Carnet N°3 : Le Chemin de l'Amour

Notes de l’auteur : L’amour n’est pas une destination, c’est un voyage.

Depuis mon enfance, j’ai cru que l’amour était une force naturelle, indépendante de toute influence extérieure. Je croyais au coup de foudre qui surgit quand on ne s'y attend pas, car c'est ce que j'avais souvent entendu. Mais au fil de mes voyages et des rencontres, j’ai compris que l’amour, tout comme la langue que nous parlons ou la religion que nous pratiquons, est une construction façonnée par notre environnement.

J’ai aimé une femme autrefois. Elle s'appelait Nadia. Nous nous étions rencontrés dans un café. Elle riait d’une manière particulière, un rire spontané, léger, qui mettait son magnifique sourire en valeur. J’étais persuadé que c’était elle, que nous étions faits pour nous aimer. Pourtant, il m'arrivait de réfléchir à pourquoi elle et pas une autre ? Il m'était arrivé de désirer d'autres femmes, mais je ne pouvais pas la trahir, même si cela m'avait traversé plusieurs fois l'esprit. Et pour ne pas succomber à la tentation, je n'allais plus sur les réseaux sociaux, plus dans les cafés ou les bars. Et au boulot, je restais distant avec mes collègues féminines.

Je ne sais toujours pas aujourd'hui si ce que je faisais était par respect pour elle ou parce que l'infidélité, dans notre société, est très mal vue bien qu'elle soit omniprésente. Sûrement un peu des deux.

Nadia, elle, rêvait d'un amour passionnel et exclusif. J'étais son prince, comme elle disait, et elle pensait que notre amour durerait pour toujours, fidèles l'un à l'autre. Et pourtant, après huit années de vie commune, elle en avait décidé autrement, mettant fin à ce qu'elle avait toujours souhaité. Ce souhait était-il le fruit des contes de fées qu'elle affectionnait particulièrement dans sa jeunesse ? Cendrillon, Blanche-Neige, La Belle au bois dormant, pour ne citer qu'eux, biaisant sa vision de l'amour. Quoi qu'il en soit, tout était fini entre nous.

Je ne l'ai pas mal pris, au contraire, j'étais plutôt soulagé. Non pas parce que je ne l’aimais plus, mais parce que je me demandais depuis un moment comment continuer à avancer dans une direction où je me mettais des barrières. Il y avait un vide, bien sûr. Pas celui de la perte, mais celui d’une habitude qui s’éteint. Comme une musique qui s’arrête brusquement et dont l’écho persiste un instant avant de disparaître. Je me suis donc mis à méditer sur ce qu'est l'amour.

Qu'en pensent mes amis Yerenis ?

Pour eux, l’amour n’est ni un idéal romantique ni un aboutissement absolu, mais plutôt un élément fluide et pragmatique de la vie en communauté. Contrairement à la vision occidentale, qui voit souvent l’amour comme une relation exclusive et possessive, les Yerenis considèrent que rien ne nous appartient vraiment, pas même les personnes que l’on aime.

"L’amour n’est pas une chaîne, c’est un feu de camp. Il brille tant qu’il est entretenu, mais personne ne peut le posséder." Me dit subtilement Nayala.

L’amour ne signifie pas détenir quelqu’un, mais partager une partie de son chemin avec lui. Il est une force collective plus qu’un lien exclusif. Un amour sans propriété, sans serment éternel, mais avec une profonde sincérité.

Chez les Yerenis, le mariage n’est pas un idéal romantique, mais un partenariat de vie basé sur des valeurs essentielles : le respect mutuel, le soutien au sein du groupe et l’entraide face aux défis du désert et du nomadisme. Ce qui est frappant, c’est que le mariage n’est pas perçu comme une obligation éternelle. Si un couple ne fonctionne plus, il peut se séparer naturellement, sans scandale ni jugement. Les enfants sont élevés par l’ensemble du groupe, ce qui permet d’éviter les conflits familiaux en cas de séparation.

Nayala, avec toute sa sagesse, m'a dit : "L’amour est comme le vent. Tu peux en sentir la chaleur sur ta peau, mais si tu veux l’enfermer, il disparaît."

Dans leur culture, l’amour ne se déclare pas avec de grandes phrases ou des gestes extravagants, mais à travers des actes subtils et sincères. Les hommes et les femmes séduisent par leur générosité et leur capacité à prendre soin des autres. Les preuves d’amour sont plus dans les actions que dans les mots : partager de la nourriture, fabriquer un bijou artisanal ou raconter une histoire sous les étoiles. L’attraction ne repose pas uniquement sur l’apparence physique, mais aussi sur les compétences et la sagesse. Et c'est ce qui m'attirait chez Nayala.

Je lui ai demandé comment elle avait choisi son compagnon. Elle me répondit avec un sourire : "Je n’ai pas choisi. Nos chemins se sont croisés, et nous avons marché ensemble. Nous verrons combien de temps nos pas suivront la même direction."

Puis elle ajouta : "Nos chemins se croisent également, nous pouvons marcher ensemble".

Bien que j'étais gêné, vis à vis de son compagnon, de ne pas avoir résisté à ses charmes, ce qui me choqua le plus c'était qu'il ne m'en avait même pas tenu rigueur. J'ai donc marché avec Nayala, découvrant une autre forme d'amour. On ne s'imposait rien, on suivait un rythme, sans chercher à le contrôler, dansant sous une mélodie entraînante et éphémère. On s'est aimé, sans peur, sans jalousie et sans promesse. Alors qu'à l'époque où j'étais avec Nadia, il m'aurait été inconcevable de la voir dans les bras d'un autre.

