentait capable de questionner Djéfen sans tremblement dans la voix :

— C’est pas normal, d’avoir qu’un seul enfant ?

— Disons que c’est pas courant, nuança Djéfen. On ne t’a jamais raconté cette histoire ? Celle qui prétend que quand les humains seront de nouveau assez nombreux, ils reprendront le contrôle de toute la terre, et ils pourront y vivre heureux ?

— Si, bien sûr, plein de fois, mais on m’a aussi dit que c’était une fable, un conte pour rassurer les enfants.

— Mmoui, c’est ce que mes parents disent aussi ; mais ma mère m’a raconté que quand elle était petite, tout le monde dans sa famille y croyait. Et donc, ils pensaient qu’il était capital d’avoir beaucoup d’enfants. Même sans savoir comment les nourrir, termina-t-il sur un ton railleur.

— Mais tes parents eux, ils ne croient pas à cette histoire ?

— Non, ils n’y croient pas… mais je suis quand même le plus jeune de quatre, lança-t-il d’un air désabusé, comme si les parents étaient les plus illogiques des créatures…

Cela ne fit pas rire Arthen, qui se sentait maintenant vraiment un cas désespéré.

— Écoute ! le consola Djéfen, on s’en fiche de ce que pensent des imbéciles comme Véon ou ses parents, mais c’est une piste, non ? Imaginons que ton père ait fait partie des Spatiaux…

— On est bien avancés, râla Arthen. Personne ne dit rien sur les Spatiaux. Ils restent tous muets comme des tombes.

— Mouais, les gens sont muets, mais moi, j’ai peut-être le moyen d’en apprendre plus. Tu dois me jurer le secret !

Djéfen, les fesses dans l’herbe, regardait Arthen d’un air grave. Celui-ci se demanda jusqu’où son ami avait pénétré les mystères de cette ville. Sûr, être le fils du chef de la sécurité devait aider ! Il ravala ses angoisses de fils unique pour se concentrer sur les promesses de révélations de Djéfen.

S’engageant à garder pour lui ce qui allait suivre, il attendit que Djéfen reprenne, sur un ton légèrement théâtral :

— Je connais un ordinateur qui a accès à toute l’information qu’ont laissée les Spatiaux.

Arthen le regarda, la bouche ouverte, ébahi :

— Je croyais qu’ils avaient tout remporté !?

— Ça aussi, c’est la version des adultes, mais en réalité, il est facile de voir que les ingénieurs utilisent la technologie apportée par les Spatiaux dans les usines d’Arcande. Et j’ai découvert qu’ils n’avaient pas laissé que ça. Il y a toute leur histoire, un sujet encore plus sensible. Il n’existe probablement qu’un seul endroit dans toute la ville d’où on y a accès.

— La villa ! s’exclama Arthen, sûr de lui soudain.

— Exactement ! La villa a tout en mémoire : tout sur les Spatiaux, et tout sur les nazgars… Et moi, je sais comment l’interroger.

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Olga la Banshee
Posté le 18/01/2018
Bon j'ai tout lu d'une traite sans chercher à commenter ! C'est bon signe ;)
 
(à la limite, j'espère juste qu'il y aura une justification sur le fait que Djefen en sache autant... Mais c'est histoire de dire un truc !) 
Rachael
Posté le 18/01/2018
Ah oui, justification il y aura, mais plus tard...
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