Lorsque j'ai raconté mon histoire d'amour avec Nadia à Nayala, celle-ci sourit et me dit : "Tu étais fidèle, non pas parce que tu pensais que la fidélité était la seule forme d’amour possible, mais parce que c’était sa vision à elle. Tu avais choisi d’épouser ses attentes, non par contrainte, mais par curiosité. Tu voulais savoir ce que cela signifiait d’aimer à travers le prisme de l’exclusivité. Tu as respecté l’idée qu’elle se faisait de l’amour, comme tu respectes la mienne".

Ses paroles ont résonné avec mes interrogations sur l'environnement. Si l'amour est un miroir, alors j'avais inconsciemment accepté de refléter ce que ma partenaire attendait de moi.

Après Nayala, je voulais explorer plus loin cette idée de l’amour sans attachement. C’est ainsi que je me suis intéressé aux libertins, dont la philosophie allait encore plus loin dans cette logique de liberté affective.

Ils croyaient que l’amour n’était pas limité à une seule personne. Ils dissociaient l’attachement émotionnel et l’exclusivité sexuelle. Ils rejetaient la jalousie comme une construction sociale. Pour eux, l’amour était un état d’être, pas un contrat. 

Sandrine, une libertine que j'ai cotoyé m’a dit un jour : "Nous avons appris à croire que l’amour doit être unique et exclusif. Mais dans la nature, rien n’est figé. Pourquoi en serait-il autrement avec l’amour ?"

Son conjoint avait même souligné qu'il était normal d'apprécier plusieurs personnes pour différentes raisons. Alors pourquoi devrait-on avoir des désirs charnels seulement pour une ? Leurs questions, qui auraient laissé mon ancien moi sceptique, prenaient désormais tout leur sens à la lumière de ma nouvelle perception de l'amour, acquise avec les Yerenis et particulièrement Nayala.

Toujours en quête de réponses, j'ai continué à réfléchir sur d'autres aspects que pouvait incarner l'amour.

Dans la religion, on témoigne son amour à un être qui n'est pas fait de chair et de sang. On le voue à Dieu. Cet amour serait au-dessus de tout, au-dessus de celui que j'ai porté à Nadia et Nayala. Mais il est pourtant le fruit de l'environnement, car un enfant qui naît dans une famille d'athées ne pourra pas aimer Dieu, sauf s'il décide de s'adonner à la religion.

Je me suis aussi intéressé à ce qui peut être écrit dans les textes sacrés, notamment la phrase suivante : "Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés."

Un commandement qui semble si simple et pourtant si difficile à appliquer. Si aimer son prochain était naturel, aurait-il besoin d’être ordonné ? Peut-on vraiment obliger un être humain à aimer ?

L’amour universel, tel que prôné par Jésus, dépasse les frontières culturelles et religieuses. Il demande d’aimer même ses ennemis, d’aimer sans attendre en retour. Mais cela est-il réaliste ? Peut-on aimer sans condition alors que nous sommes tous influencés par notre environnement ?

On pourrait aussi se poser des questions sur l'amour que porte un parent à son enfant. Pour la plupart, celui-ci serait considéré comme le plus pur, mais que dire des parents qui violentent ou abandonnent leurs enfants ?

Qu'en est-il de l'amitié ? Bastien m'a dit un jour : "Pour aimer, il faut aimer la vie. C'est à la fois la chose la plus simple mais aussi la plus dure à faire. Mais plus on aime de choses, plus on s'attache aux autres, à travers ce qu'on aime. Comme moi, tu aimes te poser des questions existentielles, et tu aimes par conséquent en parler avec moi. Cet amour est un lien entre toi et moi."

L'amitié viendrait donc de l'amour d'une ou plusieurs passions communes ?

Peut-être que l’amour n’a pas de définition universelle. Peut-être qu’il est simplement ce que l’autre attend qu’il soit. Un miroir. Un écho. Un accord silencieux entre deux cœurs qui décident, pour un temps, de partager la même fréquence.

Après toutes ses réflexions, voici l'une des questions que je me pose : Faut-il aimer l'humanité pour être connecté à tous ?

Peut-être que la réponse importe moins que la question elle-même. Car c’est en cherchant à comprendre l’amour que l’on tisse, sans le savoir, des liens invisibles avec ceux qui se posent les mêmes questions.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
JFC
Posté le 22/02/2025
Hello,
Ce texte a été plus difficile à lire pour moi. J'ai toujours connu l'amour comme un don réciproque, avec ses limites souvent dictées par les attentes sociales. Cependant, ton écrit m'a poussé à envisager d'autres manières de concevoir les relations, bien que cela semble toujours nécessiter l'accord de l'autre.

En fin de compte, l'amour influence-t-il tous ceux qui acceptent d'y participer, comme s'ils entraient dans un jeu dont les règles ne sont pas toujours connues de tous ? Parfois, on ignore même ces règles, et cela se termine par des conflits.

Je continue à explorer cette voie, même si j'y manque d'expérience.
Nakama93
Posté le 25/02/2025
L'amour est un vaste sujet très compliqué, je n'ai pas non plus un me grande expérience dans ce domaine.
Mais je pense bien que l'environnement influence notre perception de l'amour comme dans les différentes expériences qu'a pu vivre le personnage d'Alder Phoenix.
La seule chose dont je suis sur, c'est qu'il est important de respecter la vision de l'amour de son ou sa partenaire.
Vous lisez